Les travailleurs et les jeunes contestent la politique du patronat et du gouvernement, eux seuls peuvent construire un autre avenir par leurs luttes
Lundi dernier, le MEDEF appelait les patrons à se rassembler contre la deuxième loi sur les 35 heures à Paris. Certains dentre eux sont restés en gare, des salariés en bloquant les trains leur ont rappelé de façon salutaire et opportune que le fonctionnement de la société repose sur les travailleurs et eux seuls.
Le MEDEF voulait mobiliser pour la défense de " la liberté d'entreprendre ". La liberté qu'il revendique, c'est celle de licencier, d'avoir recours au travail précaire, d'imposer des salaires dérisoires. Cette liberté, les patrons l'exercent tous les jours. La loi Aubry leur en donne de nouvelles possibilités. Mais ça ne leur suffit pas, ils en veulent plus. Et leur rassemblement avait pour objectif de préparer la suite, une nouvelle offensive pour exiger une déréglementation plus grande au détriment des salariés.
Ils ne manquent ni de culot ni de démagogie.
Le MEDEF voudrait faire croire qu'avec la deuxième loi sur les 35 heures, le gouvernement intervient de façon autoritaire dans leurs affaires, leur impose un dirigisme insupportable. Les patrons pleurent la bouche pleine ; le gouvernement va à nouveau leur distribuer des milliards sous prétexte de réduction du temps de travail. Mais ils font de la politique : pour eux, il est vital pour continuer à engranger des profits d'essayer d'intimider le monde du travail, de le retenir d'intervenir pour défendre ses intérêts propres. Il leur faut se poser en victimes de la politique gouvernementale pour masquer le fait que gouvernement et patronat dirigent de concert leurs attaques contre les salariés.
En même temps, ils exercent leur pression pour faire monter les enchères. La deuxième loi sur les 35 heures prévoit de leur verser 105 milliards de francs sans qu'ils soient obligés à la moindre embauche. Ils ont déjà obtenu des concessions sur le paiement des heures supplémentaires, le report à 2004 du passage aux 35 heures pour les entreprises de moins de 20 salariés. Ils voudraient aussi imposer un SMIC à deux vitesses selon que la durée du travail est de 39 ou de 35 heures et, pourquoi pas, la suppression pure et simple du SMIC.
Le patronat, avec le soutien du gouvernement, ne nous laisse pas le choix, il mène la lutte des classes à coups de plans de licenciements, comme chez Michelin, d'augmentation continuelle du chômage et de la précarité.
Les travailleurs, qui se sont servis hier de l'appel de la CGT à manifester contre le patronat, ont eu bien raison de le faire. C'était l'occasion de ne pas laisser la rue aux patrons.
Si les manifestations n'ont regroupé, le plus souvent, qu'un petit nombre de salariés, bien en deçà du mécontentement existant dans le monde du travail, c'est que nombreux sont ceux qui nont plus confiance. Ils craignent, à juste titre, dêtre menés en bateau sans se sentir la force de prendre les choses en main.
Thibault, responsable de la CGT, a déclaré à propos des 35 heures qu'il voulait " améliorer le texte dans un sens favorable aux salariés ". Alors que cette loi leur est entièrement défavorable, il laisse entendre qu'elle leur est tout de même un peu favorable et donc quil faut soutenir le gouvernement. La direction de la CGT maintient une confusion qui paralyse ses propres militants comme les travailleurs qui lui font confiance. Pour regrouper ses forces et préparer une remontée des luttes, le monde du travail a besoin d'une politique claire, sans aucune ambiguïté, une politique qui dénonce ouvertement la politique du patronat et celle du gouvernement qui lui est tout dévoué.
La même ambiguïté existe dans l'appel du Parti communiste à manifester contre le chômage le 16 octobre prochain. Robert Hue voudrait que cette manifestation ne soit pas anti-gouvernemen-tale, mais seulement anti-patronale. Il voudrait à la fois être du côté de ses militants, dont beaucoup n'ont plus guère d'illusions dans le gouvernement, et justifier la participation des ministres de son parti au sein du gouvernement Jospin. Mais il n'est pas possible de dénoncer le chômage sans dénoncer les attaques tant du patronat que du gouvernement. C'est dans ce sens que l'extrême-gauche appelle à cette manifestation, aux côtés des militants du Parti communiste, afin d'en faire un encouragement pour tous ceux qui se sont convaincus que la seule perspective pour préparer les luttes, c'est de rompre toute ambiguïté, toute solidarité vis-à-vis du gouvernement.
Les jeunes qui sont descendus dans la rue jeudi dernier et qui appellent à nouveau à manifester ce jeudi, eux aussi, ne font plus confiance aux déclarations des politiciens. Les jeunes n'acceptent pas d'avoir été trompés et réclament aujourd'hui les moyens promis. Inquiets pour leur avenir, ils veulent une meilleure formation qui pourrait, à leurs yeux, les mettre à l'abri du chômage. Cette revendication légitime ne suffira pas à les préserver du chômage, produit de la logique du capitalisme qui impose la détérioration des conditions d'existence et d'études pour augmenter les profits des trusts et des financiers.
Les jeunes comme les travailleurs ont la même préoccupation, affirmer leur droit à vivre dignement. Cela signifie imposer leur contrôle sur les entreprises publiques et privées comme sur lEtat. C'est tous ensemble que nous pourrons construire nous-mêmes notre avenir en défendant jusqu'au bout nos intérêts, en étant libres de toute solidarité avec le gouvernement, comme avec ceux qui le soutiennent, même de façon déguisée et hypocrite.