éditorial


Les riches et les privilégiés au-dessus des lois faites pour eux et par eux au mépris des droits des travailleurs et des peuples

La semaine dernière, Papon, condamné en avril dernier à dix ans d’emprisonnement pour avoir organisé, en tant que secrétaire de la préfecture de la Gironde de 1942 à 1944 sous le régime de Pétain, la déportation de 1600 juifs les condamnant ainsi à une mort certaine, avait disparu. De sa cache dorée en Suisse, il envoyait une déclaration à la presse expliquant qu’il ne se livrerait pas. Le fuyard, inversant les rôles, se déclarait victime d’une justice qui bafouerait les droits de l’homme. Quel cynisme, alors que la facilité avec laquelle il avait pu fuir, placé sous la surveillance très symbolique de la police, en dit long sur la façon dont la justice s’applique selon que l’on est riche et puissant ou pauvre et sans appui.

Devant le scandale suscité par sa fuite, le gouvernement a multiplié les déclarations de fermeté sur sa volonté de voir Papon purger sa peine. Une fois Papon retrouvé, les députés socialistes ont applaudi l’efficacité de leur gouvernement. Les uns et les autres avaient hâte d’en finir avec cette affaire qui éclaire un passé qu’ils voudraient cacher : Mitterrand, qui fut lui-même haut fonctionnaire sous le gouvernement de Pétain et décoré à ce titre de la francisque, symbole du régime, avait tout fait pour empêcher puis repousser la mise en accusation de Papon.

Et si Papon a été finalement jugé, c’est grâce à l’acharnement des parties civiles, les proches des victimes, qui, pendant dix-huit ans, ont combattu pour que ce procès ait lieu. La justice qui, paraît-il, est la même pour tous, a permis à Papon de comparaître libre pendant le procès, il est encore resté en liberté après sa condamnation jusqu’à son pourvoi en cassation, ce qui lui a facilité sa fuite. Son arrivée à la prison de Fresnes a provoqué les huées des autres prisonniers qui eux, n’ont pas bénéficié du même régime de faveur

Les lois faites par des serviteurs zélés de l’Etat ne s’appliquent pas à ceux qui servent la bourgeoisie. La justice, comme la police, savent reconnaître qui est intouchable et contre qui elles peuvent se montrer impitoyables. Papon est un de ceux qui, toute sa vie, par carriérisme, a servi tous les pouvoirs en place. Haut fonctionnaire de l’Etat, rallié au régime vichyste comme beaucoup de sa génération, il a fait toute sa carrière sous les différents gouvernements qui se sont succédé sans qu’il lui soit jamais demandé de rendre des comptes tant sur son zèle contre les Juifs que sur sa responsabilité directe, en tant que préfet de police de Paris, dans la répression de la manifestation des Algériens, le 17 octobre 1961, qui fit 200 morts. Sa carrière, considérée jusqu’à son procès comme brillante dans les milieux de la bourgeoisie et de la presse qui encense tout ce qui est officiel et proche du pouvoir, l’a mis à l’abri toute sa vie. En plein accord avec la morale de sa classe, il se considère comme intouchable. Condamné, passe. Devoir purger la peine est une atteinte au droit des privilégiés.

La droite, hypocritement, s’est indignée de ce que Papon ait pu si facilement quitter le territoire français, sans être inquiété par la police de Chevènement. Elle n’a pas manqué l’occasion de faire la leçon au Parti socialiste et de se poser en défenseur d’une sacro-sainte justice qui n’existe pas. Elle sait, comme tous les arrivistes, se retourner contre les siens quand ils deviennent gênants. La seule loi qui s’applique est celle qui permet à la bourgeoisie de faire ses affaires, quels que soient les gouvernements qui la servent. Les hommes qui la servent sont au-dessus des lois, raison d’Etat oblige, du moins dans les limites des intérêts de leur caste.

C’est pourquoi aujourd’hui, le RPR se détourne du maire de Paris Tibéri, dont l’épouse Xavière, est passée la semaine dernière en jugement pour avoir perçu 200 000 francs pour un travail qu’elle n’a pas fait.

Une autre affaire éclaire ces milieux des serviteurs de l’Etat dont on n’entend parler que lorsqu’ils ne bénéficient plus d’une complète impunité. André Tarallo, ancien directeur du groupe Elf-Aquitaine, surnommé " Mr Afrique " a à s’expliquer sur les 610 millions de francs qui se trouvent sur ses comptes en Suisse et qui proviennent de " commissions " versées par Elf pour obtenir des marchés de la part des Etats africains. Mis en examen en 1996, puis en 1997, il est toujours en liberté, bénéficiant, lui aussi, de la lenteur de la justice quand elle a affaire à des gens haut placés.

La défense des intérêts financiers est la seule loi reconnue par la bourgeoisie et elle sait être généreuse avec ceux qui la servent. En toute légalité, les dirigeants de sociétés, comme Jaffré, perçoivent des stocks-options qui leur permettent de s’enrichir personnellement, et qu’importe à tous ces " honnêtes gens " la justice et les droits de l’homme. Chirac comme Jospin en font une belle démonstration en recevant avec faste le président chinois, puis en faisant donner leur police contre les opposants à la dictature en Iran à l’occasion de la visite du président iranien. Quelques contrats méritent bien de sacrifier la liberté de millions d’hommes.

Les politiciens de droite comme de gauche sont solidaires pour tenter de camoufler aux yeux des travailleurs et de la population qu’à la base de l’Etat, il n’y rien de respectable mais au contraire, des intérêts injustes, privés, contraires à la collectivité, qui bafouent les libertés et les droits des travailleurs et des peuples.