La déclaration de la direction dETA annonçant quelle allait " réactiver ses commandos " à partir du 3 décembre, a été une surprise. Depuis quatorze mois quETA avait déclaré une trêve, le processus politique de rapprochement entre les partis nationalistes basques laissait présager une issue politique négociée " à lirlandaise ", un compromis entre forces politiques basques et gouvernement espagnol.
Les succès de la coalition électorale " Euskal Herritarok ", impulsée par le bras politique dETA, Herri Batasuna avaient confirmé que le mouvement nationaliste basque radical conservait un appui important dans la population. Ce rapport de forces politique sétait traduit par la signature du " pacte de Lizarra " entre tous les partis nationalistes basques, dont Herri Batasuna, et les syndicats nationalistes, ELA et LAB, qui organisent majoritairement les travailleurs des trois provinces. Le PNV, parti conservateur majoritaire, rompait ainsi son alliance de gouvernement de douze ans avec le Parti socialiste.
Cette nouvelle alliance sest concrétisée par le soutien des 14 députés dHerri Batasuna au gouvernement basque et par un pacte municipal entre les deux partis conservateurs basques, le PNV et Eusko Alkartasuna et Herri Batasuna. HB avait même demandé, sans succès, à participer au Conseil régional dune des trois provinces, le Guipuzcoa, où il avait talonné le PNV.
Cest dans ce contexte quETA a annoncé la rupture de la trêve en mettant en avant deux raisons : la mise en cause du gouvernement espagnol accusé davoir saboté le processus de négociations en continuant sa politique darrestations des militants dETA en collaboration avec le gouvernement français et laccusation que le PNV ne respectait pas les clauses dun pacte secret quil aurait conclu avec ETA, par lequel il sengageait à tout faire pour créer un Etat basque.
Durant ces quatorze mois, le gouvernement espagnol et la direction dETA ont joué au poker menteur. Aznar, le chef du gouvernement, a tenté de capitaliser politiquement la trêve au Pays basque tout en faisant le moins possible de concessions, voire en se livrant à des provocations. Durant la trêve, en effet, les polices espagnole et française ont démantelé les commandos dETA et arrêté quelques-uns de ses principaux dirigeants. Ils ont même arrêté à Pau, Belen Gonzales Peñalba, porte-parole dETA aux négociations avec le gouvernement espagnol. De son côté, ETA avait montré quil était prêt à recommencer une campagne dattentats, notamment en volant huit tonnes dexplosifs.
En agissant ainsi, la direction dETA a aussi voulu entamer un bras de fer avec les autres forces nationalistes basques. Avec le PNV dabord, accusé de " manque de courage politique " pour obtenir la création dun Etat basque. Mais aussi dans ses propres rangs. La participation à la gestion des mairies, le soutien aux gouvernements des différentes régions et au gouvernement basque, développent les tendances à " lintégration " dune fraction du mouvement nationaliste radical. Au point que certains avaient signé des communiqués avec les autres partis basques condamnant la violence politique, avant de se rétracter rapidement.
La tactique dETA et celle du gouvernement espagnol sont donc complémentaires : chacun essaie de se servir de la politique de lautre pour resserrer les rangs autour de lui. Mais il est évident que face à lensemble des travailleurs du pays, cest le gouvernement espagnol qui est gagnant : il a reçu lappui du PS, de la Gauche unie et des syndicats Commissions ouvrières et UGT et surtout, il se pose en défenseur de la population menacée indistinctement par ETA, sentiment résumé par la une dun journal espagnol : " nous sommes tous des cibles ! "
Alors que les travailleurs espagnols sont engagés dans des luttes dans les chantiers navals, que le scandale des dirigeants de la Telefonica qui se sont appropriés des milliards de pesetas grâce au système de stock-options quils avaient mis en place, semblait avoir provoqué un " effet Michelin " en Espagne, ETA permet au gouvernement espagnol de reprendre linitiative. Le bras de fer entre les membres de lappareil dEtat espagnol et ceux qui aspirent à diriger un Etat basque, fait fi des intérêts de la population et en premier lieu de ceux des travailleurs.
Jean Kersau
Confirmation de la peine de mort par pendaison pour Öcalan : la barbarie de la dictature turque et lhypocrisie de ses alliés européens, solidaires contre les opprimés
La justice turque a confirmé jeudi 25 la sentence de mort pour le dirigeant kurde Abdullah Öcalan, condamné en juin dernier à être pendu pour " séparatisme et insurrection ".
Le gouvernement turc veut briser toute résistance du peuple kurde, minorité opprimée contre laquelle il mène une guerre sanglante depuis plus de quinze ans, guerre qui a fait 37 000 morts et contribué à creuser un fossé de sang et dincompréhension entre les populations turque et kurde. Et le gouvernement turc semble décidé à aller jusquau bout et à faire exécuter Öcalan malgré les appels de celui-ci pour une " solution diplomatique " et bien quil ait offert ses services à lEtat turc, proposant de faire cesser la guérilla menée par le PKK en échange de sa vie.
A lannonce de la confirmation de la peine de mort, la Cour européenne des droits de lhomme a demandé un " sursis " à lexécution disant vouloir " procéder effectivement à lexamen de la recevabilité et de la validité des plaintes du requérant " Les gouvernements européens voudraient préserver une façade " démocratique " mais ce vernis se craquelle et leur hypocrisie éclate au grand jour. La barbarie de la Turquie est la leur, celle de limpérialisme qui ne peut maintenir sa domination quen soumettant les peuples, en bâillonnant toute opposition, en écrasant toute résistance à loppression et à la misère. La France a récemment estimé quil y a eu " ces derniers mois des signes encourageant de démocra-tisation " en Turquie ; Clinton, lui, y a parlé dun " mouvement impressionnant " dans le domaine des droits de lhomme Toutes ces déclarations témoignent de la totale solidarité des pays occidentaux avec les méthodes de la dictature turque et elles visent à préparer lintégration de la Turquie à lUnion européenne qui doit être discutée dici quelques jours.
Contrairement à ce quà voulu croire Öcalan, il ne peut pas y avoir de solution " négociée " à loppression des peuples. Le peuple kurde ne peut trouver aucun " interlocuteur " à la tête de lEtat turc pas plus que parmi les Etats européens qui couvrent la répression sanglante par leur silence et qui ont tous refusé de donner asile à Öcalan .
Mais si lEtat turc est parvenu à imposer une défaite militaire et politique à Öcalan et au PKK (quil fasse appliquer la sentence de pendaison comme cela semble probable, ou quil commue la peine), il ne pourra venir à bout de la révolte contre la misère de la population et de la jeunesse kurdes, révolte qui saura alors probablement trouver dautres chemins que la voie nationaliste du PKK en salliant avec les travailleurs turcs dont ils partagent la vie et la misère, parvenant à passer au-dessus du fossé creusé entre eux par la dictature turque.
Carole Lucas
Attentats en Corse, lescalade des provocations masquent les causes du mécontentement. Les travailleurs corses ont les mêmes ennemis et les mêmes intérêts que les travailleurs du continent
Les derniers attentats contre l'URSSAF et la DDE viennent dêtre revendiqués par un groupe clandestin de nationalistes qui prétendent " occuper le terrain militaire pour forcer lEtat français à engager le règlement politique de la question corse ". En réponse, Jospin, à lAssemblée, a invité à Matignon les élus corses y compris les nationalistes. Il joue son rôle de paravent démocratique des actions et exactions de lappareil dEtat. Il affiche une volonté douverture et de négociation alors que sur place la population corse ressent lattitude de lappareil dEtat comme une constante agression. Lescalade à laquelle se livrent les fractions les plus extrémistes des nationalistes dans leur bras de fer avec lEtat aide le pouvoir et masque les vrais causes du mécontentement de la population.
L'assassinat du préfet Erignac en février 1998, l'arrestation du préfet Bonnet en mai 1999 suite à l'incendie de la paillote " chez Francis ", la fuite dans la foulée dYvan Colonna, l'assassin d'Erignac, font que les médias se délectent de " l'exception corse où il n'y aurait pas d'état de droit ". Plus simplement, la Corse, ce sont deux départements où les travailleurs subissent, comme sur le continent, une régression de leurs conditions de vie et de travail. Il y a très peu d'industrie ; pour trouver du travail, il y a surtout les postes de fonctionnaires (25 % des emplois) et les emplois souvent saisonniers dans le tourisme, et le chômage pèse de plus en plus.
Comme sur le continent aussi, s'il n'y a pas d'argent pour les travailleurs, il y en a pour les patrons. En juillet-août de cette année, la Caisse régionale de Crédit Agricole était visée par une procédure judiciaire pour avoir prêté trop largement à des agriculteurs et la CADEC (Caisse de Développement de la Corse) placée en liquidation, en faillite apparemment pour avoir fait trop confiance à des spéculateurs immobiliers d'une soi-disant " filiale pierre ". Mais ces affaires n'ont rien de particulièrement corse.
Et toutes ces magouilles, au bénéfice des riches et des patrons, se font, comme sur le continent, avec la bénédiction des représentants de l'Etat et des politiciens de tous bords. Dans l'alternance gauche-droite, chaque ministre de l'Intérieur nomme ses copains à la Préfecture ou à la tête de la police, copains de Pasqua, puis de Chevènement. Et il n'y a pas de différence entre les élus socialistes ou RPR de Corse et les autres : ils sont aussi peu au service des travailleurs !
Les nationalistes fondamentalement défendent les mêmes intérêts que les autres politiciens. Le père d'Yvan Colonna, le nationaliste qui a tué le préfet Erignac, est un ancien député socialiste des Alpes-Maritimes qui a été conseiller de trois ministres de l'Intérieur successivement : Joxe, Marchand, Quilès le bruit, malintentionné, courant d'ailleurs que c'est grâce à cette parenté que Colonna aurait été prévenu par les RG qu'il était recherché.
L'avocat Talamoni, chef de file de Corsica nazione, qui a eu 17 % des voix et 8 élus cette année à l'Assemblée territoriale corse, fait depuis cet été des offres de politique commune non seulement aux autres nationalistes mais aux politiciens traditionnels de gauche et de droite dans l'idée de gérer ensemble la région corse. Et lors de la venue de Jospin en septembre, il l'a interpellé en lui parlant de l'autonomie de l'Ecosse, de l'Irlande et du Pays de Galles et lui demandant " aurez-vous le courage politique d'un Tony Blair ? ".
Une autonomie qui ne serait d'ailleurs pas inconcevable dans le système actuel.
Il n'y a aucune illusion à se faire sur cette autonomie que réclament Talamoni et autres politiciens, même si les travailleurs du continent ne peuvent que la soutenir si ceux de Corse la souhaitent. Ce que veulent les politiciens, c'est leur bout de pouvoir sur un territoire où ils magouilleront avec les plus riches sur le dos des travailleurs. Leurs méthodes violentes que Jospin et Chevènement ou les politiciens de droite dénoncent, sont les mêmes que celles de lEtat à légard des opprimés, reposant sur le même mépris de la population.
Pour les travailleurs, la violence des nationalistes est lourde de dangers. La situation s'aggravant, ils peuvent se retrouver pris en otage entre le terrorisme de groupes armés et celui de la police de l'Etat. Nous s'en sommes pas là. Les travailleurs corses ne sont pas dupes. S'ils étaient nombreux à défiler spontanément vendredi à l'appel des syndicats, en solidarité avec les travailleurs de l'URSSAF et DDE qui avaient vu leur vie exposée, ils ne se sont pas déplacés samedi à l'appel des autorités auxquelles ils ne font pas confiance.
Contre le chômage et la misère, contre la violence de terroristes défenseurs des intérêts des bourgeois petits ou même grands, les travailleurs corses ne pourront faire confiance qu'à eux-mêmes. Ils se battent déjà, puisque, à la Poste, ils ont fait des semaines de grève sur le manque d'effectifs et contre l'application des 35 heures. Ce ne peut être que par les méthodes de la lutte ouvrière, menée démocratiquement sous le contrôle de tous, qu'ils pourront imposer la défense de leurs intérêts. Et dans ce combat, ils se retrouveront aux côtés des travailleurs du continent qui ont les mêmes ennemis et les mêmes intérêts.
Sarah Leroy