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Les velléités d’anti-capitalisme de la gauche au Parlement européen, bluff autour de la taxe Tobin

La semaine dernière, la question de la taxe Tobin est venue en discussion au Parlement Européen. A l’iniative d’Harlem Désir et de Francis Wurtz, membres du groupe Attac du Parlement européen, a été mis au vote un texte susceptible d’être voté par les Verts, les libéraux, l’UDF et les amis de Pasqua. On imagine la radicalité du projet ! Il s’agissait de demander un rapport sur " l’intérêt et la faisabilité " de la taxe Tobin. La résolution mise au vote insitait sur " l’importance cruciale que revêt la nécessité de formuler un cadre réglementaire et prudentiel capable d’assurer le fonctionnement des marchés financiers globalisés, débarrassés de leurs excès ". Elle affirmait son souci " de garantir à terme une plus grande stabilité du système monétaire, financier, économique et social à l’échelle mondiale… ". A l’image de la taxe Tobin qui n’a pas d’autres ambitions que de taxer les mouvements de capitaux et eux seuls, à raison de un pour mille, c’est du 0,01 % d’anticapitalisme.

Que les députés révolutionnaires ne se soient pas prêtés à cette mascarade leur à valu de vigoureuses interpellations en particulier de la part de L’Humanité. Nos hommes de gauche à 0,01 % ne manquent pas de culot. En toute logique, ils agressent ceux qui ne se sont pas prêtés à leur petit jeu politicien et révèlent ainsi leur véritable politique.

Les bons députés socialistes et communistes argumentent en prétendant qu’il serait de bonne politique de savoir faire des concessions pour obtenir les voix de gens de droite. Ils n’ont fait que les concessions qu’ils étaient prêts à accepter, c’est-à-dire qu’ils ont dû dire… la vérité sur la taxe Tobin et ils s’en prennent à ceux qui le révèlent. Tous ceux qui ont voté la résolution n’ont ni trahi leur conviction, ni camouflé leur pensée. Ils ont tout au plus été contraints d’en dire plus qu’ils n’auraient voulu sur leurs véritables intentions. Et c’est tant mieux parce que cela contribue à lever des ambiguïtés.

L’idée de taxer le capital rencontre à juste titre la sympathie de bon nombre d’électeurs de gauche déçus de la politique favorable à l’économie de marché du gouvernement qu’ils ont contribué à porter au pouvoir. Cette sympathie s’exprime dans le succès d’Attac. Les révolutionnaires le comprennent et sont solidaires de tous ceux qui sont séduits par cette idée. Mais notre solidarité nous fait dire la vérité, celle qu’Harlem Désir et Wurtz ont dû mettre noir sur blanc dans leur résolution. Leur aveu est révélateur : la taxe Tobin en elle-même n’a pas d’autre objectif, si tant est qu’elle pourrait être mise en œuvre, que d’aider au fonctionnement de la société d’exploitation et de pillage impérialiste. Aurait-il pu se passer de le faire que cela ne changerait rien à la nature même de la taxe Tobin comme de leurs intentions.

La politique du pire des trotskystes " écrit Libération dénonçant l’attitude d’Arlette Laguiller et d’Alain Krivine. Non, c’est la meilleure des politiques que de dénoncer la pire, celle qui défend l’économie de marché et ses défenseurs honteux. Les députés révolutionnaires ont été élus au Parlement européen pour démasquer, révéler les petites manœuvres des uns et des autres, faire entendre la voix des travailleurs, pas pour mêler leur vote à celui de Pasqua. Défendant son vote, Arlette Laguiller déclarait : " Vous croyez que Bayrou et Pasqua ont voté une taxe sur les mouvements spéculatifs ? Ce qui a été voté très exactement par les gens de M. Pasqua, par les Verts, par le Parti Socialiste et par une partie de la gauche unitaire européenne, c’est d’abord une réaffirmation de l’économie de marché, qu’il faudra juste réguler ". Et les révolutionnaires n’ont ni à mêler leur voix avec celle des politiciens de droite, ni à contribuer à entretenir des illusions, ni à se justifier vis-à-vis du réformisme le plus mièvre.

Des marchés financiers débarrassés de leurs excès, quelle hypocrisie, quelle duperie ! Les marchés financiers en eux-mêmes sont un excès, une manifestation destructrice de l’évolution du capitalisme. Réguler le capitalisme ne peut se faire par l’intermédiaire des Etats entièrement dévoués à l’économie de marché. Taxer le capital, oui, mais cela ne pourra se faire, tant à l’échelle nationale qu’européenne, que sous le contrôle des travailleurs et par eux.

Cet épisode parlementaire se retourne contre ceux qui voudraient se parer de vertus anticapitalistes en prétendant vouloir taxer le capital. Non, il nous le disent eux-mêmes, croyons-les, tout ce qu’ils veulent c’est " assurer le fonctionnement des marchés financiers ".

Yvan Lemaitre

 

Loi sur les licenciements : le PC se fait rouler dans la farine par le Parti socialiste et tente de faire une campagne de diversion contre l’extrême-gauche !

En début de semaine, les députés du PCF, Gremetz en tête, présentaient un projet de loi réformant la loi sur les licenciements. Il reprenait en fait " l’amendement Michelin " de la députée socialiste du Puy-de-Dôme, récusé par le Conseil constitutionnel. Ce projet de loi proposait que les licenciements ne soient appliqués que lorsque tous les recours, notamment l’application de la loi Aubry, seraient épuisés. Pas question de proposer une loi contestant le droit des patrons à licencier, à commencer par les entreprises qui font du profit.

Et bien même cela, les députés socialistes et Aubry n’en ont pas voulu ! Ils ont même refusé que le projet de loi soit examiné ! Gremetz a fait son numéro habituel de " contestataire " et tempêté contre la dictature du Parti socialiste, tandis que Bocquet et Hue faisaient mine de le soutenir.

En fait au départ, c’était sur la précarité que Hue avait envisagé de déposer un projet de loi. Il en avait discuté directement avec Aubry et les services du ministère du Travail avaient tant fourni " d’éléments techniques " que la loi semblait être faite par eux. C’était un peu voyant et Gremetz en a profité pour jouer les trouble-fête ! Le PC a de nouveau fait mine de faire des propositions bien timorées au Parti socialiste et au gouvernement et il s’est fait renvoyer sèchement dans les cordes. Une nouvelle fois, il a encaissé la rebuffade et tout continue comme avant.

Pour faire diversion, le PC, avec l’appui complaisant de médias qui n’ont rien à refuser au Parti socialiste, semble avoir engagé une mini campagne contre l’extrême-gauche à propos de l’attitude des députés révolutionnaires à Strasbourg. Il s’agit bien évidemment de tenter de nous discréditer aux yeux des militants du PC qui acceptent de plus en plus mal l’alignement de leur parti sur la politique antiouvrière du Parti socialiste et du gouvernement.

Une simple anecdote montre le sérieux de cette campagne ridicule tentant de présenter le PC comme une force " révolutionnaire " débordant sur la gauche les révolutionnaires ! Le Figaro a publié une note de Gayssot, ministre communiste des Transports, adressée à Chevènement et dénonçant les blocages des péages d’autoroutes par les travailleurs ou les paysans en colère. Et Le Figaro ironise sur Gayssot venant à la défense des sociétés d’autoroutes qui, mais cela Le Figaro ne le dit pas, sont parmi les plus grands racketteurs du pays !

Mais il faut dire que Gayssot et Hue ont de bien mauvaises fréquentations : le 20, Gayssot et Madame donnaient une réception à laquelle étaient conviés Robert Hue et Jean-Luc Lagardère, marchand de canons et pilleur de fonds public, PDG d’Hachette et d’Aérospatiale Matra. Et ils lui donnaient du " Monsieur le Président " grand comme le bras ! " Bonjour Robert " a répondu Lagardère !

Aujourd’hui les dirigeants, les ministres et les députés du PC sont totalement solidaires de la politique antiouvrière du gouvernement que tous les jours dans les entreprises, les travailleurs et nombre de militants communistes doivent combattre. La campagne contre l’extrême-gauche est une campagne de diversion intéressée : le PC craint la sanction de ses militants dans la perspective de son prochain Congrès et la sanction de ses électeurs dans la perspective des municipales. Il sait que la politique menée par l’extrême-gauche qui apparaît comme la seule force ouvrière antigouvernementale - même si sa division affecte son impact - a de plus en plus l’oreille et la sympathie de ses militants et de son milieu. Il sait que des liens se créent dans les entreprises et ailleurs entre les militants qui luttent contre les conséquences de sa politique et il essaie comme par le passé de créer un fossé entre nous.

C’est trop tard, ça ne marche plus.

J.K.

" Votez pour des travailleurs ! " - " Travailleurs, nous on l’est, ça nous intéresse "

(échos de notre campagne dans la législative partielle de la 3ème circonscription des Landes)

C’est avec cette réflexion que deux jeunes s’arrêtent, devant le supermarché d’Hagetmau, en voyant notre tract. Ils sont intérimaires et galèrent, de boîte en boîte, dont ils racontent les conditions de travail : " il faut toujours se défendre ". Les 35 heures : " on nous disait qu’on n’y perdrait pas de fric, mais il y a beaucoup d’usines où on fait 35 heures payées 35 ". Ils ne sont pas les seuls, une jeune femme, auxiliaire depuis 6 ans à l’hôpital de Dax réagit, elle, à l’idée de " défendre nos droits " : " c’est ce que je veux faire, mais je n’y arrive pas, c’est très difficile, je suis révoltée mais je me sens seule, partout, c’est le fatalisme, même parmi mes collègues de travail. Certaines me disent qu’on ne peut rien faire, qu’il y a le chômage, qu’il vaut mieux travailler à l’hôpital qu’à Carrefour. Mais ce n’est pas une raison pour accepter n’importe quelles conditions de travail ". Révolte contre l’exploitation, contre les patrons, le gouvernement, contre le système, comme le dit un autre de ces jeunes travailleurs que nous avons rencontrés : " les politiciens de gauche et de droite, ce sont les mêmes. Mais la fracture, elle, est plus profonde, c’est entre ceux qui font du fric, et ceux qui subissent cette loi du fric ".

Des jeunes également, 25 ans, qui viennent de finir leurs études, intéressés par l’extrême-gauche. Lui l’a un peu connue à travers les grèves étudiantes à Bordeaux et elle, dit : " je cherche à avoir et à garder des principes, mais ils sont contredits de partout, c’est tout le contraire de ce qui se passe ". Son CDD n’a pas été renouvelé parce qu’elle " l’ouvrait un peu trop ". Sans illusions sur les politiciens, mais sceptiques sur les possibilités d’agir : " ce qu’on peut faire, c’est à notre niveau, ensuite plus haut, c’est toujours utilisé et détourné ". Discussions sur la nouvelle force politique en train de naître, les transformations en cours, le bilan du siècle, révolution russe et révolution de l’avenir. Ils regrettaient qu’il n’y ait pas à Dax d’endroit pour discuter tout cela : " on a été au club philo de Dax, mais ce qu’on y discute, c’est seulement l’amour, la relation avec l’autre, il n’y a rien de politique, et c’est très dacquois, de droite… Qu’est-ce qu’on peut faire ? Je peux avoir un journal ? ".

Rendez-vous a été pris pour de nouvelles rencontres.

Le désaveu d’Emmanuelli est quasi général chez les gens qui viennent discuter avec nous, pas seulement à cause des affaires dans lesquelles il est impliqué, mais en tant que politicien, carriériste, et surtout représentant de la politique du gouvernement. C’est contre les lois Aubry sur les 35 heures, le dernier accord signé par Gayssot avec les routiers, la soi-disant baisse du chômage, le niveau misérable des retraites, l’explosion de la précarité qu’il y a le plus de colère : " le seul travail, c’est le travail saisonnier ", dit une dame. Un ouvrier de Capdevielle, une usine de 1000 salariés à Hagetmau : " ils parlent du recul du chômage, mais nous, on a près de 300 intérimaires à la boiteIls n’embauchent pas et ça n’empêche pas le patron de faire travailler plus quand il y a des commandes ".

Nous avons rencontré beaucoup de militants, anciens militants ou proches du Parti communiste, les discussions sont toujours fraternelles, et la plupart n’hésitent pas à dire ouvertement qu’ils ne sont pas d’accord avec la politique de la direction du PC. Deux camarades de l’usine Capdevielle à Hagetmau, qui avaient pris position publiquement l’an dernier pour la liste LO-LCR, font campagne aujourd’hui avec nous, un camarade qui travaille depuis 1968 aux " Fermiers landais ", les abattoirs de poulets " label rouge ", est venu à la réunion que nous avons tenue à Saint-Sever, où il y avait également plusieurs jeunes, dont une jeune ouvrière d’un atelier de carrosserie, rencontrée la semaine auparavant. Ça été la rencontre entre ces deux générations, celle qui a l’expérience d’années de combat quotidien, le découragement de n’avoir pas pu empêcher le recul, le sentiment d’avoir été trahi et une amertume à l’égard des autres travailleurs à qui ils reprochent de n’être pas assez combatifs, et la jeune génération qui n’a pas le poids de ce passé sur les épaules, libre de n’avoir jamais eu d’illusions, qui cherche des armes et des compagnons pour sa lutte, heureuse de trouver des plus anciens à qui elle redonne des raisons d’espérer.

Chez beaucoup de ceux que nous avons rencontrés, en particulier dans la génération des 40-50 ans, il y a une attente de ce qui se fait à l’extrême-gauche : " je suis de la génération d’Arlette et d’Alain, ce sont les seuls qui n’ont pas changé, qui sont restés fidèles à leurs idées. Ils auraient dû être ensemble depuis longtemps, ils l’ont fait tant mieux, mieux vaut tard que jamais ! ".

Galia Trépère