échos d’entreprises et de luttes



ONET (métro parisien) : grève contre les 35 heures à la sauce patronale

Les agents de nettoyage de cette entreprise sous-traitée par la RATP ont fait grève pendant plus de quinze jours contre l’application des 35 heures. Elles devaient se traduire par une dégradation de leurs conditions de travail et de leur salaire.

Avec les 35 heures, la direction voulait faire faire en 7 heures le même travail qui était fait en 8 heures par jour auparavant. Elle a embauché 23 personnes mais en a fait partir 30 dans le même temps. Les travailleurs ont exigé une " prime d’énergie " de 400 F pour compenser le surcroît de travail. A l’occasion de quelques reportages qui ont été faits durant la grève, les travailleurs ont montré les locaux que la direction appelle leurs " vestiaires " : à la station de métro de la Gare de l’Est, un cagibi confiné sans lavabo, aux Halles une pièce sentant le moisi où prolifèrent les cafards mais aussi les rats, à Strasbourg-Saint-Denis, les travailleurs mangent leur casse-croûte dans un dépôt à ordures. C’est pourquoi ils exigeaient également une prime de salissure de 100 F.

C’est avec beaucoup de révolte et de dignité que les travailleurs, souvent d’origine étrangère, ont dénoncé, pour la première fois devant des médias, leurs conditions de travail et leurs salaires. La direction, face à leur pression, a parlé d’une " prime de qualité " qui serait de 0 à 200 F ! Elle serait attribuée individuellement, en fonction des pénalités infligées à la RATP qui fait contrôler régulièrement la propreté des couloirs du métro.

Mercredi 24 novembre, la direction a assigné en référé les 326 grévistes pour " entrave à la liberté du travail " et a fait interdire par le juge du tribunal des référés l’accès aux sites Onet de la RATP à 7 salariés qu’elle accusait de… déposer volontairement des ordures ! Elle les a menacés de licenciement. Pendant le jugement, l'avocat du patron a été soutenu par celui de la RATP qui a parlé de " mouvement illicite ". Sous prétexte de prétendues menaces de grévistes envers des non-grévistes et parce que les poubelles trop pleines auraient empêché l'application de Vigipirate, il a obtenu une protection policière des non-grévistes. Il a également pu embaucher des intérimaires pour nettoyer à la place des grévistes. Mais comme cela ne suffisait pas, des cadres et des chefs de ligne ont dû se mettre au travail, en cravate, ce qui était assez cocasse.

La direction a dû accorder la prime de qualité mais son montant sera au maximum, de 200 F ce mois-ci, puis de 100 F les autres mois. Elle devra payer 30 % des jours de grève avec une prime de remise en état correspondant à encore 30 % des pertes de salaire. Les grévistes ont donc obtenu de ne pas avoir de perte de salaire ce mois-ci. Mais la direction retirera un jour de paye pendant 5 mois à partir de janvier pour " dédommager Onet "… Les syndicats FO, UNSA et CFTC disent qu’ils agiront pour empêcher le licenciement des 7 travailleurs. Après cette grève dure, les travailleurs ont pu vérifier encore une fois la rapidité de la direction à faire intervenir la justice et la police quand ils se mettent en grève et font connaître leurs conditions de travail. Ils ont pu voir qu’il était possible d’empêcher une dégradation encore plus grande de leurs salaires par leur seule détermination, sans compter sur le ministre communiste des transports Gayssot.

SED-Cordier (Blanquefort 33) : le ras-le-bol déborde

Depuis quelques semaines, à cause des conditions de travail de plus en plus insupportables, le ras-le-bol avait gagné tout le monde. Vendredi 3 décembre, vers 11 heures, la CGT appelait à une AG sur un débrayage, la direction voulant remettre en cause la nécessité d’avoir l’accord du CE pour le choix de la mutuelle et du contrat correspondant.

Quelques travailleurs ont repris le travail après le repas, mais nous sommes un certain nombre à être restés en grève, et nous avons discuté d'un document que la direction avait remis aux délégués du personnel quelques instants avant le débrayage. Il s'agit d'un dossier préparatoire à une réunion exceptionnelle du CE, prévue le jeudi 9 décembre, et présentant " le projet d'évolution de l'actionnariat  " de la boîte. Autrement dit, les conséquences de la vente de 30 % des actions détenues par Suez au groupe Val d'Orbieu qui en détenait déjà 20 % et qui devient ainsi notre nouveau patron.

La dernière phrase de ce texte : " il est de l'intérêt de tout le personnel de la SED de soutenir ce plan et de participer activement, dans les mois à venir, à la concertation qui sera organisée pour adapter la SED à un accroissement des volumes de production et pour trouver le bon compromis entre l'efficacité économique et les bénéfices sociaux, dans les règles qui doivent se substituer à la loi de Robien et appliquer la nouvelle législation sur les 35 heures lorsque cette dernière sera connue ", est apparue clairement comme une nouvelle menace, s'ajoutant à celles contre la mutuelle et à tous les coups que nous subissons continuellement.

Petit à petit, la colère est montée. Le directeur industriel, qui avait eu la bonne idée de venir fumer une cigarette dans notre salle de repos, histoire de nous dire de faire confiance et que nous ne risquions rien, y a gagné de s'entendre dire ce que beaucoup d'entre nous avaient sur le cœur depuis longtemps.

Lundi, les camarades de l’équipe de matin se sont mis en grève dès l’embauche, et après une AG qui s’est tenue vers 9 heures, c’est pratiquement 90 % du personnel, employés et ouvriers, qui se sont joints à eux, avec pour objectif d’obtenir de la direction l’engagement qu’un certain nombre d’avantages sociaux - 13ème mois, prime d’ancienneté, durée des temps de pause… -, ne seraient pas remis en cause au moment du changement de propriétaire.

Depuis, plus rien ne sort des chaînes, l’usine est totalement paralysée. A un collègue qui craignait que les cadres n’essaient d’amener le vin contenu dans les cuves se faire embouteiller ailleurs, un autre répondait : " ils ne savent rien faire, c’est nous qui faisons tout, mais on aurait peut être intérêt à planquer les fiches de procédures ".

Tous les grévistes sont présents sur leur horaire de travail, - dans l’usine ou au portail où on se chauffe en brûlant des palettes -, mais beaucoup rigolent en disant qu’ils n’ont jamais fait autant d’heures supplémentaires. Les discussions vont bon train, sur la loi Aubry, sur le gouvernement : " le PS, encore, on s’y attendait un peu. Mais le PC, quand même !… ". On discute sur les grèves qui éclatent un peu partout, sur la nécessité de s’y mettre, tous ensemble. Et tout le monde attend de pied ferme la venue des PDG de Suez Industrie et de Val d’Orbieu, qui doivent participer à la réunion de jeudi.

Une journée de grève contre les 35 heures et la dégradation de nos conditions de travail à la Polyclinique Bordeaux Nord

A la polyclinique Bordeaux Nord, nous sommes environ 540 salariés et depuis des années nos conditions de travail ne cessent de se dégrader. Avec l’application des 35 heures, la direction prévoit de les dégrader encore plus. Elle veut supprimer une heure de chevauchement entre les équipes, alors que c’est en général à ce moment là qu’on peut faire ce qu’on n’a pas le temps de faire avant, de préparer les traitements, faire les commandes et prendre le temps de discuter avec nos collègues des autres équipes. Elle prévoit aussi de ne plus avancer la part du remboursement de la sécurité sociale en cas d’arrêt maladie pour, comme elle le dit, " définir les moyens de réduire le coût et les dysfonctionnements créés par l’absentéisme ". Elle profite des 35 heures pour rediscuter des modalités d’attribution des jours fériés, en voulant supprimer la récupération des jours fériés non travaillés. Contre toutes ces dégradations, la CGT a appelé à une journée de grève, et nous étions nombreux à vouloir marquer le coup. La veille, la direction nous avait convoqués à une réunion du personnel pour nous faire la morale. Le directeur, P. Savin, nous a expliqué qu’il ne comprenait pas cette grève, que d’ailleurs il était persuadé que nous ne savions pas pourquoi nous allions la faire, en disant que les négociations n’avaient pas encore commencé, et que donc ça ne servait à rien. Que les 35 heures étaient imposées à la clinique et qu’il fallait faire avec. Nous avons été nombreux à intervenir pour lui dire qu’on savait très bien pourquoi on allait faire grève : " les conditions de travail se dégradent de plus en plus, et il faut en faire toujours plus avec le minimum de personnel, à force la corde finit par casser et il y en a marre ". Un collègue a rappelé les bénéfices de la clinique depuis 2 ans : en 1997 de 2,8 millions de francs et en 1998 de 3,9 millions de francs.

Vendredi 3, n’ayant pas prévu que la grève serait si largement suivie, le directeur est venu au piquet de grève, faire du chantage sur la sécurité des malades pour essayer de nous faire remonter dans les services.

Mais nous n’avons pas cédé, la responsable étant la direction qui met la sécurité des malades en danger en réduisant les effectifs au minimum. Elle a donc été obligée de transférer certains malades dont ceux du service de dialyse dans d’autres centres et aucune urgence n’a pu être acceptée.

Nous avons repris le travail samedi, contents d’avoir marqué le coup.

Ras le bol au service des Courses et de la Navette du Tripode - Hôpital Pellegrin – Bordeaux

Au service des Courses du Tripode, le bâtiment principal de l’hôpital Pellegrin, notre travail consiste à amener les examens des services aux différents labos ou au Centre de transfusion sanguine, et vice-versa pour les résultats de ces examens ou les produits sanguins, et aller chercher, en urgence, la pharmacie, qui se trouve dans un autre bâtiment de l’hôpital. En plus des tours que nous faisons toutes les demi-heures ou toutes les heures sur l’ensemble du Tripode (36 services sur 12 étages), aux Urgences et en Réa, situées juste à côté, nous avons à répondre aux appels en urgence des services qui nous contactent par " bip ".

A la Navette, nous assurons les mêmes tâches, mais sur tous les autres bâtiments de l’hôpital Pellegrin. Il nous faut en plus aller chercher au Tondu, un autre secteur de Pellegrin, le matériel qui doit être stérilisé au Tripode depuis que la Direction a fait fermer le service de stérilisation, puis l’y ramener. Mais nous devons aussi assurer le transport des malades décédés jusqu’à la morgue, aller porter dans d’autres établissements du CHU de Bordeaux, à plusieurs kilomètres de Pellegrin, examens et parfois dossiers, sans compter les organes destinés aux greffes que nous devons aller chercher à la gare ou à l'aéroport. La nuit, il n’y a qu’un seul coursier et un seul agent de la Navette pour assurer le travail sur tout l’hôpital. Bilan des… courses : nous faisons chacun de 5 à 15 kilomètres à pied tous les jours.

Depuis des années, les arrêts-maladie ou les congés ne sont plus remplacés tandis que la charge de travail n’a pas cessé d’augmenter. Il y a une quinzaine de jours, le ras le bol est parti d’un collègue qui venait de faire un remplacement de nuit, révolté de n’avoir pas eu une seule minute pour souffler. Nous avons décidé de réagir ensemble, et nous avons fait une lettre, signée par nous tous, pour demander une audience au directeur afin de lui expliquer de vive voix nos problèmes. La semaine avant l’entrevue, nous avons formulé ce que nous exigions : du personnel supplémentaire. Notre chef, solidaire, nous a fourni tous les plannings depuis le début de l’année, ce qui nous a permis de faire le décompte des jours où nous étions en sous-effectifs : 138 sur les 308 derniers jours.

Lundi 6 décembre, le directeur des Ressources humaines et le directeur des Services économiques nous ont reçus. Nous étions cinq, représentant toutes les équipes, de jour comme de nuit, et notre chef s’est délibérément placée de notre côté en s’asseyant parmi nous.

L’un d’entre nous a d’abord exposé l’ensemble des problèmes du service et dit nos revendications. Le DRH a immédiatement dit non à la revendication de création de postes supplémentaires, " impossible " à cause des budgets, puis avec son collègue il a essayé de noyer le poisson en disant qu’il fallait revoir l’organisation du travail. Le directeur des Services économiques n’a même pas hésité à accuser nos collègues soignants des services de ne pas assurer eux-mêmes certaines des courses en urgence. Comme si eux-mêmes, qui connaissent les mêmes problèmes de personnel que nous, pouvaient faire ce travail en plus du leur.

Bilan de la réunion : de vagues promesses, sur la remise en état des ascenseurs qu’on attend depuis deux ans, l’affectation probable d’un collègue qui est à cheval sur un autre service, à plein temps sur le nôtre, et rien d’autre.

Nous étions venus pour dire notre ras le bol, sans illusions sur le résultat. Nous étions tous très contents de notre intervention, y compris notre chef, arrivée et repartie avec nous, et avons immédiatement commencé à discuter de la suite.

Débat animé au Congrès de l’UD CGT de la Gironde sur la participation à la manifestation du 11 décembre

Le Congrès de l’Union départementale de la Gironde s’est tenu les 6,7 et 8 décembre. Un débat s’y est ouvert sur la participation à la manifestation du 11 décembre. La direction départementale, appuyée par la représentante de la direction nationale, Maryse Dumas, a défendu la position prise par la Confédération pour la manif du 16 octobre et renouvelée à l’occasion de celle du 11 décembre. Il faut, disent-ils, que le syndicat préserve son indépendance, qu’il ne se mêle pas à des manifestations appelées par des partis politiques et notamment par le PCF. Car ajoutent-ils, cela a fait beaucoup de tort à la CGT d’apparaître comme un satellite du PCF et d’approuver sa politique en toute circonstance. Et notamment, ont-ils ajouté, pendant la période 81-84 où la CGT a apporté son appui à la politique du gouvernement ou quand la CGT appelait systématiquement à voter pour les candidats du PCF aux élections. Mais pour eux, bien sûr " en tant que citoyens ", les objectifs de cette manifestation sont intéressants et les syndiqués CGT peuvent aller à cette manifestation individuellement.

Cette prise de position a suscité bien des réactions. Plusieurs délégués sont intervenus en se prononçant pour la manifestation. Le représentant de la fédération de l’Energie, une déléguée des banques, un délégué de la CGFTE – qui a précisé qu’il n’était plus militant du PCF –, des militants de notre tendance, sont intervenus pour appeler à participer à la manifestation. Les arguments différaient selon les intervenants, mais tous revenaient à la même constatation : au lendemain du vote de la loi Aubry, après les aumônes accordées par le gouvernement aux chômeurs et aux Rmistes, cette manifestation était l’occasion de dénoncer la politique du gouvernement et d’affirmer notre solidarité avec les milliers de travailleurs qui étaient dans la rue. Certains ont mis en parallèle la faible mobilisation due au peu de préparation des journées nationales d’action de la CGT et le succès de la manif du 16. Quant à l’indépendance à l’égard du PCF, outre le fait que certains d’entre nous ne se sentaient pas vraiment touchés par l’argument, car par le passé nous avions combattu cette politique dans la CGT, il nous semblait qu’elle serait très facile à affirmer, si la CGT manifestait en affirmant nos revendications et en dénonçant la politique du gouvernement et la loi Aubry que les députés du PCF viennent de voter pour la deuxième fois.

La salle était très partagée mais le mécontentement était tellement prononcé que Maryse Dumas est intervenue pour conclure provisoirement les débats en insistant sur la menace qu’un tel appel représentait pour l’unité de la CGT.

Une motion appelant à la manifestation a été soumise au vote dans la matinée de mercredi. Elle affirme :

" Le 16 octobre à Paris, plus de 50 000 personnes ont manifesté pour protester contre les licenciements et le chômage. Beaucoup d’entre nous ont participé à cette manifestation bien que la direction confédérale ait décidé de ne pas être partie prenante de cette initiative.

Depuis cette date, la deuxième loi Aubry a été votée au Parlement et de nombreuses grèves ont éclaté dans tout le pays contre les conséquences désastreuses qu’elle implique pour nos conditions de travail, nos conditions de vie. Des grèves ont également éclaté pour réclamer des augmentations de salaires. Une occasion nous est offerte de prolonger, d’unifier et de renforcer ces mouvements et d’exprimer notre mécontentement dans la rue.

Le 11 décembre, les organisations et associations à l’initiative du 16 octobre à Paris, lancent un nouvel appel à manifester dans toute la France. Le Congrès de l’UD CGT de la Gironde appelle à participer à cette manifestation pour protester contre les licenciements qui se multiplient dans le pays et contre la loi Aubry dont nous condamnons toutes les mesures qui permettent aux patrons d’imposer la flexibilité et le gel des salaires. Sur les revendications qui sont les nôtres, nous appelons à manifester aux côtés des partis politiques et des associations de chômeurs qui sont à l’origine de cette initiative. Lorsque des milliers de chômeurs, de salariés, de jeunes manifestent dans la rue contre la politique du patronat et du gouvernement, pour la défense de leurs revendications dont la grande majorité sont aussi les nôtres, notre place est dans la rue, à leurs côtés, sous nos propres banderoles ".

Après le vote de trois motions, la présidence du Congrès passa à l’ordre du jour. Le camarade qui avait déposé la motion, demanda ce qu’elle était devenue. Après quelques instants de confusion, le président la retrouva et expliqua que " le débat de la veille avait tranché le problème ". Notre camarade demanda qu’elle soit lue. Ce qui fut fait. Mais l’idée du vote fut écartée " nous n’allons pas recommencer ce débat ". " Je demande simplement qu’on vote la motion ", rétorqua notre camarade. Après quelques arguties et une intervention des délégués de l’Energie se désolidarisant des critiques contre la loi Aubry, le Congrès passa à l’ordre du jour. Mais la grossière manœuvre avait créé un malaise et certains délégués tinrent à dire à notre camarade qu’ils ne trouvaient pas normal que la motion n’ait pas été votée.

" Le métier de chômeur " : leur théorie, notre pratique

La ville de Bordeaux compte quatre ANPE pour environ 200 000 habitants, chacune des agences ouvrant deux à trois guichets pour l’ensemble de son public, soit 10 à 15 000 chômeurs bordelais. On comprend aisément pourquoi la moindre démarche réclame une ou deux heures d’attente en moyenne, système qui a encore empiré avec une nouvelle mesure : il faut maintenant avoir repéré et noté une annonce pour avoir droit au précieux ticket d’attente, sésame de l’insertion professionnelle. De plus, au sein des ANPE, nos besoins ne sont pas pris en compte par l’administration. Ainsi, à l’agence Bordeaux Saint-Jean, il y a trois ordinateurs neufs trônant au milieu de la pièce mais qui ne donnent accès qu’aux annonces déjà affichées alors que nous n’avons qu’un seul minitel, indispensable pour certaines inscriptions, autour duquel se forme une longue file d’attente.

Une fois que vous avez accédé au guichet, le parcours du combattant ne fait que commencer puisqu’une foule de vicissitudes vous attendent encore : par exemple, il s’agira de relancer l’organisme X pour qu’il appelle l’association de réinsertion Y qui prendra contact avec le supermarché untel. Ou bien, il faudra attendre une matinée à la mairie pour apprendre que l’organisme finançant telle formation n’existe plus. On pourrait citer pléthore de mesures de ce type destinées avant tout à occuper les chômeurs.

Revenez à la charge, insistez lourdement, on finira peut-être par vous donner un petit quelque chose : un CES, un emploi-jeune, un stage bidon qui ne mène nulle part, n’importe quoi pourvu qu’on puisse vous rayer des statistiques afin de faire baisser artificiellement les chiffres du chômage et que Jospin et Aubry en profitent pour se féliciter de la réussite de leur " politique pour l’emploi ". En effet, ils nous ont annoncé avec fierté que le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 26 400 en octobre, mais ils oublient de préciser que l’ANPE, en dispensant toujours plus de chômeurs de la recherche d’un emploi, dégonfle en même temps les statistiques du chômage. Ainsi, d’après La Tribune, les nouvelles dispenses de recherche, pouvant intervenir pour raison d’âge par exemple, ont atteint 7 798 en octobre, les radiations administratives, 17 691, et les radiations pour absence de contrôle, 115 669 pour le même mois ! Baisse du chômage, vous avez dit baisse du chômage ?

Nous sommes 6 ou 7 millions à être condamnés à la pauvreté et à la précarité. Si nous nous révoltons pour dénoncer nos conditions de vie, impossibles avec 3 000 F, le gouvernement nous envoie les CRS ou la police. Dans l’esprit des Jospin, Chevènement, des préfets, un chômeur en colère est un voyou, ni plus ni moins.

Sogerma : le mécontentement continue à s’exprimer !

La Direction a de nouveau revu sa copie sur ses projets d’application de la loi Aubry. Le travail du samedi est définitivement jeté aux oubliettes mais elle maintient ses projets de passage des équipes en 2x8 et d’attaques contre les salaires. Aussi, nous avons continué à manifester notre mécontentement. Jeudi dernier nous avions décidé de retarder l’entrée dans l’usine en faisant signer une pétition rappelant nos revendications. Nous avions prévu d’être 15 pour le faire mais en fait c’est à 200 que nous nous sommes finalement retrouvés aux portes et l’entrée à l’usine s’est faite très très lentement. La bonne humeur était au rendez-vous, à peine troublée par la colère, lorsque le délégué syndical FO, qui s’apprête à signer l’accord, est arrivé devant l’usine. Sa voiture a été un peu secouée au passage.

Lundi, nous avons recommencé la même opération à une centaine mais là nous étions mieux organisés avec des feux de pneus pour nous tenir au chaud et un feu de palettes pour faire griller les saucisses !

Cela nous a valu de nous faire traiter de " brûleurs de cageots " dans un tract de FO condamnant notre intervention. Lors de la réunion du CCE, le syndicat FO a donné un avis favorable au projet de la Direction ce qui laisse présager une signature prochaine.

Du côté de ceux qui sont opposés à l’accord, c’est un peu l’expectative. Il est certain que le mécontentement est grand à l’usine. Il s’est manifesté par des débrayages et des actions qui ont regroupé un noyau de 200 personnes. Mais nous avons bien conscience que pour faire échec à la Direction, il nous faudrait franchir une étape et les hésitations sont plus grandes car il faudrait évidemment un autre rapport de forces. Alors les discussions vont bon train dans les ateliers et même s’il nous semble difficile de passer à une vitesse supérieure, rien n’est encore joué !

Cofrablack (Ambès près de Bordeaux) - Réduction du temps de travail : contre le projet de la direction une seule alternative, la mobilisation

Lors de la dernière réunion de négociation sur les 35 heures la direction a affiché la couleur. Depuis le début de l'année des réunions sur ce thème avaient eu lieu mais timides quant aux intentions de notre patron ; les attaques se sont précisées depuis. Nous avons eu droit pour la première fois à un projet complet et pour être complet il l'est, surtout en matière de provocation. Nous y trouvons la panoplie habituelle, gel des salaires, peu ou pas d'embauche, rien pour les postés continus qui sont déjà à 35 heures en utilisant les ficelles du temps de travail effectif qui exclut le temps d'habillage ; le même moyen minimise pour d'autre secteurs la réduction du temps de travail. Une trouvaille, puisque certains salariés de jour mettent plus de 30 mn pour déjeuner pourquoi ne pas leur laisser plus de temps qui bien sûr sera décompté sur les jours dus de réduction. Ils arrivent ainsi à économiser par exemple 5 jours annuels sur 16 par agent de la maintenance. Tout est prévu pour minimiser l'embauche, il n'y a pas de petites économies ; le flicage par le badgeage ou pointage qui n'existait pas jusqu'à maintenant est introduit, le compte épargne-temps nous est proposé, etc., etc. Du fait de la diversification des horaires, des heures de réduction plutôt que des journées mettent en péril notre transport collectif, un des rares qui subsiste sur Bordeaux.

Ce projet présente un avantage, celui de regrouper le mécontentement ; sa publication la plus large a permis que chacun y apporte ses critiques que nous avons regroupées lors d'une assemblée syndicale CGT lundi. Nous y avons décidé les actions à poursuivre, rencontrer les copains de la CFDT avec la perspective d'une assemblée générale, bousculer l'ordre du jour de la réunion DP-direction de mardi en y imposant les 35 heures avec la menace d'un préavis de grève que nous avons trouvé judicieux de mettre en œuvre le jour prochain du Conseil d'administration qui aura lieu dans nos murs.

Beaucoup d'entre nous se rendent maintenant compte à quel point la loi Aubry des 35 heures est une arme redoutable donnée au patronat qui lui permet de ne pas embaucher et d'attaquer nos revenus. D'un terrain défensif nous passons à l'offensive en exigeant des embauches réelles et une augmentation de salaire.

L’Etat français invente la précarité à deux vitesses

Le développement des emplois précaires est une aubaine pour le patronat qui impose à l’ensemble des travailleurs une exploitation accrue avec l’aide de l’Etat.

Le gouvernement de gauche a eu l’idée il y a quelques années de subventionner des associations loi 1901, dites " d’insertion par le travail ". Ces sous-boîtes d’intérim ont fleuri dans le désert économique des banlieues grâce à l’argent de l’Etat. Le Lien Garonnais situé à Lormont (33) répond ainsi aux besoins des entreprises qui, installées en zone franche, bénéficient déjà d’avantages fiscaux considérables. Ces associations proposent des missions qui n’excèdent jamais 10 jours, la plupart des contrats se limitant à 2-3 jours. Elles se positionnent sur une sorte de second marché du travail où les patrons disposent d’une main d’œuvre d’autant plus malléable que ces associations s’installent dans des zones où le chômage atteint les 40 % comme dans certains quartiers de Lormont. Dans ces quartiers, " l’Utilisateur ", terminologie qui désigne le patron dans les statuts du Lien Garonnais, peut arguer de sa contribution à " une œuvre humanitaire " afin d’exiger un rendement maximum. L’emploi est ici un cadeau " offert aux défavorisés ". Dès lors pourquoi exiger le respect des temps de pause ou le paiement des heures supplémentaires ?

Depuis la rentrée, sous la pression des lobbies de l’intérim, le gouvernement a limité les prérogatives de ces associations : le chômeur ne peut pas travailler plus de 240 heures via le Lien Garonnais. Cette mesure est révélatrice du poids qu’ont pris les agences d’intérim dans l’organisation du travail. Celles-ci font pression pour garder le monopole du juteux marché de la précarité.

Personne ne peut s’en réjouir, sinon les patrons pour qui l’aggravation des conditions de travail et la baisse du niveau de vie de l’ensemble des salariés garantit l’augmentation des profits, ou certains politiciens de gauche qui nous donnent là un exemple concret de ce que peut-être la " troisième voie ".