Après bien des péripéties entre alliés de la gauche plurielle, déclats de voix et de claquements de portes sur fond de tractations et de marchandages de couloir, la gauche plurielle a affiché une unité sans faille et sans surprise pour le vote de la 2ème loi sur les 35 heures au Parlement, mardi 19, sans aucune défection, à lexception dun seul député PC.
Il est vrai quaucune des composantes de la gauche plurielle, pas plus le Parti communiste que les Verts ou le MDC, nont jamais manifesté dopposition de fond à la loi, se contentant tout au plus de vouloir lamender, laméliorer. Mais alors que les premiers accords signés ont révélé aux yeux de nombreux travailleurs les véritables objectifs de la loi : la généralisation de la flexibilité, lannualisation du temps de travail, accompagnées de milliards de cadeaux au patronat, le Parti communiste, cherchant à se donner des airs de radicalisme vis-à-vis dune fraction de travailleurs qui manifeste de plus en plus ouvertement son opposition à la loi, avait demblée déclaré quil ne la voterait pas telle quelle était, prenant prétexte du fait quelle favorisait davantage les patrons que la première loi de juin 98. Contrairement à cette dernière, qui prévoyait la création de 6 % demplois pour une diminution du temps de travail de 10 %, la 2ème loi permettra aux patrons dempocher près de 110 milliards de subventions et allégements de charges sans aucune obligation dembauche. Le Parti communiste a présenté les allégements de charges au patronat sans contrepartie comme une pierre dachoppement, et proposé un amendement dont ladoption devait conditionner son vote de la loi : pas dallégements de charges pour les patrons ou de subventions sans que ces derniers sengagent en retour à créer des emplois.
En même temps quil sengageait dans ce qui est apparu comme un bras de fer avec Aubry, avaient lieu des négociations en coulisses, les uns et les autres rivalisant dimagination pour trouver des formules de compromis, acceptables pour tous. Il sagissait daboutir à un compromis avant la manifestation du 16, le PS ne voulant pas apparaître comme cédant à la pression de la rue, et le PC ne voulant pas se retrouver en position de céder et den passer par la volonté dAubry. Tout cela sans rien changer sur le fond à la loi.
Le point sur lequel le PC prétendait ne rien céder a donc trouvé une solution, la veille de la manifestation du 16 où un amendement a été adopté, rendant du jour au lendemain la loi " votable " pour le PC. Le texte original prévoyait cette simple formalité que, dans chaque accord, il fallait préciser " le nombre des emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail ". Lamendement voté dit que ce sont " les entreprises qui appliquent un accord collectif... et sengagent dans ce cadre à créer ou à préserver des emplois, qui bénéficient dun allégement des cotisations sociales ". Lamendement prévoit que les aides de lEtat pourraient être suspendues si des embauches prévues dans laccord nétaient pas réalisées dans un délai dun an. Dans ce cas, les syndicats pourraient saisir la Direction départementale du travail. Aucune garantie dembauche nest davantage exigée des patrons, aucune obligation ne leur est imposée par lEtat et ainsi que la expliqué Martine Aubry, entérinant par avance les licenciements : " le fait pour une entreprise en difficulté de sengager à préserver des emplois par la réduction du temps de travail ne lui interdit pas de licencier ".
Le député communiste Gremetz a présenté ce simulacre damendement comme " un tournant décisif ", sur " une question de principe... ", tandis que Hue se félicitait qu" une série damendements souhaités par le Parti communiste, fondamentaux pour cette loi, ont été acceptés. Notamment lune des questions clés qui étaient posées hier, cétait la conditionnalité des aides publiques à la création demplois,... parce quil sagit dune disposition morale ", annonçant quaucun obstacle ne sopposait plus au vote de la loi par les députés communistes.
Le PC a manifesté une opposition de façade tout au long de la discussion sur les articles de la loi, critiquant et sindignant dautant plus quil se préparait à voter lensemble. Il sest abstenu sur la plupart des articles et a même poussé le jeu du radicalisme jusquà voter contre deux dentre eux, laissant la majorité PS les entériner seule, avant de voter avec tous ses partenaires du gouvernement lensemble de la loi, le mardi 19.
Larticle 4 légalisant la flexibilité et lannualisation du temps de travail a été voté, entérinant la modulation des horaires dans la limite de 1 600 heures annuelles ; les patrons instaurant les 35 heures dans des entreprises créées après la loi recevront des milliards de subventions de lEtat pour payer aux salariés smicards léquivalent de 39 heures... la promesse quavait faite Jospin aux plus bas salaires de maintenir leur pouvoir dachat ; les heures supplémentaires restent majorées de 10 % seulement jusquà 2001 : les amendements qui ont rendu la loi " votable " aux yeux de la gauche plurielle sont dérisoires et ne remettent pas en cause lattaque denvergure quelle représente contre les travailleurs.
Catherine Aulnay
Fusion Aérospatiale-Matra-Dasa : les actionnaires et le gouvernement se frottent les mains. Pas les salariés !
Schroeder, Jospin et les PDG dAérospatiale-Matra et de Dasa ont célébré en fanfare lannonce de la fusion des deux groupes. Ils se sont fait photographier la main dans la main. Jospin sest félicité " quune étape décisive de lintégration de lindustrie aéronautique civile et militaire est franchie ", Schroeder, de la " bonne journée pour la France, pour lAllemagne et pour lEurope ".
Cest surtout une bonne journée pour lEurope des capitalistes et de la finance. Le nouveau groupe devient le n°3 mondial de laéronautique, de lespace et de la défense, derrière Boeing et Lockheed-Martin avec un chiffre daffaires de plus de 130 milliards de francs et 89 000 salariés. Ce sont les financiers qui en seront les actionnaires majoritaires puisque 40 % du capital dEADS, le nom du nouveau groupe, seront mis en vente sur les différents marchés boursiers. Quant au gouvernement Jospin, après avoir bradé Aérospatiale au groupe Lagardère, il accentue sa privatisation rampante de laéronautique. Détenteur de 15 % du nouveau groupe, il a assuré quil ne " bougerait pas " à la suite de déclarations de dirigeants de Dasa qui avaient exigé que lEtat français mette en vente sa participation. Strauss-Kahn et Gayssot font mine de résister aux exigences financières des dirigeants du nouveau groupe. Mais une clause secrète du projet de fusion, révélée par un hebdomadaire allemand en dit long sur la réalité de ces déclarations. DaimlerChrysler, dont DASA est la filiale, se désengagerait dEADS au cas où une opposition de lEtat français à des restructurations empêcherait une " gestion rentable du groupe ". A lheure où Nissan annonce 21 000 licenciements après sa fusion avec Renault, cela sonne comme une menace sérieuse pour les salariés.
Les 89 000 salariés du nouveau groupe nont été consultés sur rien. Ni sur la fusion, ni évidemment sur les conséquences quelle risque davoir. Lagardère et Schrempp, les dirigeants du groupe, se veulent rassurants : ils expliquent que la constitution dEADS favorisera le développement de lemploi. Cest une " fusion de croissance " a déclaré un responsable du gouvernement allemand. Ils se félicitent aussi que cette fusion soit la preuve de la " vigueur de la construction européenne " face au capitalisme américain et voudraient faire croire que la constitution de ce groupe est une garantie pour lemploi parce quil permettra de faire face à la concurrence de Boeing. Mais aux Etats-Unis, la restructuration de lindustrie aéronautique - au nom des mêmes arguments contre la concurrence européenne - sest traduite par des centaines de milliers de licenciements.
Lexacerbation de la concurrence entre les Etats-Unis et lEurope, la recherche du profit maximal par les financiers qui mettent la main sur des groupes construits par des capitaux publics, se traduiront par de nouvelles attaques contre les travailleurs. Il serait vain comme lont fait certains syndicats de Dasa de dire que les travailleurs de Dasa ayant déjà subi des restructurations, ce serait aux travailleurs dAérospatiale-Matra de subir lessentiel des sacrifices à venir. LEurope des capitalistes et des financiers se moque des frontières dès lors que leurs intérêts le commandent : la nouvelle société franco-allemande porte un nom anglais, est de droit néerlandais et espère la participation de partenaires anglais et espagnols ! Pour défendre leurs droits et leurs intérêts, les salariés nauront pas dautre choix que den faire autant. Les réactions à la fermeture de lusine Renault de Vilvorde avaient donné le ton de cette solidarité au delà des frontières. Ce sont leurs luttes pour la défense de leurs intérêts communs qui permettront aux salariés de laéronautique de contribuer à construire face à lEurope arrogante du libéralisme, une autre Europe, celle de la solidarité, celle des travailleurs.
Jean Kersau
Enquêtes sur les hôpitaux : inquiéter lopinion pour servir les attaques contre le système public de soins
Plusieurs enquêtes récentes dans la presse ont établi un classement des hôpitaux. La revue Sciences et Avenir en 97 et en 98 et dernièrement le Figaro Magazine ont présenté un palmarès des hôpitaux, allant des meilleurs aux moins performants. Ces enquêtes attiraient lattention du public sur le danger, réel ou supposé, que certains hôpitaux, notamment locaux, présenteraient pour les malades.
Comme ces enquêtes ont été publiées, mais ce nest pas un hasard, à un moment où les gouvernements successifs veulent faire disparaître bien des hôpitaux locaux, ce qui entraîne des luttes et la résistance de la population et des personnels, elles ne sont pas passées inaperçues.
Il y a beaucoup à dire sur la façon dont ces enquêtes ont été menées. A priori, les journalistes se sont servis de données scientifiques qui semblent sérieuses et fort abondantes. Notamment les fichiers du PMSI fournis par les hôpitaux eux-mêmes. Ce Programme de Médicalisation des systèmes dinformation est établi à partir de fiches remplies quotidiennement, dans tous les services, par les infirmières et les médecins.
Les critères retenus pour juger de la performance sont la mortalité, la durée de séjour, le taux doccupation et la notoriété des services.
Mais ces critères ne résistent pas à une analyse sérieuse, comme le démontre un article de la revue La Recherche doctobre 99. Daprès cet article, on ne peut guère accorder de fiabilité à la façon dont ces enquêtes ont été menées. Cest ainsi que, si lon nanalyse pas, cas par cas, les antécédents médicaux et le dossier de tous les malades, on ne peut porter aucun jugement sérieux sur les résultats dun hôpital, en se basant uniquement sur les données dun recueil informatisé de pure routine tel que le PMSI.
Pour prendre un exemple proche : un service tel que la Chirurgie digestive du Haut-Lévèque, à Pessac, napparaît pas parmi les 50 services jugés les plus performants de cette discipline par le Figaro-Magazine. Pourquoi ? Le taux de mortalité y serait, paraît-il, bien plus élevé que dans certaines cliniques privées jugées plus performantes. Peut-être ! Mais qui reçoit les malades les plus âgés, les cas les plus graves, ceux qui ont déjà subi (et souvent dans des cliniques privées) plusieurs interventions, sinon lhôpital public ? Ces malades ont besoin de services durgence, de réanimation, et lhôpital public est seul à les offrir dans bien des régions.
Un autre exemple, cité par La Recherche concernant la notoriété : certains chirurgiens, aux Etats Unis, classés " premiers " de leur discipline par de telles enquêtes, ont dégringolé à un rang inférieur après avoir changé détablissement. Car les données statistiques pures ne prouvent rien. Ce qui était le plus important, cétait léquipe médicale toute entière et léquipement du service.
Ces quelques exemples, parmi bien dautres, prouvent le peu de sérieux de ces enquêtes et leur empressement à trop prouver. Car, dans son objectif de fermer des milliers de lits et de services, le gouvernement pour culpabiliser et préparer lopinion a besoin du relais de journalistes complaisants. Ces enquêtes faites pour inquiéter arrivent à point nommé.
Serge Constant
Le gouvernement ouvre la porte de la Sécu aux assurances privées
Au moment où il redouble ses attaques contre la santé publique, le gouvernement vient dautoriser, par un arrêté, la société dassurances Groupama à prendre en charge directement le remboursement des soins de 30 000 assurés de la Mutualité sociale agricole dans trois départements. Par convention passée avec 200 médecins, ces malades seront pris en charge directement par cette société qui réglera elle-même le médecin des honoraires.
Et cette possibilité offerte à cette société nest, sans doute, quun premier pas du gouvernement. Depuis des années, de nombreuses sociétés dassurances, telle Axa, préparent des plans dattaque pour mettre la main sur le système de santé publique et les milliards des fonds de la Sécurité Sociale. Et le gouvernement, tout en jurant bien sûr, quil nest pas question de toucher à la Sécu vient, là, de faire un pas de plus dans le sens de son démantèlement.