éditorial


Députés et dirigeants du PC se rallient au pouvoir, aux travailleurs et aux jeunes de préparer la suite du 16 octobre, la contre-offensive du monde du travail contre le patronat et le gouvernement qui le sert

 

Avec 50 à 70 000 participants, la manifestation contre le chômage de samedi dernier à Paris a été un succès. Mais les dirigeants du Parti socialiste l’ont dit, pour eux, cette manifestation ne va " rien " changer, ils ont ironisé, elle n’est qu’un " épisode ". Autant dire que le gouvernement ne compte pas changer de politique et que seule une mobilisation puissante du monde du travail peut l’amener à le faire, ou plus exactement à céder aux revendications que nous lui imposerons.

Robert Hue a annoncé qu’il voulait donner une suite à cette manifestation. Il est évident que la seule manifestation de samedi ne peut suffire à imposer nos revendications. Robert Hue est bien obligé de le reconnaître, mais c’est pour mieux en garder le contrôle et essayer de canaliser notre mécontentement au profit de la gauche plurielle.

Il espérait que cette manifestation prouverait qu’on peut être aux côtés des travailleurs tout en étant au gouvernement. C’est faux et les dirigeants du Parti communiste sont en train d’en administrer une nouvelle preuve.

La veille de la manifestation, ils avaient affirmé que la loi Aubry était " votable ", sous prétexte que des amendements, qui ne changent rien au fait que cette loi reste une machine de guerre permettant aux patrons d’imposer la flexibilité aux travailleurs, avaient été adoptés. Ils veulent ainsi essayer de cacher d’une main ce qu’ils font de l’autre. Mardi, les députés du Parti communiste ont tourné le dos aux manifestants pour rallier leurs amis du gouvernement en votant avec la majorité plurielle, sauf deux d’entre eux. Ils préfèrent les lustres du pouvoir à la rue et aux travailleurs.

Par ailleurs, Robert Hue, à la suite du ministre Gayssot qui en fut le négociateur, vient d’accepter le principe de la fusion entre Aérospatiale et Dasa. Bien sûr, il réclame que l’emploi y soit maintenu, mais tout le monde sait bien que lorsque deux trusts fusionnent, c’est avant tout pour faire des économies en supprimant du personnel.

Jean-Marc Ayrault, un dirigeant du PS, a trouvé lui aussi que cette manifestation était une réussite…pour Robert Hue lui-même. Il faut reconnaître que c’est un succès personnel pour Robert Hue. Son pari risqué est gagné, a-t-il déclaré, … face à l’extrême-gauche, Hue a bien tenu " C’est que celui-ci avait tout fait pour qu’elle ne soit pas dirigée contre le gouvernement.

C’est bien là son utilité pour Jospin, éviter que le mécontentement des salariés ne s’exprime contre le gouvernement. Il compte que leurs dirigeants sauront convaincre les militants du Parti communiste et les travailleurs qu’ils influencent de rester solidaires du gouvernement auxquels ils participent, et qu’ils contribueront ainsi à paralyser la révolte du monde du travail. L’appel à manifester de Robert Hue est un élément de ce double jeu, mais cette duplicité n’échappe pas à nombre de travailleurs, comme l’ont montré les nombreux slogans et banderoles qui dénonçaient la politique du gouvernement samedi.

Depuis près de 20 ans, les travailleurs ont fait l’expérience de ces gouvernements qui se disent de gauche uniquement pour les tromper. De plus en plus nombreux sont ceux qui n’ont plus confiance dans les dirigeants de la gauche gouvernementale, et parmi les militants du PC, ceux qui s’affranchissent de toute solidarité avec Jospin, Strauss-Kahn ou Gayssot.

Pour tous les militants et travailleurs soucieux de préparer la riposte ouvrière au patronat, il est clair que celle-ci ne sera possible que si elle est dirigée en même temps contre son allié, le gouvernement. Les salariés, les chômeurs et les jeunes ont besoin de donner à leurs luttes des objectifs parfaitement clairs, la défense des droits de tous ceux qui ne peuvent vivre que de leur travail, et non les intérêts de quelque politicien, boutique ou appareil.

Cela est nécessaire pour qu’ils puissent constituer une nouvelle force capable de peser sur le terrain social et politique. Oui, il s’agit bien d’affirmer une force sociale et politique parce que doivent pouvoir s’y retrouver toutes les catégories de la population aujourd’hui attaquées, tous les travailleurs et militants, quelle que soit leur appartenance syndicale ou associative, et parce que tous les combats menés pour des objectifs partiels ne peuvent aboutir que s’ils s’inscrivent dans le combat général contre l’offensive libérale du patronat et du gouvernement.

La perspective de cette contre-offensive qu’ont défendue ensemble Arlette Laguiller et Alain Krivine lors des élections européennes, et lors de la manifestation de samedi, peut prendre corps pour peu que leurs organisations, Lutte Ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire, collaborent dans le sens de la construction d’un cadre commun ouvert à tous les travailleurs et militants de gauche qui s’affranchissent de la politique des partis gouvernementaux. C’est pour œuvrer dans ce sens que notre tendance Voix des Travailleurs s’oriente vers une intégration dans la LCR.

La contre-offensive nécessaire du monde du travail et de la jeunesse est à l’ordre du jour. Chacun d’entre nous, dans son entreprise, son quartier, son syndicat ou son association a une place à prendre dans sa préparation. Notre richesse, notre force sont notre propre dévouement, nos propres initiatives, notre solidarité, ce que nous avons su exprimer dans la rue le 16, dans le respect de la diversité des opinions, indépendamment et malgré tous les calculs des uns et des autres.