échos d’entreprises et de luttes



Renault-Nissan sacrifie des milliers de travailleurs pour satisfaire les actionnaires, avec la bénédiction du gouvernement

Cynique, Carlos Ghosn a présenté son plan de 21 000 suppressions d’emploi en le baptisant " plan de renaissance pour Nissan ". Renaissance, redressement, sauver l’entreprise : quand ils parlent ainsi, les patrons ne pensent qu’aux capitaux investis et aux profits qu’ils espèrent en tirer. C’est leur seul problème.

Chez Nissan, deuxième constructeur automobile du pays, les usines ne tourneraient qu’à 53 % de leurs capacités de production pour cause de recul des ventes d’automobiles (-8,5 % depuis le début de l’année au Japon, -10 % pour le seul mois de septembre) : c’est la justification du plan de fermeture de cinq usines.

53 % de capacités de production utilisés, pour les actionnaires, c’est trop de capital mort, figé en machines, bâtiments, terrains ; capital inutilisé, qui ne rapporte rien.

Alors, pour eux, il faut économiser au maximum : réduire de 30 % les capacités de production, de 14 % les effectifs, de 10 % le nombre de concessionnaires et diviser par deux le nombre d’équipementiers sous-traitants qui fournissent des pièces à Nissan. Il leur faut au maximum tirer profit du rachat récent par Renault pour économiser sur tous les emplois qui pourraient " faire doublon " dans les deux groupes. Pour que Nissan satisfasse la soif de profits des actionnaires, Ghosn a annoncé pour les trois ans à venir 8,7 milliards d’euros d’économies, et une hausse de 20 % de la productivité.

Est-ce que cela se fera ou pas, ce n’est pas le plus important… d’ailleurs, personne ne peut dire comment évoluera le marché de l’automobile dans les mois à venir. Non, ce qui compte, c’est de frapper fort, pour que les actionnaires, les spéculateurs et les financiers, regardent vers Renault en se disant : voilà une entreprise qui n’hésite pas à tailler dans le vif… on peut lui confier nos capitaux, il y aura certainement du " retour sur investissement ".

C’est pour cela que Ghosn a été envoyé à la direction de Nissan par Renault, qui possède 37 % du groupe japonais. Le " cost killer " comme il aime se faire appeler, le " tueur de coûts " qui a déjà fait des dégâts chez Michelin, doit convaincre pour attirer les actionnaires. D’où la multiplication des déclarations chocs, du genre : " il n’y a qu’une chose qui ne soit pas négociable, c’est le retour aux bénéfices ".

Avec l’exacerbation de la concurrence au niveau mondial, le capital prend de plus en plus un visage guerrier. Pour faire passer la pilule, les notables du Parti socialiste lui apportent leur caution, comme Ayrault, dirigeant du PS, qui a appuyé le plan présenté par Ghosn en reprenant ses justifications, déclarant que Nissan se trouve " dans une situation catastrophique " et que " Renault est engagé dans une politique offensive qui vise à défendre l'emploi ". Sous entendu : il faut se satisfaire que Renault supprime des emplois au Japon, c’est pour en préserver ici.

Ce n’est évidemment pas auprès de tels " socialistes " chauvins et ralliés au libéralisme que les travailleurs trouveront le moindre appui. Ils ne pourront compter que sur eux-mêmes, et sur leur solidarité internationale dans la lutte, solidarité de classe qui s’était déjà esquissée quand, en 1997, Renault avait fermé l’usine de Vilvorde.

Franck Coleman

La part des salaires… peau de chagrin pour plus de profits

D’après une revue de la CGT, la part des salaires dans la valeur ajoutée, c’est-à-dire la proportion des salaires par rapport aux profits, a reculé au point qu’aujourd’hui, elle retrouve son niveau de 1960.

A titre d’exemple, entre 1994 et 1998, les dividendes ont augmenté de 43 % quand le SMIC augmentait de seulement 10 %, et aujourd’hui, la 1ère fortune de France, Bettencourt, engrange 32 SMIC mensuels à la minute ! Il y a quelques années, on parlait du SMIC toutes les 3 minutes…

Les défenseurs de cet ordre social veulent nous faire croire que notre sort dépend de la bonne santé des profits. Mais l’euphorie de la Bourse vient directement des attaques contre les salaires et des licenciements pour diminuer la masse salariale.

Témoignage d’une chômeuse d’Angoulême

J'élève actuellement mes deux enfants en bas âge avec 4 300 F par mois qui correspondent aux allocations familiales et à l'API (Allocation de Parent Isolé). Quant à moi, je me considère comme chômeuse et c'est d'ailleurs ainsi que je suis comptabilisée par l'administration, puisque régulièrement je remplis ma déclaration aux ASSEDIC.

Résolue à ne pas attendre les deux pieds dans le même sabot la fin de l'API dans 3 ans et me retrouver RMIste, j'ai décidé de préparer une formation par correspondance. Déjà l'inscription pose un problème : il y a deux tarifs, 1 900 F pour une inscription individuelle ou 6 000 F quand la formation est payée par un organisme.

N'ayant pas 1 900 F à débourser, c'est à un véritable parcours du combattant que j'ai dû me livrer pour essayer de les faire prendre en charge.

L'assistante sociale m'a dit que j'aurais eu droit à une aide si j'avais été RMIste.

Ensuite, je suis allée aux ASSEDIC pour voir si je pouvais bénéficier d'une Allocation Formation Reclassement, mais au cas où celle- ci serait acceptée, elle se substituerait à mon API et je me retrouverais… avec exactement le même revenu qu'avant, et devant verser 6 000 F à l'organisme formateur ! D'autre part, il m'a été dit que si je faisais une formation, j'étais censée travailler 20 heures par semaine, que je n'étais donc plus demandeuse d'emploi et que je serai radiée de l'ANPE.

Enfin, à la mairie de mon domicile, je me suis entendu dire que je n'avais qu'à élever mes gosses et ne pas penser à chercher du travail…

Si je comprends bien, le seul droit que j'ai, c'est d'attendre de redevenir, aux yeux de l'administration, chômeuse dans 3 ans. J'aurai alors l'immense perspective de me retrouver RMIste et alors sans doute à ce moment, j'aurai droit d'être aidée pour faire une formation ! Je ne suis pas d'accord de me résigner à la marginalisation et à l'exclusion !

Normandie : les postiers en lutte pour leurs emplois

Lundi 11 octobre, la grève au Tri commencée la semaine d’avant s’est poursuivie malgré le week-end. Ce jour-là, des négociations longues et pénibles ont eu lieu avec la Direction. Celle-ci proposait quatre positions en jour pour l’après-midi, ce qui était estimé insuffisant par les grévistes. D’autre part, pour la nuit, elle ne proposait que deux renforts en CDD ou pris sur les remplacements, c’est à dire pas de vrais emplois. Après des heures de parlementations, d’interruptions de séance etc… la direction a cédé cinq positions correspondant à cinq emplois en jour mais campait sur ses renforts pour la nuit. Après des réunions en assemblées générales, les grévistes de jour assez satisfaits du résultat obtenu ont décidé de reprendre le travail. Par contre, le personnel de nuit décidait de continuer. Non seulement les grévistes n’avaient pas obtenu l’effectif minimum exigé mais en plus leur colère était d’autant plus grande qu’ils sont menacés par les projets de suppression de la brigade de nuit envisagés dans le cadre des négociations sur les 35 heures. Sur proposition syndicale fut avancée la revendication de deux positions de travail de nuit. Le patron a tenté un chantage, se disant prêt à céder à condition que le travail reprenne. Les grévistes n’ont pas obtempéré et ont poursuivi le mouvement. Leur nombre diminuant au fil des jours, ils ont arrêté la grève en fin de semaine.

Le résultat de la grève est donc neuf emplois à temps plein en CDI obtenus, quatre pour la nuit (deux positions) et cinq en jour (cinq positions). C’est la première fois que des emplois sont gagnés par la grève ! C’est également très positif que les postiers du Tri aient montré leur détermination car d’autres attaques se profilent pour les mois à venir avec la mise en place de la réduction du temps de travail et la direction a vu qu’ils ne sont pas décidés à se laisser faire.

En même temps que le Tri, d’autres établissements des PTT étaient en mouvement dans le pays et sur la région normande. Une grève d’une journée a été très suivie à la Recette principale de Rouen, avec une forte participation des facteurs, montrant que le mécontentement là aussi est important. D’autre part, le personnel de la plate-forme colis de la Poste à Val De Reuil était en grève lui aussi. Les grévistes ont arraché la transformation de cinq emplois précaires (4 CDII et 5 CDD) en emplois à durée indéterminée à temps plein. Par contre, un litige demeure sur le paiement des heures de grève. La conjonction de ces mouvements a certainement contribué à faire céder les directions des établissements qui ont sans doute eu peur que le mouvement fasse tache d’huile. Il faudra dans l’avenir que les postiers coordonnent leurs luttes car ils ont à faire face partout dans le pays aux mêmes attaques visant à diminuer les effectifs, aggraver leurs conditions de travail et leurs horaires.

CEGELEC (Mérignac-33)  - Débrayage pour les salaires !

Les salariés de l’agence de Cégélec à Mérignac sont près de 200, dispersés sur divers sites pour faire des travaux de maintenance électrique. 30 d’entre eux sont affectés sur le chantier de la Sogerma, une entreprise de maintenance aéronautique, filiale d’Aérospatiale. La sous-traitance est un moyen commode pour les grands groupes de faire des économies sur le dos des salariés. Ils la justifient souvent par la nécessité de faire des travaux ponctuels qui ne justifieraient pas des embauches dans l’entreprise. Mais à la Sogerma, certains salariés de Cegelec sont plus anciens que certains embauchés de l’entreprise puisqu’ils sont là sans discontinuer depuis 10 ans. Leurs salaires sont évidemment bien en dessous des salaires Sogerma d’autant que, travaillant depuis des années dans l’entreprise, ils dépendent de la Convention collective du Bâtiment bien plus désavantageuse que celle de la Métallurgie dont dépendent les salariés de la Sogerma : ainsi un travailleur de la Cégélec, en fin de carrière après dix ans à la Sogerma, touche 8 000 F bruts !

Exaspérés de cette situation, d’autant que la situation du groupe est florissante (les salariés ont touché une " prime de " répartition " de 4 000 F cette année alors qu’elle est d’ordinaire de 800 F, ce qui leur donne une idée de ce qu’ont dû toucher les actionnaires !), les salariés du site Sogerma ont exigé un rendez-vous avec leur patron pour lui présenter leurs revendications salariales : 1 200 F par mois d’augmentation. Le patron n’ayant pas daigné les recevoir, les salariés ont décidé en fin d’après-midi lundi de faire un débrayage de trois heures mardi matin. Et c’est à une dizaine qu’ils se sont retrouvés le lendemain devant la porte de l’entreprise pour s’adresser à l’ensemble de l’usine en distribuant un tract intitulé " Y’en a marre ! " où ils rappellent leurs revendications. L’accueil des salariés de la Sogerma a été chaleureux. La balle est maintenant dans le camp du patron : pour les salariés de Cégélec, ce débrayage n’est qu’un coup de semonce !

DCN Ruelle : Les menteurs qui prétendent préserver l’emploi

Jeudi 14 octobre, c’était le jour de la 6ème réunion de négociation syndicats Direction à Paris sur les 35 heures. A l’appel de tous les syndicats, nous avons débrayé à Ruelle à 400 environ et nous sommes allés ensuite à une bonne centaine rendre visite au député local du PS, Viollet, pour lui rappeler certaines promesses qu’il avait faites pour le maintien de l’emploi dans l’entreprise. Un délégué CGT l’a interpellé en lui disant : " quand vous étiez dans l’opposition, vous disiez non au plan Millon qui prévoyait 550 suppressions d’emplois à Ruelle. Aujourd’hui avec Richard nous sommes à moins 420. Nous serons bientôt à moins 550. Comme quoi, Richard-Millon, même combat… "

En fait de solidarité, ce monsieur nous a reçus sur le pas de sa porte et il a continué son double langage : prétendre qu’à la commission de la Défense nationale (il en est membre) il se bat pour préserver l’emploi, tout en justifiant les mesures prises pour supprimer des postes. Il a notamment pris prétexte du " repyramidage nécessaire pour garder toute l’efficacité de l’entreprise ".

Derrière ce charabia, il y a en fait la politique de la direction qui est en train d’éliminer à 52 ans des centaines de travailleurs sous statut et qu’elle estime trop payés, pour les remplacer par des jeunes sans doute précaires et mal payés.

D’ailleurs, Viollet s’est dévoilé en citant en exemple Leroy Somer pour dire qu’avec les 35 heures ça permettrait de créer des emplois, car justement dans cette entreprise de la métallurgie charentaise, les 180 jeunes embauchés l’ont été en précaire !

Et le comble, c’est que le lendemain, un délégué ministériel aux restructurations des entreprises d’armement parlait complaisamment dans la Charente Libre des millions qui étaient offerts au patronat local pour soi-disant compenser les pertes d’emplois dans l’armement et en créer de nouveaux. Sans doute comme le projet de laboratoire acoustique sur le site de la DCN qui va permettre à Mécaplast, grosse usine de La Roche Foucauld, près d’Angoulême, d’empocher des dizaines de millions pour embaucher… 7 personnes.

A Angoulême, le " socialiste " Viollet applique, sans états d’âme, la politique du gouvernement Jospin au service des patrons, et les travailleurs de la DCN ne sont pas prêts de l’oublier.