tempête et marée noire

" Et, en fait, nous apprenons chaque jour à comprendre plus correctement ces lois [de la nature] et à connaître les conséquences plus ou moins lointaines de nos interventions dans le cours normal des choses de la nature. Surtout depuis les énormes progrès de la science de la nature au cours de ce siècle, nous sommes de plus en plus à même de connaître aussi les conséquences naturelles lointaines, tout au moins de nos actions les plus courantes dans le domaine de la production, et, par suite, d’apprendre à les maîtriser. Mais plus il en sera ainsi, plus les hommes non seulement sentiront, mais sauront à nouveau qu’ils ne font qu’un avec la nature et plus deviendra impossible cette idée absurde et contre nature d’une opposition entre l’esprit et la matière, l’homme et la nature, l’âme et le corps, idée qui s’est répandue en Europe depuis le déclin de l’antiquité classique et qui a connu avec le christianisme son développement le plus élevé. "
Engels, Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme


Les catastrophes révèlent le fonctionnement d’une société à irresponsabilité illimitée... et la responsabilité collective des citoyens et des travailleurs

Comme pour la fin de l’ancien régime, l’incapacité à maîtriser le rapport entre la société et la nature est un puissant révélateur des contradictions du système économique et social, à une époque où le développement des techniques et des sciences laisserait augurer des rapports plus harmonieux entre l’homme et son milieu. Les crises agricoles ultimes de la société féodale ont mis en évidence le caractère parasitaire des accapareurs spéculant sur le manque de grains, l’incapacité des nobles et des rois. Le peuple des villes et des campagnes a trouvé lui-même ses solutions : se servir directement dans les stocks de céréales... et ce fut la grande Révolution de 1789.

A l’ère capitaliste, les catastrophes naturelles révèlent l’impossibilité et l’utopie de la maîtrise de la nature dans un système basé sur le profit. Comme les hommes, la nature n’est " maîtrisée " qu’au sens où elle est exploitée. Comment dès lors prétendre établir avec elle des rapports harmonieux ? C’est ce que Marx déjà en 1844 désignait sous le terme " d’aliénation " : l’exploitation de l’homme par l’homme rend l’humanité étrangère à elle-même, et donc étrangère à la nature, dont elle ne se conçoit plus, du coup, comme partie intégrante. Alors les conséquences non maîtrisées du système social reviennent en boomerang aux hommes sous forme de crise, et les conséquences d’un rapport dysharmonieux avec la nature sous forme de catastrophe. Deux siècles d’exploitation forcenée des milieux, de prolétarisation, d’urbanisation anarchique rompent les liens intimes que les sociétés humaines avaient tissés avec leurs milieux. Les météorologues disent que certains développements des tempêtes sont imprévisibles. Comme ce sont des travailleurs comme nous qui n’ont rien à perdre ou à cacher, on est tentés de les croire. Le problème se pose plutôt en amont : est-ce que les conséquences du système économique actuel ne détraquent pas le climat, comme elles détraquent les sociétés humaines ? Est-ce que notre manière de vivre, nous rendant étrangers au milieu qui nous entoure, ne nous rend pas plus fragiles ? On dit par exemple que le simple enterrement des lignes EDF aurait permis d’éviter bien des dégâts. Il y a sans doute des choix à faire dans nos modes d’énergie, de transport, d’habitat que seules des collectivités humaines, aidées par la science, mais aussi par la collecte des savoirs ancestraux qui subsistent encore, des collectivités débarrassées des œillères intellectuelles, des contraintes sociales que font peser la recherche du profit et la protection de la propriété privée, pourront prendre en conscience et en transparence, en prenant leur temps.

Le capitalisme : société à irresponsabilité illimitée

Dans le système actuel, il faut faire pas cher, profitable, et donc rapide. C’est la loi du CAC 40 qui guide les choix et les consciences. On dit : " c’est la faute au système ", et on a raison. Mais dès lors, plus personne n’est-il ni responsable... ni coupable ? Desmarest, le PDG de Total tente des gesticulations dérisoires pour se dédouaner et justifier le pouvoir d’une poignée de grands actionnaires sur un système aussi complexe et aussi lourd de conséquences sociales que l’exploitation, le raffinage, le transport, la distribution du pétrole. Or, c’est bien cela qui est en cause : doit-on confier cette " responsabilité " à des gens qui ne sont responsables... que vis-à-vis des lois du capital, aveugles à toute considération humaine ? Les politiciens, de Chirac à De Villiers en passant par Jospin ou Voynet, tentent de faire leur pelote personnelle en brassant beaucoup d’air, en faisant des petits croches-pattes aux adversaires politiques et en rendant hommage avec des trémolos au courage des employés des services publics ou des bénévoles. De leur côté, c’est finalement le pouvoir de l’Etat sur la société civile qu’ils défendent. Les critiques, non dénuées de machisme, de la part d’un Jean-Louis Debré à Voynet, partie 2 jours en vacances avec sa fille, sont aussi ridicules que la précipitation de Voynet à se justifier. Les victimes des intempéries ou de la marée noire, les bénévoles, ceux qui travaillent à contenir les conséquences des catastrophes, n’ont, eux, réclamé aucune tête. Face à l’adversité, ce n’est pas le numéro de téléphone du ministère de l’environnement qu’ils composent, c’est celui des pompiers, du maire, de la famille, des amis ou des voisins sur lesquels ils peuvent compter. Les gesticulations dérisoires de " ceux d’en haut " contrastent avec la détermination de ces millions de femmes et d’hommes qui se sont employés, sans bruit, à ce que tout fonctionne, bousculant au passage les préjugés selon lesquels " tout le monde est individualiste ", révélant ainsi de quel côté de la société se situe le sens de la responsabilité et l’efficacité.

Lucien Zigand

 

La marée noire dont est responsable la multinationale franco-belge TotalFina : une catastrophe qui n’a rien de naturel mais est la conséquence directe des ravages du capitalisme

Plus de cent kilomètres de côtes de la Bretagne à la Charente-Maritime polluées par du fioul lourd, l’activité des pêcheurs et ostréiculteurs remise en cause, 25 000 oiseaux mazoutés recueillis et peut-être 100 000 qui seront victimes de la marée noire, tel est le bilan du naufrage du pétrolier l’Erika survenu le 12 décembre dernier qui a déjà largué environ 10 000 tonnes de fioul et fait toujours planer la menace que les 20 000 tonnes restantes, prisonnières de l’épave par 120 mètres de fond, se répandent à leur tour. C’est la tempête qui a soufflé sur le nord du pays le 25 décembre qui a rabattu la marée noire sur les côtes de l’Atlantique, il n’en a pas fallu plus au gouvernement, relayé largement par tous les medias, pour tenter d’assimiler la pollution de la marée noire à une catastrophe naturelle. La solidarité du gouvernement avec la multinationale TotalFina se camoufle derrière l’imprévisible pour exonérer le trust pétrolier, seul responsable des conséquences dramatiques de la pollution.

Comment Totalfina est devenu le 4ème groupe pétrolier mondial

TotalFina est un des exemples de ces trusts qui, à coups de fusions, OPA, OPE, etc, étendent leur pouvoir économique sans limites. En 1998, le trust français Total s’est emparé du trust belge Petrofina donnant naissance à TotalFina. La saga des mégafusions s’est poursuivie en 1999 par le raid effectué par TotalFina, associé à la Société générale, sur Elf, pour 118 milliards de francs, opération encouragée par le gouvernement Jospin. Pour les salariés de Total, les conséquences en sont un plan de 4 000 suppressions d’emplois sur 3 ans dont 2 000 en France alors qu’en 99, 12 milliards de profits ont été réalisés. En devenant le 4ème groupe mondial avec 130 000 salariés, Totalfina dispose d’un réseau de 13 509 stations-service dans le monde dont 3 367 en France où il contrôle désormais 25 % de la distribution.

Pour gagner toujours plus de marchés et satisfaire ses actionnaires, TotalFina fait des coupes claires parmi les salariés et utilise toutes les possibilités offertes par la déreglementation pour abaisser ses coûts.

En toute légalité capitaliste, il a recours aux pavillons de complaisance pour faire transporter son pétrole. L’Erika, le tanker affrété pat TotalFina est un symbole de la loi du libéralisme : son propriétaire était italien, il était enregistré à Malte, son équipage était indien, la cargaison elle, était française. Véritable épave flottante – elle devait être mise à la casse l’année prochaine, d’après l’armateur – l’Erika avait 25 ans, avait changé de nom 8 fois et 3 fois d’immatriculation sous différents pavillons de complaisance. En faisant transporter son pétrole de sa raffinerie de Dunkerque vers l’Italie, Desmarest, PDG de TotalFina, pouvait escompter une économie d’environ 30 % sur le prix du transport, économies réalisées sur le salaire des marins, la maintenance du bateau, l’assurance, un profit qui va directement dans la poche des actionnaires.

Le 27 décembre dernier, Desmarest déclarait : " on n’était pas responsable du bateau mais on fera tout pour rétablir la même qualité d’environnement que ce qu’il y avait avant ". Pas responsable, ni coupable puisque c’est le fonctionnement même de la loi du profit ! Ce que confirme Christian Sautter, le nouveau ministre de l’Economie en ayant déclaré, 3 jours après : " j’ai le sentiment que l’entreprise Totalfina est prête à faire des gestes, mais c’est une entreprise, c’est à elle de déterminer ce qu’elle doit faire ".

Mais pour les habitants, les pêcheurs et les marins, comme les bénévoles venus prêter main forte au nettoyage des plages, il a toujours été évident que la responsabilité de TotalFina est totale et que c’est à lui de payer.

Des intérêts communs entre TotalFina et le gouvernement

Que le gouvernement n’ait pas pris toutes les mesures réellement efficaces nécessaires pour combattre la pollution entre le 12 décembre, jour du naufrage et le 25, date de l’arrivée de la première marée noire sur les plages de Belle-Ile, en Bretagne, était le sentiment de beaucoup de ceux que révolte la dégradation de l’environnement. Les différents ministres de passage sur les plages souillées ont tous minimisé l’importance de la pollution.

D’après le journal Le Monde du 5 janvier, les experts scientifiques faisant autorité en la matière, n’avaient qu’une indépendance toute relative par rapport au trust pollueur. C’est le moins que l’on puisse dire ! Le CEDRE (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux) a été mis en place début 79 après la catastrophe de l’Amoco-Cadiz de mars 78, pour aider à la lutte anti-pollution. Sous tutelle du Ministère de l’Environnement, le CEDRE, présidé par le maire socialiste de Brest, compte un représentant de TotalFina parmi les membres de son conseil d’administration et 15,7 % de ses contrats sont financés par TotalFina et Elf. Finançant en partie cet organisme (à hauteur de deux millions de francs sur les 10 millions de son budget) qui se présente comme " une petite structure à statut d’association sans but lucratif ", le trust pouvait compter sur la complaisance de son partenaire. Ainsi, les informations diffusées ont d’abord écarté toute menace de marée noire, puis l’ont sans cesse minimisée, laissant les maires et la population des communes touchées dans le désarroi. D’après Le Monde, le CEDRE a signé un accord de coopération avec le gouvernement maltais, sous le pavillon duquel naviguait l’Erika, recommande les produits de TotalFina pour nettoyer les côtes, et expérimente un produit filmogène distribué par Elf. Pour Bernard Tramier, membre du comité directeur d’Elf et président du comité du CEDRE : " il aurait été aberrant que les compagnies pétrolières ne soient pas partie prenante ". Partie prenante, elles le sont et c’est bien ce sur quoi elles comptent pour ne pas assumer la totalité des frais consécutifs à leur pollution.

Les discussions sont toujours en cours sur qui va payer. Desmarest a eu le cynisme de proposer de verser un jour de son salaire – sans préciser bien sûr le montant – à une association écologique. Le coût du pompage du pétrole toujours à bord de l’Erika à lui seul est estimé entre 400 millions et un milliard. Les mairies devront faire des procès pour faire reconnaître les préjudices subis comme cela a été le cas lors de la pollution de l’Amoco-Cadiz où il a fallu dix ans pour que le syndicat mixte des communes concernées obtienne 235 millions de francs sur les 693 millions de dégâts causés par le trust Standard Oil.

Il faut exiger que les pollueurs soient les payeurs.

Valérie Héas

 

Conséquences des marées noires et des tempêtes : une situation qui réclame des mesures d’urgence

Chevènement, pour poser en homme de la situation, parle de " crise nationale ". Lui, comme Chirac et Jospin, veulent profiter de l’élan de solidarité des travailleurs pour que chacun fasse bloc autour de l’Etat. Pendant le Mondial 98, ils avaient spéculé sur la joie pour nous faire entonner la Marseillaise, maintenant, ils utilisent les malheurs et le dévouement des gens pour " souder la nation "... autour d’eux. Cela arrive même à point pour tenter de faire oublier le regain de luttes auquel on avait assisté cet automne. D’autant plus qu’en ce qui concerne les services publics, EDF, SNCF ou autres, le gouvernement va être contraint à mettre le holà sur ses projets d’attaques contre les travailleurs, leurs statuts, sans même parler de privatisation. Chirac et le gouvernement reviendront à la charge à un moment où à un autre, c’est sûr, mais pour l’instant, force est pour eux de constater le soutien de l’ensemble du monde du travail à ceux qu’ils se complaisent en temps normal à faire passer pour des fainéants, dont ils ont rogné les budgets et les effectifs pendant des années. Pour faire bloc et unanimité autour d’eux, les dirigeants de l’Etat mettent un bémol et tout le monde s’en porte mieux.

Mais quand ces gens-là prennent la pose de sauveurs de la nation, c’est pour annoncer des mesures dérisoires, sans même demander aux victimes de la marée noire ou des catastrophes ce qu’ils réclament.

Concernant la marée noire, les riverains des côtes l’ont dit clairement : c’est le système du profit qui est en cause. Comment lutter contre ? Si le baron De Villiers propose un boycott de Total, c’est bien parce que ce laquais sait bien que ce n’est pas cela qui endommagera les profits de la multinationale et la fera plier. N’importe quel travailleur ou citoyen peut se sentir solidaire de la volonté des victimes de la marée noire d’organiser un boycott, mais sans illusions. Le contrôle démocratique sur les petites et grandes affaires du groupe Total, ce sont les salariés qui pourront l’exercer en remettant en cause le pouvoir discrétionnaire d’une poignée d’actionnaires de décider de leurs vies comme du transport du pétrole en fonction de leurs dividendes. Cela ne se fera qu’à condition de changer d’organisation sociale. Ce qui ne veut pas dire qu’en attendant, Total ne peut pas participer au financement des travaux de nettoyage et aux dédommagements des victimes. Face à l’indignation populaire, Desmarest a été obligé d’annoncer la participation de Total aux frais de pompage du pétrole encore contenu dans le soutes de l’Erika, le versement d’un premier fond de 40 millions de francs pour les frais de nettoyage, 1,2 milliards versés par l’assurance des pétroliers, la FIPOL, aux victimes de la catastrophe, et même, tenez-vous bien, une journée de son salaire pour une association de protection de l’environnement ! Desmarest n’a pas voulu dire combien cela faisait : c’est un pudique, un grand seigneur. Qu’en sera-t-il de ces promesses, dans 6 mois, 1 an ? 2 ans ? Les victimes de la marée noire de l’Amoco Cadix en 1979 pourraient témoigner de l’acharnement de la compagnie Amoco à leur verser le moins possible d’argent, après des années de procès. Les victimes de la marée noire de l’Erika seront d’autant plus armés face à Total qu’ils s’organiseront eux-mêmes en comités utilisant toutes les compétences techniques et judiciaires des habitants, sans faire confiance aux De Villiers et autres, mais au contraire en tentant d’établir des liens avec les salariés de Total-Fina, qui eux seuls peuvent leur dévoiler les petits et grands secrets de leurs patrons,
les points faibles et les brèches dans leur cuirasse. Quant aux bénévoles, dont Desmarest se déclare solidaire, grâce aux profits de Total, il pourrait sans aucun doute assurer des congés payés illimités pour tous ceux qui sont au travail et veulent rester. Il faudra loger tout ce monde ? On ne manque pas d’hôtels à réquisitionner, sur la côte Atlantique ou ailleurs. Voilà des mesures d’urgence qui pourraient soulager dès maintenant le sort des populations victimes de la marée noire.

Concernant les tempêtes, si les causes d’une catastrophe faisant 86 morts en France et près de 200 en Europe, peuvent apparaître difficiles à cerner, ce n’est pas pour cela que ceux qui en sont victimes n’ont rien à dire ou à réclamer.

Il serait simple de faire dès maintenant des réunions dans les mairies où habitants et travailleurs des services publics établiraient eux-mêmes un plan d’urgence qui serait d’autant plus efficace qu’il serait adopté au plus près des besoins. On a besoin de bras ? Il se trouve sans doute des milliers de chômeurs qui ne demanderaient qu’à être embauchés pour donner un coup de main. Il manque du matériel, des bras dans les services publics ? Pour être efficace tout de suite, en plus de chômeurs, on peut sans doute embaucher des milliers de contractuels ou intérimaires qui à un moment où à un autre ont déjà travaillé dans telle entreprise ou service public et connaissent déjà le métier. Et puis les victimes ont besoin de temps pour réparer, constater les dégâts, s’occuper de leurs proches. Pour eux aussi, les congés payés illimités s’imposent... comme sans doute bien d’autres mesures qu’eux seuls eux sont à même de formuler dans des comités municipaux gérant au jour le jour la situation, vérifiant que personne n’abuse de la situation, établissant une comptabilité précise du coût des catastrophes et gérant, dans les mois qui vont suivre, la reconstruction, le suivi social et humain des victimes... ainsi que le suivi juridique. Tout cela coûterait cher ? Oui et non. Oui, mais les compagnies d’assurance qui sont richissimes doivent et peuvent payer. Sinon, au pire, quelques dizaines de milliards pris sur les centaines de milliards de profits réalisés l’an dernier peuvent suffire. Et puis, cette mobilisation des citoyens, de la société civile, des travailleurs - peu importe le nom, est finalement la solution la plus efficace et donc la moins coûteuse jusqu’à présent. C’est sur elle qu’il faut compter. A situation d’urgence, mesures d’urgence. C’est la seule " mobilisation nationale " qui pourrait répondre efficacement à la " crise nationale ".

L. Z.

 

Les Verts et la marée noire : tandis que des milliers de personnes luttent contre la marée noire, les Verts s’offrent une mini crise politique

Au moment du naufrage de l’Erika, Dominique Voynet était à la Réunion pour traiter un problème de restauration de massifs coralliens. Sa mission terminée, jugeant faible le risque de marée noire, elle avait prolongé son séjour, avec sa fille. Cela lui avait valu les reproches de divers hommes politiques, dont Debré ou de Villiers. Rentrée en France le 24, Voynet s’est défendue contre ces attaques, disant : " les pêcheurs blancs de l’île d’Yeu méritent-ils plus d’attention que les pêcheurs bronzés de la Réunion ? ", " la marée noire en préparation n’a rien de la catastrophe écologique du siècle ", ou encore que son ministère " n’avait pas les moyens de ses ambitions ", avant de se " rattraper " en disant qu’elle avait " sous estimé la pression médiatique "…

Dans un premier temps, ce cafouillage a déclenché l’intervention de divers dirigeants des Verts, dont Daniel Cohn Bendit et Noël Mamère, qui ont cherché à se désolidariser de Voynet. Plus tard, Cohn Bendit s’est excusé, disant qu’il " avait dérapé " et que " Dominique Voynet était une très bonne ministre "… Ces volte-faces dérisoires révèlent les véritables préoccupations politiques des Verts.

Voynet, qu’elle le veuille ou non, est partie solidaire du gouvernement Jospin. Dans le cas de la marée noire, en tant que ministre de l’environnement, elle est même au premier rang, ce qui lui a valu de prendre sa volée de bois vert " médiatique ". Jospin lui a apporté son soutien. Ce faisant, il lui a rappelé qu’elle est sur la même galère que lui et qu’elle doit en assumer toutes les responsabilités, y compris en ce qui concerne les moyens du ministère de l’environnement qui sont, quoi qu’elle en dise, exactement ceux que le gouvernement - auquel elle participe - considère qu’il a droit.

Cela veut dire aussi qu’elle est solidaire - et les Verts avec elle - de l’incapacité du gouvernement à opposer à la marée noire autre chose que des bonnes paroles et un plan Polmar bidon, et de son impuissance face à la loi imposée aux Etats par les multinationales. Cette impuissance s’était révélée lors de l’affaire Vilvorde, puis lors de l’affaire Michelin. Quelques protestations savamment dosées qui restaient d’autant plus platoniques qu’elles ne concernaient pas " leur " ministère avaient alors suffi au bonheur des Cohn Bendit et autres Noël Mamère.

Mais avec la marée noire, c’est autre chose. Ils ont beau proposer de boycotter les stations du trust ou demander aux actionnaires de vendre leurs actions, cela ne masque pas le fait que c’est sous la responsabilité des gouvernements - dont celui auquel ils participent -, qui autorisent des bateaux pourris à prendre la mer sur la foi de certificats de conformité dont tout le monde sait qu’ils sont bidon, que les trusts comme Total-Fina, dans leur recherche permanente de profits, utilisent des épaves surmontées de pavillons de complaisance, conduits par des équipages réduits à leur strict minimum. C’est cela que Voynet et ses " amis " ont du mal à assumer et qui est la véritable cause de leur agitation.

Quant à ce que les dirigeants des Verts reprochaient à la ministre avant de se rétracter, ça n’est pas de n’avoir pas su imposer au gouvernement de prendre des mesures efficaces contre les risques de marée noire, c’est de ne pas avoir été capable de donner un minimum le change. Tandis que Voynet " traînait " à la Réunion au lieu de rappliquer dare-dare, Gayssot était là et s’agitait comme un beau diable, relayé par les colonnes de l’Humanité. Ça n’a pas arrêté un tant soit peu l’avancée du mazout, mais enfin, il était là et il avait l’air de faire ce qu’il pouvait, à commencer par montrer sa solidarité avec les victimes. On comprend que cela défrise Noël Mamère, dont le souci principal est de " rééquilibrer " le gouvernement au profit des Verts et aux dépens du PCF. Quand à Cohn Bendit, ce qui l’a énervé le plus, c’est que la grande vedette écologiste du moment, ce soit… de Villiers. Mamère a raison quand il dit " […] face à cette crise, […], nous avons, depuis quinze jours, montré politiquement nos limites ".

Eric Lemel

 

Echo de discussions sur la tempête à la Monnaie

Discussions sur les services publics et EDF. A propos des déclarations des politiciens, un collègue disait " quand ils ont besoin de nous, ils nous flattent, pour mieux dire après que l’on est des bons à rien ". Sur la sous-traitance à l’EDF, le manque d’entretien, un collègue disait " même là, où ils sont obligés de récupérer du monde de partout, tu verras qu’ils n’embaucheront pas derrière. Ils prendront des intérimaires, sous-traiteront les travaux ".

A propos du cinéma sur le réveillon de l’an 2000, un collègue disait qu’il était " écœuré de voir autant de moyens pour le feu d’artifice, alors que plein de monde était encore sans électricité 5 jours après la tempête ".

Réactions aussi sur les économies de moyens par rapport aux pylônes. Un collègue PC disant " Là où je suis, les pylônes sont tombés. Mais avant de reconstruire quoi que ce soit, il faut qu’on voie sur la commune pour exiger des lignes enfouies pour la sécurité ".

Sinon, plusieurs collègues racontaient qu’ils ont pas mal travaillé pendant ces vacances, pour aider à tronçonner les arbres dans les communes, chez les voisins…