Indonésie : larmée et les partis religieux scellent leur nouvelle alliance dans la guerre sociale contre les masses pauvres
Après 23 ans dannexion du Timor Oriental par la dictature du général Suharto en 1976, la plus haute assemblée indonésienne, le MPR, composée des 462 députés élus le 7 juin dernier, 38 militaires désignés doffice et 200 représentants régionaux, soit au total 700 députés, a entériné la séparation du Timor Oriental du reste de larchipel. Cest lONU qui va prendre officiellement le contrôle du territoire pour une indépendance prévue dans les 2 à 3 ans à venir. Au Timor Oriental, après les massacres, vient le temps du blanchiment des assassins sous le prétexte que peu de cadavres auraient été découverts par les soldats de la Force multinationale. Les autorités indonésiennes ont donc obtenu de lONU quil ny ait pas denquête internationale sur les atrocités commises. Cette décision en dit long sur la conception à géométrie variable de la notion de " droit international " auquel les Nations Unies et les dirigeants impérialistes font référence en permanence pour justifier leur politique guerrière contre les peuples quand il sagit de lIrak ou du Kosovo. Durant ces 23 années, la dictature militaire au pouvoir a massacré 200 000 personnes, 25 % de la population du Timor Oriental, sans que lONU ait levé le petit doigt. Les militaires indonésiens et leurs chiens sanglants des milices ont dores et déjà lassentiment pour les crimes à venir qui risquent de se produire dans les provinces de lactuelle Indonésie qui réclament elles aussi leur indépendance. Pendant ce temps, dans la petite enclave dOekussi appartenant au Timor Oriental mais se trouvant dans la partie indonésienne du Timor Occidental, les milices se sont livrées durant plusieurs jours à de nouvelles exactions. Dans cette enclave de 778 km carrés où vivaient 50 000 habitants avant le vote du 30 août, la frontière entre les deux Timor ne se trouve quà 45 km à vol doiseau. LONU a laissé sciemment la population livrée une fois de plus à la folie meurtrière des militaires et miliciens indonésiens.
Dans la capitale, Djakarta, les différents partis politiques et religieux viennent de se partager le pouvoir et les sinécures dans la " 3ème démocratie du monde " comme si les élections du 7 juin dernier navaient pas eu lieu. La population a pu assister à toute une série de tractations secrètes, achats de voix et fausses candidatures de diversion qui a duré près dun mois. Tous ces dirigeants qui occupent maintenant le devant de la scène ont couvert par leur silence complice ou leurs déclarations nationalistes les tueries perpétrées au Timor. Il y a un mois, ils ont récidivé en restant à lécart quand les députés élus sous Suharto ont tenté de faire passer en force une loi donnant les pleins pouvoirs à larmée. Cest la jeunesse estudiantine et ouvrière qui est aussitôt descendue dans la rue et a contraint le président Habibie et le général Wiranto à remballer leur projet. Cette course aux places a donné les résultats suivants. Le poste de président de lAssemblée Nationale est revenu à Akbar Tandjung dirigeant du Golkar (fondé sous la dictature de Suharto) alors que ce parti navait obtenu que 22 % des voix aux élections du 7 juin. Le perchoir de lAssemblée Consultative du Peuple, le MPR, est revenu à un leader religieux musulman, Amien Rais, du Parti du mandat national (PAN) qui ne disposait que de 34 élus sur 462 députés. Enfin les postes de président et vice-président de lIndonésie, occupés auparavant par Habibie et le général Wiranto, sont allés respectivement à Abdurrahman Wahid, le dirigeant dun autre parti religieux, le PKB, Parti du réveil national (13 % des voix) et Mégawati Sukarnoputri, la fille de lex-président Sukarno qui gouverna le pays de 1947 à 1966 avant dêtre renversé par Suharto. Elle dirige le PDIP, Parti démocratique indonésien en lutte, et avait remporté les élections du 7 juin avec 34 % des voix. Les médias soucieux dencenser le tandem présidentiel ont déjà trouvé toutes les vertus du monde au nouveau président Wahid qui est présenté comme un musulman tolérant et modéré puisquil serait partisan dIsraël et contre lidée dun état islamique en Indonésie. Dans le nouveau gouvernement annoncé mardi 26 octobre, le général Wiranto perd les postes de chef des armées et de ministre de la Défense. Ses remplaçants sont comme lui issus du sérail militaire, un " civil ", directeur de linstitut de formation militaire supérieure au poste de ministre et lamiral Widodo comme chef des armées. Wiranto garde un poste de ministre dans le futur gouvernement et sest déjà dit prêt à diriger le pays " si le peuple en avait vraiment besoin ".
Les militaires indonésiens restent le bras armé des intérêts impérialistes et de la bourgeoisie indonésienne dont les hauts gradés constituent une fraction non négligeable. Le pourcentage de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté est passé de 11 à 44 % en lespace de 2 ans suite à la crise asiatique. Les syndicats restent encore interdits et les grèves sont réprimées avec violence par la police et larmée. Pour tenter de contenir la révolte latente provoquée par les ravages de la " libéralisation " économique de lIndonésie, les religieux et les militaires sentendent une nouvelle fois, comme ils lavaient déjà fait en 1965 pour couvrir le coup détat de Suharto et les massacres quil avait perpétrés.
Jean Narédo
Correspondance de camarades de la Réunion : Offensive libérale sur l'île de la Réunion
Les rapports Mossé, Fragonard, Lise-Tamaya, initiés par le gouvernement, définissent assez nettement les contours d'une politique libérale, affichant un mépris pour le monde du travail : aucun des trois rapporteurs n'a jugé utile de prendre contact avec aucune organisation de salariés représentative à la Réunion, tandis que patronat et élus étaient invités en grande pompe aux diverses consultations. Ces rapports sont ouvertement soutenus localement par le Parti communiste réunionnais (PCR), la droite et le Parti socialiste. Ils préfigurent sans nul doute la future loi d'orientation des départements d'Outre Mer.
Pour préparer le terrain, des élus n'hésitent pas à manipuler les chômeurs qui vont attaquer les salariés de Continent en grève, à monter les travailleurs créoles contre les travailleurs métropolitains en poste dans l'île. Le PCR et le PS local présentent la notion de préférence régionale comme le moyen essentiel de lutter contre le chômage. Ils créent ainsi un climat délétère en réveillant la bête et les instincts les plus bas : (on reconnaîtra là le réductionnisme cher à Le Pen). Les fonctionnaires sont une nouvelle fois présentés comme les boucs émissaires avec, et c'est nouveau, les RMIstes, accusés de tricheurs, qui devront donner des gages de bonne conduite : rapport Fragonard p.45 " Renforcer les contrôles et procéder à des radiations fondées ". On reconnaît là l'arrogance des nouveaux énarques, qui tout en se défiant des plus pauvres, expriment de mieux en mieux dans leurs rapports, le mépris des classes dominantes. Par contre, le rapport Fragonard propose d'exonérer de charges sociales les entreprises jusqu'au dixième salarié, sans contrepartie. En clair, dans ces entreprises, chaque patron encaissera au minimum quatre mille francs par employé soit, quarante mille francs chaque mois, pour dix salariés. On comprend mieux alors l'accueil enthousiaste que les milieux patronaux réunionnais ont réservé à ce rapport avec le soutien du Parti communiste et la bénédiction de l'évêque qui y va de son couplet sur la misère des pays environnants. Seuls les salariés de la fonction publique devraient accepter la baisse de leur pouvoir d'achat, pour permettre ces réductions de charges aux entreprises...
Il ne reste plus à la bourgeoisie réunionnaise et aux milieux financiers de notre île qu'à féliciter ce gouvernement de " gauche thatcherisée ", pour ce somptueux cadeau, attribué sans contrepartie, et, sans qu'aucune étude ait mis cartes sur table l'état de tous les revenus à la Réunion. On serait alors surpris de constater qu'à côté des revenus de la spéculation, des profits financiers et des marges réalisées par les milieux d'affaires réunionnais, dont certains vont encaisser ce nouveau jackpot, sans être obligés de créer un seul emploi, les salaires des fonctionnaires ne pèsent pas lourd, surtout comparés en terme de pouvoir d'achat par rapport à leurs homologues de métropole, vu le niveau des prix à la Réunion. Pour autant, si nous mettons nos neurones en activité, quelques questions viennent aussitôt à l'esprit : que feront les patrons qui emploient 12 salariés ?
Ne seront-ils pas tentés de licencier le onzième et le douzième pour bénéficier de la suppression des charges sociales, et encaisser chaque mois le paquet cadeau de quarante mille francs (réduction de charges pour 10 salariés au SMIC) ?
Il y a sûrement de meilleurs moyens pour réduire le chômage qui approche ici les 40 %
Ne seront-ils pas tentés par la stratégie qui consisterait à diviser leurs entreprises en plusieurs unités de 10 employés ?
Ainsi, une entreprise de 50 salariés se transformerait en cinq petites. Ceci présenterait d'autres avantages pour les propriétaires de ces sociétés : plus besoin de comité d'entreprise ; ils empocheraient plus de deux cent mille francs supplémentaires chaque mois. Autre avantage pour les patrons : cela provoquerait un éparpillement des salariés qui auront toutes les peines du monde à organiser leurs luttes. Pour quel résultat ? et au total, combien de chômeurs en moins ? combien d'embauches ? Seuls les bigots du saint libéralisme croient encore à cette magie : moins de charge pour les entreprises égale plus d'emplois. S'il en était ainsi, on s'en serait rendu compte depuis que les sociaux libéraux de gauche et les libéraux sociaux de droite se partagent tour à tour le pouvoir en appliquant cette recette, en versant des milliards aux entreprises, avec pour résultat toujours plus de chômeurs et d'emplois précaires...
Les salariés réunionnais ne tomberont pas dans ce piège grossier qui consiste à laisser croire que ces rapports ont la volonté de réduire le chômage. Il suffit de lire le rapport Fragonard pour se rendre compte que l'objectif est tout autre. Qu'il s'agit en fait de ramener peu à peu les salaires des Réunionnais au niveau des autres pays de la zone.
Le rapport Mosse p.69 ne s'en cache pas : " Une réorientation massive des politiques au détriment des ménages et au profit des entreprises : ce serait là un choix de type néo libéra1 qui calerait le modèle de développement des Départements d'Outre Mer (DOM) sur celui par exemple de l'île Maurice. Une telle politique, qui impliquerait un changement radica1 dans le statut des DOM, conduirait à la suppression des sur rémunérations, au réaménagement du SMIC, à de nouveaux allégements dans la fiscalité des entreprises, à la création de zones franches, etc. Elle aurait sans doute à long terme des effets positifs sur la compétitivité des entreprises et sur la croissance ".
Mosse regrette manifestement que ce schéma " néo libéral " ne soit pas applicable en l'état actuel des choses. C'est pourtant une version allégée de cette politique qui est proposée. Il suffit pour s'en convaincre de lire les attaques contre les catégories de travailleurs capables de lutter (dockers, salariés de la fonction publique). La notion de service public est balayée au profit d'un rêve d'expérience libérale, débarrassée de toute contrainte, menée dans une partie éloignée de la République loin des lois et des regards. Heureusement la lutte s'organise. Déjà une intersyndicale s'est réunie au niveau régional (la Réunion est aussi une région) ; les responsables de la FSU ont rencontré les comités de chômeurs pour organiser la riposte avec ceux qui ne se laissent pas manipuler par les états-majors politiques. C'est en nous retrouvant tous ensemble contre le chômage, que nous mettrons en échec ces fantasmes de technocrates libéraux faiseurs de misère et d'exclusion.
Le chômage est devenu aujourd'hui pour les milieux d'affaires, les financiers, et leur cour de politiciens newlook, un nouvel outil pour culpabiliser ceux qui bénéficient encore de la garantie d'un emploi stable, d'un vrai salaire indexé sur le coup de la vie. C'est aussi un moyen de pression sur les salariés pour leur faire accepter n'importe quelle situation de travail sous la menace d'être mis à la porte. Enfin le chômage reste le moyen le plus sûr pour casser les luttes sociales et les salaires : François Souléma, conseiller de Juppé, par exemple déclarait : " il ny a que la pression du chômage qui évite une embardée sociale. Une amélioration sur le terrain de l'emploi entraînerait fatalement une pression salariale que le pays ne peut se payer " et comme pour lui faire écho les experts de lOCDE, dans une étude de 1994, écrivaient : " pour obtenir un ajustement donné des salaires, il faudra un niveau plus élevé de chômage conjoncturel ".
Nous sommes passés d'un type de régulation par les prix à
une régulation fondée sur le chômage. C'est donc pour
toutes ces raisons que nous sommes en train d'organiser la riposte sur ce
mot d'ordre : tous ensemble contre le chômage, avec la perspective
d'étendre la démocratie au domaine économique, afin
que les avancées technologiques et scientifiques, les gains de
productivité, soient gérés au profit de tous, en interdisant
ainsi tout licenciement. Au lieu d'alimenter la bulle financière et
le compte en banque d'une minorité de privilégiés dont
la fortune devient indécente... (à suivre)
" Collectif Réunion "