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Plan anti-violence d’Allègre : impuissant, le ministre accuse et provoque les jeunes considérés comme des fauteurs de violence

L’étude commandée par Allègre à deux universitaires, à quelques jours de " la phase 2 " de son plan pour les collèges et lycées dits sensibles, révèle que, en 1998, à Paris et dans sa banlieue particulièrement, il y a eu une " recrudescence du sentiment d’insécurité chez les élèves et les personnels, des agressions plus fréquentes des enseignants dans les classes, une augmentation du nombre de violences de groupe… " Dans ces collèges et lycées où sont souvent affectés de jeunes enseignants pour leur premier poste, poste difficile où ils restent rarement, le problème est que : " le turn-over des adultes étant trop important, un phénomène de caïdat se développe chez les élèves dans la mesure où les gamins deviennent les seuls à connaître l’histoire de leur collège " ! Une chercheuse qui a participé au plan Allègre conclut aussi que " les atteintes à la dignité des personnes, le racisme, le sexisme, les agressions sexuelles entre élèves, une collectivisation de la violence débouchant sur des phénomènes fascisants ou d’émeute " montrent que " la violence des jeunes n’est plus seulement réactionnelle mais fonda-mentale ".

Les auteurs de l’étude veulent montrer que le principal problème, c’est " le problème de la justice scolaire ". Le " partena-riat " avec les institutions (police, justice, etc) serait presque au point mort. Alors, Allègre de déclarer devant l’Assemblée nationale : " notre premier plan a donné des résultats mais nous ne devons pas baisser la garde ". La deuxième phase de son plan d’attaque, donc, devrait conduire au dépôt prochain d’un projet de loi " permettant au ministre de l’Education nationale de se porter partie civile en cas d’agression à l’encontre des enseignants ", que ceux-ci le souhaitent ou non ! Selon Le Monde, des aides-éducateurs supplémentaires seraient recrutés qui devraient " disposer d’une formation spécifique aux phénomènes de violence ". Les profs aussi devraient plancher en classe sur " le régime des sanctions, le règlement intérieur et la discipline pour déboucher sur de nouveaux textes réglementaires ". Dans chaque académie concernée, un " respon-sable site anti-violence " devrait être désigné !

Le personnel en nombre insuffisant, jeune et souvent mal payé, comme c’est le cas en particulier de presque tous les personnels recrutés dans le cadre de la première phase du plan anti-violence (4 728 emplois-jeunes recrutés dans 400 collèges et lycées en zone sensible sur 5 282 adultes recrutés), les conditions difficiles de vie et d’études des élèves, ne préoccupent pas ces universitaires. Leurs conclusions, qui veulent montrer les jeunes des banlieues victimes de leur condition sociale comme des caïds fascisants, ne sont que le reflet de leurs propres préjugés sociaux. Ils méprisent et craignent les jeunes qui réagissent comme ils peuvent aux coups que leur assène la société et sa morale de gauche qui les accuse, faute de les aider. Les jeunes, comme les exploités, ne s’émanciperont qu’en prenant conscience, avec le monde du travail, de leur force collective dans le combat contre cette société au service des intérêts fondamentalement égoïstes des privilégiés, contre sa justice et sa morale de classe.

Sophie Candela

Les jeunes, lucides, ne font pas confiance aux partis et aux institutions qui défendent l’ordre établi. Pour nombre d’entre eux, l’avenir, c’est la contestation sociale

Un sondage sur des jeunes de 15 à 24 ans interrogés par la Sofres pour la FSU, révèle que, pour eux, l’époque est plus difficile qu’elle ne l’a été pour leurs parents, surtout à cause du chômage et de la violence. 59% d’entre eux pensent que les différences sociales entre les jeunes sont plus fortes que ce qui les rassemble. Ce qui fait le plus la différence entre eux, c’est le fait d’avoir ou non un emploi. La deuxième cause de différence est, selon eux, le lieu d’habitation puis l’origine sociale et les études. Le principal défaut de la société est que " l’argent y tient une trop grande place, il y a trop de corruption et d’inégalités ".

Ils sont très touchés par la violence. Elle vient juste après le chômage, en tête de leurs préoccupations, devant la drogue, le sida, l’alcool, l’accès au logement et la solitude. Plus ils sont jeunes, et plus la violence les inquiète : 56 % des 21-24 ans considèrent qu’il s’agit d’un problème grave, 69 % des 15-17 ans. En même temps, ils ont de moins en moins confiance dans les institutions censées combattre la violence ; seulement 42 % des élèves des lycées professionnels ont confiance dans la police. De même, 53 % des jeunes " ne font plutôt pas confiance " à la justice, 60 % à la presse, 73 % au Parlement et 91 % aux partis politiques ! Seulement 2 % font partie d’un parti ou mouvement contre un " parti qui leur paraît dangereux ou pour la lutte contre les injustices sociales ", les principales raisons qui les pousseraient à s’engager politiquement. Et lorsque 73 % des 15-25 ans et 81 % des 15-17 ans déclarent ne s’intéresser que peu ou pas du tout à la politique, un analyste de la Sofres en conclut que les jeunes représentent " l’avant-garde de la dépolitisation " en France.

En réalité, les jeunes sont révoltés contre l’injustice sociale qu’ils subissent comme les salariés. Mais ils ne font pas confiance aux partis de gauche ou de droite qui gèrent, successivement ou ensemble, les intérêts des riches, pas plus qu’ils n’ont confiance dans leurs institutions. A la lecture du commentaire du journal Le Monde sur ce sondage, qui affirme que la désintérêt des jeunes pour la politique est un " constat pas très nouveau mais dont les traits s’accusent depuis une dizaine d’années en raison de phénomènes liés au déclin du communisme et à la fonte de la classe ouvrière… ", on voit bien dans quelle direction est orienté le journal. Le journaliste voit " la fonte de la classe ouvrière " là où les jeunes voient une aggravation des inégalités sociales, lesquels sont les plus lucides ? Quand les jeunes se déclarent à 90 % intéressés par leurs études, et que le journaliste, relayé par la FSU, dit qu’ils " montrent une absence quasi totale d’esprit critique, doublée d’un optimisme d’acier " et que " l’ensemble de ces éléments montre l’importance qu’il faut attacher à la formation du citoyen ", on est tenté de penser que ce sondage a été fait pour faire dire aux jeunes ce que ses commanditaires avaient envie d’entendre ! Lorsque les jeunes décrivent leur génération, ils la disent " dyna-mique ", " violente ", " réaliste " et " solidaire ".

6 % d’entre eux se disent pour une transformation radicale de la société. Critiques et lucides sur eux-mêmes et sur la société, les jeunes en sont un facteur dynamique et généreux. Armés des idées de la révolte sociale en même temps que d’esprit critique envers les vieilles barbes et d’un optimisme d’acier face aux censeurs, ils sont, aux côtés du monde du travail, un puissant facteur de transformation révolutionnaire.

S. C

Chevénement accentue la répression, les sans-papiers continuent la lutte.

Tous à la manifestation nationale SAMEDI 4 DECEMBRE à 14 heures,

à PARIS, départ  REPUBLIQUE

Chevènement vient de publier, en catimini, une nouvelle circulaire qui demande aux préfets d’accélérer les expulsions de sans-papiers. Partout aujourd’hui les sans-papiers sont poursuivis, emprisonnés et expulsés par centaines dans le silence complice de la presse. Pour des dizaines de milliers d’entre eux la vie reste une lutte permanente, obligés qu’ils sont de se cacher, d’accepter les travaux les plus mal payés et les plus dangereux, les logements les plus insalubres dans des foyers ou chez les marchands de sommeil.

Ce gouvernement se taxe d’avoir régularisé plusieurs dizaines de milliers d’entre eux. Mais, dans la réalité, la circulaire du 24 juin 1997, qui exclue des dizaines de milliers de toute régularisation, n’a accordé aux autres qu’une vignette d’un an collée sur le passeport.

Chevènement, par ces circulaires, encourage le racisme, officialise la chasse au faciès et vise également à mettre au pas militants et associations, tous ceux qui se rangent aux côtés de leurs camarades sans-papiers. Malgré cela, les sans-papiers et leurs associations ne baissent pas les bras. Leur combat est le nôtre.

Pour la régularisation de tous les sans-papiers, pour l’arrêt des expulsions et l’abrogation de la double peine, pour la libération de tous les emprisonnés, tous à la manifestation nationale.

 

L’illettrisme n’est pas seulement cette " exclusion par l’écrit " qui indigne en paroles Ségolène Royal, mais le produit de la crise et de l’exclusion sociale

Au Salon de l’Education, le premier du genre qui vient d’être organisé à l’initiative d’Allègre, on a pu voir Ségolène Royal partir en campagne sur tous les fronts de l’école. La ministre a découvert que beaucoup de choses n’allaient pas, et en particulier, que trop de jeunes quittaient le système scolaire avec des difficultés graves de lecture et d’écriture, c’est-à-dire sans savoir lire ni écrire. Elle s’est inquiétée des chif-fres importants de l’illettrisme en France, révélant que " 9,7 % de jeunes sont en difficulté importante de lecture, dont 1,5 % en très grave difficulté et 2,3 % en grave difficulté. Parmi eux, 70 % sont encore dans le système scolaire ". Ces chiffres sont en augmentation depuis maintenant plus de 10 ans et si l’illettrisme peut avoir des causes complexes qu’il est parfois difficile de déterminer, l’école s’avère incapable d’apporter des solutions à ce " fléau ", selon les mots de la ministre, " qui touche un jeune sur dix ".

Si Ségolène Royal feint de s’indigner et ne manque pas de mettre en cause l’insuffisance de formation des enseignants, comme leur absence de con-science de la gravité du problème, l’illettrisme est loin d’être un phénomène nouveau. En janvier 1984, un rapport adressé au Premier ministre de l’époque révélait que " le nombre des personnes qui ne maîtrisent pas la lecture ou l’écriture ou sont gravement gênées pour utiliser celles-ci doit se compter par millions plutôt qu’en centaine de mille ". D’autres enquêtes ont par la suite confirmé ces chiffres,
- actuellement, le nombre d’illettrés dépasserait les 9 % de la population de plus de 18 ans, c’est-à-dire toucherait 3,3 millions de personnes - et de plus en plus de jeunes sont en échec scolaire et quittent le système éducatif sans aucune qualification. L’illettrisme est un phénomène qui a toujours touché une minorité de la population la plus pauvre, mais son " explosion " actuelle, en particulier chez les jeunes, est un produit de la crise économique qui a commencé à exercer ses ravages au début des années 80. Le chômage, le développement de la misère et du désespoir pour un nombre croissant de familles ouvrières génèrent la violence dans les écoles, le refus des jeunes de croire que l’école offre à chacun sa chance et qu’elle aplanit les inégalités sociales. L’illettrisme, contrairement à ce que voudrait faire croire Ségolène Royal, n’est pas le produit d’un manque de savoir-faire ou de " carences pédagogiques ", mais le produit de la dégradation générale des conditions de vie, de la misère et de l’exclusion.

Mais que font tous ces ministres qui savent si bien faire la leçon aux enseignants et qu’ont fait leurs prédécesseurs pendant toutes ces années, sinon réduire toujours plus les moyens dans les écoles, les collèges et les lycées, qui ont conduit aux classes surchargées, aux absences non remplacées, à l’aggravation générale des conditions d’enseignement ? Parmi les mesures " énergiques " annoncées au Salon de l’Education par Ségolène Royal et censées répondre à la gravité du problème, on a eu droit au sempiternel besoin de développer le " travail de groupe ", véritable miracle pédagogique ; la ministre va préconiser aux inspecteurs d’académie de nommer les enseignants les plus expérimentés dans les Cours préparatoires, et... elle annonce la mise en place de services téléphoniques auxquels les enseignants " qui ont du mal à trouver les bonnes méthodes pour aider les élèves en difficulté " pourront recevoir conseils et soutiens.

Et pour laisser croire que même les enfants issus d’un milieu défavorisé peuvent réussir, elle a annoncé la création, à partir de la 3ème, de " 5 000 bourses du mérite... pour faire émerger une élite des quartiers populaires car la nation a besoin de l’excellence de tous les élèves dans leur diversité ". Pour tenter de masquer les méfaits de la politique de rentabilisation de l’école et la dégradation qu’elle entraîne, Ségolène Royal, qui vante tant le modernisme, a recours à ce préjugé réactionnaire qui consiste à laisser croire que tout le monde peut réussir.

L’échec scolaire, l’illettrisme, qui avaient fortement reculé avec la démocratisation de l’école dans les années 70, ne peuvent aujourd’hui trouver de solution que dans notre mobilisation, parents, enseignants, jeunes, pour imposer que tous les moyens nécessaires, moyens matériels comme en personnel, soient donnés à l’école.

Catherine Aulnay