éditorial


L’extrême-droite au pouvoir en Autriche, un avertissement

La seule réponse, celle des travailleurs et des jeunes dans la rue pour la démocratie

Depuis vendredi 4 février, l’extrême-droite est au pouvoir en Autriche où elle détient la moitié des postes de ministres dans le nouveau gouvernement formé avec la droite, le Parti conservateur. Cette entrée en force de l’extrême-droite dans le gouvernement a entraîné de nombreuses manifestations en Autriche et ici aussi. Le Parlement autrichien se réunit sous la protection de centaines de policiers. Elle suscite l’inquiétude parmi les travailleurs, les jeunes, les militants et sympathisants de gauche qui comprennent la menace. D’autant que le Front national de Le Pen et le MNR de Mégret ont applaudi et affirmé avec ostentation et vigueur leur soutien à leurs amis autrichiens.

Pour répondre à cette inquiétude, gouvernements et partis se présentent comme les seuls garants et les véritables défenseurs de la démocratie. Dans un premier temps, ils nous ont expliqué que la survie de la démocratie en Autriche dépendait de la seule décision du président de la République, Thomas Klestil, qui pouvait dire non à l’entrée de l’extrême-droite au gouvernement. Il a dit oui, en justifiant l’alliance de son parti, le Parti conservateur, avec l’extrême-droite, le FPÖ de Haider, par la nécessité de respecter les règles dites " démocratiques ", la volonté des électeurs qui faisaient du FPÖ la deuxième formation politique du pays. Il a, en réalité, tout simplement cédé aux appétits de pouvoir de ses propres amis.

Les bonnes relations de la droite avec l’extrême-droite ne datent pas d’hier. Klestil lui-même n’a pu accéder à la présidence de la République, en 1992, qu’avec le soutien du FPÖ. Aujourd’hui, il fait un pas de plus en ouvrant largement les portes de son gouvernement au parti d’Haider.

Une fois la participation du FPÖ acquise, les politiciens, de droite comme de gauche, de Chirac à Jospin et Blair, ont tous condamné le nouveau gouvernement et appelé à la vigilance envers lui. Le Parlement européen a voté à une très large majorité des mesures visant à isoler l’Autriche, de nombreux commentateurs nous ont même expliqué que cette désapprobation de l’Union européenne était le signe de la réalité de la construction d’une Europe politique.

Cette condamnation par les gouvernements européens de l’alliance " bleu-noir ", " l’alliance de la honte " de la droite avec l’extrême-droite est plus destinée à donner le change qu’à aider la population autrichienne. Elle masque les vrais responsables et reste sans moyen.

Il ne faut pas oublier que le Parti socialiste a gouverné pendant trente ans, allié au parti de droite qui aujourd’hui s’allie à l’extrême-droite. C’est bien lui qui en menant une politique favorable aux privilégiés et en brouillant les pistes avec la droite, a contribué à faire le lit de l’extrême-droite.

Ceux qui affirment leur attachement à la démocratie sont les mêmes qui défendent le libéralisme qui, en creusant les inégalités sociales, prépare le terrain pour la démagogie d’une extrême-droite qui peut se présenter comme un recours, une fois que les partis parlementaires ont usé leur crédibilité ou sont paralysés par leurs rivalités politiciennes.

Les sanctions décidées par l’Union européenne contre l’Autriche pourraient avoir exactement l’effet inverse de celui qui est recherché et les justifie : en l’isolant de l’Europe, il y a le risque de renforcer les tendances nationalistes sur lesquelles s’appuie le FPÖ.

Alors, comment lutter contre l’influence de l’extrême-droite ? Sûrement pas, en faisant confiance à tous les politiciens qui déclarent haut et fort leur soutien à la démocratie mais sont impuissants et n’ont que l’indignation morale à opposer pour lui faire barrage, quand ils ne font pas directement eux-mêmes le lit de ceux qu’ils prétendent combattre.

Ils font tous semblant de découvrir le problème posé par un gouvernement où siègent des ministres d’extrême-droite. Mais l’influence de celle-ci en Autriche n’est pas plus un fait nouveau que son renforcement n’est inexplicable.

Kurt Waldheim, ancien secrétaire de l’ONU, était connu pour son passé nazi. Cela ne l’a pas empêché d’être président de la République de 1986 à 1992. L’appareil d’Etat a toujours été gangrené par des nostalgiques du nazisme depuis qu’en 1938, les armées nazies ont envahi l’Autriche et que celle-ci a été rattachée à l’Allemagne hitlérienne de 1939 à 1945. Le responsable actuel du FPÖ, Haider, lui-même fils d’un fonctionnaire nazi, est devenu milliardaire en héritant d’un grand domaine confisqué sous le nazisme à une famille juive et il déclarait que " les SS étaient des hommes de caractère, fidèles à leurs convictions ".

Aujourd’hui, cette extrême-droite qui affiche et revendique une filiation qu’il lui serait bien difficile de cacher, s’appuie sur un mécontentement populaire qu’elle sait flatter avec démagogie au nom du chauvinisme et de la xénophobie. Mais les démagogues réactionnaires ne font qu’aller jusqu’au bout d’une politique que la droite alliée aux socialistes mène depuis des années, politique contre les salariés au nom du libéralisme, chauvinisme et xénophobie pour détourner le mécontentement contre les immigrés en particulier les travailleurs venus de l’Est.

C’est au lendemain de la chute du mur de Berlin, après 89, que le parti d’extrême-droite a plus que quadruplé ses voix en flattant les craintes suscitées par une prétendue menace qu’aurait représenté l’immigration venue des pays de l’est.

Les surenchères réactionnaires et xénophobes des nostalgiques du nazisme sont lourdes de dangers. Elles enveniment toute la vie sociale et exercent leur pression sur tous les partis et la population.

Mais il n’est pas dit que ce gouvernement puisse tenir longtemps. La défense de la démocratie dépend bien plus des travailleurs, des jeunes, de tous ceux qui, depuis mercredi 2 février, manifestent tous les jours dans les rues de la capitale, Vienne, et des grandes villes du pays, que des politiciens. Les manifestants crient leur haine de l’extrême-droite et leur refus d’accepter un gouvernement réactionnaire. Ce sont eux qui ont raison et qui sont les vrais défenseurs de la démocratie en affrontant la police et en refusant l’impuissance. Ils n’ont pas encore perdu une bataille qui commence. Leur bataille est la nôtre.