éditorial


Derrière l’autosatisfaction du gouvernement et des politiciens, confortée par le silence complice des directions syndicales, le mécontentement et la révolte du monde du travail

A en croire les commentateurs de la presse, les politiciens et le silence des directions syndicales, tout irait pour le mieux en ces jours de rentrée scolaire, sociale et politique.

Le ministre de l’Education Allègre, habitué des propos les plus grossiers contre les enseignants, se veut cette année serein et plein de compréhension. " Tout devrait se passer correctement ", a-t-il déclaré dimanche. Martine Aubry nage dans l’euphorie depuis qu’elle a annoncé la semaine dernière une baisse du chômage " sans précédent ", Strauss-Kahn se félicite de baisser les impôts en l’an 2000, et Jospin se voit crédité par les sondages de ses meilleures côtes de popularité.

Mais ce " tout va très bien madame la Marquise " ne peut faire illusion.

Les statistiques en baisse du chômage recouvrent en réalité la multiplication d’emplois précaires et mal payés. Et dans le même temps où elle se réjouit de ce " succès ", Martine Aubry met en place les détails de l’offensive qu’elle est déterminée à engager contre les salariés et les usagers avec le budget de la Sécurité sociale, la nouvelle carte sanitaire qui va supprimer des dizaines de milliers de postes dans les hôpitaux, et la deuxième loi sur les 35 heures.

La baisse des impôts annoncée par Strauss-Kahn, c’est encore des cadeaux aux plus riches, permis par les excédents budgétaires dégagés par les réductions des dépenses publiques.

Quant à la rentrée scolaire, c’est comme les années précédentes des milliers d’élèves sans profs, des profs sans élèves, des classes fermées pendant que d’autres sont surchargées. Et cette année, sous couvert de réformes destinées soi-disant à " moderniser " l’enseignement, alors qu’aucun moyen supplémentaire n’est dégagé, l’aggravation des conditions de travail des enseignants.

Mais parce qu’il n’y a pas eu cette année les protestations d’usage que les centrales syndicales avaient l’habitude de lancer les années précédentes, du moins en paroles, le gouvernement se prend à rêver d’une paix sociale qui lui permettrait de mener, sans déclencher de riposte ouvrière, la guerre qu’il a engagée contre le monde du travail au profit des actionnaires des trusts et de la finance.

Les directions syndicales lui en laissent le loisir. Leur rentrée sociale s’est faite à l’université d’été du Medef, le syndicat des patrons, où elles se sont dites désireuses d’un vrai " dialogue social ". Elles jouent à fond le jeu de la concertation, dont le gouvernement Jospin s’est fait une spécialité pour faire passer les mesures les plus contraires aux intérêts des salariés et de la population.

C’est cette complaisance des dirigeants des organisations qui sont censées nous représenter, à l’égard du gouvernement, qui peut laisser croire que celui-ci bénéficie d’une neutralité bienveillante du monde du travail. Les salariés, les chômeurs, les usagers, ne trouvent pas l’occasion d’exprimer leur mécontentement et leur révolte dans le cadre d’actions organisées à l’échelle nationale. Et du coup, les nombreux mouvements de protestation et de colère, contre l’application des 35 heures dans les usines, contre les fermetures de classes ou de postes dans les hôpitaux, passent inaperçus.

Mais le mouvement des petits paysans qui s’est développé ces derniers jours montre la révolte des travailleurs comme les moyens de l'exprimer. Il a suffi de la détermination des militants de la Confédération paysanne, de l’obstination de José Bové, l’un des leurs, à dénoncer le gouvernement et les monopoles de la distribution, même après avoir été jeté en prison, pour que les manifestations se multiplient. Le mécontentement des petits producteurs, qui ne se sentent plus représentés par la FNSEA, le principal syndicat paysan, voué aux intérêts des gros agriculteurs, a su défier les autorités, et recueillir la sympathie de l’ensemble du monde du travail.

Nous sommes tout aussi nombreux, nous, travailleurs des villes, à ressentir la même révolte, et à savoir que nous ne pouvons pas compter sur les directions syndicales, pas plus que les paysans sur la FNSEA. Il existe un courant dans le monde du travail, qui cherche les moyens de riposter à la politique du gouvernement et du patronat. Il s’est exprimé lors des dernières élections européennes en votant pour l’extrême-gauche, mais il est bien plus large que ces seuls résultats, tant sont nombreux les militants de gauche, des syndicats, du Parti communiste, les travailleurs et les jeunes qui ressentent le même besoin.

Nous avons nous aussi les moyens, comme les militants de la Confédération paysanne, d'exprimer publiquement notre mécontentement, de dénoncer les responsables de la dégradation de notre situation - ce gouvernement et l’infime minorité privilégiée qu’il sert -, pour redonner autour de nous confiance dans la possibilité de résister, tisser les liens nécessaires pour organiser une véritable force.