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Arrestations d’opposants iraniens, contrôle des frontières pour la venue de Khatami ou comment l’Etat français préserve les intérêts d’Alsthom et de Total…

A l’occasion de la venue à Paris de Khatami - premier dirigeant iranien reçu en France depuis 1979 -, qui doit rencontrer Chirac, Jospin et le patronat, le gouvernement a mis en place tout un arsenal policier destiné à lui assurer une visite " sereine " et à lui éviter les " désagréments " de manifestations d’opposants, comme il l’a fait quelques jours plus tôt pour Jiang Zemin.

Mercredi, jour de l’arrivée de Khatami, la police a effectué des rafles à l’aube au domicile d’Iraniens, arrêtant plusieurs dizaines d’opposants ou supposés tels, prenant quasiment d’assaut le siège de l’opposition, le Conseil national de la résistance. Chevènement, renversant les rôles, s’est empressé de le justifier au nom de la " menace terroriste ". Par ailleurs, depuis le 23 octobre, le gouvernement a fait rétablir un contrôle exceptionnel aux frontières en vertu de l’accord de Schengen qui prévoit leur rétablissement en cas de " menace à l’ordre public ou à la sécurité nationale "... Plusieurs centaines de personnes ont ainsi été officiellement refoulées, tels un groupe d’une douzaine de Canadiens originaires d’Iran, composé en majorité de femmes et d’enfants, qui ont été retenus 24 heures à l’aéroport avant d’être renvoyés vers le Canada ; ou encore un groupe de Norvégiens bloqués sur l’autoroute et refoulés vers la Belgique. Un citoyen américain refoulé à la frontière franco-allemande explique : " la seule raison qu’ils m’ont donnée, c’est que je suis né en Iran et que Khatami est en visite en France ".

Les opposants à la dictature iranienne, des démocrates, des organisations de gauche et d’extrême-gauche, ont appelé à protester et à manifester contre la venue de Khatami, représentant de la dictature qui fait peser une chape de plomb sur l’ensemble de la société iranienne, menant une politique de répression et de peur. Toute opposition, toute contestation du régime est immédiatement réprimée. Quatre jeunes viennent ainsi d’être condamnés à mort, accusés d’avoir été parmi les " meneurs ", l’été dernier, du mouvement étudiant réclamant des droits démocratiques. Deux autres jeunes attendent eux d’être jugés, accusés de " tentative de renversement de la République islamiste ", et treize Juifs iraniens sont accusés " d’espionnage ".

Ce qui n’empêche pas le gouvernement français de vouloir voir en Khatami un " réformiste… modéré ". Mais s’il s’est en effet fait élire, en 1997, sur un programme libéral, promettant davantage de démocratie, rien n’a changé pour la population. Les droits démocratiques minimums n’existent pas davantage qu’avant, le pays continue à être sous la domination brutale des religieux qui imposent la loi coranique  - la flagellation, la lapidation et la pendaison publique sont toujours pratiquées - et la censure.

Khatami sert de caution pseudo-démocratique à la dictature qui impose une exploitation sans borne à la classe ouvrière iranienne. Cela pour le plus grand profit des groupes capitalistes comme Total ou Alstom qui vient, le jour même de l’arrivée de Khatami en France, de signer un contrat d’un milliard de francs avec les chemins de fer iraniens.

Ce sont ces intérêts-là que Chirac et Jospin entendent défendre en tentant d’empêcher toute contestation de la dictature iranienne.

Carole Lucas

Mumia Abu-Jamal en sursis après le report de son exécution

Le juge fédéral a finalement accepté le sursis demandé par les avocats de Mumia Abu-Jamal, treize jours après que le gouverneur de Pennsylvanie ait signé l’ordre d’exécution pour le 2 décembre. Treize jours durant lesquels des protestations et des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes dans le monde dont plusieurs en France.

La décision du juge accorde un sursis uniquement le temps, pour la justice fédérale, d’examiner les requêtes des avocats qui dénoncent les nombreuses violations du droit au cours de son procès, des dissimulations de preuves, la subordination de témoins à charge, etc.

Seule la mobilisation internationale peut imposer à la " justice " et au gouvernement américains de laisser la vie sauve et de libérer Mumia, condamné à mort pour son engagement politique.

Succès de la manifestation contre l’exécution de Mumia Abu-Jamal à Paris

La manifestation pour empêcher l’exécution de Mumia Abu-Jamal, à Paris samedi dernier, a été un vif succès. Nous avons défilé à près de 3 000 sur les grands boulevards entre les banderoles et les slogans pour exiger un nouveau procès ou la libération de Mumia. Certains manifestants portaient des pancartes à l’effigie d’autres prisonniers politiques aux Etats-Unis.

Un rassemblement a également eu lieu peu de temps avant pour dénoncer le matraquage et le viol par des policiers d’une jeune mauricienne à Argenteuil, dont les manifestants ont rejoint le cortège.

En plus des comités de défense de Mumia, du PC et de la JC, les organisations d’extrême-gauche, emmenées par Arlette Laguiller et Alain Krivine, avaient mobilisé largement.

La gravité de l’enjeu pour lequel nous avons manifesté rendait les contacts et les discussions assez faciles. Si certains défendaient l’organisation d’un nouveau procès et d’autres la libération de Mumia, tout le monde était là pour condamner la barbarie de la peine de mort et d’une justice capable d’assassiner un innocent.

A lire :

Les éditions La Découverte viennent de rééditer en collection poche le livre de Mumia écrit en 1995, En direct du couloir de la mort,émoignage et réquisitoire contre la justice et l’Etat américain (56 F)

Le système capitaliste, fondé sur la spéculation et l’exploitation, ne peut qu’engendrer de nouvelles crises boursières

Wall Street n’a pas peur d’un nouveau krach " titrait le journal Le Monde le 23 octobre dernier. Et de citer pour s’en convaincre des " experts " américains, tous enthousiastes quant à la période : " les Etats-Unis sont entrés dans une nouvelle ère de prospérité qui ne fait que commencer ", etc. Un tel enthousiasme n’est pas sans rappeler les propos du ministre américain Hoover sur l’imminence du " triomphe final sur la pauvreté ", propos tenus juste avant le krach de 1929…

En vérité, la Bourse américaine peut aujourd’hui tout à fait encore entraîner l’ensemble de l’économie nationale puis mondiale dans un krach majeur, parce que fondamentalement le système est resté le même depuis 70 ans : un système fondé sur la spéculation, et régulé par les seules crises. Les dernières crises d’Asie du sud est et d’Amérique latine en sont la preuve.

Les spéculateurs se déplacent d’une place financière à l’autre, raflant le maximum de profit en un minimum de temps, sans souci de l’économie réelle, sans se soucier de laisser derrière eux des régions dévastées, des Etats endettés. Ces derniers se mettent alors à brader tout le système des services publics afin de rembourser leurs dettes contractées. Et pour " assainir " l’économie, des banques sont revendues à de plus importantes, comme, au Japon, la Nippon Credit Bank, des usines sont fermées, comme ces dernières semaines avec l’annonce de la suppression de 21 000 emplois dans les usines japonaises de Nissan ou de 9 900 dans celles de Mitsubishi.

Aux Etats-Unis, les spéculateurs regardent la crise de 1929 ou celle de 1987 comme des histoires du passé. Pourtant les analogies entre la situation actuelle et les crises du passé ne manquent pas.

Question profits des grandes entreprises, la flèche va toujours vers le haut : au troisième trimestre de 1999, les 500 plus grandes entreprises américaines ont accru leurs profits de 22 % par rapport à la même période de 1998. Ainsi, la spéculation boursière actuelle - le Dow Jones valait 4 000 points il y a cinq ans - traduit les espoirs de la bourgeoisie de continuer à s’enrichir.

Or cet enrichissement bien réel des spéculateurs est fondé non sur des sommes réellement existantes, mais sur des profits escomptés, c’est-à-dire du vent. Et avec la différence entre les profits réels des entreprises (pourtant déjà énormes) et les chiffres de la bourse (gigantesques), on comprend que Wall Street soit surévaluée, selon des experts différents, de 30 à 50 %. Chiffre à comparer à la surévaluation de Wall Street en 1987 : 25 %.

Du coup, tout cela rend la place financière de Wall Street très attractive pour les spéculateurs du monde entier. Ainsi, beaucoup de capitalistes japonais, délaissant quelque peu leur pays touché par la crise, investissent à la Bourse américaine et dans les bons du trésor, ce qui renforce alors encore un peu plus la bulle spéculative, et les risques que tout le système mondial s’effondre comme un château de cartes.

Et c’est d’autant plus inévitable que tout ce système est fondé sur du crédit et des dettes qui s’accumulent et qui atteignent des sommets : l’endettement du secteur privé américain dépasse 10 000 milliards de dollars. Le déficit commercial va dépasser son record de 300 milliards. Tout ce système est donc construit sur du bluff. On fait comme si l’argent existait…

A l’heure de la mondialisation, tous les secteurs de l’économie mondiale sont plus que jamais liés, et les risques que se transmettent les crises et leurs effets d’un bout à l’autre de la planète aussi. La bourgeoisie mondiale, c’est-à-dire américaine, européenne et japonaise, croit avoir le vent en poupe : la valse des achats, fusions, concentrations et autres manœuvres boursières a de quoi donner le tournis : 2 200 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de cette année, en augmentation de 16 % par rapport à l’année dernière à la même période.

Toutes ces sommes astronomiques confortent actuellement la bourgeoisie dans son arrogance, mais plus elle s’enrichit en spéculant, plus elle accroît les risques de crise, et plus son propre système se trouve aujourd’hui affaibli et condamné.

André Lepic