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Du pôle des révolutionnaires, des rythmes et des délais

  Nous voudrions revenir sur l’idée de la nécessité d’un regroupement des révolutionnaires. Il nous semble aujourd’hui nécessaire de rediscuter des perspectives que nous nous sommes fixées et dans lesquelles nous voulons insérer notre activité, parce que, croyons-nous, ces perspectives commencent à prendre un contenu concret. Les rencontres militantes, les différentes activités avec d’autres tendances, le congrès de la LCR, les politiques défendues par Lutte Ouvrière, la LCR ou nous-mêmes dans le cadre des élections régionales, nous permettent, et de vérifier nos raisonnements, et de mieux les faire comprendre. Il nous semble que ce qui pouvait passer pour des généralités, voire des vœux pieux il y a quelque temps, prend aujourd’hui un peu vie.

Paradoxalement, c’est à ce moment que certains nous disent que les délais sont plus longs que ce que nous semblions prévoir au lendemain de notre exclusion de Lutte Ouvrière, il y a presque un an, voire même que nous nous faisions des illusions sur l’impact que pourrait avoir notre exclusion, sur sa signification du point de vue de l’évolution de LO, ajoutant même parfois que nous serions condamnés, que nous le voulions ou non, à faire ce dont nous nous défendions, une nouvelle organisation, un groupuscule de plus…

Les délais nécessaires aux transformations des consciences ne dépendant pas de nous, ou du moins pas entièrement, pas plus que les rythmes auxquels se manifestent les problèmes résultant de l’évolution de la situation politique et sociale, de la crise qui se déroule au sein de toute l’extrême gauche, les choix des uns et des autres ne dépendent pas plus de nous, ou du moins pas uniquement.

Nous n’avons pas cherché à prédire ce qui devait inévitablement se passer, pas plus que les rythmes auxquels cela devait se passer. Nous avons formulé une politique en tirant les conclusions de notre exclusion de LO et de l’évolution de la situation politique et sociale depuis le début du tournant de 95. En fusionnant avec les camarades de la LST, nous avons commencé à nous poser concrètement, à notre petite échelle, les problèmes qu’impliquerait un regroupement plus large des forces des marxistes révolutionnaires, dans le même temps que nous nous le posons dans toute notre activité.

Les premiers résultats, comme les difficultés et obstacles que nous rencontrons, nous conduisent à reformuler notre politique, à la préciser pour essayer de lui donner un contenu plus concret et à en discuter publiquement dans notre journal. C’est une nécessité si nous ne voulons pas nous replier sur nous-mêmes en subissant la pression des organisations les plus importantes, la LCR et LO, qui seraient bien contentes de nous voir réduits à un groupuscule, voire des groupes locaux.

La politique visant à constituer un pôle des révolutionnaires n’est pas une politique pour notre seule tendance. Elle prendrait alors au mieux la forme de bonnes relations avec les autres, voire de calculs et de manœuvres visant à nous renforcer. C’est une politique pour toute l’extrême gauche dont nous devons débattre en permanence à la lumière des expériences des uns et des autres, des pas en avant faits, de l'éclairage projeté par la politique des partis de la gauche plurielle, par les luttes, ou l’attitude des autres tendances d’extrême gauche.

Cette discussion publique est indispensable, même si elle est longue à s’engager. Elle est indispensable parce qu’elle seule peut aider chacun à s’approprier les idées et les raisonnements, à les critiquer ou les préciser.

La nécessité de regrouper les forces des marxistes révolutionnaires résulte d’une évolution de la situation politique et sociale qui, en même temps qu’elle pose le problème, en fait apparaître les solutions. Ceci dit, cela ne se fera pas tout seul, bien au contraire. Un tel processus ne peut résulter que de la convergence des efforts des militants de toutes les tendances, confrontés aux nécessités et aux réalités de la lutte, cherchant des solutions, ce qui les conduira inévitablement à trouver des alliés, à agir dans le sens d’un regroupement. A quel rythme cela pourra se faire, quels délais seront nécessaires, il n’a jamais été dans notre propos de le prédire. Nous ne pratiquons pas ce genre d’exercice.

Nous avons simplement voulu en tracer la perspective en nous situant du point de vue des travailleurs et en toute indépendance des partis de la gauche “ plurielle ” et de sa mouvance. Et cela au moment où la Ligue Communiste Révolutionnaire, de son côté, fait tout pour orienter cette même perspective dans le sens de ces partis, et où Lutte Ouvrière fait semblant d’ignorer le problème.

Pour que chaque militant, chaque sympathisant, puisse être partie prenante de la discussion, puisse en devenir un acteur, avoir les moyens d’influer sur le cours des choses, il faut que s’instaure un débat permanent, une discussion où chacun puisse, à travers les expériences des uns et des autres, se faire son opinion, transformer son point de vue. Les consciences ne pourront évoluer qu’à travers un large débat.

Notre tendance ne postule pas à être celle autour de laquelle se construira le pôle des révolutionnaires, elle n’en a ni la force ni l’expérience nécessaire. Elle a pour simple ambition d’être un catalyseur, d’aider à la prise de conscience de chacun des problèmes qui se posent à toute l’extrême gauche, de formuler des éléments de réponses à partir de sa propre activité. C’est au fur et à mesure, à travers des rythmes et des délais que nous ignorons, que se constitueront les éléments de ce regroupement, que se sélectionneront ceux qui seront amenés à la lourde responsabilité d’en assumer la direction. Le processus est tout juste engagé, les acteurs commencent à en prendre conscience. Nous voudrions aider à accélérer cette prise de conscience.

CPAM de Rouen : pour les employés, la coupe est pleine

  Au service des prestations de la CPAM de Rouen, on n’arrête pas le progrès : la direction va mettre en place un système de saisie des feuilles de soin avec factures de pharmacie, par l’intermédiaire d’une douchette qui saisira directement les codes barres des vignettes. Vous savez, comme au supermarché ! A cette différence près qu’avec ce système, il faudrait l’équivalent d’un poste de travail supplémentaire à plein temps dans chaque centre de paiement pour saisir les feuilles en question. De plus, un système de tri et de circulation entre les services très compliqué a été mis au point. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parce qu’avec la lecture des codes barres, la Sécu espère surveiller de plus près la consommation des médicaments. Gageons que ce sera pour trouver de nouveaux prétextes pour faire des économies sur le dos des malades.

En attendant, nous devons effectuer ce travail supplémentaire avec les mêmes effectifs voire moins puisque des postes sont supprimés chaque année. Dans l’Eure, où le système est déjà en place, le personnel s’est mobilisé et a interpellé le conseil d’administration avec une pétition demandant entre autres plus de personnel. A Rouen, ce travail se rajoute à bien d’autres qu’on nous a imposés ces dernières années. Nous n’allons pas nous laisser faire.

55 ans pour tous

 A l’hôpital, l’âge du départ en retraite dépend d’une classification aberrante qui détermine si on fait partie de ceux qui partent à 55 ou à 60 ans.

Jusqu’à présent, les auxiliaires de puériculture partaient à 55 ans. Mais quand l’une d’entre nous, travaillant dans une des crèches de l’Hôpital-Sud à Pessac, s’est renseignée il y a deux mois pour son départ à la retraite, la direction lui a répondu que désormais nous ne pouvions partir qu’à 60 ans.

Nous avons décidé de nous réunir et de prendre contact avec les deux autres crèches du CHU pour demander des comptes. Pour nous il était hors de question de faire 5 ans de plus de travail alors que nous avons toutes des proches au chômage.

La direction nous a alors renvoyées vers la caisse de retraite des hospitaliers... qui, elle, nous renvoyait à la direction. Après plusieurs jours de démarches, nous avons fini par apprendre que le texte de loi définissant les âges de départ à la retraite datait de 1969... date à laquelle la fonction d’aide de puéricultrice n’existait pas. Ce texte doit être modifié par le Parlement cette année. Mais tant la direction que la caisse de retraite avaient anticipé et décidé de nous faire travailler 5 ans de plus.

Nous avons collectivement décidé de faire un tract pour dénoncer auprès de tout le personnel cette mesure arbitraire et nous avons demandé aux syndicats de s’y associer, ce qu’a fait la CGT. Dans le même temps nous adressions une demande d’explication au Conseil d’Administration et demandions une audience à la direction générale. Elle nous a finalement reçues, nous parlant de “ malentendu ”, un directeur qui “ nous comprenait... ” se disant “ désireux d’aplanir les choses au plus vite ”, parlant lui-même “ d’excès de zèle ”, un tout autre discours que celui tenu jusqu’ici. Finalement, la direction a provisoirement reculé, s’engageant à maintenir l’âge de notre retraite à 55 ans tant que le Parlement n’a pas statué.

Ce qui était évident pour nous toutes après ce recul, c’est que si nous n’avions pas réagi nous ferions déjà bel et bien 5 ans de plus. Mais nous avons également conscience qu’il ne s’agit probablement que d’un répit et qu’il nous faudra nous battre, et pas que sur les retraites.

Surtension au siège d'EGS au Havre (Électricité Gaz  Service : centre de distribution d'EDF GDF)

  Mercredi 25 février, des chômeurs, des salariés, des militants d’AC ! et le comité CGT des privés d'emploi d'Harfleur et de Gonfreville l'Orcher (deux villes de l'agglomération havraise), ont envahi le siège d'eGS où se tenait une réunion paritaire syndicats-direction.

Le directeur régional ne s'attendait pas à cela : les chômeurs lui ont crié leur colère de se voir couper l'électricité ou d'avoir des compteurs à clé : “ Avec 2300 F de revenu mensuel, je n'ai plus d'argent en fin de mois, je n'ai plus de quoi payer le chauffage, plus de nourriture chaude, plus d'eau chaude pour la famille ! ”

Puis le directeur a du répondre aux chômeurs qui revendiquent auprès d’EDF-GDF l’arrêt total des coupures, le maintien d'un service de 3 kW minimum à tous les foyers, l’abandon de la pose des compteurs à clé et une nouvelle politique de l'habitat visant à réduire les consommations tant dans le parc social que dans le parc locatif privé.

Le directeur a répondu “ non ” à tous les points. Il a ajouté qu'il n'était qu'un salarié comme un autre, qu'il n'avait pas le pouvoir de suspendre les coupures. Un militant lui a rappelé qu'il avait pourtant le pouvoir de supprimer des emplois : de 830 salariés à EGS en 1983, il n'en reste plus que 500 début 98.

Un militant CGT lui a rappelé les 3 milliards de francs de bénéfices d'EDF-EGF en 1997 et qu'il avait sanctionné un agent EGF qui avait refusé de faire une coupure chez un chômeur.

Après avoir gardé “ au chaud ” le directeur pendant 4 heures, les chômeurs ont levé le camp et, invités par la CGT, sont allés à une trentaine manger au restaurant de l'entreprise.

Extraits du bulletin “ front des travailleurs ” SNCF Rouen  ( rédigé par des militants de l’ART et de VdT)

Le sandwich est petit mais la galette est grosse

Depuis le 1er janvier, la compagnie des wagons-lits a obtenu le contrat juteux de la restauration ferroviaire. Le problème, c’est que celle-ci laisse le déficit créé par l’ancienne compagnie Servair à la SNCF, qui devra verser 300 millions de francs de subventions jusqu’en 2002. En plus, rien ne garantit qu’à cette date, le problème sera réglé. Quand il s’agit de récolter, c’est pour le privé. Mais quand il s’agit de payer, c’est pour le service public, véritable vache à lait des capitalistes.

  ... Et les patrons veulent ramasser les miettes

Mais depuis le 25 février, les camarades de la compagnie des wagons-lits sont en grève. En effet, ils se bagarrent pour maintenir leurs acquis. Actuellement, ils ont neuf repos par mois, leurs patrons voudraient les faire passer à six. La compagnie privée profite de la reprise de ce contrat pour “ dépoussiérer un certain nombre d’accords ”, comme elle dit. Pour ce sale coup, SNCF et compagnie privée s’entendent, ils veulent faire payer les travailleurs pour que les patrons des wagons-lits s’en mettent un peu plus dans les fouilles. Eh bien, ils sont tombés sur un os. Ces camarades ont bien raison de lutter pour sauvegarder leurs acquis...

Mode d’emploi “ jeunes ”

  Recruter quelques dizaines de milliers de jeunes dans un cadre des plus précaires et des plus rentables, c’est l’objectif de l’opération “ emploi-jeunes ” du gouvernement Jospin. Environ 50 000 jeunes de moins de 25 ans ont déjà été embauchés, essentiellement dans l’Education Nationale. Ce nombre devrait atteindre les 150 000 à la fin de l’année... Le plus difficile est toujours de trouver une appellation aux embauches afin qu’elles n’apparaissent pas comme se substituant à de vrais postes de services publics que l’Etat ne cesse de supprimer un peu partout. Dans le genre “ innovant ”, le conseil général de Haute-Garonne, fief électoral de Jospin, se distingue avec sa panoplie d’“ agents d’accueil et de médiation, de coordinateurs gérontologiques, de surveillants verts, d’agents de recensement des meublés touristiques, de chargés de recherche biologique, d’assistant de convivialité et de gestion locative ” ! Pour ces “ nouveaux services ”, le conseil général en question ne veut que des Bac+2... mais prévient quand même lors de l’entretien d’embauche que ces emplois seront rémunérés au SMIC et que la seule perspective “ d’évolution ” est de réussir les concours d’entrée dans la Fonction Publique !

Autre face de l’arnaque “ emploi-jeunes ” : la formation censée être dispensée aux embauchés... Visiblement, il n’y a pas urgence à débloquer des crédits pour former des jeunes dont l’usage est tellement provisoire. Réunis par le recteur de l’Académie de Rouen au mois de février, “ les contrats emplois-jeunes ” embauchés par l’Education Nationale ont eu le droit à une vraie leçon de choses politique. La formation ? “ Pas avant la rentrée 98 et si nous touchons alors les fonds nécessaires ”... d’ici là combien de contrats, renouvelables chaque année, ne seront pas reconduits ? Devant les questions, voire les protestations, alors engendrées, le recteur a été clair : “ vous avez eu de la chance d’être recrutés, deux sur trois ont été refusés... alors ne soyez pas plus exigeants... ”. Le SMIC pendant 5 ans si vous êtes sages, le SMIC pendant un an si vous ne plaisez pas... la précarité de toute façon, et en prime, la leçon. C’était du Jospin tout craché !

Les femmes, premières victimes de la crise

  Les statistiques sur le travail des femmes révèlent que les inégalités entre hommes et femmes s'accentuent et cette situation est directement liée à la dégradation de la situation économique et sociale dont les femmes sont les premières victimes.

Aujourd'hui, près de 80 % des femmes travaillent ou cherchent un emploi. Ce pourcentage est en augmentation depuis des années, la dégradation des conditions d'existence des salariés rendant souvent nécessaires deux salaires pour faire vivre une famille. L'activité professionnelle des mères de famille est en forte augmentation : avec deux enfants, près des trois quarts des femmes mariées sont actives, avec trois enfants ou plus, 41,7 %.

La progression du chômage et la précarité touchent plus durement les femmes qui sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à s'inscrire à l'ANPE. Elles représentent 51,1 % des chômeurs de longue durée et plus encore des chômeurs de très longue durée, de plus de deux ans d'ancienneté. Elle sont aussi les premières victimes du travail à temps partiel, la plupart du temps imposé, soit par les patrons, soit par la charge financière que représente la garde d'enfants : 30 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 5 % des salariés hommes. 

Les femmes occupent encore les emplois les moins qualifiés et les moins payés : 60 % des femmes sont ouvrières et employées, et l'écart des salaires entre les hommes et les femmes reste très élevé : 28 %.

En novembre 1997, parmi les personnes qui gagnaient moins de 3 650 F par mois, 80 % étaient des femmes ; et parmi celles qui gagnaient moins de 4 867 F par mois, 79 %.

Ces statistiques révèlent que depuis plusieurs années les inégalités s'aggravent entre les hommes et les femmes, ces dernières étant, avec les jeunes, les premières victimes de la politique du patronat.