échos d’entreprises et de luttes



La CGT avalise par sa signature chez Renault les mesures d’âge qui vont se traduire par une nouvelle saignée dans les effectifs

Vendredi 26 novembre, l’ensemble des syndicats de Renault, sont allés dans un même élan unitaire signer le plan quinquennal de Mesures d’âge dit CASA ( Cessation d’Activités des Salariés Agés). Alors qu’il y aura fin 2004, 13 347 salariés âgés de 55 ans, Renault va seulement faire partir 10 500 salariés dans les 5 prochaines années. Ces 10 500 départs se traduiront par une nouvelle saignée dans les effectifs du groupe Renault qui sont déjà passés de 110 000 salariés en 1983 à actuellement 50 000. Renault va ainsi procéder à 3 900 embauches soit une embauche pour trois départs. Cela veut dire concrètement que Renault va supprimer en 5 ans au titre des Mesures d’âges, 6 600 emplois. Partout les productions explosent et les conditions de travail se dégradent par l’introduction des horaires variables et flexibles depuis la mise en place des 35 H à la sauce Aubry. A Cléon, alors que la direction avait annoncé 225 embauches pour les 35 heures sur un effectif de 4 500 personnes, l’application de la CASA fera passer le nombre de salariés dans 5 ans à 3 700 ! Le recours à de la main d’œuvre intérimaire pour faire face aux productions en hausse risque encore de s’intensifier dans les années qui viennent. A Cléon, les jeunes intérimaires sont déjà au nombre de 823 soit 18 % de l’effectif.

Le plan CASA s’avère aussi être une arnaque financière pour les travailleurs concernés. En effet, Renault ne prend plus en compte l’ancienneté du salarié pour le calcul de la prime de départ comme si celui-ci avait travaillé jusqu’à 65 ans alors que c’était le cas pour le FNE. Désormais, l’ancienneté avec la CASA s’apprécie à 60 ans. Cela va se traduire par exemple pour un travailleur de 57 ans avec 29 ans d’ancienneté par la perte de 1,2 mois de salaire sur la prime de départ, soit environ moins 11 000 F net. Pour un salarié de 57 ans ayant commencé à travailler à 14 ans soit 43 ans d’ancienneté, ce nouveau mode de calcul inique se traduira par la perte de 2,6 mois de prime. A 57 ans, les travailleurs concernés ne toucheront que 90 % de leur prime de départ et le solde à 60 ans. Ce dispositif est encore un recul par rapport à l’ancien FNE où la personne touchait l’intégralité de la prime à son départ de l’entreprise. A partir de 57 ans, le salarié sera sous le régime de l’UNEDIC et percevra 65 % de son salaire brut et ce jusqu'à concurrence de 40 années de cotisations pour pouvoir toucher le retraite à taux plein à 60 ans. Tout comme il n’y a pas encore de certitude que la prime ne sera pas imposable car les décrets gouvernementaux n’ont pas encore été publiés. Les syndicats qui ont signé y compris la CGT ont tous soigneusement évité d’en parler aux travailleurs comme d’ailleurs de l’ensemble du plan CASA. C’est ainsi que contrairement à ce qu’avaient claironné en mars 99, les syndicats signataires de l’accord central sur les 35 H chez Renault, les salariés âgés ne partiront pas à 55 ans mais à 57 ans. En avril dernier, la direction de Renault avait besoin de la caution syndicale de la CFDT, CGC et FO pour mieux faire passer l’idée que les anciens partiraient dès 55 ans et spéculer ainsi sur leur envie de quitter l’usine au plus vite. Le but visé était de dissuader les travailleurs âgés de se lancer dans la grève contre la mise en place des 35 heures. Aujourd’hui, il apparaît clairement que Renault et le gouvernement s’étaient mis d’accord sur les mesures d’âge en échange des 35 heures flexibles. Le tout est lié et fait partie d’un plan d’attaque gouvernementale et patronale contre les travailleurs de l’automobile. En fait, les départs à 57 ans s’expliquent surtout par les aides de l’Etat aux constructeurs automobiles qui varient suivant l’âge de départ : 20 % à 55 ans, 35 % à 56 ans et 50 % à 57 ans ! Alors que Renault a annoncé près de 5 milliards de bénéfices pour le premier semestre 99 et 8,8 en 1998, racheté Nissan pour 32 milliards, le gouvernement Jospin s’apprête à donner à Renault des milliards de subventions pour des suppressions massives d’emplois.

A Cléon, les travailleurs découvrent petit à petit les faces cachées de l’accord CASA. Ils ne sont pas surpris d’y voir la caution des syndicats CFDT, CGC et FO surnommés à l’usine les " syndicats perroquets " car ils parlent et disent tous la même chose que le patron. Sur l’ensemble des sites Renault, seuls 3 syndicats CGT ont refusé de signer cet accord, ceux de Flins, Douai et Cléon. Un certain nombre de responsables locaux de la CGT déçus par les récents scores de FO aux élections professionnelles et le manque de mobilisation dans les usines, sont résignés et en viennent à dire que la CGT ne doit plus être le syndicat " anti-tout ". Mais d’autres militants ouvriers ne veulent pas baisser les bras et se revendiquent d’un syndicat de lutte de classes. Ils continuent de dénoncer la politique de social-démocratisation de la CGT et l’attitude d’un Bernard Thibaut qui se voit déjà comme l’interlocuteur privilégié du gouvernement et du patronat. Ils ne sont pas dupes de ce virage des bureaucrates de la CGT-Renault qui en prépare d’autres comme sur le dossier des retraites et la mise en place de fonds de pensions privés. C’est ouvertement que les dirigeants CGT annoncent la couleur et leur volonté de s’aligner sur la CFDT et le gouvernement de la gauche plurielle.

La période qui s’ouvre avec les fusions capitalistes à grande échelle sur l’ensemble de la planète, fait que la bourgeoisie n’aura pas d’autre choix que d’impliquer de plus en plus ouvertement l’ensemble de son personnel politique y compris les bureaucrates syndicaux. Les masques vont donc tomber. L’avenir est à l’entrée en masse de travailleurs et de jeunes dans le combat politique et syndical pour y reconstruire de vrais syndicats et partis ouvriers et forger les instruments de classe nécessaires à l’émancipation des travailleurs.

Jean Narédo

SOGERMA (Mérignac-33-) : nouveaux débrayages contre la loi Aubry

Cela fait deux semaines qu’à la Sogerma, nous avons entamé des débrayages contre la loi Aubry. Le plus réussi s’est déroulé mercredi dernier. 60 copains de l’usine Hemet de Toulouse, filiale de la Sogerma étaient venus se joindre à nous et l’ambiance était chaude. Nous étions à l’extérieur de l’entreprise pour les accueillir, une note de la DRH ayant spécifié qu’il leur était interdit de rentrer. Mais après avoir casse-croûté ensemble et fait connaissance, nous avons décidé à 200 de rentrer dans l’entreprise. La Direction avait convoqué le chef de la sécurité, un huissier et des flics en civil , il ne manquait que la cavalerie ! Il ne nous a pourtant pas fallu longtemps pour forcer ce barrage et l’huissier en a entendu pour son grade !

Pour rassurer le chef de la sécurité, nous lui avions dit que nous irions simplement devant les hangars, mais en cours de route, nous avons changé d’avis et pour la première fois depuis 10 ans, nous avons décidé de faire le tour des ateliers. Ca rajeunit de retrouver les vieux réflexes ! Au Hangar Mirage, la DRH a tenté de nous empêcher d’entrer en prétendant que nous n’avions pas le droit. Elle n’a pas eu le temps d’en dire beaucoup plus : les huées ont fusé de toutes parts et nous sommes entrés dans le hangar ! Entrés dans l’entreprise à 200, nous en sommes ressortis à 300 après avoir fait le tour des ateliers et c’est peu dire que le moral était au beau fixe ! D’autant que le même après-midi, nos camarades de Rochefort étaient en grève et qu’à Toulouse, la grève a été tellement suivie que le directeur a préféré fermer l’usine pour la journée.

La Direction n’ayant manifestement rien changé de significatif à ses projets, nous avons décidé d’appeler à un autre débrayage mardi. Mardi à midi, FO, habituel comparse de la Direction pour les négociations et les signatures d'accords, distribuait un tract disant qu’elle avait rencontré samedi la Direction - en dehors de toute réunion prévue et dans le dos des travailleurs - qui avait pris en compte quasiment tout ce qu’ils demandaient ! L’effet a été nul : le débrayage de l’après-midi a été aussi réussi que les précédents, nous nous sommes retrouvés dehors à près de 300 et cette fois-ci, on ne s’est même pas posé la question : nous avons bien sûr fait le tour des ateliers ! Certains regrettaient même que le débrayage finisse si vite et que l’on rentre au bout d’une heure seulement.

Mercredi, nous remettons ça. Nous nous sommes carrément donné rendez-vous sous les fenêtres de la Direction au moment de la réunion du CE. Et cette fois-ci, un certain nombre d’entre nous n’a pas envie de rentrer si la Direction ne recule pas. Nous savons que nous pouvons compter sur notre solidarité mais aussi sur celle des copains de Rochefort et de Toulouse qui nous ont envoyé un tract signé des trois syndicats qui nous a beaucoup touchés car ils nous y remerciaient de la " journée inoubliable " de mercredi. Si nous n’avons pas fait encore reculer la Direction, cette solidarité et cette combativité, c’est notre meilleur acquis pour les jours qui viennent.

Plus, plus, plus de budget pour la santé

Début novembre, le Conseil d’Administration du CHU de Rouen (syndicats du personnel et médecins) a refusé de voter le budget proposé pour l’an 2 000. Depuis près de trois semaines, les agents expriment leur ras-le-bol des conditions de travail et de soins qui s’aggravent dangereusement. Les décisions sont prises en Assemblées Générales qui regroupent entre 150 et 250 personnes, de plus en plus d’agents participent à l’organisation de la mobilisation.

A l’appel de l’ensemble des syndicats : CFDT-CGT-CFTC-FO-SNCH-USTH, il y a eu 3 Assemblées Générales, 2 journées de manifestation les 18 et 25 novembre avec grève d’environ 40 % du personnel présent, y compris des cadres, perturbation de la réunion des directeurs des établissement de Seine-Maritime et Eure en présence du directeur de l’Agence Régionale de l’hospitalisation qui ont dû lever la séance, intervention à une bonne centaine auprès du Conseil Régional pour revoir à la hausse les budgets de toute la région en criant : " plus, plus, plus de budget pour la santé !... "

Les budgets de l’ensemble des établissements hospitaliers sont asphyxiés. Le 2 novembre dernier, les socialistes, avec l’abstention des communistes, ont voté un budget de pénurie pour l’an 2 000 qui prévoit 2,2 % d’augmentation au niveau national pour l’ensemble des établissements et planifie la suppression de 24 000 lits dans les années à venir. Le budget de la région est prévu très légèrement au-dessus de la moyenne nationale mais au-delà des chiffres, la situation réelle est que le plan de restriction des dépenses de santé amorcé par le plan Juppé et poursuivi allègrement par le gouvernement de la gauche plurielle rend la situation intenable. Dans la région, les indicateurs de santé sont particulièrement alarmants. La Haute-Normandie est reconnue comme déficitaire en infirmières et en médecins, les établissements hospitaliers ont tous des budgets insuffisants. Au CHU de Rouen, en 3 ans, 90 postes ont été supprimés alors que partout, dans tous les services, l’activité augmente.

Faute de remplacements, quand la situation est intenable, la direction organise des fermetures de lits en médecine, en néonatalogie pour ne donner que quelques exemples. C’est ainsi que des malades de la région se sont trouvés orientés vers Caen qui se situe à environ 100 km. Augmentation de la charge de travail, plannings modifiés en permanence pour pallier l’absence de remplacements, le personnel exprime son ras-le-bol et revendique des budgets à la hauteur des besoins, permettant l’embauche de personnel. Une nouvelle journée de grève et de manifestation est prévue pour le jeudi 2 décembre avec la présence annoncée d’autres établissements de l’agglomération : l’hôpital d’Elbeuf et l’hôpital psychiatrique de Saint-Etienne-du-Rouvray. Cette initiative peut déboucher sur l’extension du mouvement aux autres établissements de la région. Nous sommes nombreux à souhaiter pouvoir fédérer les différentes luttes locales qui existent, en un grand mouvement national dans le secteur de la santé.

Correspondants VDT - LCR

 SAGEM (Montauban) : La direction emploie jusqu’à quatre fois plus d’intérimaires que d’embauchés !

La SAGEM de Montauban s’est fixée comme objectif 6 millions de terminaux GSM pour 1999, dans le cadre du boom des téléphones portables. Comment ? Dans cette entreprise à l’effectif permanent de 230 personnes, depuis plus d’un an, ce sont 600 voire 800 salariés qui travaillent, la plupart en intérim, selon les chiffres de la direction départementale du travail. Beaucoup sont obligés de travailler dans des cabines Algeco que la direction a fait installer en bordure de la rue d’accès à l’entreprise, les locaux étant devenus trop exigus. L’essentiel des appareils portables produits par ce groupe sont montés à partir de composants arrivés de l’extérieur puis assemblés et testés, un million par mois, dont 300 000 dans la nouvelle gamme des X31 et X41 pour le seul mois de novembre. Pour cela, l’usine tourne en continu du lundi matin 3h15 au samedi soir 22h45. Les intérimaires travaillent surtout en 3X8. Interrogée par le journal L’Humanité sur l’emploi massif et illégal d’intérimaires, la direction n’a pas voulu répondre. Si les directeurs des agences d’intérim Manpower, Adecco ou Synergie dont la SAGEM est le principal client confirment qu’ils font faire les tests de dextérité nécessaires à l’embauche et les deux jours de stage, ils sont très discrets sur le nombre et la durée des missions des intérimaires venus de toute la région.

Les intérimaires affirment que leurs contrats ne dépassent pas souvent une semaine. Ils sont renvoyés en fonction des charges de travail et des stocks disponibles de composants. Beaucoup travaillent à la SAGEM en intérim depuis des mois, plus d’un an pour certains, en missions renouvelées d’une semaine sur l’autre. La déléguée syndicale CFDT dit : " il est fréquent de voir des filles en pleurs sur les lignes, des crises d’épilepsie aussi ; des jeunes ne savent jamais le vendredi s’ils viendront travailler le lundi ". Un intérimaire raconte qu’on lui a récemment demandé en cours de journée de retourner chez lui car il manquait des composants dans les stocks. " Alors, tu n’as plus qu’à attendre le coup de fil pour savoir si tu peux revenir ", lui a-t-on fait dire. La direction, qui se sert de la précarité pour gérer le flux tendu pour son plus grand profit, alertée par le syndicat FO, a concédé un numéro vert spécialement réservé… aux appels des précaires !

La journée de manifestation du mardi 30 novembre : exprimer un peu le mécontentement… pour mieux le contrôler

La CGT, soutenue par la FSU et le groupe des Dix, appelait à des manifestations régionales mardi 30 novembre. C’était le jour de l’ouverture au Parlement de la discussion, en 2ème lecture, de la loi des 35 heures. Cet appel syndical est arrivé dans un contexte de luttes des travailleurs dans tout le pays contre cette application des 35 heures, que ce soit à la Poste, dans les grands magasins, à Vivendi ou dans les banques. Les pompiers, quant à eux, se battent depuis des mois pour leurs retraites et n’hésitent pas, comme à Bordeaux, à affronter les CRS. Et même, ce qui est nouveau, d’autres travailleurs, sûrs de leur bon droit, n’hésitent plus à entrer en lutte pour les salaires et affrontent durement la police comme à Forbach.

Dans ce contexte, les mots d’ordre de la CGT, pour cette journée du 30, apparaissaient bien timorés : " faire pression jusqu’au bout ", " améliorer le texte ". " Tant que la lutte n’est pas finie, disait Maryse Dumas, n°2 de la CGT, on considère qu’elle peut être gagnée " et " cela étant, nos interlocuteurs ne nous laissent pas beaucoup d’espoir ". On aimerait voir la direction de la CGT tirait les conclusions de ces propos.

Malgré cette timidité de la CGT, et le fait que, dans la plupart des entreprises, il n’y avait pas d’appel à débrayer qui aurait permis à des travailleurs plus nombreux de sortir, les militants ont répondu assez nombreux. A Paris plusieurs milliers dont les employés des banques nombreux et déterminés, 1 000 à Grenoble ou Toulouse avec les grévistes des urgences du CHU et de quelques centaines à quelques milliers dans la plupart des grandes villes. Il faut noter aussi l’importance des comités de chômeurs, surtout à Marseille (plus de 10 000 selon la presse) qui mettent à nouveau en avant leurs revendications de l’augmentation des minima sociaux et la " prime de Noël " de 3 000 francs.

Cette action de la CGT, après celle du 4 octobre peut décourager certains militants. Comme le disait, par exemple, un militant syndical dans le cortège de Bordeaux, où il n’y avait pas plus de 400 personnes : " on n’est pas nombreux. Qu’est-ce qu’il faut faire pour les faire sortir ? "

Avec de telles actions, faites sans y croire, la CGT veut prouver à ses militants les plus combatifs qu’elle agit, mais que ce sont les salariés qui ne répondent pas. C’est une façon de freiner le renouveau de combativité qui s’exprime, mais qui pourrait surtout éclairer bien des militants et des salariés. Il est clair que les directions syndicales prennent bien garde de ne gêner en rien le gouvernement. De plus en plus de militants et de travailleurs le voient. En tirer les conséquences, la nécessité de prendre en charge nous mêmes l’organisation de nos luttes, faire entendre notre volonté dans nos organisations, faire vivre la démocratie, n’est pas chose facile. C’est pourtant urgent.

Serge Constant

Au Havre, les pompiers du 76 de plus en plus déterminés

Lundi 29, une journée nationale d’action était organisée dans toute la France pour faire entendre haut et fort les revendications des pompiers (voir VDT n°116), notamment la possibilité de la retraite à 50 ans, que Chevènement avait promis d’examiner en mars dernier.

Les sapeurs pompiers de Rouen, d’Elbeuf et de Dieppe avaient choisi de venir manifester avec leurs collègues au Havre. Pourquoi Le Havre et pas Rouen ? Eh bien parce que la situation y est particulièrement tendue : aux problèmes nationaux s’ajoutent des problèmes locaux. Outre la vétusté des installations, les pompiers des catégories C logés à l’extérieur se sont vus menacés de la suppresion d’une prime pour les fluides (eau, gaz, électricité) alors que leurs officiers, pour qui la prime est plus importante, la conservaient, et puis il y a eu la remise en cause du Comité des Œuvres Sociales, les réquisitions sur les temps de repos pendant l’Armada cet été…, bref, autant de raisons qui ont fait que les mobilisations ont été nombreuses depuis 1995.

Les pompiers du Havre ont réussi à faire " geler " certaines de ces mesures en se mobilisant à plusieurs reprises, mais alors, ce sont les sanctions qui ont plu : demandes de blâmes et de mises à pied qui ne sont pas anodines puisque qu’un nouveau système de notation mis en place par la mairie de droite tient compte des faits de grève : une véritable atteinte au droit de grève ! Les pompiers du Havre ont donc bien des raisons d’en vouloir à l’Etat-major, à Chevènement, au maire Rufenacht, sans parler de Revet, président du conseil Général de Seine-Maritime. Lundi 29, des affiches collées autour de la caserne et en ville fustigeaient ces différents personnages : " officiers nantis ", " halte aux privilèges ", " la droite l’a rêvé, la gauche l’a fait ", " Rufenacht contre le droit de grève ", " Reflets 76 = torchon " (journal du Conseil général qui avait calomnié les revendications des pompiers), " Revet : 000 "… bref, chacun en prenait pour son grade et l’ambiance s’annonçait chaude.

Les pompiers se sont d’abord rendus à la mairie avec tout ce qu’il faut pour se faire voir et entendre : pneus et palettes brûlés, pétards, fusées, et un peu de mousse dans le hall et les bassins de la mairie. Ils ont été reçus par trois sous-fifres qui n’ont pas voulu s’engager sur l’annulation des sanctions, mais ont signalé qu’elles seraient discutées lors d’un C.T.P. (Comité Technique Paritaire) le 8 décembre. Les pompiers sont donc partis en prenant rendez-vous pour une nouvelle manif le 8. Mais la rumeur court que Rufenacht porterait plainte pour de soi-disant dégradations à la mairie : quel dialogue social !

A la sous-préfecture, les pompiers du 76 sont venus faire part de leurs revendications nationales. Pour rafraîchir un peu l’ambiance et faire un coup de propre, ils ont arrosé la façade du bâtiment à la lance à incendie. C’était suffisant pour que leur demande de réception passe à la trappe. Alors, les pompiers, déjà bien remontés, se sont mis en colère et ont voulu s’inviter, en poussant les portes de la sous-préfecture qui commençaient à vaciller. Pas hospitaliers, les CRS ont envoyé leurs gaz lacrymogènes. Mal leur en a pris, car cette provocation a reçu sa réponse : les lances à incendie. Les CRS ont été obligés de reculer et la confrontation a duré près d’une heure. Complètement fourbe, la sous-préfecture a alors accepté qu’une délégation dépose une motion, mais en même temps, elle engagerait elle aussi un dépôt de plainte. Ce n’est pas pour impressionner les pompiers dont la cohésion a été renforcée à l’issue de cette journée, au détriment de tous ceux qui se moquent d’eux, dont les officiers, dont les pneus se sont un peu dégonflés et dont le chef, le colonel, a vu son bureau un peu… retourné, pas de chance !

Les pompiers ont donc à cœur de réussir leurs prochaines mobilisations : manif du 8 au Havre et manif du 13 à Paris. Mais avec toutes les mobilisations actuelles, la question se pose aussi de se relier à la lutte des autres salariés, comme en 1995. La jonction ne s’est pas faite mardi 30 faute de coordination, mais chacun y pense : les 2 000 manifestants du 30 se réjouissaient fortement de l’action des pompiers la veille, et côté pompiers, on a pris note des futures mobilisations, manif des chômeurs le 9 et manif du 11. On n’a donc pas fini d’entendre parler des pompiers.

CUB-Bordeaux : les travailleurs des déchetteries en grève pour l’emploi

Depuis le 18 novembre une partie des travailleurs des 14 déchetteries et du centre de transit que compte la CUB de Bordeaux sont en grève totale et illimitée, pour que soient pourvus 53 emplois, toujours vacants et pourtant certains déjà budgétisés depuis 1995. Cela fait des millions de francs provenant des impôts locaux qui sont économisés ainsi par la municipalité, au détriment de la sécurité des personnels et d’un meilleur service qui devrait être rendu aux usagers.

Les grévistes réclament en plus des 53 postes non pourvus, 14 employés supplémentaires, un par chaque déchetterie. Comme disait l’un des grévistes : " Ils ont trouvé les moyens d'embaucher plusieurs dizaines d'ingénieurs pour le tramway, nous on demande un employé de plus par déchetterie, car nous n'arrivons pas à faire face. C'est par exemple en moyenne 600 à 800 véhicules qui passent par jour dans chaque centre de recyclage. En plus les projets de la mairie, qui consisteraient à céder aux entreprises privées comme Onyx, Pena ou Bouygues, une partie du recyclage entre autre celui venant des artisans, ne sont pas pour nous rassurer sur notre avenir, c'est pour tout cela que nous sommes en grève ". Depuis le début du mouvement, la solidarité s'organise entre les grévistes et la population, de l'argent est apporté aux piquets de grève mis en place devant chaque centre et les cahiers de pétition mis à la disposition des usagers se remplissent. Des assemblées générales se déroulent chaque soir où se discutent tous les problèmes du mouvement. Celle de mardi soir était très animée, chacun essayant de trouver les bonnes idées d’actions qui forceraient la direction à céder. Plusieurs reprenant l’idée du " tous ensemble ", en proposant de s’adresser aux pompiers ou aux hospitaliers… " Car nous avons les mêmes problèmes, l’emploi mais aussi les salaires. La direction est en train de vouloir nous sucrer la prime de technicité de 300 F mensuels, actuellement c’est la prime de panier qui de 24 F par jour, est passée à 17,50 F et en plus celle-ci est maintenant imposable ". Ou encore qu’il faudrait bloquer les bennes de collectage… Vers la fin de l’assemblée, la direction a fait savoir qu’elle était prête à ouvrir les négociations avec une délégation des déchetteries et du centre de transit dès mercredi matin. Tout le monde était plutôt satisfait qu’enfin celle-ci soit obligée d’écouter les grévistes. Mais plusieurs travailleurs ont bien insisté : " Ce n'est pas du baratin que l’on veut, c’est de l’embauche. "

Sernam : face aux projets de privatisation et de restructuration de la direction, les salariés ne peuvent compter que sur leurs luttes

Vendredi 26 novembre, Louis Gallois, le président de la SNCF, a confirmé aux organisations syndicales le rattachement du Sernam au groupe de transport et de logistique Géodis. L’opération se déroulera en deux étapes : le Sernam sera d’abord filialisé d’ici à la fin de l’année, puis Géodis entrera dans son capital à hauteur de 60 %. Géodis est une société cotée en bourse, dont la SNCF détient 43,6 % du capital. Il s’agit donc d’une privatisation du Sernam, même si en fait la participation globale de la SNCF (directe ou indirecte) restera supérieure à 65 %.

Pour la SNCF et le gouvernement, la filialisation/privatisation du Sernam, envisagée depuis plusieurs années, se justifie par le " déficit chronique " du service. En août 1986, Jacques Douffiagues, ministre des transports, déclarait dans une interview au journal Le Monde : " Dans la messagerie, le Sernam n’est pas l’entreprise la plus performante. On peut d’ailleurs faire la comparaison avec Calberson, filiale de la SNCF, mais gérée selon les règles d’une entreprise normale ", c’est-à-dire pour lui avec les méthodes du privé.

La société de messagerie Calberson dont il parle fait elle-même partie du groupe Géodis, si bien que le rapprochement en cours va se traduire par de profondes restructurations. Dans un article du 28 novembre, Le Monde, après avoir souligné que désormais " les déficits du Sernam ne pourront plus être noyés dans ceux de la SNCF ", évoque avec cynisme les " doublons " qui vont apparaître entre les salariés du Sernam et ceux de Calberson, justifiant des suppressions de postes. Le nombre de cheminots doit en effet passer de 3 550 à 1 550, celui des contractuels de 850 à 550, et si aucun chiffre n’est pour l’instant donné en ce qui concerne les 2 900 manutentionnaires, intérimaires et sous-traitants, on peut craindre le pire.

Mais, plus que par les " doublons " dont parle Le Monde, Gallois justifie ces coupes sombres par sa volonté d’amener le Sernam à l’équilibre financier d’ici trois ans. Le plan industriel qu’il a programmé prévoit ainsi de réduire le chiffre d’affaires de 25 à 30 % en diminuant le nombre de sites du Sernam de plus de 40 %. Pendant ces trois ans, la SNCF va pourtant investir largement dans le service. 400 millions de francs sont notamment prévus pour l’immobilier et l’informatique. Mais surtout, la SNCF s’engage à provisionner dans ses comptes les déficits du Sernam pour ces trois prochaines années. Explication de Gallois : " en aucun cas, la reprise du Sernam ne devra avoir un impact néfaste sur les comptes de Géodis, société cotée en bourse ". Dans la semaine précédant l’annonce de la filialisation du Sernam, les actionnaires de Géodis étaient particulièrement nerveux, l’action chutant par exemple de 9,61 % le mardi 23. En bon gestionnaire d’une entreprise où la logique du profit fait maintenant loi, Gallois tenait à les rassurer pour que la pompe à fric ne se tarisse pas. Comme lors des annonces de licenciements dans plusieurs entreprises privées ces derniers mois, la publicité faite autour des suppressions de postes au Sernam vise aussi à ça.

A l’annonce de la filialisation, les directions syndicales ont enfin décidé de monter au créneau en organisant une journée d’action le 2 décembre, date du Comité Central d’Entreprise, et en appelant les autres catégories de cheminots à se mobiliser. Mais il ne s’agit pas tant pour elles de s’opposer à la privatisation du Sernam que de proposer d’autres formules qu’elles jugent " meilleures socialement ". Ainsi, elles auraient préféré au rattachement à Géodis le rachat par l’entreprise de messagerie belge ABX. D’après leurs calculs, cette " solution " aurait permis de ne supprimer " que " 800 à 1 300 emplois au lieu de 2 300 avec Géodis. Comme s’en vante la direction dans sa revue La vie du rail, les syndicats ont admis depuis longtemps le principe de la privatisation et n’émettent plus aujourd’hui que des " protestations de forme ".

Les salariés du Sernam ont tout intérêt à se servir des journées d’action prévues pour exprimer leur mécontentement et préparer les luttes d’ensemble qui permettront de faire reculer la direction de la SNCF et le gouvernement.

Frédéric Martin