éditorial


L’avertissement autrichien :
les multinationales et la Bourse mettent en péril les droits démocratiques et les libertés ; la démocratie, c’est le contrôle des travailleurs

 En fin de semaine dernière, à Lisbonne, les ministres française et belge du Travail ont quitté la réunion européenne à laquelle participait la ministre autrichienne d’extrême-droite. C’est un de ces gestes " symboliques et forts " que multiplient les gouvernements européens depuis la formation du gouvernement autrichien au nom des " valeurs démocratiques européen-nes ". Ces déclarations solennelles et gestes symboliques visent plus à flatter l’image de leurs auteurs qu’à aider la population autrichienne. Ils n’impressionnent guère Haider qui connaît bien le petit monde des politiciens dont il est, et sait alterner déclarations rassurantes et provocations, se permettant de reprocher à Chirac ses déclarations contre les " odeurs des étrangers ".

Haider n’est pas seulement raciste, antisémite et nostalgique du Troisième Reich. Aux yeux des patrons autrichiens qui ont contribué à ses succès électoraux, il est aussi et surtout celui qui prône les mesures libérales les plus brutales et la remise en cause la plus radicale des droits des salariés. Le racisme de Haider et des " voyous en Ferrari " qui l’entourent, c’est avant tout un racisme contre les pauvres. Et s’il représente aujourd’hui l’expression la plus brutale de cette guerre contre les salariés et les plus pauvres, étrangers ou minorités nationales, les " démo-crates ", à commencer par les sociaux-démocrates autrichiens, lui ont ouvert la voie en s’attaquant bien avant lui aux droits des travailleurs. C’est cette guerre des riches contre les pauvres, au nom de la compétitivité et de la concurrence économique, qui ouvre la voie à ceux qui professent les idées les plus réactionnaires, les mesures les plus brutales contre le monde du travail.

Les protestations morales et indignées des gouvernements européens ne leur servent qu’à exhiber leur bonne conscience et à tenter de tromper les travailleurs. Les " valeurs " qu’ils défendent réellement, ce sont les valeurs en Bourse et le respect du profit. Ainsi, le premier ministre espagnol Aznar s’est montré un des plus virulents contre le gouvernement autrichien. Il a même demandé l’expulsion des représentants du gouvernement conservateur du groupe parlementaire de la droite européenne. Pourtant, c’est en Espagne qu’a eu lieu la semaine dernière un véritable pogrome contre les travailleurs marocains à Alméria. Des centaines de personnes, barres de fer en main, ont frappé les travailleurs immigrés marocains, détruit leurs commerces, saccagé leurs habitations. Aznar se réclame de la démocratie, mais lui et le gouvernement régional socialiste d’Andalousie ont laissé depuis des années des milliers de travailleurs marocains se faire exploiter dans des conditions inhumaines par de grandes compagnies agro-alimen-taires. Des milliers de travailleurs payés 20 F l’heure et travaillant dix heures par jour dans des serres où la température dépasse 45 degrés, entassés dans des taudis, des camps de travail pour pauvres, cela se passe en Europe et dans un pays démocratique.

Ce n’est qu’en luttant contre cette exploitation, en nous opposant à la dictature du libéralisme et de la loi du plus fort, en défendant nos droits et nos intérêts que nous pourrons imposer une véritable démocratie. Cette démocratie nécessite le contrôle et les décisions de la population dans tous les domaines de la vie sociale, elle nécessite l’intervention des travailleurs, des jeunes, des chômeurs. L’obstacle le plus efficace à Haider et à l’extrême-droite, ce sont les milliers de manifestants, notamment de jeunes, qui en Autriche sont descendus dans la rue à l’annonce de la formation du gouvernement et continuent aujourd’hui à se battre. Le seul obstacle au recul social que nous imposent les capitalistes, ce sont les luttes et la mobilisation de la population. Ce sont les 20 000 manifestants qui dénonçaient Total dans les rues de Nantes il y a une semaine, ce sont les milliers de parents et d’enseignants du Gard et de l’Hérault en lutte pour la création de 500 postes d’enseignants, ce sont les salariés des hôpitaux manifestant pour faire respecter le droit à la santé.

Lorsque les travailleurs reculent, c’est toute la société qui recule. Les libertés, ce sont les luttes du mouvement ouvrier qui les ont imposées dans ce pays comme dans les autres pays européens. Ce sont ces droits et ces libertés qui sont remis en cause aujourd’hui par l’offensive des capitalistes et des financiers, la mondialisation, encouragée par des gouvernements qui servent leurs intérêts. Le recul momentané de l’extrême-droite en France et les déclarations démocratiques des gouvernants de la gauche plurielle ne nous protègent de rien si la crise vient à s’aggraver. C’est notre unité, notre organisation, notre détermination à nous défendre, à défendre nos droits, qui sont les seuls garants de nos libertés aussi restreintes soient-elles, et qui pourront donner naissance à une démocratie vivante et réelle, garantissant le droit des populations à contrôler la marche de la société.

Ce samedi 19 février, ont lieu dans toute l’Autriche des manifestations contre le gouvernement de coalition droite-extrême-droite. Ici, de nombreuses organisations nous appellent à manifester notre solidarité, soyons le plus nombreux à répondre à leur appel. La lutte des travailleurs et de la jeunesse autrichienne est notre lutte. La lutte pour la démocratie ne connaît pas de frontière.