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Primes et revalorisation des minima sociaux : " la fraternité " selon Martine Aubry, les restes pour les pauvres

Il est important que les plus démunis puissent bénéficier des fruits de la croissance " a eu le culot de déclarer Martine Aubry en annonçant que l’Etat débloquerait 2,7 milliards sous forme de primes et d’une augmentation des minima sociaux de 2 %. Alors que depuis 3 ans les associations de chômeurs comme AC !, l’APEIS ou le MNCP se mobilisent chaque hiver pour obtenir une prime d’au moins 3000 F et une augmentation générale des minima sociaux de 1 500 F, Martine Aubry a voulu faire un effet d’annonce : une " prime du millénaire " allant de 1 000 F pour une personne seule à 2 900 F pour un couple avec quatre enfants, pour les 1,1 million d’allocataires du RMI et les 500 000 bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS). Les 20 000 allocataires de l’allocation d’insertion (AI) toucheront eux seulement 705 F. Elle a aussi annoncé que le RMI, l’ASS et l’AI seront augmentés de 2 % ce qui représente 50 F pour une personne seule, soit 1 franc et soixante dix centimes de plus par jour. Comme le disait une chômeuse à Marseille, " une demi-baguette par jour, merci Aubry ! ".

Le gouvernement aimerait par ce geste désamorcer la colère des chômeurs et éviter de se retrouver, comme les années passées, confronté à une mobilisation trouvant un large soutien dans la population et face à laquelle il a déjà dû reculer. Mais cet effet d’annonce tombe à l’eau car personne n’est dupe. Comme l’a dénoncé un porte-parole d’AC ! : " Les minima devaient être automatiquement revalorisés du montant de l’inflation. Le " cadeau " réel du gouvernement s’élève donc à moins de 1 %, soit 20 francs par mois ". De plus ces mesures ne concernent ni les chômeurs indemnisés par l’UNEDIC, ni les moins de 25 ans qui n’ont pas droit aux minima sociaux.

Derrière cette annonce qui intervient à la veille de la manifestation du 11 décembre contre le chômage et pour l’emploi, et alors que les chômeurs à nouveau se mobilisent, il n’y a qu’une aumône méprisante. Aumône d’autant plus choquante quand on compare les " fruits de la croissance " et la situation catastrophique causée par le chômage.

Ainsi, d’après une étude du CREDES, 6,9 millions de Français vivent avec moins de 60 F par jour et par personne, et la proportion d’allocataires de minima sociaux a augmenté en cinq ans de 24 % à 37 %. De plus, selon l’INSEE, 15 % des allocataires du RMI vivent en logement précaire et 26,8 % sont hébergés par leur famille ou des amis. Mais à côté de cela, depuis le début de l’année la Bourse est florissante et le CAC 40 a progressé de près de 40 %. Même l’Etat a annoncé 30 milliards de recettes fiscales supplémentaires.

Alors la situation est intolérable. Intolérable de voir politiciens et patronat afficher avec arrogance leur contentement, alors que de plus en plus de monde se retrouve précarisé avec ou sans emploi !

Personne n’est à l’abri, tout salarié peut se retrouver chômeur car même les entreprises florissantes comme Michelin licencient. Tout chômeur se retrouve très rapidement précarisé, en fin de droit, allocataire d’un de ces minima sociaux car le patronat qui participe à la gestion de l’UNEDIC qui indemnise 2 millions de chômeurs, ne cesse de faire pression pour réduire les indemnités chômage. Et de plus les ANPE multiplient les pressions pour rayer " adminis-trativement " les chômeurs de longue durée qui en ont marre de répondre à des convocations bidons. Le nombre de radiations sanctions a, selon les syndicats, augmenté de 43,3 % en un an !

Et ceux qui touchent ces minima de misère, sans la solidarité de leur famille ou de leurs amis, sont menacés de se retrouver très rapidement SDF ! Les minima sociaux n’atteignent même pas le niveau officiel du seuil de pauvreté de 3800 F, c’est dire le mépris de ces politiciens qui marchandent au centime près vis à vis des plus pauvres tout en allouant des milliards de subventions et d’aides au patronat qui licencie pour permettre aux actionnaires de continuer à voir leurs dividendes augmenter !

Charles Meno

Restos du cœur : à l’aube du XXIème siècle, le plein essor des soupes populaires !

Pour la quinzième année consécutive, les restaurants du Cœur lancés par Coluche en 1985 ouvrent leur porte. La durée comme le développement des activités des Restos du cœur reflètent à quel point la misère s’est développée en 15 ans.

En 1985, la presse parlait des " nouveaux pauvres " en s’interrogeant sur ce phénomène marginal ! Cet hiver-là, 5 000 bénévoles avaient distribué 8,5 millions de repas dans les premiers restos du cœur. L’hiver 1992, c’est 31,2 millions de repas qui avaient été distribués à 400 000 personnes. L’hiver 1993, 50 millions de repas et cet hiver, il est prévu de mobiliser 40 000 bénévoles pour servir 60 millions de repas à plus de 630 000 personnes dans plus de 2 000 restos du cœur à travers toute la France. La pauvreté et la précarité n’ont cessé de se développer, et les " nouveaux pauvres " de 1985 sont restés pauvres voire ont vu pour la majorité leur situation se détériorer encore plus.

Les restos du cœur réouvrent le jour même où Martine Aubry propose avec cynisme quelques miettes pour les bénéficiaires des minima sociaux. C’est son gouvernement comme ceux qui l’ont précédé qui sont responsables de cette dégradation car ils ont mené une politique au service des grands groupes financiers qui a entraîné un développement de la pauvreté et des inégalités sociales sans précédent. Et aujourd’hui, ils laissent les associations comme les restos du cœur faire face comme elles le peuvent à des situations d’urgence de plus en plus désespérées.

C.M.

Mort du banquier Safra ou quand la propriété conduit à la folie

Tous les médias, toujours soucieux de nous faire partager les joies et les peines des grands de ce monde, ont parlé de la mort d’Edmond Safra, alias " le banquier des riches ", une des plus grosses fortunes de la planète.

Fils et petit-fils de banquiers ayant fait fortune à l’ombre de l’Etat de l’empire ottoman au 19ème siècle, il avait audacieusement fondé lui aussi des banques, qu’il appelait " ses enfants ". Ayant joué l’intermédiaire entre le monde arabe et Israël, sa fortune s’était faite aussi auprès des magnats arabes du pétrole, des riches Chrétiens libanais, puis au Brésil, à New York, etc.. Ces dernières années, comme tout financier qui se respecte, il avait envoyé ses capitaux participer au pillage de la Russie… à tel point que, dans un premier temps, tout le monde a cru qu’il avait été assassiné par la mafia russe.

Mais la réalité est beaucoup plus simple. C’est un infirmier dépressif, ancien légionnaire américain, qui a avoué avoir allumé un feu pour attirer l’attention de son patron sur lui ! Mais le petit feu de poubelle a eu tout le temps de détruire l’appartement de plus de 800 m², sans que les pompiers puissent sauver Safra et une de ses infirmières, qui étaient barricadés dans une salle de bain, protégés derrière plusieurs sas de sécurité. Il faut dire que les palais de Safra étaient de véritables bunkers. Il vivait derrière des portes blindées, sous caméras vidéos, entourés de gardes du corps recrutés dans les forces spéciales de l’armée israélienne. Les multiples coups de téléphone de l’épouse de Safra n’y ont rien fait : jusqu’au bout, il est resté persuadé qu’il s’agissait d’une machination et qu’il fallait rester enfermé.

Safra était fou, de la peur d’être volé ou tué par tous les complots de la terre, de la folie produite par la propriété privée, par cette société de l’accumulation et du profit individuels.

Franck Coleman

La pilule du lendemain dans les collèges et les lycées : une réponse d’urgence, révélatrice de problèmes dans les relations sociales auxquels il n’y a pas de solution d’urgence

Ségolène Royal, ministre à l’Enseignement a annoncé au salon de l’Education qu’elle envisageait d’autoriser les infirmières et les médecins scolaires à délivrer une contraception d’urgence aux jeunes filles qui en feront la demande. Cette mesure suscite discussion chez les " défenseurs de la famille " et autres évêques. Encore ceux-ci sont-ils relativement modérés dans leur communiqué mûri pendant plus de 3 jours, " on ne peut pas ignorer les situations extrêmement difficiles que vivent nombre de jeunes, en particulier celles de certaines adolescentes affrontant des grossesses précoces ", et ils se contentent de dire : " rien ne peut être discuté sans l’implication des parents ". Ce sur quoi les Associations Familiales Catholiques renchérissent : " Rappelons que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants ", et l’Union Nationale des Associations Familiales estime que cette décision est " en contradiction avec la volonté affichée de soutenir les parents dans le rôle de premier éducateur de leurs enfants ". Ces oppositions s’expriment donc bien faiblement, à l’exception de l’extrême-droite, car la nécessité même de la mesure résulte d’un constat : chaque année il y a 10 000 grossesses non désirées chez les jeunes de moins de 18 ans dont 6 700 se terminent par des Interruptions Volontaires de Grossesses (IVG). Autant dire 10 000 situations de détresse et de désarroi de jeunes qui n’ont pas pu avoir accès aux moyens de contraception existants pour de multiples raisons mais qui se ramènent bien souvent à l’absence d’information, ce qui dénie tout droit de choisir et de maîtriser leur vie à ces jeunes et les désarme face à des rapports sociaux brutaux. D’autant que question information sur la contraception, il y a du travail.

Les laboratoires pharmaceutiques savent pourtant " communiquer " pour vendre, mais dans le domaine des contraceptifs, ils s’adaptent à l’opinion la plus réactionnaire qui établit une chape de silence sur la question, révélant un malaise social sur le problème des relations sexuelles dont les jeunes sont les premières victimes. Cette annonce de la diffusion dans les établissements scolaires de la pilule du lendemain permet au moins de briser le silence et de faire connaître l’existence de cette pilule d’urgence.

Mais comme toutes les situations d’urgences, ce ne sont que des réponses ponctuelles qui sont apportées. Il est indispensable de mettre à la disposition des jeunes une pilule qui peut leur éviter une grossesse non désirée, le parcours du combattant qu’est l’IVG surtout pour une mineure qui doit obtenir l’accord parental et le traumatisme qui l’accompagne. Encore que pour que cela ne reste pas un effet d’annonce, il faudra que cela s’accompagne d’embauches massives de personnel. De nombreux collèges et lycées n’ont pas d’infirmières, ou seulement à temps partiel, et les médecins scolaires sont débordés car en sous-effectifs. Il y sera donc impossible aux jeunes d’obtenir une pilule qui doit être prise 24 heures après les relations pour une efficacité maximale, et au plus tard 72 heures. C’est également contradictoire avec la décision gouvernementale de supprimer la formation de gynécologie médicale qui signifie la raréfaction puis la disparition de ces spécialistes.

C’est grâce à celles et ceux qui ont mené ce combat de diverses manières que la contraception existe, que l’IVG a été légalisée et que les recherches médicales continuent, c’est parce que des milliers de parents, d’infirmières, de médecins, de militants de mouvements pour le planning familial refusent de se résigner à la situation dramatique que subissent bien des jeunes femmes, que Ségolène Royal a annoncé ce projet. Ce sont ces combats qui ont fait évoluer les opinions et rendent si difficile même aux évêques de se déclarer ouvertement opposés à cette mesure, sans passer pour les derniers obscurantistes, et ce sont ces multiples combats dont Ségolène Royal voudrait bien tirer profit à compte personnel.

Isabelle Cazaux