éditorial


Zélé dans ses ambitions présidentielles et pour flatter les alliés de l'impérialisme, au mépris des peuples, Jospin récolte la révolte

C’est en catastrophe, sous les jets de pierres d’étudiants palestiniens, que Jospin a dû quitter l’Université de Bir-Zeit, en Cisjordanie, un des territoires palestiniens occupés par Israël. La veille, lors d’une conférence de presse, il avait qualifié de " terroristes " les combattants du Hezbollah qui luttent contre l’occupation par l’armée israélienne du Sud-Liban. Cette déclaration a provoqué immédiatement la révolte des jeunes palestiniens en Israël et des manifestations hostiles à Jospin au Sud-Liban.

Secondairement, elle provoque une polémique entre les camps rivaux qui se partagent les avantages du pouvoir dans ce pays, polémique dérisoire qui révèle, s’il en était encore besoin, à quel point seules comptent pour ces politiciens leurs ambitions comme seule compte pour les capitalistes leur soif de domination. Un petit sermon au Premier ministre qui, en bon élève, reconnaît sa faute, fait amende honorable, mais, s’il vous plaît, sans baisser la tête, et tout cela finit dans la comédie parlementaire.

Ils n’ont qu’indifférence et mépris pour les opprimés.

L’occupation du Sud-Liban par l’armée israélienne, jugée illégitime par l’ONU, est rejetée non seulement par les populations arabes de la région, mais également par une grande partie de la population juive d’Israël. Celle-ci en effet est lasse de la politique guerrière que lui ont imposée tous les gouvernements, sous le prétexte fallacieux que ce serait la seule manière de la protéger et de garantir son droit à pouvoir continuer à vivre dans son Etat. Elle ne veut plus que les jeunes aillent se faire tuer au Sud-Liban, et c’est essentiellement parce qu’il avait promis de mettre fin à cette occupation et de faire avancer la paix avec les Palestiniens qu’Ehud Barak, l’actuel chef du gouvernement travailliste israélien, avait été élu.

Par ses déclarations, Jospin a affiché non seulement son indifférence à l’oppression du peuple palestinien, mais également son mépris pour les aspirations à la paix des Israéliens de gauche qui ont voté pour Barak et attendent de lui qu’il respecte ses promesses électorales.

Il a voulu s’afficher de façon démonstrative comme " l’ami d’Israël ", selon ses propres mots. Mais quelles que soient ses déclarations stigmatisant à juste titre le génocide des Juifs perpétré par les Nazis pendant la Seconde guerre mondiale, ce n’est pas à la population israélienne qu’il est venu en aide, mais aux dirigeants les plus va-t-en-guerre de l’Etat israélien. C’est aux actions terroristes de ces derniers qu’il a apporté son soutien, comme ces raids de l’aviation israélienne au Sud-Liban les 7 et 8 février derniers, qui ont fait des dizaines de blessés et détruit trois centrales électriques. C’est leurs propos guerriers qu’il a légitimés, tels ceux du ministre des Affaires étrangères, David Lévy, qui la veille de son arrivée, avait affirmé que des attaques du Hezbollah contre le Nord d'Israël seraient vengées " sang pour sang, âme pour âme, enfant pour enfant " et que " le sol du Liban brûlerait. "

Jospin, les yeux rivés sur la course à l’élection présidentielle, a voulu faire du zèle en adoptant une position originale par rapport à celle défendue traditionnellement par la diplomatie française et par son rival, Chirac, au Moyen-Orient. Rompant avec la neutralité de façade que l’Etat français tenait à afficher à l’égard des dirigeants israéliens pour préserver la possibilité de faire affaire avec les Etats arabes de la région, il a tenu à affirmer son soutien aux dirigeants israéliens avec moins de retenue même que ne le font actuellement les Etats-Unis, le meilleur soutien de l’Etat d’Israël qu’ils considèrent comme leur gendarme.

Comme s’il voulait supplanter l’impérialisme américain dans la région, il a réaffirmé plusieurs fois au cours de sa visite que la France était prête à s’investir, y compris en envoyant des soldats sur place, dans un règlement du conflit entre Israël, le Liban et la Syrie. Il s’est aussi félicité, avec moins d’éclat sans doute qu’il l’aurait souhaité, de l’accord signé par son ministre de l’Equipement et des Transports Gayssot avec la compagnie aérienne israélienne, El Al, qui a promis pour la première fois d’acheter des avions au trust européen Airbus alors qu’elle ne traitait jusqu’alors qu’avec le trust américain Boeing. Car c’est bien pour affaires, celles des trusts français, que Jospin a fait cette visite en Israël, ayant également dans ses cartons, un projet de tramway pour Alstom, et il se faisait fort de montrer qu’il y était beaucoup plus efficace que son concurrent Chirac.

Jospin a été dupe de lui-même, aveuglé qu’il est par la popularité qu’il croit avoir en France. Il pensait pouvoir se faire applaudir, un jour, par les tenants en Israël de la politique la plus guerrière, et le lendemain, par les Palestiniens qui sont victimes de cette même politique. Comme il croit pouvoir conserver, ici, un crédit auprès des travailleurs alors même qu’il dirige une politique qui est en tout hostile à leurs intérêts.

De retour en France, il s’est ensuite bien docilement justifié, pour rassurer son monde. Il apporte une nouvelle démonstration qu’entre la politique de la gauche plurielle et celle de Chirac, la seule différence, c’est la rivalité pour le pouvoir.

La révolte des jeunes Palestiniens devant la duplicité et la fourberie de Jospin a été immédiate. Ils ont répondu sans attendre à une provocation et ontfait entendre leur voix. Ils ont utilisé pour cela les armes des opprimés. Jusqu’alors ils n’ont pas pu se donner les moyens de diriger eux-mêmes leur lutte et n’ont guère le choix que de la laisser entre les mains des islamistes, mais cela ne doit en rien nous empêcher d’être solidaires d’eux et de leur audace à défier ceux qui se croient au- dessus des masses.