éditorial


Chers amis et camarades lecteurs,

Voix des Travailleurs ne paraîtra pas pendant les deux premières semaines d'août. Bon courage pour ceux qui ne partent pas, bonnes vacances aux autres, et rendez-vous le jeudi 19 août pour le n°102.


Les dirigeants des Républiques de l’euro et du dollar encensent leur serviteur Hassan II, un petit roi dictateur, leur ami

La mort du roi Hassan II et ses obsèques ont fait la une des médias, qui nous ont inondés d’images et de commentaires, destinés à donner un tant soit peu de crédibilité à la " tristesse " de la population marocaine.

Aux manifestations officielles de deuil national organisées par le régime à grands renforts de mollahs, de militaires, et de policiers aussi nombreux en civil qu’en uniforme, se sont ajoutées les mines compassées de dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement, qui ont fait état de leur " tristesse ", de leur " peine ", voire de leur " vive douleur ", et adressé leurs " condoléances " au peuple marocain.

Clinton en personne avait fait le voyage, Chirac a écourté sa tournée chez ses amis dictateurs africains pour saluer cet " homme qui aimait notre pays et qui aimait les Français ". Jospin a vanté " un homme de culture et de dialogue " qui " a su faire le choix de la démocratie et du progrès ". Quelques mots hypocrites qui voudraient effacer des années de dictature.

Personne ne peut douter de l’amitié bien réelle de ces dirigeants des grandes puissances, en particulier de l’Etat français, à l’égard d’un homme qui a si bien servi, pendant 38 ans, les intérêts des trusts et des banques dont ils sont les fondés de pouvoir.

Ancienne colonie, le Maroc de Hassan II, dont l’Etat français avait réinstallé le père Mohamed V sur le trône au moment de l’indépendance, après l’avoir condamné à l’exil plusieurs années, est resté une annexe des sociétés capitalistes françaises. Plus de 500 y sont installées. Les Sanofi, Danone, Bouygues, Thomson, Bolloré et autres, y profitent d’un SMIC qui ne dépasse pas 4,50 F de l’heure. Les plus grandes banques marocaines sont contrôlées par le Crédit Lyonnais, la BNP et la Société Générale, 48 % de la dette publique sont entre les mains d’établissements français.

Aux décennies de pillage colonial, auquel a succédé celui d’une poignée de ces gros actionnaires occidentaux s’est ajouté le détournement colossal de richesses opéré par Hassan II, une des plus grosses fortunes du monde. Ses dizaines de palais mirifiques, ses comptes en banques à l’étranger, la gigantesque mosquée de Casablanca qu’il a fait construire par Bouygues en levant un impôt sur la population, le luxe ostentatoire de ce monarque moyenâgeux, sont la récompense de ses maîtres impérialistes à ses bons et loyaux services.

Conséquence directe de ce pillage, la misère et l’arriération du pays. Plus de la moitié de la population n’a même pas 300 F par mois pour vivre, est analphabète, et ses enfants sont dans leur grande majorité exploités dès leur plus jeune âge.

La servilité de Hassan II à l’égard de ses patrons impérialistes n’avait d’égal que sa férocité à l’égard de la population, soumise au terrorisme de sa dictature, derrière la vitrine démocratique que le régime venait de se donner en appelant au gouvernement certains de ses opposants, " socialistes ", qui se prêtent au jeu de l’ " alternance ".

La presse et la télévision ont évoqué l’assassinat de Ben Barka, le sort des enfants du général Oufkir et de centaines de prisonniers politiques détenus dans des conditions inhumaines, en même temps que l’alternance de répression et de marques de reconnaissance pratiquée par Hassan II pour se construire une opposition de sa majesté.

Les louanges des dirigeants des démocraties occidentales respiraient la flagornerie et la fascination devant ce mélange de force brutale, de flatteries, de ruses, qui composait le pouvoir absolu de Hassan II, admiratifs qu’ils sont de la longévité de ce dictateur à leurs yeux si habile. Un pouvoir discrétionnaire dont eux-mêmes rêvent en secret.

Mais ils n’ont pas oublié pour autant comment la population marocaine a osé affronter dans la rue les troupes de la dictature, au prix de milliers de morts, passés sous silence aujourd’hui, lors des émeutes de la faim en 1981, 84 et 90. Après avoir bénéficié un temps de l’image d’opposant au colonialisme que s’était donné son père, Hassan II n’a pu se maintenir au pouvoir que par la violence la plus brutale. Aussi tous craignent que la mort du dictateur laisse le champ libre à la révolte de la population, soulagés en constatant que la transition se passait " sereinement ".

Sans illusions cependant.

Les caméras de télévision n’ont pu que laisser percevoir, lors de ces funérailles, que la population contrainte de descendre dans la rue, avait transformé ces manifestations obligatoires en manifestations indisciplinées, voire irrespectueuses, malgré le quadrillage serré des forces armées, comme elles ont montré l’ironie des travailleurs interviewés, faisant comprendre la présence de mouchards dont on pouvait apercevoir le visage.

Oui, pour la grande masse de la population marocaine, la mort du tyran Hassan II est comme une délivrance, et le fait qu’elle réussisse ainsi à le faire percevoir, contre les puissances du monde entier et malgré l’énorme déploiement policier, est un sérieux gage pour son avenir et sa liberté.