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Augmentation du nombre d’emplois et baisse du chômage : le gouvernement se félicite de la croissance des profits et de la précarité

" Recul sans précédent du chômage ", " la croissance française de plus en plus créatrice d’emplois ", " une telle augmentation d’emplois en deux ans était inconnue depuis trente ans ", " la confiance des entreprises et des ménages à un niveau historique " : c’est avec de telles formules, souvent de la bouche de Strauss-Kahn ou d’Aubry, que la presse économique vante les récents chiffres de créations d’emplois et de baisse du chômage.

Qu’en est-il réellement ? Tout dépend du mode de calcul ! En effet, il y a 36 000 chômeurs en moins en juillet de cette année par rapport au mois précédent, mais pour le gouvernement il y en a 52 000 en moins, car il exclut des statistiques les chômeurs de longue durée " bénéfi-ciaires " depuis juin seulement de l’ACA (Allocation chômeur âgé). Pas étonnant alors que le chômage des chômeurs de longue durée (depuis plus d’un an de chômage) ait diminué de 1,4 % en un mois et de 8,5 % sur un an ! De même, il y a une baisse du chômage des moins de 25 ans de 1,9 % sur un mois et de 6,5 % sur un an, mais avec la création de 150 000 emplois-jeunes financés par l’Etat ! Il ne reste plus qu’à constater que ces chiffres dithyrambiques ne sont donnés que pour conforter la politique du gouvernement.

En ce qui concerne les créations d’emplois, d’avril à juin de cette année, 47 000 emplois ont été créés, ce qui fait 130 000 créations de postes dans les secteurs marchands non agricoles au cours du premier semestre, 260 000 emplois en un an et près de 560 000 en deux ans, selon l’Insee. Si l’on y ajoute les 150 000 emplois-jeunes, il y a eu plus de 700 000 emplois nouveaux depuis l’arrivée de Jospin au gouvernement. La droite est bien en mal de le critiquer en disant que tout cela n’est pas imputable à la politique de la gauche, mais au " retour de la croissance depuis la mi-97 ".

Le moteur de ce " cercle vertueux confiance-consommation-emplois-revenus ", selon l’expression autosatisfaite de Strauss-Kahn, est bien la croissance des profits visible dans toutes les mégafusions et les profits faramineux affichés par les grandes entreprises, croissance fondée sur une exploitation accrue du travail rendu de plus en plus précaire. La presse économique dit bien que la croissance n’est pas le seul moteur de la création d’emplois mais qu’il y a aussi la baisse du coût du travail peu qualifié commencée par le gouvernement Balladur et la réduction du temps de travail d’Aubry. Elle indique ainsi que, sur les 560 000 emplois créés sur deux ans, 420 000 seraient liés à la croissance, 80 000 aux allégements de charges sur les bas salaires, 40 000 à la réduction du temps de travail - pour le moment, beaucoup d’accords ayant été signés en juin - et 20 000 à " diverses mesures de moindre envergure " comme les contrats précaires du type contrat initiative emploi, apprentissage…

Elle ajoute que " la croissance française s’avère aujourd’hui beaucoup plus riche en emplois que par le passé ", c’est-à-dire qu’à croissance égale, elle crée davantage de postes. De récentes études de l’Unedic montrent qu’une croissance de 1,2 % seulement suffit maintenant pour créer des emplois contre 2,2 % dans les années 80 et 2,6 % dans les années 70. Et pour cause, c’est le résultat du ralentissement de la productivité du travail, c’est-à-dire de la multiplication d’emplois mal payés essentiellement dans des secteurs du tertiaire, basés sur l’exploitation de la main d’œuvre et non sur la création de richesses. Les emplois créés sont pour la plupart des emplois en CDD ou en intérim, en augmentation constante dans le même temps que le travail à temps partiel explose, concernant aujourd’hui 17 % des salariés, essentiellement des femmes et des jeunes. Lorsqu’un patron transforme un poste à temps plein en deux mi-temps, les statistiques enregistrent une hausse de l’emploi alors qu’il ne s’agit en fait que " d’une forme de partage du travail ", selon La Tribune. Du coup, sans embaucher avec des contrats permettant de vivre, les patrons arrivent à gonfler les chiffres et parlent de créations d’emplois.

Il y a cependant encore une ombre à leur tableau. C’est le salaire minimum qui constitue " un frein, notamment dans les services destinés aux personnes qui utilisent une main d’œuvre peu qualifiée et qui ne peut avoir une rémunération impor-tante ", selon le chef de service du Commissariat général au Plan. Le programme patronal est annoncé, de nouvelles attaques contre le SMIC et, avec les 35 heures, le partage de la misère. Le nôtre, c’est le partage du travail entre toutes les mains ouvrières en prenant sur les profits colossaux des capitalistes pour travailler tous, moins et avec des salaires en forte croissance.

Sophie Candela

 Echos de l'Université d'été de la LCR

Ambiance studieuse et détendue, à Prapoutel, durant les quatre jours de l'Université d'été de la LCR. Contrairement à ce qu'affirmait Libé, les militants présents ne semblaient guère " déçus par les européennes ", plutôt même… motivés. Cela fut particulièrement perceptible à l'occasion de la réunion générale tenue par Alain Krivine qui traça les axes de la politique de la LCR, continuité par rapport à l'accord avec LO inscrite dans une perspective plus large. " Nous continuerons à utiliser l'accord conclu avec LO pour le faire vivre dans les luttes à chaque fois que cela sera possible ", a-t-il affirmé, ajoutant… " nous gardons la perspective de construire une nouvelle force au delà du couple LO-LCR ". Comment articuler les deux ? Autour de quel projet politique ? Ce sont les questions auxquelles la direction de la Ligue devra apporter des réponses qui manquent aujourd'hui.

A la fin de cette réunion générale était projeté un reportage filmé par des journalistes de la 5 sur la campagne des Européennes, reportage qui fut interdit d'antenne. Dommage, ce documentaire illustrait parfaitement les propos d'Alain Krivine, montrant de façon vivante l'impact de la liste, la sympathie qu'elle a suscitée en particulier chez des militants du PC ou des jeunes, et nous mettait devant nos responsabilités, donner une suite, ouvrir des perspectives… Il fut accueilli avec enthousiasme.

Ce contexte nouveau dominait tous les débats, au cœur des questions qui se posent au mouvement ouvrier, quel bilan, quelle expérience retenons-nous de la période qui s'achève, quelles perspectives s'en dégagent pour la période qui s'ouvre, en un mot l'actualité de la révolution et du communisme.

Vaste débat tout juste entamé, à travers lequel se sont affirmées une fidélité aux idées du communisme, de la lutte de classe, aux perspectives révolutionnaires com-me la joie de débattre, de confronter, de discuter dans le respect des différents points de vue.

On ne peut que regretter que nos camarades de Lutte Ouvrière aient décliné l'invitation de la LCR, sans même faire le moindre geste de solidarité.

Y.L.

Jospin préfère la démocratie du marché à la démocratie de la proportionnelle, même à la dose homéopathique des Verts

Dans son discours de clôture à l’université d’été du Parti socialiste, Jospin s’est fait le plaisir de jouer les arbitres entre les revendications discordantes de ses alliés Verts. Tandis qu’il promettait un " grand débat scientifique et démocratique " sur le nucléaire, satisfaisant ainsi Dominique Voynet, il opposait un non catégorique à la revendication de Daniel Cohn-Bendit et Noël Mamère, de la mise en place d’une " dose de proportionnelle " dans le mode de scrutin des élections législatives.

En bonne élève ministre disciplinée, Dominique Voynet avait finalement limité ses revendications à la tenue d’un véritable " débat " sur le nucléaire. Jospin a donc dit oui. Et il s’y connaît en " débats ", puisque, de la Conférence d’octobre 97 aux concertations engagées sur les 35 heures ou les retraites, c’est sa méthode de gouvernement, qui consiste à jouer la démocratie, grâce à la participation de personnalités " compétentes " triées sur le volet et à la complaisance des directions syndicales. Et comme Dominique Voynet voit en lui un " homme de parole ", il y a fort à parier qu’elle lui apportera, elle aussi, son soutien, quitte à devoir dire, si la comédie est par trop voyante, qu’il faut bien faire des " compromis ".

Quant à la proportionnelle, Cohn-Bendit, Mamère et d’autres dirigeants des Verts n’ont même pas eu l’audace d’exiger une proportionnelle intégrale, la mieux à même de donner une représentation tant soit peu fidèle des opinions des électeurs. Ils se sont contentés de rappeler Jospin à ses promesses, faites lors de la signature de l’accord entre les Verts et le PS avant les législatives de 97, de l’instauration d’une " dose de proportionnelle ". Le projet un temps envisagé par le Parti socialiste consistait à ne soumettre à ce mode de scrutin que l’élection d’une soixantaine de députés, le dixième de l’Assemblée, élue pour le reste au mode de scrutin actuel.

Eh bien, même cela, il n’en est pas question : cette réforme " extrêmement complexe " risquerait de se heurter au veto du Conseil Constitutionnel, et de susciter une campagne de la droite contre le gouvernement. D’ailleurs, Jospin a-t-il ajouté, il ne croit pas " tout bien pesé, qu’elle soit souhaitable […] car un pays comme la France a besoin de majorités claires ".

Jospin craint même cette démocratie bien limitée. Et avec lui, tous les politiciens, conscients que l’usure des partis au pouvoir est telle qu’ils ne sauraient obtenir de majorité assez stable.

Face au Parti socialiste, et au Parti communiste pour qui il n’est plus question de proportionnelle, les Verts feraient presque figure de contestataires, s’ils n’apparaissaient pas tant se préoccuper de démocratie et de qualité de la vie que pour marchander, sinon des postes de ministres, du moins quelques sièges supplémentaires dans des municipalités ou à l’Assemblée. Car sur le fond, et c’est pourquoi ils sont au gouvernement, les Verts pensent, comme Jospin, que la démocratie, c’est celle du marché, c’est celle du " modernisme " vanté par Cohn-Bendit, le libéralisme des batailles boursières et des fusions. S’il y a bien un sujet sur lequel on ne les entend pas, c’est la politique économique et sociale du gouvernement, dont toute l’action est subordonnée au marché.

Or, précisément, il ne peut y avoir de combat pour la démocratie sans remettre en cause cette logique dictée par les intérêts d’une poignée de magnats de la finance et de l’industrie qui s’opposent dans tous les domaines aux intérêts de la collectivité. La population ne pourra décider de sa vie qu’en décidant elle-même des choix économiques, en s’assurant le contrôle des richesses qu’elle produit.

Cette démocratie, c’est dans les entreprises, les quartiers, par son intervention directe aussi bien localement qu’à l’échelle de tout le pays que le monde du travail l’imposera, en créant ses propres comités, assemblées et organisations. Elle ne peut se jouer dans une Assemblée nationale qui n’a aucun pouvoir, même si des députés réellement contestataires, des députés révolutionnaires, pouvaient y entrer grâce à une proportionnelle intégrale. Pour autant, ce ne serait bien sûr pas sans importance pour ce combat, et Jospin, tout comme ses rivaux de droite, dont il prend prétexte pour renier ses maigres promesses en la matière, est bien déterminé à ne pas le permettre.

G.T.