Derrière la baisse des chiffres du chômage, lexplosion de la précarité et de la flexibilité du travail. Lembellie économique ne profite pas aux salariés
Le gouvernement claironne à nouveau la baisse des chiffres du chômage, de 1 % en octobre, après la baisse " record " de 3 % en septembre.
Mais même les commentateurs les plus flagorneurs ne cachent pas que derrière ces chiffres, cest la précarité du travail qui augmente. 15 % des effectifs salariés sont sous statut précaire (CDD, intérim, apprentis, stages divers ), soit plus de 2 millions de travailleurs. Le nombre de travailleurs intérimaires atteint, à lui seul, 550 000 contre 290 000 il y a 4 ans. Enfin, 17 % des salariés sont à temps partiel, et limmense majorité, sans lavoir choisi.
Les chiffres récemment parus sur le travail à temps partiel dans le secteur de la distribution, sont particulièrement parlants : plus dun salarié sur 3 travaille à temps partiel dans le commerce de détail, et cette proportion est encore plus importante dans les hypermarchés (34,6 %), et les supermarchés (35,3 %). Sous-payés, contraints le plus souvent à subir des coupures dans leur journée de travail, de telle façon quils soient présents dans les plages horaires où il y a le plus de monde aux caisses ou dans les rayons, et à travailler samedi et parfois dimanche sans compensation financière, les employés de la distribution constituent une main-duvre extrêmement rentable pour le patronat du secteur. Celui-ci a bénéficié des mesures gouvernementales dabattement de charges sociales sur les bas salaires, et il exploite à fond la possibilité de rendre le travail de ces salariés aussi flexible quil le peut.
Dans ce secteur, est déjà engagée une évolution qui sest faite depuis plusieurs années aux Etats-Unis ou en Angleterre dans toute la classe ouvrière. Si le chômage est nettement moins important dans ces pays quen France, cest parce que le patronat y a obtenu des gouvernements des mesures de déréglementation du travail qui lui ont permis de créer un volant de main-duvre précaire, privée des droits les plus élémentaires, condamnée en travaillant à une pauvreté qui empêche dassurer la satisfaction des besoins les plus essentiels que sont une bonne nourriture ou un logement décent, et dont linsécurité pèse presque tout autant que le chômage, sur les salaires.
Quand ils parlent de " plein emploi ", Jospin et Aubry rêvent doffrir la même chose au patronat français. Cest pourquoi, pour imposer le respect de nos droits, nous ne devons pas dissocier la lutte contre le chômage de la lutte pour laugmentation générale des salaires et linstauration dun salaire minimum pour tous, avec ou sans emploi.
Galia Trépère
16 octobre, 11 décembre, et après ?
Cest fort du succès du 16 octobre que le PC a fait une nouvelle proposition dune journée de manifestations dans les principales villes. Le fait que le PCF ne se soit pas senti mis en porte-à-faux par la politique antigouvernementale de lextrême gauche, lattitude pour le moins opportuniste de Lutte Ouvrière (VDT n°115), la perspective délargir le comité des organisateurs à cette manif, et enfin la programmation par la CGT d'une journée daction le 30 novembre qui elle, cible plus explicitement la loi Aubry et donc la politique gouvernementale tout cela fait penser à Robert Hue quil peut renouveler un " bon coup " en espérant que cela profitera au PC et à lui-même, et mettra le mécontentement ouvrier à la remorque du gouvernement. Seulement, il y a la logique de la situation qui dépasse les manuvres et les calculs. Même si cela nest pas explicitement formulé, les manifs du 11 décembre prendront nécessairement un caractère antigouvernemental, en prenant ancrage dans la réalité des luttes sociales de ce pays. Comment penser quà Clermont-Ferrand, la présence des Michelin ne mette pas en cause la complicité de Jospin, comment penser que dans telle ou telle autre ville, la simple présence de salariés dun hôpital menacé de restructurations, dun arsenal qui licencie ne soit pas un désaveu pour la politique de la gauche plurielle. Et que dire des endroits ou seront présents ceux qui viennent défiler " pour la revalorisation des minima sociaux " comme lappel pour le 11 les y invite, eux qui se sont vus refuser cela par Jospin et compagnie. Sans parler de tous les autres mécontents, sans-papiers, lycéens, étudiants, agriculteurs, médecins qui dans telle ou telle ville auront la possibilité de mêler capitalistes et gouvernement dans leur hostilité au libéralisme et à ses conséquences antisociales.
Personne néchappe à la logique de la situation
Toutefois, perdre une occasion de plus pour rendre consciente la complicité des patrons et du gouvernement, ce qui somme toute, n'est qu'un point de départ nécessaire, mais surtout pour avancer un programme de luttes, qui soit capable d'unifier les mouvements, perdre une occasion de plus pour prendre les contacts et les initiatives nécessaires à la contre-offensive du monde du travail, voilà qui pourrait paralyser les militants des luttes. Mais on peut compter sur les initiatives des équipes locales de militants pour déjouer les calculs d'appareil du PC et la paralysie de Lutte Ouvrière. C'est là où Robert Hue peut être pris à son propre piège : en proposant des manifestations régionales, il tente de donner un caractère moins centralisé et donc moins politique au mécontentement. En fait, en ancrant les revendications au plus près de ce que vivent les travailleurs, cela peut être l'occasion de l'expression d'un profond mécontentement du monde du travail, mais il peut être aussi pour les révolutionnaires l'occasion de prendre les initiatives nécessaires au regroupement des forces anticapitalistes. Quelles initiatives ?
Des propositions en discussion
Dabord assurer partout où cest possible une présence commune de lextrême-gauche qui exprime le mécontentement des salariés contre la politique gouvernementale. Et après ? Eh bien, ce sont les travailleurs et les militants qui nous donnent eux-mêmes la réponse. Combien de militants discutent de la nécessité de savoir où on en est, cest-à-dire de confronter la réalité de ce que chacun vit dans son entreprise ? Combien de militants discutent de lidée de se coordonner sur une base au minimum départementale entre travailleurs dun même secteur ? Il faut aussi que nous mettions au clair entre nous le rôle précis du gouvernement, sur la base dun état des lieux précis, par exemple de la réforme hospitalière ou de la mise en place de la loi Aubry. Il faut que nous discutions aussi de ces idées de moratoire sur les licenciements, proposées par le PC : est-ce la même chose que leur interdiction revendiquée par lextrême-gauche ? Comment mettre en place une telle mesure ? Et puis il y a bien dautres problèmes que nous nous posons : comment faire face à lémiettement syndical ? Sur quelle base ? Quel travail mener en direction des salariés des petites boîtes, des sous-traitants, des intérimaires, des chômeurs ? Autant de sujets, et il y en a bien dautres, qui pourraient être discutés lors de rencontres départementales ou locales que seuls les militants dextrême-gauche peuvent initier. Cest en prenant appui sur ces problèmes posés par la situation, sur les discussions et le sentiment dunité qua révélé le 16 octobre, que nous pourrons donner à de telles initiatives un caractère large, soutenu par le travail de bien des camarades qui ne sont membres daucun groupe, syndicat ou parti, et ce, quelque soit lavenir ou le succès de la proposition concernant le 11 décembre.
Nous avons tout le temps dattacher à la préparation de telles rencontres le soin nécessaire pour quelles soient un succès. Cest-à-dire quelles permettent la confrontation la plus large et la plus claire politiquement. Le succès, cela veut dire également que de telles rencontres ne soient pas sans lendemain, et par exemple que leurs conclusions écrites soient à la base de rapports diffusés à tous les participants, animateurs dun futur réseau dinformation sur les luttes qui pourra définir ses cadres dexpression : feuilles internes ou journaux départementaux. Des camarades de la LCR, de VDT, de la fraction de Lutte Ouvrière, de la Gauche Révolutionnaire participent ou ont déjà participé à de tels projets. Nous avons donc lexpérience commune pour en être les initiateurs, aux côtés dautres camarades dextrême-gauche, du PC ou dailleurs.
Lucien Zigand
Grève des employés des Banques : la mobilisation saccroît contre les attaques en règle des patrons au nom des 35 heures
La manifestation nationale des salariés de Banque qui a rassemblé mardi 30 novembre à Paris entre 20 et 30 000 grévistes, a été un succès. Les cinq principaux syndicats de la branche avaient appelé à 24 heures de grève pour une " convention collective digne de ce nom ". Selon les banques, entre 30 et 50 % du personnel a fait grève. Ainsi 400 agences du Crédit Lyonnais ont du être fermées.
Cette journée de grève marque le début dune campagne pour peser sur les négociations en vue dune nouvelle Convention collective. En effet, l'AFB (Association française des banques), lorganisation patronale, a dénoncé, en février 1998, la Convention collective des banques en place depuis 1952, sous prétexte de l'annonce de la loi des 35 heures. Lancienne Convention expirant fin 1999, si une nouvelle convention nest pas signée, cest le droit du travail général qui sappliquera, ce qui voudrait dire un recul considérable pour tous les salariés. Cest en faisant ce chantage que lAFB cherche à imposer une nouvelle Convention collective qui constitue une attaque contre un certain nombre dacquis par rapport au Code du travail.
Pour les patrons, il s'agit de mettre en place " des règles professionnelles adaptées à la réalité d'un secteur constitué d'entreprises diversifiées sur un marché très concurrentiel et international ", et bien sûr, ils dénoncent " les dispositions obsolètes ", " les rigidités pénalisantes ". Concrètement, ils proposent la suppression du point bancaire pour " redonner aux entreprises des marges de manuvre leur permettant de mieux reconnaître la contribution de chacun ", bref, des attaques contre les salaires. Ils veulent obtenir la diminution de moitié des indemnités de licenciement économique au moment même où des milliers d'emplois sont menacés par les fusions en cours. Ils voudraient mettre en place des " contrats de projets " permettant aux Banques d'embaucher de nouveaux salariés hors statut donc en situation de précarité. Ainsi, l'objectif des patrons des banques est clair, profiter du cadre légal ouvert par les lois Aubry pour imposer le plus de reculs possibles sur les salaires et les conditions de travail. Lors de la manifestation, un gréviste expliquait " tous les acquis foutent le camp, le patronat veut tout remettre à plat et nous manger à une sauce particulièrement indigeste " et un autre, " on ne veut pas revenir 20 ans en arrière " !
Au début de lannée, un nouvel accord sur le temps de travail favorable aux patrons a été signé par un seul syndicat mais il a été aussitôt dénoncé par tous les autres syndicats qui ont obtenu que les tribunaux le rejettent. Depuis, la mobilisation des salariés ne cesse de saccroître contre ces attaques des patrons des banques. Les débrayages et la manifestation de mardi sont le début dune mobilisation qui doit sintensifier jusquau 9 décembre où auront lieu les négociations, et plusieurs syndicats, devant la colère grandissante de lensemble des salariés, annoncent un prochain appel à la grève reconductible.
Charles Meno
Extrait du bulletin du conseiller municipal " Voix des Travailleurs " de Canéjan (33) : La municipalité aux petits soins pour lentreprise dintérim Manpower
La municipalité a décidé de louer un local lui appartenant, au centre commercial de la House, à lentreprise Manpower qui déménage son agence de Pessac à Canéjan. On comprend lintérêt de Manpower pour Canéjan quand on voit les conditions qui lui sont offertes : 2 300 F de loyer tout compris pour 200 m2 et 250 000 F de travaux payés par la municipalité pour aménager le local selon les besoins et les goûts de Manpower (faux plafonds, vitrines, cloisons, rideaux métalliques, etc.). Petite comparaison : le loyer dun T3 de 70 m2 à lAgora est de 3 000 F
Manpower France a réalisé 21,4 milliards de francs de chiffre daffaire en 1998 et fait des profits juteux sur le travail précaire et la surexploitation de salariés, surtout des jeunes, qui nont pas dautre choix que lintérim pour gagner leur vie.
Ces entreprises nen ont jamais assez et elles ont lhabitude davoir tout le monde à leurs pieds, prêt à mettre les biens publics à leur disposition. Le maire justifie ce cadeau par la taxe professionnelle que devrait payer Manpower, part infime des profits réalisés sur lexploitation des intérimaire.
Nous avons voté contre. Puisque la municipalité était prête à faire les dépenses nécessaires pour aménager ce local disponible, il aurait été nécessaire den faire profiter la population en le mettant à la disposition dassociations, de comités de quartiers, des jeunes, etc Les possibilités et les besoins ne manquent pas.
Quant au travail intérimaire, au lieu de lencourager, la municipalité devrait être la première à le combattre, entre autre en faisant pression sur Solectron, la plus grosse entreprise de Canéjan, pour quelle embauche au lieu de faire appel à plusieurs centaines dintérimaires quelle jette régulièrement à la rue, comme elle la fait pour 150 dentre eux, il y a quelques mois.