éditorial


10 ans après la chute du mur de Berlin, la démocratie et la liberté promises étranglées par le libéralisme financier

L’anniversaire de la chute du Mur de Berlin a été l’occasion d’un déferlement de propagande sur les bienfaits de la démocratie, les soi-disant avantages de la propriété privée sur la propriété étatique, l’ère de paix qui s’ouvrirait devant l’Europe unifiée. Les dirigeants de l’époque, le Russe, Mikhaïl Gorbatchev, l’Américain, Georges Bush, l’Allemand, Helmut Kohl, ont été invités en grande pompe par le gouvernement allemand actuel de Schroeder. Jospin y a été de son couplet sur l’amitié entre les peuples. Ce que célèbrent ces politiciens, ce n’est pas la liberté et une vie meilleure pour les peuples mais l’avènement, avec la chute du Mur de Berlin et la fin du stalinisme, d’un libéralisme sans frein et sans limite qu’ils soutiennent.

Quand il y a dix ans, le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin, séparant la partie-est de la partie-ouest de la ville, s’est effondré, les espoirs et l’enthousiasme populaires étaient grands. Tous les travailleurs s’en sont réjouis : il n’y avait rien à regretter dans la fin des régimes staliniens, et une vie meilleure à espérer.

Le Mur construit en 1961 était le symbole barbare de la division entre deux blocs rivaux, le bloc occidental et le bloc soviétique. Aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, le camp des vainqueurs s’était partagé l’Europe, hanté par la même crainte d’une explosion sociale des classes ouvrières et des peuples comme cela s’était produit à la fin de la première guerre mondiale avec la révolution russe de 1917. Une fois le risque d’une révolution sociale écarté, les Etats-Unis s’assurèrent par leurs capitaux le contrôle de l’Europe de l’Ouest ; en Europe de l’Est, des régimes staliniens, sous tutelle de l’ex-URSS, se mirent en place. Ces régimes, usurpant l’étiquette communiste, étaient des dictatures contre les travailleurs et les populations. Quand lâchés par l’ex-URSS, ils disparurent, les travailleurs exprimèrent dans la joie leurs aspirations à la liberté et à de meilleures conditions de vie.

Mais malheureusement, ce ne sont pas les peuples et les travailleurs qui ont gagné des droits nouveaux et une nouvelle dignité. La fin des régimes staliniens a laissé la place à un nouvel ordre économique dont ils ont été et sont toujours victimes. Leurs aspirations ont été foulées aux pieds par le triomphe de " l’économie de marché ". Les illusions se sont dissipées.

Pour les travailleurs allemands, la réunification ne s’est pas traduite par un nouveau rapport de force en leur faveur. Pour ceux de l’Est, il n’y a pas eu de possibilité d’accéder aux mêmes conditions de vie que celles de leurs camarades de l’Ouest.

Aujourd’hui, le nombre de chômeurs à l’Est est deux fois plus élevé qu’à l’Ouest. Des centaines de milliers d’emplois ont été liquidés, des industries entières livrées à la rapacité des capitalistes européens qui ont imposé la déréglementation du travail, la flexibilité, des journées de travail élevées pour des salaires de beaucoup inférieurs à ceux des salariés de l’Ouest. En même temps, le droit au logement, l’accès gratuit aux soins, l’avortement libre et gratuit ont été supprimés. Les capitalistes s’en sont pris aussi aux conditions de vie des travailleurs de l’Ouest qui reculent. La " modernisation " de l’économie, le triomphe de la propriété privée, c’est la surexploitation pour tous, travailleurs de l’Est comme de l’Ouest.

Cette offensive du libéralisme économique se développe à l’échelle de toutes les classes ouvrières avec la même brutalité. Les droits arrachés par les luttes des salariés dans la période précédente sont attaqués, niés, les seuls droits qui sont reconnus sont les droits du marché, de la concurrence, le droit des financiers et des capitalistes à transformer le travail humain en marchandises pour faire toujours plus de profits. C’est ce qu’ils appellent la liberté et la démocratie. C’est ce dont se réclament les politiciens qu’ils soient de droite ou de gauche, ce dont Jospin a fait l’éloge devant la kyrielle de chefs d’Etats et leur suite rassemblés pour le congrès de l’Internationale dite socialiste.

Face à la soif de profits et aux reculs pour toute la société qu’elle engendre, l’intervention des peuples et des travailleurs est toujours d’actualité. En 1917, la révolution des travailleurs russes et des paysans pauvres avaient mis un frein à la rapacité de la bourgeoisie mais restée dans les limites d’un seul pays, de surcroît peu développé, elle n’a pas pu en finir avec l’oppression. La bourgeoisie est engagée aujourd’hui dans une remise en cause des conditions d’existence des salariés et des peuples à l’échelle du monde entier ; c’est pour cela que les idées socialistes et communistes sont toujours d’actualité.

Face aux nouvelles attaques que prépare le libéralisme économique, la seule façon de se préparer à ne pas les subir, c’est de tirer les leçons de ces dix années passées. C’est ouvrir les yeux et n’avoir aucune illusion dans la politique des bourgeoisies et des gouvernements qui les servent. Il n’y a pas un moment où elles se montreront raisonnables, le passé en témoigne. Les seules limites qu’elles connaîtront sont celles que nous y mettrons par nos réactions de colère, nos mouvements sociaux, notre action consciente et lucide.