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Vie sauve pour Mumia Abu-Jamal !

Militant des Black Panthers condamné à mort il y a 17 ans pour son engagement politique, son exécution est prévue le 2 décembre

Le gouverneur de Pennsylvanie vient de signer le deuxième mandat d’exécution de Mumia Abu-Jamal, fixant son assassinat " légal " au 2 décembre 1999. Militant et ancien porte-parole des Black Panthers à Philadelphie, journaliste surnommé " la voix des sans voix " pour son engagement aux côtés des opprimés et des minorités, Mumia a été condamné à mort en 1982 pour l’assassinat d’un policier blanc, victime d’une machination de l’Etat américain et du FBI.

Les faits remontent à décembre 1981 : une nuit, alors qu’il était chauffeur de taxi, Mumia s’arrête voyant son frère victime des brutalités d’un policier dans une rue de Philadelphie. Le policier tire, blessant grièvement Mumia. Le policier, lui, est atteint de deux balles dans le dos. Un témoin attestera avoir vu un homme s’enfuir, mais c’est Mumia qui sera accusé.

La police fabrique alors ses " témoins ", dont aucun n’a assisté à la scène et qui sont depuis revenus sur leurs déclarations. Parmi eux, un clandestin menacé et des prostituées rackettées par la police de Philadelphie connue pour ces pratiques qui, depuis, ont obligé le FBI à annuler plus de trois cents condamnations pour faux témoignages.

Malgré les preuves innocentant Mumia, malgré les 29 violations des droits constitutionnels relevées durant son procès, il est condamné à mort sans avoir pu assurer lui-même sa défense (le motif officiel est que sa coiffure " rendait les jurés nerveux "), obligé de passer par un avocat inexpérimenté, commis d’office, qui n’aura les moyens de mener aucune contre-enquête.

Le juge Sabo qui mène le procès est celui qui détient le record des condamnations à mort aux Etats-Unis et il est, comme par hasard, membre du même syndicat d’extrême-droite que le policier tué, l’Ordre Fraternel de la Police. Sabo ne cherche d’ailleurs pas à cacher que Mumia est condamné à mort pour son engagement. Au cours du procès, il lui demande s’il a bien déclaré être pour " tout le pouvoir au peuple " et, pour lui, le passé militant de Mumia devait l'amener à tuer un policier. Le casier judiciaire de Mumia est vierge, mais il découvrira au cours du procès que le FBI a un dossier de 700 pages le concernant, dossier qui a été ouvert quand, à l’âge de14 ans, il avait tenté, avec des camarades, de hisser sur son lycée une banderole portant le nom de Malcom X...

L’Etat américain ne peut supporter l’existence d’hommes comme Mumia qui, malgré l’isolement total qu’il subit dans les " couloirs de la mort " depuis plus de 17 ans, n’a cessé de dénoncer l’oppression faite aux pauvres et le racisme institutionnel de la " démocratie " américaine, parvenant à faire paraître un livre En direct du couloir de la mort dans lequel il témoigne du calvaire de ses codétenus, des brutalités racistes et policières à l'encontre des exclus et des militants ainsi que de son engagement.

En 1995, un premier mandat d’exécution avait été signé, mais la mobilisation internationale avait alors contraint les autorités américaines à accorder de nouveaux recours demandant la révision du procès. Cette révision vient d’être à nouveau refusée, permettant au gouverneur Ridge (qui a signé 176 ordres d’exécution depuis qu’il est devenu gouverneur en 1995, soit cinq fois plus que ses deux prédécesseurs en vingt-cinq ans) de décider de l’exécution, alors que Mumia n'avait pas encore épuisé toutes les voies de recours devant la justice fédérale. Ses avocats ont annoncé qu’ils lançaient une procédure d’" habeas corpus " faisant appel de la décision d’exécution. Si elle est acceptée, elle permettra un sursis pendant lequel ils espèrent pouvoir obtenir un nouveau procès.

Dès la signature de l’ordre d’exécution, Mumia a été placé, pour la deuxième fois, dans ce que la justice américaine appelle la " phase 2 " des condamnés à mort : il a été amené dans une des cellules aux parois transparentes attenantes à la chambre d’exécution. L’électricité y est allumée 24 heures sur 24, il est surveillé par vidéo, tous ses effets personnels ont été confisqués et il est maintenu dans un isolement quasi total.

Mumia ne peut compter que sur la mobilisation du plus grand nombre pour exiger sa mise en liberté et pour dénoncer la barbarie de " la plus grande démocratie du monde " qui bénéficie du silence complice de la quasi-totalité des Etats et de leur presse.

Participons nombreux aux initiatives qui sont organisées dans les jours qui viennent. A Paris, une manifestation a lieu Samedi 23 octobre, à 14 heures, métro Richelieu-Drouot.

Carole Lucas

La sale guerre de la Russie contre la Tchétchénie et la neutralité bienveillante des impérialismes occidentaux pour leur bourgeoisie sous-traitante russe

Massivement bombardée depuis le 5 septembre, la Tchétchénie est maintenant occupée sur plus d’un tiers de son territoire par les troupes russes qui sont en train de lancer l’offensive sur la capitale Grozny. Des villages et quartiers populaires des villes tchétchènes sont bombardés, plus de 2 000 civils ont été tués, les principales infrastructures économiques de ce pays déjà ravagé par deux ans de guerre de 94 à 96, rasées. Plus de 150 000 Tchétchènes ont été jetés sur les routes par les bombardements vers l’Ingouchie voisine, incapable de subvenir à leurs besoins.

Les responsables tchétchènes ont fait appel à l’ONU, à l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), au Conseil de l’Europe, mais aucune de ces organisations n’a même accepté de recevoir leurs émissaires. Les dirigeants des puissances impérialistes qui avalisent le prétexte mis en avant par la Russie pour faire cette guerre, la lutte contre le terrorisme, se contentent d’appeler celle-ci à la " retenue " et au dialogue. Les dirigeants américains comme ceux de l’Union européenne considèrent la Tchétchénie comme un territoire russe. La presse démocratique s’indigne de cette complaisance à l’égard du régime déliquescent et miné par les affaires de corruption d’Eltsine. Et alors que le gouvernement russe de Poutine cherche à légitimer ses exactions en comparant son intervention à celle de l’Otan au Kosovo, elle établit, elle, une comparaison entre Eltsine et Milosevic, analogie plus évidente puisque la Russie intervient contre une de ses anciennes républiques qui a voulu faire sécession.

Mais récemment, James Rubin, porte-parole du Département d’Etat américain, interrogé sur la comparaison établie par le gouvernement russe, avait répondu en s’indignant devant cette " analogie démente ", affirmant qu’il y avait une différence " pratique " entre les deux interventions, car " il n’y a pas en Tchétchénie de chef capable de contrôler les rebelles ", à la différence de la Yougoslavie dont l’Otan intervenait pour faire plier le dictateur Milosevic.

On ne peut mieux révéler les raisons véritables de l’intervention de l’Otan en Yougoslavie et de la non intervention des grandes puissances en Tchétchénie : dans l’un et l’autre cas, au-delà des différences " pratiques ", les objectifs sont les mêmes, rétablir l’ordre contre les peuples. C’est cette seule préoccupation qui anime les puissances impérialistes, " la stabilité " de cette région du Caucase, cette poudrière, dont elles ont elles-mêmes allumé quelques mèches. Et pour le moment, le pouvoir du clan d’Eltsine, même aux abois, est encore le garant d’un ordre, relatif, le plus stable, contre la population russe elle-même et contre les peuples de l’ancienne URSS. De là, cette neutralité bienveillante des brigands en chef pour leur brigand subalterne.

G. T.

Les techniques du management appliquées aux profs… ou la seconde réforme Allègre

Dans le secteur de l'enseignement, cela fait déjà quelques années que des pressions s'expriment pour " libéraliser " le système et le rendre rentable. Deux rapports, commandés par le gouvernement et récemment publiés, vont en ce sens.

Le premier, consacré au temps de travail des enseignants, remet en cause les allégements de service liés à certaines conditions d’exercice, en particulier ce qu’on appelle " l’heure de 1ère chaire " : il s’agit d’une décharge (d’une heure) pour les enseignants préparant plusieurs classes au baccalauréat, afin de compenser la charge de travail que cela représente. Le rapport qualifie cette décharge horaire de " désuète ". On nous refait le coup des archaïsmes, les acquis liés aux conditions de travail étant bien entendu considérés comme des " corporatismes " . Bref, le temps de travail serait augmenté ainsi d’une heure. Ou plutôt, il s’agirait pour cela de " s’en remettre au bon sens des chefs d’établissements " qui verront leur pouvoir renforcé. C’est l’objet du second rapport, renforcement du pouvoir des chefs d’établissements, à qui il sera enfin donné les moyens de se comporter comme de vrais chefs d’entreprise. La logique productivité - management se met en place : les traditionnelles inspections, peu nombreuses, sont jugées " anachroniques ". Il faut donc " moderniser ". Ainsi l’enseignant devra lui-même, comme un bon cadre moderne, " s’auto-évaluer ", se fixer ses " objectifs ", rédiger un " rapport d’activité ", analyser ses tâches d’enseignant, et présenter les actions " éducatives et administratives " auxquelles il a participé ! Jusque là, on attendait d’un enseignant qu’il enseigne. Il est maintenant question de tâches très diverses... Ce rapport servira de base à un entretien d’évaluation mené par un inspecteur et par le chef d’établissement lui-même, qui se trouve directement impliqué dans le jugement et l’évaluation pédagogique de son petit personnel… Enfin, les inspections " archaï-ques " seront maintenues, mais à un rythme d’une tous les deux ans, et par deux inspecteurs de deux disciplines différentes… Bref la panoplie du libéralisme se met en place, avec des profs sous surveillance, et des chefs d’établissements qui pourront exiger de leurs subordonnés des résultats, puisqu’ils auront maintenant le pouvoir de les " motiver " en distribuant, au mérite, les allégements de service et autres " récompenses ". Ces propositions annoncent la seconde réforme que le gouvernement a en vue. La première réforme est déjà en partie en place, avec comme premier résultat le développement de la précarité, puisque tout un volant d’activités est maintenant assuré par des aides-éducateurs, emplois-jeunes, CES et vacataires, entraînant une confusion des statuts qui vise à nous mettre tous en concurrence. Les lycéens qui, dans la rue, manifestent contre les emplois du temps à trous et les classes surchargées résument parfaitement la situation, puisque la réforme a pour résultat de " compenser " des classes à effectifs toujours plus grands avec des bricolages de pseudo-soutien destiné à tous ceux que ce système éjecte. Leur colère est légitime, celle des profs pourrait renforcer leur lutte, si les enseignants parviennent à dépasser leur découragement de s’attaquer à ce qu’ils savent être la politique d’un gouvernement et pas seulement la folie d’un ministre " bouffon ".

Sarah Lee