Lorganisation patronale du baron Seillière a convoqué les cinq organisations syndicales le 3 février pour discuter du " chantier de la rénovation sociale ". Une nouvelle formule qui ne peut cacher une vieille politique : après avoir fait un chantage à son départ des organismes paritaires au 31 décembre prochain pour que des mesures soient prises allant dans le sens de la privatisation des assurances-maladie et chômage, le Medef prend linitiative de nouvelles attaques contre les salariés en voulant avoir les syndicats à sa botte.
Ce que veut le Medef, cest dici le 30 juin prochain supprimer les allocations-chômage aux chômeurs qui refuseraient plusieurs offres demploi ou une formation alors que déjà un chômeur sur deux nest pas indemnisé. Une mesure qui permettrait au patronat daccentuer la précarité et la baisse du coût du travail en lui offrant une main-duvre démunie de toute ressource. Pour ce qui est de la Sécurité sociale, son objectif est, dici le 31 décembre, dimposer le plan drastique déconomies annoncé par le directeur de la Caisse nationale dassurance-maladie, Gilles Johanet, en 99 et qui nest pas encore appliqué. Et contre les retraites par répartition, il sagit dintroduire les fonds de pension et doffrir aux marchés de lassurance privée et tout particulièrement au numéro 2 du Medef, Kessler, président de la Fédération française des sociétés dassurances, une nouvelle possibilité denrichissement.
Ces attaques contre les salariés se font avec le soutien actif du gouvernement qui fait une propagande depuis des mois contre les maigres droits qui existent encore à travers les assurances chômage, maladie et les retraites. Les nombreux rapports du gouvernement servent à tenter de convaincre que les remises en cause seraient inévitables, dictées par le soi-disant bon sens et non la loi des marchés.
Quand le Medef prend les devants pour accélérer la " rénovation sociale ", Jospin sen félicite. Il a déclaré le 23 janvier dernier : " je me réjouis dentendre le Medef dire quil va proposer aux syndicats de quoi développer la politique contractuelle. Lidée que le patronat se tourne un peu vers les syndicats et un peu moins vers nous, ça nous arrange plutôt. Je vais suivre avec le plus grand intérêt le fruit, que jespère juteux, dune belle couleur, de cette discussion proposée par le Medef ". Le gouvernement fait la politique du patronat et si celui-ci arrive à mettre les syndicats dans le coup pour imposer une politique anti-ouvrière, le gouvernement applaudit.
Les directions syndicales, elles, se prêtent complaisamment à la duperie des négociations. Dans un premier temps, la convocation du Medef a réussi à faire prendre une position commune à lensemble des directions syndicales qui ont déclaré, le 26 janvier : " les cinq confédérations refusent den passer par les voies et objectifs décidés par le Medef. La liberté réelle de négocier suppose le respect du droit égal de chaque partie à décider des thèmes, du contenu, de la méthode et du calendrier ". Comme sil pouvait être question de discuter dégal à égal avec le patronat qui impose son rapport de force dans toutes les entreprises et à toute la société. Les syndicats protestent sur la forme, en rejetant à juste titre, le mépris dont le Medef fait preuve envers eux.
La seule garantie pour sopposer à de nouveaux reculs pour les salariés et la collectivité, cest la mobilisation qui existe aujourdhui dans de nombreux secteurs. Et pour la préparer, cela passe par la nécessité de navoir aucun soutien envers ce gouvernement. De fait, les syndicats sont placés sous surveillance et ils le savent bien. Et cest bien la seule chose qui les oblige encore à ne pas capituler entièrement.
Valérie Héas
Loi sur la concurrence dans lélectricité : le gouvernement brade le service public
LAssemblée a adopté définitivement, mardi 1er février, le projet de loi sur lélectricité qui met fin progressivement au monopole dEDF, en autorisant les plus gros consommateurs industriels à sapprovisionner ailleurs quauprès de lentreprise publique. Le gouvernement avance prudemment sur ce terrain, surtout après les tempêtes de décembre qui ont montré la nécessité des services publics et aussi à quel point les suppressions de postes, les économies qui y sont faites depuis des années, se font au détriment de la collectivité. Du coup, Pierret, le secrétaire dEtat à lindustrie, sest même dépêché dannoncer une baisse des tarifs dEDF pour lannée 2000, en expliquant que " l'objectif de cette loi n'est pas un recul du service public au détriment des particuliers mais bien au contraire une meilleure satisfaction des consommateurs ". Christian Bataille, le rapporteur socialiste du projet de loi, sest voulu rassurant en expliquant que ce texte était " le respect de la directive européenne, sans rien de plus ", et que louverture du marché se ferait au minimum Sauf quelle concerne tout de même près de 800 entreprises les plus grosses consommatrices délectricité, ce qui représentent 30 % du marché ! Et louverture au marché devrait sagrandir encore jusquà 34 % dici 2003.
Pour justifier cette remise en cause dEDF, le scénario du gouvernement est tout prêt : grâce à lui, le texte a été moins " libéral " que ne laurait voulu la droite. Les députés du PCF disent dailleurs la même chose, en expliquant que laction de Gayssot limite quand même la politique libérale du gouvernement, alors quelle lui sert de caution pour ses attaques. Aussi, les députés du Parti communiste se sont abstenus, comme lors de la première lecture où ils avaient invoqué lintégration damendements au texte sur le " droit à l'électricité pour tous " et sur le non démantèlement de l'entreprise publique. Ceux-là même qui accusaient les députés révolutionnaires davoir empêché la taxe Tobbin de passer au parlement Européen alors quil sagissait de voter un texte pour la " stabilisation des marchés financiers ", viennent de sabstenir sur une loi qui va permettre à la finance de senrichir sur le dos du service public !
Quoi quen dise le gouvernement, la libéralisation de lélectricité est bien commencée, et sa politique vise à la développer pour satisfaire à terme les intérêts de la finance. Car ce marché de lénergie intéresse bien des financiers, qui veulent profiter des infrastructures mises en place par lEtat, cest-à-dire avec nos impôts, pour faire de juteux profits en se contentant de servir dintermédiaires. Dautant que lEDF est le premier fournisseur délectricité mondial.
Avec louverture à la concurrence pour les grandes entreprises, ce sont de bonnes affaires en perspective pour les sociétés comme Tractebel, filiale belge du groupe Suez Lyonnaise des Eaux, qui veut devenir lun des leaders du marché du gaz et de lélectricité. Sa branche Electrabel, sest ainsi spécialisée dans la vente délectricité aux grosses entreprises provenant de ses propres centrales, ou dautres producteurs délectricité en Europe. Comme la consommation délectricité fluctue avec le climat, ces " bourses délectricité " spéculent sur les prix en fonction des bulletins météo pour acheter au prix le plus bas. Mais, en plus de la météo, ils doivent régler aussi les problèmes de transports de lélectricité et disposer facilement pour cela de laccès au réseau. Un responsable dElectrabel déclarait : " Depuis la Belgique, si on veut exporter vers le sud, on doit absolument passer par la France. Parfois les réseaux sont au bord de la congestion. Le 14 juillet dernier, EDF devait exporter son trop-plein vers l'Allemagne, la consommation était faible en France à cause du jour férié. Du coup, on avait du mal à passer notre électricité. Le problème du transport doit être bien étudié à chaque transaction. Si on ne peut pas livrer le courant, il est perdu ".
Comme à la Bourse, lélectricité devient un enjeu spéculatif. Lun des " traders " dElectrabel expliquait : " Sur le marché de l'électricité, le stress est le même que sur les marchés financiers. Seulement, tout est un peu plus compliqué. ( ) On ne vend pas encore le courant comme un produit financier pur, avec des options, en faisant des paris sur les tarifs à venir, mais c'est le futur. Quand le marché sera mûr, on jouera sur le courant, comme sur les produits dérivés ".
Denis Seillat
Promesse de baisse d'impôts :
une annonce démagogique en direction des classes moyennes qui sert
à justifier de nouveaux cadeaux au patronat et les restrictions
budgétaires dans la fonction publique !
Alors que la presse économique révèle, ces jours-ci, que l'Etat aurait ramassé près de 40 milliards de F supplémentaires en 1999, Christian Sautter, ministre des Finances, a annoncé une baisse de 120 milliards des impôts et des charges dans le cadre du " programme triennal de finances publiques " pour les années 2001 à 2003. Ce chiffre choc est avant tout une promesse démagogique, à deux ans des prochaines échéances électorales, en direction des " classes moyennes ", l'électorat traditionnel de droite. L'annonce du gouvernement inclut des mesures déjà votées comme la baisse de la taxe professionnelle, une partie de la baisse des charges sociales liée au passage aux 35 heures, la suppression du droit de bail. Autant de mesures qui profitent en premier lieu au patronat. D'ailleurs Michèle Alliot-Marie présidente du RPR a déclaré " Je me réjouis que Lionel Jospin prenne la suite d'Alain Juppé ".
Il est vrai que les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire tous les impôts versés à l'Etat ou aux collectivités locales et les cotisations et charges sociales n'ont cessé d'augmenter depuis 95 pour atteindre le chiffre record de 45,3 % du PIB de la France. Sautter a promis qu'il baisserait ces prélèvements pour les ramener à 43,7 % du PIB en 2003, au niveau de fin 1995.
Mais le problème c'est : quels prélèvements seront baissés ?
Le gouvernement parle d'une réforme de la " fiscalité directe sur les ménages ", ce qui englobe notamment l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation et la CSG. Les choix du gouvernement sont significatifs. La priorité est mise sur une baise de l'impôt sur le revenu qui pourtant ne représente que 8 % des prélèvements obligatoires et qui, payé que par un foyer sur deux, ne touche pas les plus démunis. C'est le seul impôt progressif même si les plus riches ont de multiples possibilités pour y échapper. Cette baisse vise selon François Holande à " veiller à ne pas décourager les classes moyennes par des systèmes d'impôt trop rapidement progressifs ". Pour la taxe d'habitation, payée par 20 millions de personnes, qui est un impôt dégressif frappant proportionnellement plus les bas revenus que les hauts, le gouvernement envisage une réduction uniforme de 500 F, donc qui maintiendrait les inégalités existantes. Pour la CSG que tout le monde paye au même taux, il serait difficile d'y toucher soi-disant pour ne pas " fragiliser les équilibres financiers de la protection sociale ". Ainsi ces baisses des impôts directs constituent des cadeaux aux plus favorisés sans alléger en rien les plus pauvres.
C'est tellement visible que cela a suscité des réactions au sein de la gauche plurielle, au PC, parmi les Verts et même au sein du PS. Pourtant ces mesures sont dans la continuité de la politique menée par ce gouvernement qui a conduit au développement du chômage et de la misère, tout en permettant aux groupes financiers de multiplier les profits records. Leur croissance repose sur l'accentuation de l'exploitation du plus grand nombre pour alimenter les profits de quelques-uns !
Pour le gouvernement pas question d'augmenter les minima sociaux ou les salaires et pas question non plus de toucher aux impôts les plus injustes : les impôts indirects. La TVA et les taxes sur les carburants représentent plus de la moitié des rentrées de l'Etat et ces impôts à la consommation payés par tous, pèsent bien plus lourdement dans les revenus d'un RMIste que d'un milliardaire ! La seule mesure envisagée est une baisse de la TVA, mais attention des " baisses ciblées ", baisse sur les travaux ménagers et peut-être bientôt baisse sur la restauration. Ces baisses profiteront surtout à ceux qui peuvent se payer des travaux chez eux et ceux qui mangent souvent au restaurant ! La Direction de la Prévision a calculé qu'une telle baisse ciblée de la TVA permettra un gain relatif deux fois plus important pour les 10 % les plus riches que pour les 10 % les plus pauvres.
Ces baisses annoncées servent d'argument pour justifier un effort de maîtrise des dépenses publiques. La progression des dépenses de l'Etat doit rester stable en 2000 pour ne progresser que de 1,3 % en volume pour les trois années suivantes. Et cette maîtrise des dépenses publiques, cela veut dire concrètement la dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux, les administrations, l'éducation. Cela veut dire aucune création de vrais emplois mais la multiplication des emplois précaires. Brefs les cadeaux que le gouvernement prévoit en direction du patronat et des classes moyennes, se feront au prix d'une aggravation des conditions de vie et de travail du monde du travail.
Charles Meno