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Autosatisfaction des gouvernements européens candidats à l’Euro, fiers de la convergence de leurs coups portés contre le monde du travail

La semaine dernière, les onze Etats européens candidats à l’euro ont publié un palmarès de leurs prévisions concernant les “ critères de convergence ” qu’ils doivent remplir pour permettre la mise en place de la monnaie européenne.

Après des années de tentatives infructueuses, les capitalistes des pays européens sont acculés par l’étroitesse de leur marché national et l’exacerbation de la concurrence américaine et japonaise, à la nécessité de créer cette monnaie unique, qui pourrait leur permettre de constituer plus facilement un marché européen, rendre plus sûres et moins coûteuses leurs transactions commerciales, concentrer leur capital et l’industrie à une échelle plus large. Il n’est pas encore sûr qu’elle puisse voir le jour, mais les Etats européens font tout comme, et ils ont établi un calendrier qui en fixe la naissance le 1er janvier 1999 et la mise en circulation, sous forme de billets et de pièces, le 1er janvier 2002.

Les critères de convergence établis par le traité de Maastricht sont destinés à assurer la solidité de cette monnaie. Entre autres, éviter que les disparités entre les différentes monnaies nationales ne soient trop importantes, afin de limiter la spéculation jouant sur les taux de change, et faire en sorte que les Etats soient de bons payeurs de leurs dettes, satisfaisant ainsi les exigences des marchés financiers.

A l’occasion de la publication de ce palmarès, les gouvernements ont fait étalage de leur autosatisfaction.

Mais le seul des 5 critères sur lequel il y a une véritable “ convergence ” entre les différents Etats européens, c’est celui des déficits publics qui ne doivent pas dépasser 3 % du PIB : c’est que tous les gouvernements ont manifesté le même zèle pour réduire les dépenses publiques. Et bien évidemment, comme il n’est pas question pour eux de réduire les cadeaux qu’ils font à leur patronat, c’est sur les budgets utiles à la population qu’ils font des économies, dans le même temps qu’ils augmentent les taxes et les impôts. Ainsi, c’est au nom du maintien de ces déficits publics en dessous de la barre des 3 % que le gouvernement refuse l’augmentation des minima sociaux, dans le même temps où il prévoit des dizaines de milliards pour payer aux patrons les primes liées à la loi sur les 35 heures. Et dans tous les pays d’Europe, c’est le même refrain qui est entonné par les gouvernements, celui que nous chante ici le ministre de l’économie Strauss-Kahn, d’une même voix que Chirac : pas question de “ relâcher l’effort ”.

Il y a bien une “ convergence ” des coups portés contre la classe ouvrière, par tous les gouvernements, dans l’intérêt de leurs capitalistes. Mais laisser croire que les travailleurs pourraient être protégés de cette offensive si les Etats organisaient un repli économique derrière leurs frontières nationales ou renonçaient à la monnaie européenne est une imbécillité réactionnaire : les travailleurs anglais subissent des coups plus durs de leur bourgeoisie quand bien même le gouvernement anglais n’est pas pour l’instant partie prenante de l’euro.

De la part des capitalistes il ne peut venir que des coups, quelle que soit leur politique circonstancielle. Puisqu’ils coordonnent à l’échelle de l’Europe leur offensive, le monde du travail, lui aussi, se trouve placé devant cette nécessité de faire converger ses luttes à l’échelle européenne.

La domination impérialiste ou la menace permanente de guerre

 L’accord proposé par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, venait à peine d’être signé par l’Irak, que les dirigeants américains et anglais multipliaient les menaces d’une nouvelle offensive contre l’Irak : poursuite du déploiement de soldats, maintien des troupes en état d’alerte, et tout dernièrement, annonce d’un programme de vaccination des soldats américains et anglais contre l’anthrax, un bacille de charbon, arme bactériologique dont disposerait l’Etat irakien. Lundi soir, le conseil de sécurité de l’ONU a voté une résolution qui, sous couvert d’entériner l’accord signé la semaine dernière, menace l’Irak des “ conséquences les plus graves ”, s’il ne le respectait pas à la lettre.

L’armada américaine et anglaise - 33 700 soldats, 20 navires, plus de 400 avions - reste en place dans le Golfe, et ce pour plusieurs mois. Le ballet diplomatique, soutenu par les Etats qui comme la France et la Russie, se disent opposés à une offensive militaire, ne fait qu’entretenir et couvrir cette menace de guerre que l’impérialisme, les Etats américains et anglais en tête, veut rendre permanente. Une menace dirigée officiellement contre l’Irak, en réalité contre tous les peuples des pays pauvres.

Les autorités militaires américaines en profitent pour réclamer une augmentation des budgets de l’armée et la modernisation de leurs engins de guerre afin de faire face, comme ils le disent, à leurs “ responsabilités ”. Car, parmi les scénarios élaborés par l’Etat-major américain et entérinés officiellement par le ministre de la Défense, l’an dernier, sous le nom de “ Plan Quadriennal de Défense ”, un des cas de figures imaginées est que l’armée américaine puisse affronter en même temps deux guerres, et l’exemple qu’ils ont choisi est significatif, puisqu’il s’agit du Golfe persique, et de la péninsule coréenne, autrement dit de l’Asie.

Il faut le savoir : les dirigeants de l’impérialisme le plus puissant, prévoyant les révoltes que fera éclater l’aggravation des souffrances qu’inflige aux peuples la crise de leur système, envisagent froidement de recourir contre eux à la guerre, et ils s’emploient dès aujourd’hui à la faire accepter par avance à leur population, à s’en donner les moyens tant politiques, techniques que budgétaires.

Allemagne : campagne électorale sur fond de crise

 Schröder a remporté largement dimanche dernier l’élection régionale-test en Basse-Saxe : c’est donc lui qui, à la tête du SPD (le parti socialiste), affrontera Helmut Kohl aux prochaines élections nationales. Schröeder a toutes ses chances. Opportuniste, ouvertement carriériste, il n’hésite pas à changer de programme au gré des sondages. Sachant rappeler son passé d’enfant pauvre, orphelin de père-mort-à-la-guerre, vantant la réussite individuelle (la sienne), il sème ses discours de démagogie raciste et sécuritaire, tandis que sur le plan économique, il se montre un défenseur zélé des intérêts patronaux. Les élections à venir conforteront un système bipartite semblable à celui des Etats-Unis, où rien ne distingue clairement les républicains des démocrates sinon un clientélisme concurrent. La différence entre Schröeder et Kohl, c’est que ce dernier est usé par quatre mandats successifs et seize ans de pouvoir ininterrompu.

Schröder, ce candidat “socialiste” qui s’est rendu à une soirée d’opéra à Vienne dans le jet privé de Volkswagen, prône clairement la baisse des salaires, la flexibilité et la déréglementation. Il déclare “ soutenir l’esprit d’entreprise et l’action des entrepreneurs en Allemagne ”, ce qu’il appelle “ réalisme ” et “ modernité ”. En face, Kohl martèle l’idée d’avoir un pays “ moins assisté ” et “ moins réglementé ”. Depuis deux ans, il multiplie les plans d’austérité contre les travailleurs.

Car le véritable enjeu est là. Les gouvernants et ceux qui aspirent à le devenir, se préparent à multiplier les attaques contre la classe ouvrière, suivant l’adage de Henkel, le dirigeant du CNPF allemand : “ plus de libertés, moins d’égalité ”.

Depuis les années 90, les grandes entreprises du pays licencient par charrettes entières : en sept ans, 3,4 millions d’emplois ont été supprimés dont 2,7 millions en ex-RDA. Un actif sur dix est sans travail à l’Ouest, un sur cinq à l’Est. Les “ jobs à 610 marks ” se multiplient (2050 francs), l’équivalent des CES, mais valables aussi dans le privé et dans l’industrie. Ces travailleurs n’ont alors ni assurance santé, ni assurance chômage, ni retraite. Ils sont maintenant 5,6 millions à en vivre. Dans les très grandes entreprises, les syndicats, en échange d’une chimérique “ garantie de l’emploi ”, acceptent une baisse de 5 ou 10 % des salaires, comme à Ford, Mercedes et dans la chimie. “ Nous entrons dans un autre siècle ” se félicitait alors H.Terbrack, le leader syndical de la chimie !

Les travailleurs ne partagent pas son enthousiasme. Lundi 2 mars, 62 000 employés des services publics se sont mis en grève, alors que ÖTV, le syndicat, s’attendait à mobiliser à peine 30 000 personnes. Mardi le mouvement se renforçait encore. En février, les chômeurs allemands sont descendus dans la rue, un mouvement qui a réuni 40 000 personnes dans toute l’Allemagne. Pour la première fois, ils surmontaient leur isolement et renouaient avec la lutte collective.

La situation de l’Allemagne n’est guère différente de celle des autres pays européens. Schröder a comme modèle Clinton, mais les journalistes le comparent plus modestement à Tony Blair : effectivement, la politique qu’il annonce ressemble fort aux potions amères des “ socialistes ” européens, Blair ou Jospin. Mais les travailleurs allemands eux aussi regardent vers l’Europe... et les luttes des pays voisins.

Les travailleurs algériens en lutte contre la dégradation de la situation sociale

 La dégradation de la situation sociale en Algérie a provoqué ces dernières semaines des mouvements de grèves auxquelles ont participé des milliers de travailleurs. Le gouvernement algérien procède depuis des mois au démantèlement de centaines d’entreprises publiques, en réponse aux injonctions du FMI et pour le plus grand profit de la bourgeoisie algérienne. Ainsi, 22 entreprises du Bâtiment ont été dissoutes, 25 l’avaient été en décembre. Ce sont plus de 200 000 travailleurs qui se trouvent ainsi au chômage dans tous les secteurs de la production et avec des retards de salaires qui peuvent atteindre plusieurs mois et dans certains cas plusieurs années.

Les travailleurs réagissent vivement à ces mesures. Des rassemblements de protestation ont eu lieu mais aussi des mouvements de grève. Les 12 000 employés des P et T de la région d’Alger se sont mis en grève jeudi dernier. Le tribunal d’Alger s’est empressé de déclarer illégale cette grève pourtant annoncée depuis un mois. Le mécontentement gagne aussi les travailleurs des industries métallurgiques et électroniques. A leur tour, lors d’un rassemblement d’une dizaine de milliers de manifestants, les travailleurs de l’agro-alimentaire ont décidé de se mettre en grève pour quatre jours. La grève commencée en début de semaine a été très largement suivie malgré les tentatives d’intimidation du gouvernement qui a fait interpeller des syndicalistes dans plusieurs villes.

Ce sont les fédérations de l’UGTA (Union générale des Travailleurs Algériens) qui ont lancé ces mots d’ordre, mais les dirigeants syndicaux n’ont aucune volonté de prendre la tête des luttes au risque d’un affrontement avec le gouvernement. La direction du syndicat est étroitement inféodée au pouvoir : plusieurs dirigeants ont été élus députés ou sénateurs sous l’étiquette du parti créé par Zéroual, le RND (Rassemblement National Démocratique). Si le secrétaire général de l’UGTA, Sidi Saïd, s’est résolu à adresser un ultimatum au gouvernement pour qu’il mette un frein à la politique de démantèlement des entreprises et qu’il rattrape les arriérés de salaires, ce n’est que sous la pression des travailleurs mécontents qui, à plusieurs reprises, ont occupé les locaux syndicaux. Mais tout en tenant un langage plus combatif à l’égard du pouvoir, les dirigeants de l’UGTA font tout pour freiner le mouvement, éviter qu’il ne se radicalise et ne s’élargisse.

Jusqu’à maintenant leurs manœuvres n’ont pas réussi à entamer la détermination des travailleurs malgré la guerre civile que les intégristes et l’Etat mènent contre eux.

La sécurité dans les maternités, c’est des crédits et de l’embauche

 Le gouvernement vient de confirmer son intention de fermer de nombreuses maternités dans tout le pays, la plupart publiques, celles faisant moins de 300 accouchements par an. La revue “ Sciences et Avenir ” en avait décompté 77 il y a six mois.

Kouchner le justifie en disant qu’il veut “ faire primer la sécurité sur la proximité ”. Ces maternités n’assureraient pas, selon lui, la sécurité nécessaire. Ce n’est qu’une hypocrisie pour justifier sa politique de fermeture de lits dans les hôpitaux et de suppression de postes. Car la sécurité est le dernier souci de Kouchner et du gouvernement Jospin dont toute la politique dans la santé entraîne des conditions de soins dégradées pour l’ensemble de la population.

La plupart des maternités sur la sellette se trouvent dans des hôpitaux de petites villes. Les supprimer obligerait les femmes enceintes à aller accoucher à plusieurs dizaines de kilomètres de leur domicile. Cette politique a déjà fait des morts : une femme a perdu son bébé lors de son transport de Pithiviers à la maternité d’Orléans, une autre de La Mûre à la maternité de Grenoble.

Les moyens existent pour permettre aux femmes d’accoucher à proximité de leur domicile en toute sécurité : cela veut dire l’embauche de personnel et de médecins dans tous les hôpitaux, l’inverse de la politique du gouvernement qui prend sur les budgets publics pour financer le privé.

La France est un des pays européens où la mortalité maternelle est la plus élevée. Les choix du gouvernement ne peuvent qu’aggraver cette situation.