échos d’entreprises et de luttes



Après 21 jours de grève à J-J. Bosc, la lutte continue dans les Centres de tri de Bordeaux

A Bordeaux, les salariés de deux centres de tri de la Poste, le C.T.Distribution et le C.T.Courrier, mitoyens, sont en grève.

Au CTD, la grève a commencé le 5 octobre pour s’opposer à une réorganisation qui amènerait la disparition de tous les emplois de nuit - 82 salariés - et au transfert du courrier et des agents vers d’autres centres comme Bordeaux Recette Principale pour le courrier des particuliers, ou le centre de tri départemental pour celui des entreprises (cedex). Les contractuels du matin, qui ont des horaires atypiques (3 h 30 à 7 h du matin) et qui n’ont que des contrats à temps partiel, se sont aussitôt joints à la lutte pour réclamer des CDI à temps complet.

Au CTC, les revendications sont liées à la fois à la politique de restructuration de la Poste et à la mise en place de la RTT. Environ 400 personnes n’auraient droit à aucune RTT, sous prétexte qu’elles travaillent déjà moins de 35 heures (horaires de nuit par exemple). Et les embauches seraient loin de compenser la RTT. Le vrai problème, c’est la politique d’économie de la Poste, comme disait un camarade : " quand on veut du profit, on attaque la masse salariale, on attaque les effectifs… de toute façon, dans l’histoire, on n’a jamais vu le temps de travail diminuer sans les luttes et un rapport de forces ".

La direction départementale de la Poste refuse toute discussion, elle a déclaré à la radio : " on ne discute pas avec les révolutionnaires du statu quo " ! Quant au directeur du CTC, il ne vient plus au centre… il s’est trouvé un bureau à la DD !

Pour briser la grève, la Poste a mis en place depuis le début du conflit des centres de tri parallèles en recrutant de jeunes intérimaires payés au lance-pierre. Le 18 octobre, 50 grévistes du CTC et du CTD, excédés par le mépris du directeur, ont alors fait une expédition à l’un de ces centres illégaux à Artigues, en banlieue. Quelques œufs et quelques pétards ont été lancés, ce à quoi la direction de La Poste a répondu en portant plainte et, trois jours plus tard, trois gendarmes ont débarqué au domicile d’un militant CGT actif et connu, pour le mettre en garde à vue, manipulation qui n’avait pour but que de décourager et impressionner les grévistes… ce qui a aussitôt provoqué l’extension du mouvement. Pendant sa détention, le copain de la CGT a été sommé de dénoncer ses camarades et face à son refus de délation, les gendarmes ont décidé de prolonger sa garde à vue. A partir du 21 octobre, la grève s’est étendue à d’autres services (Plate-forme colis, Bordeaux docks…). La solidarité s’est ainsi imposée avec notamment une manifestation de 300 personnes devant la direction qui a été contrainte de retirer sa plainte.

Depuis, la lutte continue, chaque assemblée générale décidant des actions à mener. Une série de manifestations et de rassemblements ont été organisés devant la direction départementale, la préfecture, la mairie de Bègles (Noël Mamère) ou le Conseil Régional, où il y avait entre 100 et 150 postiers.

Mardi soir, à l’AG de l’équipe de nuit du CTC, les militants reçus l’après-midi faisaient le bilan de l’entrevue accordée par des conseillers du président de région, le " socialiste " Rousset, qui étaient d’accord sur tout… mais pour qui rien n’était possible, car la situation était " corsetée par la signature du contrat de plan entre l’Etat et la Poste " !

Dans l’AG, de nombreuses interventions, dont celles des militants de la CGT et de SUD qui animent la grève, mettaient en avant le ras-le-bol des fausses négociations ou entrevues avec des représentants qui n’ont rien à proposer, ni le pouvoir de décider, alors que la vraie direction se débine. Le représentant de la direction présent a été contraint de téléphoner à plusieurs reprises à ses supérieurs, les grévistes voulant négocier de suite et au plus haut niveau, refusant de se déplacer désormais pour voir des sous-fifres.

La poursuite de la grève a été votée, d’autant que les brigades de journées commencent à rejoindre plus nombreuses le mouvement. Tout le monde se dit qu’il faudrait une extension de la lutte à l’ensemble des Centres de tri de la Poste, comme en 95, tant il est clair que la grève s’oppose à une volonté politique d’ensemble de la direction nationale qui est de rendre la Poste profitable, en cassant toutes les résistances, au mépris des salariés et des usagers, en supprimant des milliers d’emplois.

Vercors : un patron de choc traîne en justice un militant qui dérange

Un responsable syndical traîné en justice pour avoir dénoncé les conditions de travail dans une entreprise : c’est ce qui arrive à Patrick Brochier, qui devait comparaître ce jeudi 28 octobre devant le tribunal correctionnel de Grenoble. Son crime : avoir signé, au nom de l’union locale CGT du Vercors, un communiqué de presse paru dans le Dauphiné Libéré, dans lequel les établissements JOLY MARION étaient mis en cause. Cette PME fabricant des " objets décoratifs " s’est installée voilà quelques années à Lans-en Vercors, petite commune de montagne, à grand renfort d’aides publiques, et elle emploie aujourd’hui plusieurs dizaines de salariés. Mais son patron, tout moderne et dynamique qu’il soit aux yeux de la presse locale, a vite combiné les méthodes paternalistes traditionnelles avec une gestion brutale du personnel : absence de droits syndicaux, interdiction de parler à l’extérieur du vécu dans l’entreprise, salaires de misère, usage abusif des heures supplémentaires et, naturellement, la porte pour qui se rebiffe. Suite au communiqué de la CGT, la presse locale a même reçu une lettre " spontanée " des employés de JOLY MARION protestant contre les " calomnies " du syndicat. Il est vrai que si les anciens salariés de l’entreprise s’expriment sans réserve sur les conditions de travail qu’ils ont subies, la pression et le chantage au licenciement jouent à plein sur ceux qui sont en poste.

En s’attaquant à Patrick, la direction de JOLY MARION voudrait contraindre la toute récente UL CGT à respecter elle aussi la loi du silence. Elle compte sur le soutien du patronat local, dont les méthodes ne sont guère différentes, et d’une partie des élus du Vercors qui, évidemment au nom de l’emploi, sont prêts à laisser transformer notre région en zone de non droit. C’est que l’action syndicale dérange, qu’elle a permis à nombre de salariés des entreprises du coin de ne plus se résigner, qu’elle les aide à faire valoir leurs droits, avec comme résultat la constitution de plusieurs sections syndicales et l’élection de délégués du personnel. Le procès intenté à Patrick Brochier, qui est passible de 6 mois de prison et d’une forte amende, montre aussi l’acharnement des notables locaux contre ce travailleur de l’ONF, militant de la CGT et du PCF. En 1998, le sénateur maire d’Autrans, la petite commune où il réside, avait obtenu de la direction régionale de l’établissement public sa mutation forcée à l’autre bout de l’Isère. La mobilisation syndicale avait forcé l’ONF à reporter cette mesure. Elle doit obtenir aujourd’hui l’acquittement de Patrick.

Correspondant

Echos du bulletin hôpital Charles Nicolle (Rouen)

SOUS CONDITIONS

Sur la paye de décembre, un acompte de 1 500 F de la prime de service 99 peut être obtenu par les agents qui en feront la demande. Cet acompte sera le bienvenu puisqu’il tombera pour les fêtes de fin d’année, mais la direction entend pénaliser les agents qui ont eu plus de 10 jours d’arrêt maladie dans l’année.

C’est quand même le comble dans un hôpital de sanctionner la maladie.

" DU POGNON IL Y EN A DANS LA POCHE DU PATRONAT ! ! ! "

Le Conseil d’Administration du 15 octobre (les représentants du personnel, les médecins) a refusé de voter le budget de l’établissement pour l’an 2000 et c’est tant mieux ! Ceci met en évidence le manque de moyens attribués ces dernières années et qui a conduit le CHU à réduire considérablement le nombre de mensualités de remplacement…

A force d’avoir rogné par tous les bouts, le manque de moyens met en cause le fonctionnement de l’établissement et aboutit à la fermeture plus importante de lits, d’une année sur l’autre. Pour la fin de l’année, le manque de personnel est catastrophique dans beaucoup de services.

Alors la direction dit qu’elle ne peut rien faire : " c’est aux politiques de prendre leurs responsabilités ".

Oui bien sûr mais il ne s’agit pas de prendre aux autres établissements hospitaliers publics qui éprouvent eux aussi les même difficultés. Il s’agit bel et bien de s’opposer à la politique du gouvernement en matière de restrictions dans la santé et d’imposer des crédits à la mesure des besoins de la population.

Les 35 heures à l’hôpital public : une attente sans illusions

Si on a appris, par la presse, que tous les syndicats de la Fonction Publique sont, depuis début octobre, reçus à tour de rôle par Emile Zucarelli, ministre de la Fonction Publique, pour discuter des 35 heures, rien n’en transparaît dans les tracts syndicaux.

Dans les services, cette question des 35 heures revient sans cesse : " tu crois qu’ils vont finir par nous les donner à nous aussi ? "… " ça serait bien de souffler un peu… d’avoir quelques fériés en plus... " ou encore : " si ça pouvait permettre des embauches, des titularisations... "

Mais beaucoup sont lucides et plutôt inquiets : " depuis que mon mari a les 35 heures, il fait des samedis obligatoires et non payés en heures supplémentaires ". Et nombreux sont ceux qui, constatant la grave dégradation des conditions de travail de ces derniers mois disent : " ils n’embaucheront pas, alors, faire quatre heures de moins dans ces conditions, merci bien ! "

Les personnels de nuit à l’hôpital public ont les 35 heures depuis quelques années. C’est un engagement qui avait été obtenu suite aux grèves des infirmières. Cette baisse du temps de travail est certes appréciée par ces collègues. Mais elle a été appliquée sans aucune embauche, car, contrairement à ce que disent les syndicats, les 59 postes accordés au CHU de Bordeaux, par exemple, étaient des postes redéployés d’autres services. Mais ce dont ne parlent pas les syndicats, c’est que pour mettre en place ces 35 heures de nuit, des équipes de remplaçants ont été constituées, au volontariat, acceptant de faire toute l’année, sans interruption, quatre nuits de rang, moyennant d’être de repos tous les vendredi, samedi et dimanche et deux mois et demi pour les congés en été. Un roulement épuisant et une dérogation au régime habituel des roulements de nuit qui ouvre une brèche et pourra être très utile à la direction pour l’avenir.

La direction, si elle ne laisse rien transparaître pour l’instant, a aussi des raisons d’être inquiète car elle connaît tout à fait la pénurie de personnel et le mécontentement qui existe. Plus d’un de ces messieurs doit se demander comment appliquer avant 2002 les 35 heures sans budget et sans embauches. Il est vrai que le rapport Roché (sorte de mémoire établi, à la demande du gouvernement, pour envisager ce passage aux 35 heures sans aucune embauche) leur offre quelques " gisements " à exploiter : on ne pourra peut-être pas embaucher, mais on pourra redéployer les effectifs puisqu’il y a encore tant de services et de lits à fermer (30 000 d’après Martine Aubry). Et puis, il y a temps de travail et temps de travail " effectif " ! Certains hôpitaux connaissent encore la demi-heure de repas prise sur le temps de travail. N’est-il pas temps de mettre fin à ces " corporatismes " et d’aligner tout le monde… par le bas ? Il y a aussi ce problème du chevauchement des équipes qui, de 13 heures à 15 heures permet aux équipes de matin et de soir de se retrouver pour passer les consignes, aller au self (quand on peut). Là encore, ne peut-on réduire ce chevauchement à une heure ? En une semaine, ça permettrait de grignoter 5 heures…

Comme on le voit, les projets ne manquent pas. Le personnel en discute, l’idée de la nécessité d’une riposte fait son chemin. Toute la question est celle de son organisation, bien peu aujourd’hui font confiance aux syndicats pour cela.

Un gérant de choc

Au Leader Price de la cité de Saige Formanoir à Pessac (banlieue de Bordeaux), nous sommes une vingtaine d’employés, en majorité en CDI et les autres en CDD. Pour palier aux absences (maladies, congés…) le responsable du magasin fait appel à l’intérim.

Depuis des mois, celui-ci emploie des méthodes plus que douteuses, pour faire rentrer dans le rang ceux qui oseraient protester contre ses projets d’organisation du travail.

Quelques exemples. Prenant des collègues à part, il dit à ceux qui voudraient bien l’entendre : " certains ne font pas leur travail ". Ou en tête à tête, il n’hésite pas à employer la vulgarité pour intimider ou provoquer.

Il nous impose de ne pas prendre plus de 2 semaines de congés à la suite. Pour les caissières, il n’est pas question de prendre un seul samedi matin de repos.

Les salaires eux, ne bougent pas depuis des années, pour les plus anciens c’est toujours le SMIC après 6 ans de présence. Certains d’entre nous ont essayé de demander des augmentations, la réponse est invariable " si j'en augmente un, il me faudra augmenter tout le monde ". Alors ce n'est personne !

En juin 98, nous avions fait grève un jour tous ensemble, pour les salaires et l’embauche. La direction générale avait dû céder, accorder un poste de caissière de plus et des heures de manutention supplémentaires qui sont faites par des CDD. Nous avions aussi obtenu des choses élémentaires, comme une salle de repos et le respect des temps de pause.

Depuis, le gérant ne l’a pas digéré, alors il cherche par tous les moyens à nous diviser. Pour la majorité d’entre nous pour l’instant, c’est la colère rentrée, même si certains osent exprimer publiquement leur désaccord avec ces méthodes, accompagnées d’un chantage au licenciement.

Malgré cela, l’idée de réagir et ne pas laisser faire fait son chemin.

Dernier lancement d’un navire aux Ateliers et Chantiers du Havre : patrons et gouvernants ont quitté le navire, restent les travailleurs… au chômage

Samedi 23 octobre, les ACH ont livré leur dernier navire, le seul des 3 chimiquiers commandés par l’armateur Stolt, qui part en direction d’un autre chantier qui le terminera. Le nombre des emplois directs ou indirects supprimés serait de 3000 dans une ville de 200 000 habitants. 950 travailleurs des ACH auront perdu leur emploi d’ici à la fermeture totale en juin 2000. Bove, le Monsieur Réindustrialisation du Havre avait promis un plan social " exemplaire " de 260 millions de francs, avec primes au départ et reclassement. Ce plan sera sans doute exemplaire pour les patrons : l’ensemble du Holding ACH est vendu par petits morceaux à bon prix à des patrons petits et grands. Le site de 11 hectares à Graville fera la joie des manutentionnaires de conteneurs. Le siège social en centre ville enrichira un capitaliste quelconque de l’immobilier, pendant que certaines activités pointues de conception ou de réparation sont rachetées, y compris par les patrons actuels. Une fois de plus, ils ne devraient pas sortir perdants de l’histoire. Les travailleurs qui ont tout quitté pour aller à St-Nazaire embaucheront chez Alstom (chantiers de l’Atlantique), avec toute leur expérience, mais en perdant leur ancienneté. De toutes façons, il y aura moins d’embauches que prévues. C’est le cas pour l’ensemble du plan social car pour l’instant, ce que les licenciés obtiennent, ce sont surtout des promesses. Sur 450 licenciés à la mi-octobre, seule une cinquantaine a retrouvé de l’embauche et que dire des intérimaires ou sous-traitants dont personne ne sait ce qu’ils sont devenus ? L’audit sur un futur Pôle Industriel et Naval est " en quête de définition ", manière de dire que c’est un flop, mais qu’au passage, cet audit aura eu le mérite d’enrichir le cabinet qui l’a réalisé. Le Port Autonome comme Total et EDF vont toucher une manne de subventions car 20 milliards de francs d’investissements sont prévus dans les années à venir, mais l’embauche, elle, n’est toujours pas là. Hispano Suiza reprendrait bientôt une trentaine de salariés. Pour le reste, c’est donc l’inquiétude, d’autant que les perspectives d’emplois ne sont pas excellentes. Delmas, propriété du milliardaire Bolloré, actionnaire à 35 % des ACH et dont l’arrivée du siège social il y a 2 ans avait été annoncée à grande trompe, Delmas donc, licencie lui aussi. CMS, une entreprise de chaudronnerie liée à Alstom et qui avait reçu des garanties de la multinationale quand celle-ci a fermé son usine du Havre, est menacée de fermeture. Encore 200 chômeurs de plus en perspective dans une ville qui compte déjà un taux de chômage de 17 %. Autant dire que les promesses de Bove, qui avait déjà sévi dans la sidérurgie lorraine, laissent tout le monde très perplexe : c’est " parole de patron ". Le lancement du dernier navire aux ACH laisse donc un goût très amer. Celui d’avoir assisté à un gigantesque gâchis. Les responsables ? Les patrons, trop près de leurs profits et de leurs subventions et incapables de moderniser l’entreprise. Les politiques : ceux de droite qui signent une commande irréalisable en 1995 pour propulser Rufenacht, candidat RPR à la tête de la mairie, et ceux de gauche qui laissent périr le chantier. L’amertume existe également à l’encontre du syndicat CGT dont la politique d’union sacrée avec les patrons et les politiques de tous bords a été un frein pour la lutte. Le désarroi domine. La volonté aussi de ne pas assister de nouveau dans l’avenir à un tel " enterrement de 1ère classe ". Reste à discuter des moyens pour éviter cela.

Travail de nuit des femmes - Sous le prétexte hypocrite d’égalité, une nouvelle attaque contre les conditions de travail et de vie des femmes, et de tous les salariés

Au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes, une directive de la Commission européenne demande la fin de l’interdiction du travail de nuit pour les femmes qui travaillent dans l’industrie en France. La France est en effet le seul pays où le travail de nuit des femmes est interdit par une loi, considérée en contradiction avec la directive européenne de 1976 sur l’égalité des sexes, et elle est condamnée à payer pour cela une amende qui s’élève à 943 881 F d’astreinte par jour pour non respect de cette fameuse directive.

La Commission européenne estime que l’interdiction faite aux femmes de travailler la nuit constitue une discrimination sexiste. Pour ces législateurs hypocrites, les femmes françaises seraient ainsi écartées de la possibilité d’augmenter leur salaire par des primes de nuit, de pouvoir organiser leur temps de travail comme les hommes.

Tout le monde sait aujourd’hui que le travail de nuit, pour les femmes comme pour les hommes est dangereux pour la santé physique et nerveuse. Une enquête de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales révèle que le travail de nuit abaisse de 7 ans l’espérance de vie des salariés, de 10 ans celle des infirmières. Or aujourd’hui, 3 millions de salariés travaillent actuellement en France, régulièrement ou occasionnellement la nuit, 20 % d’hommes et 6 % de femmes. Et si la loi est toujours théoriquement en vigueur, dans les faits, le travail de nuit ne cesse de se développer, imposé aux femmes par un patronat qui ne connaît que la rentabilisation du travail et la flexibilité. Il ne s’agit pas d’une quelconque liberté de choix pour les femmes, qui sont les premières victimes du chômage, des bas salaires et de la précarité, contraintes d’accepter la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, d’accepter les 2 x 8 ou les 3 x 8, l’allongement des journées de travail, etc. Pour les ouvrières non qualifiées, le travail en 2 x 8 ou en 3 x 8 a progressé de 21 % en 91 à près de 30 % en 98. Un demi-million de femmes, femmes de ménage, infirmières, serveuses ou ouvrières, travaillent de nuit. Parallèlement à l’augmentation du travail de nuit des femmes dans l’industrie, on assiste dans le commerce, secteur très féminisé, à une extension du travail du dimanche et des jours fériés, des fins de journée tardives, avec des emplois précaires et à temps partiel.

Cette loi française sur le travail de nuit des femmes avait été votée en 1892 pour défendre la moralité de la famille et des femmes, jugeant qu’il n’était pas " convenable " qu’une femme gagne de l’argent par une activité salariée. Malgré les préoccupations réactionnaires de ses initiateurs, elle a permis de protéger les femmes, et sa remise en cause aujourd’hui est un recul qui concerne non seulement les femmes mais l’ensemble des salariés, car elle signifie l’aggravation des conditions de travail pour tous, un nouveau verrou qui saute dans le sens d’une plus grande flexibilité et une réorganisation du travail (rentabilisation des machines qui pourront tourner 24 heures sur 24, modulation...) au seul profit du patronat.

C.A.

Les patrons mouchardent les travailleurs pour faire pression et augmenter la productivité

La direction de Thomson dans le Loiret, a engagé une nouvelle procédure de licenciement contre Armelle Bruand, déléguée CGT, parce qu’elle a dénoncé auprès de l’Inspection du travail et de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) la présence d’une caméra de surveillance cachée dans un lampadaire à côté des fenêtres de la permanence syndicale. Cet engin pouvait zoomer, depuis le poste de garde, sur des documents posés sur les tables de la CGT et de la CFDT. La direction, qui en est à sa troisième procédure de licenciement contre cette militante, argue qu’elle aurait révélé à la presse " des informations protégées par le secret défense " ! Le 19 octobre, des militants CGT de l’agglomération orléanaise ont dénoncé devant l’usine cette attaque contre les libertés syndicales.

Une enquête récente de Liaisons Sociales révèle que le mouchardage des salariés par les patrons se développe. Installées soi-disant pour mieux surveiller les clients en cas d’affluence, les bandes caméra leur servent aussi à traquer les travailleurs ; un patron de Relais H a licencié ainsi deux salariées pour faute lourde. Le motif : présomption de vol de deux paquets de cigarettes. L’une d’entre elles, filmée en train de poser les paquets sur le comptoir, a dû passer 18 heures en garde à vue. Un cadre de la Fnac Etoile à Paris y a passé plus de 36 heures après avoir été perquisitionné et menotté, puis licencié pour vol ; il aurait été filmé au stock pendant un mois ! Des caméras ont également été installées dans des Assedic, dans des boules banalisées ! Dans une grande surface lyonnaise, les salariés se réunissent sur le parking parce que le service de sécurité a confirmé leurs soupçons ; leurs conversations étaient bien espionnées dans le magasin et le local syndical truffé de micros.

La loi interdit de filmer, écouter ou espionner un salarié à son insu. Mais, dans le cas des plate-formes colis des PTT, la direction a obtenu en procès le droit de braquer, comme c’est le cas à celle de Saint-Pierre-des-Corps, 19 caméras sur les postes de travail ; ces caméras, analogiques et non numériques, n’entraînent pas une déclaration à la Cnil ! Les patrons se servent des badges pour contrôler les horaires des ouvriers, mais aussi leur menu à la cantine, quand la carte à puce sert aussi à enregistrer les repas. Dans une entreprise parisienne de l’automobile, lorsqu’une ouvrière s’est blessée avec une machine à coudre, la direction a refusé de déclarer l’accident du travail sous prétexte qu’elle avait bu du vin le midi !

Tous les systèmes de contrôle informatisés – badge d’accès, auto-commutateurs, mesure du temps de travail -, devraient, selon la loi, être déclarés à la Cnil, avec leur finalité. Car les patrons se servent de plus en plus de l’informatique et des nouvelles technologies pour mettre la pression sur les travailleurs. Une secrétaire de concessionnaire auto a été menacée de licenciement, parce que sa direction avait fait vérifier par France Télécom que 30 % de ses communications n’aboutissaient pas, alors que son standard ne lui permettait pas de prendre plusieurs appels simultanément ! Dans une plate-forme téléphonique de France Télécom au Nord de Paris, un " superviseur " sait en permanence combien de minutes les agents parlent avec un client ; dans la salle, un gros compteur électronique indique le nombre de travailleurs présents, ceux qui sont déconnectés du standard et les clients en attente. Et il est impossible d’évaluer le flicage bien réel des disques durs d’ordinateurs, des boîtes de courrier électronique des salariés pour contrôler leur activité, leur rythme de travail à partir des données mémorisées. Une enquête sur les conditions de travail en 1998 a révélé qu’au cours des années 90, les contrôles par les ordinateurs des salariés de la grande distribution ont progressé de 300 %...

Sophie Candela

A.G de l’UL Saint Médard (33): pas d’illusions sur la loi Aubry !

L’Ag de l’UL s’est tenue avec la participation d’une vingtaine de salariés de Dentressangle, Cordier, Ford, des municipaux du Haillan, des Cars Ouest Aquitain et de l’Education nationale.

La discussion a essentiellement porté sur les 35 heures. Elle avait été introduite par une camarade de Dentressangle qui après avoir dénoncé la politique des patrons à travers " l’affaire Michelin " a dénoncé la façon dont la loi Aubry permettait aux patrons, avec la complicité du gouvernement, d’imposer la modulation, la flexibilité et des attaques contre les salaires. Les camarades de la SED, une entreprise d’embouteillage de Blanquefort, ont montré en dénonçant la situation de leur entreprise la continuité de la politique des gouvernements au service des patrons. En effet, un accord De Robien avait été signé à la SED. Il vient à expiration cette année et le patron semble très désireux de le prolonger en appliquant la loi Aubry qui lui donnera la possibilité de toucher de nouvelles subventions et d’aménager les horaires à sa guise, lui qui est en train de mener une véritable bataille pour grappiller cinq minutes sur les 20 minutes de pause ! Un camarade des municipaux du Haillan expliqua que le maire était d’accord pour appliquer la loi Aubry mais qu’il voulait en " contrepartie " reprendre tous les avantages qui n’étaient pas " statutaires " comme une prime payée en deux fois qui représente l’équivalent d’un treizième mois.

Devant ces témoignages, l’intervention d’une représentante de l’UD, responsable de l’UGICT, provoqua des réactions assez vives : elle se mit à vanter les mérites de cette loi qui contraint les patrons, " et c’est la première fois ", à discuter de l’organisation du travail dans tous les secteurs d’une entreprise. Un travailleur de la SED lui répondit qu’en matière d’organisation du travail, eux qui avaient connu en quelques années plusieurs patrons différents, avaient été soignés et que leurs horaires étaient maintenant " aussi extensibles que des élastiques " à force d’avoir été " réorganisés ". C’est donc bien le sentiment que cette loi est le prétexte aux attaques patronales contre lesquelles il nous faut nous défendre qui a dominé la réunion. Un sentiment bien différent de la précédente AG où ceux qui mettaient en cause la loi Aubry étaient traités de " pessimistes " par certains responsables syndicaux.