éditorial


L’Etat et le gouvernement ne sont ni neutres, ni impuissants, ils sont au service de la finance. Seules la mobilisation des salariés, leur organisation,peuvent vaincre le chômage

Dans son intervention télévisée du 13 septembre, Jospin a déclaré " cho-quante " la décision prise par Michelin de licencier 7500 salariés sur trois ans en même temps que le groupe annonce un bénéfice de 2 milliards de francs pour les seuls six premiers mois de 99. Et de nous expliquer que " ce n’est pas par la loi, par les textes qu’on va réguler l’économie " pour justifier le fait que le gouvernement ne fera rien pour s’opposer à ces licenciements. Comme il n’avait rien fait lorsque le groupe Renault, dans lequel l’Etat était pourtant majoritaire, avait fermé l’usine de Vilvorde en Belgique, comme il ne fait rien contre les licenciements qui ne cessent d'alimenter le chômage.

Jospin dit qu'il ne peut rien faire en laissant croire qu'il le voudrait bien, bien sûr, si c'était possible. Il essaie de sauvegarder l'image d'un Premier ministre qui serait du côté de la population et des salariés. Mensonge. Jospin prend le masque ridicule de l'impuissance, soit. Cela est peut-être vrai de sa personnalité politique, il n'est peut-être qu'un jouet, mais ce n'est nullement le cas de l'Etat comme de la grande administration qui sont entièrement dévoués aux intérêts des classes privilégiées.

A son tour, Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, invité de TF1 dimanche dernier, a tenté d’expliquer que si l’Etat ne pouvait pas empêcher les licenciements, il pouvait tout de même intervenir en prenant des mesures de dissuasion financière contre les patrons qui licenciaient. Encore des mensonges. Cela ne s’est jamais vu et pour cause.

Contrairement à ce que prétend Jospin, le gouvernement comme l'Etat ne sont ni neutres ni impuissants devant le fonctionnement de l’économie. Bien au contraire. L'Etat régule la marche de l'économie, mais il ne la régule pas en fonction des intérêts de la majorité de la population et de ceux qui produisent les richesses, mais pour garantir l’enrichissement d’une poignée d’actionnaires et de financiers. C'est lui qui organise la déréglementation du travail avec pour seul résultat d’approfondir le fossé qui se creuse entre les classes sociales. Il se plie servilement au fonctionnement d’une économie tout entière au service des marchés qui exigent, pour satisfaire la boulimie de profits d’une minorité, de s’attaquer aux quelques droits du monde du travail existant encore.

C'est l'Etat et le gouvernement qui, avec la loi sur les 35 heures, ont distribué des subventions au patronat sans qu’en contrepartie, celui-ci soit obligé de prendre le moindre engagement sur des embauches, en imposant la flexibilité et l’annualisation des heures de travail. La deuxième loi, qui va être discutée à partir du 5 octobre, contient de nouvelles attaques contre les salariés et de nouvelles subventions pour le patronat.

C'est bien l'Etat et le gouvernement qui préparent des mesures contre le droit à la retraite qui ont pour objectif de livrer les futurs retraités au pouvoir des compagnies privées d’assurances. C'est bien le gouvernement et l'Etat qui organisent l’explosion de la précarité et y contribuent en ayant recours aux emplois-jeunes comme à la SNCF.

Que le gouvernement soit de droite ou de gauche ne change rien à l'affaire. Depuis des années, nous avons eu droit à toutes les combinaisons possibles de cohabitation et c'est chaque fois la même politique contre les salariés. Oui, l'Etat est soumis aux intérêts et aux pressions de ceux qui tiennent les rênes de l'économie, les politiciens de droite ou de gauche ne sont que des jouets serviles.

La démocratie réelle n’est pas de leur côté. Leur politique est interchangeable. Jospin et Chirac, rivaux pour la prochaine échéance présidentielle, se donnent bien du mal pour essayer de faire croire le contraire. Alliés au gouvernement, ils sont tous deux respectueux de la même sacro-sainte loi du profit qui, pour satisfaire des actionnaires insatiables, exige d’aggraver les conditions de vie des salariés au prix d'une dégradation générale de toute la vie sociale. Leur démocratie n'est que le masque de la dictature d'une minorité de financiers.

La véritable démocratie ne peut être que du côté du monde du travail, des salariés, qui produisent aujourd'hui suffisamment de richesses pour assurer à tous une vie digne. Faudrait-il pour cela que l'économie fonctionne dans le sens des intérêts de la majorité. Mais cela, il faudra l'imposer en imposant le contrôle des travailleurs sur la marche des grandes entreprises comme des services publics et de l'Etat. Cela suppose que nous, les travailleurs, nous nous mobilisions et nous nous organisions en nous réappropriant nos organisations, associations, syndicats et partis, en nous réunissant pour y faire vivre la plus large démocratie directe. Tous ceux qui prétendent agir à notre place espèrent continuer à nous anesthésier pour nous empêcher d'exercer notre propre pression sur l'Etat, de faire entendre notre propre voix, de défendre nos propres intérêts qui sont ceux de toute la collectivité.

La CGT et d'autres organisations appellent à manifester le 4 octobre, Robert Hue a lancé l'idée d'une manifestation nationale contre le chômage. Tant mieux que les directions syndicales comme les dirigeants du PCF se sentent obligés de prendre des initiatives, cela prouve qu'ils sentent grandir le mécontentement et la colère. Tant mieux, et nous y participerons massivement pour dire ce que nous pensons des uns et des autres, du patronat et du gouvernement comme de leurs soutiens. Nous y participerons en toute lucidité, conscients que pour les directions syndicales comme pour les dirigeants de la gauche plurielle, il s'agit de se donner une bonne image, de répondre aux besoins des militants pour sauvegarder leur influence.

Nous y participerons conscients qu'il ne peut s'agir que d'une étape vers une mobilisation politique et sociale d'envergure qu'il nous faudra nous-mêmes prendre en main, préparer, organiser.