éditorial


Pour la convergence des mobilisations en cours, unité et démocratie dans les luttes

Routiers, hospitaliers, salariés des transports urbains, postiers, personnel d'Air-France, cheminots, cette semaine, des centaines de milliers de travailleurs font grève et manifestent pour exiger des effectifs supplémentaires, une véritable réduction du temps de travail, l'augmentation des salaires.

Les routiers salariés qui avaient installé leurs barrages dès dimanche soir les ont pour la plupart levés mardi ou mercredi à l’appel de leurs syndicats, mais ils n’ont probablement pas dit leur dernier mot. Ils exigeaient une hausse de leurs salaires et refusaient le décret signé par le ministre des Transports Gayssot qui avait concocté dans le dos des syndicats, avec les patrons du secteur un accord qui leur est entièrement favorable, dans le cadre de la loi sur les 35 heures. Non seulement les patrons peuvent faire rouler leurs chauffeurs jusqu'à 56 heures par semaine, mais le décret ne prévoit ni augmentation du salaire horaire, qui tourne autour de 45 F, ni embauches. Pour les salariés, cela veut dire le plus souvent 1000 à 2000 F par mois de moins sur la paye. Il a suffi que Gayssot reçoive les syndicats mardi pour que deux d’entre eux, la CFDT et la CGT, appellent à lever les barrages, alors que Gayssot n’a fait que vanter le décret que les salariés rejettent, et que promettre une réunion entre patronat et syndicats le 8 février prochain. Bien des routiers ont dû arrêter de bloquer les routes, avec la rage au cœur, au point que les syndicats se sont sentis obligés d’appeler à une manifestation ce jour-là.

Dans les hôpitaux, les salariés ont fait grève massivement vendredi 28 janvier, et des dizaines de milliers d'entre eux ont manifesté dans la rue leur colère. Depuis des années que les gouvernements ferment des lits et réduisent les effectifs, les conditions de travail se dégradent, et les hospitaliers sont unanimes à exiger des embauches, et l'augmentation immédiate des budgets de la Santé. Une nouvelle journée de grève le 3 février devrait amplifier le mouvement en cours.

Dans les transports urbains, c'est en profitant d'une journée d'action lancée par la CFDT, que les salariés ont fait grève le 1ér février dans 18 grandes villes, et le lendemain c'est à l'appel de la CGT et de FO qu'ils ont arrêté le travail, en particulier à la RATP à Paris. Ils contestent l'application des 35 heures, et revendiquent hausses de salaires et embauches. A la Poste, c'est aussi contre la mise en application des 35 heures qui se traduit par une augmentation de leur charge de travail que des employés se mettent en grève. Même chose à Air France où le personnel revendique également pour des augmentations de salaires.

Tous ces mouvements ont démarré indépendamment les uns des autres, certains, comme à la Poste ou dans les hôpitaux, depuis plusieurs semaines, localement. S'ils prennent actuellement une dimension nationale, c'est que les salariés de ces secteurs se sont saisis de journées d'action syndicales, parfois prévues de longue date. C'est le cas de la journée du 28 janvier dans la Santé, et des grèves des chauffeurs routiers et des transports urbains.

Mais il ne s'agit pas d'une simple coïncidence de dates, c'est le mécontentement général qui s'exprime, le ras le bol de la dégradation des conditions de travail, du recul des conditions de vie, provoqué par les attaques incessantes du patronat et du gouvernement contre le monde du travail, par la mise en application de la loi Aubry, par la réduction des budgets des services publics.

Les travailleurs reprennent confiance dans la lutte, ils se sentent davantage dans leur droit pour refuser de nouveaux sacrifices, alors que jamais il n'y a eu autant d'argent pour la Bourse, pour les fusions entre grosses sociétés et alors que l'Etat subventionne à coup de dizaines de milliards le patronat.

A l'arrogance des patrons qui multiplient les plans de licenciements pour grossir encore leurs profits, au mépris du gouvernement qui a le culot de claironner encore une fois sur la baisse du chômage alors que la précarité et les salaires de misère explosent, des centaines de milliers de travailleurs répondent en faisant valoir leurs droits, qui sont ceux de toute la collectivité.

Certes aujourd'hui, ce n'est encore qu'une minorité de la classe ouvrière qui est mobilisée, dans des luttes dispersées, mais une minorité suffisamment importante pour pousser les directions syndicales à prendre et assumer des initiatives nationales qui sont à leur tour un encouragement à la résistance et à la mobilisation d'autres travailleurs. Car ce qu'on peut constater, à travers ces grèves, c'est que nous avons tous les mêmes problèmes et que nous ressentons tous le même mécontentement et la même révolte.

C'est la mobilisation des travailleurs et des militants syndicaux, à la base, qui est à l'origine de ces mouvements, obligeant les directions syndicales jusqu’alors complices du gouvernement comme on a pu le voir sur les 35 heures, à tenter de donner le change. C'est le plus souvent au cours d'assemblées générales que s'est exprimé le mécontentement commun et qu'ont été prises les initiatives de lutte. Grâce à cette démocratie les travailleurs imposent les revendications qu'ils jugent nécessaires pour se défendre, indépendamment de tout esprit de boutique, ils imposent l'unité sur leur lieu de travail et la renforcent.

De la même manière, c'est en renforçant les moyens de contrôler démocratiquement nos luttes, que nous pourrons créer les liens entre nous, d'un secteur à l'autre, et faire converger les mobilisations en cours vers un mouvement de résistance commun à l'ensemble du monde du travail afin de préparer sa contre-offensive.