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Fonction publique : les travailleurs ont les moyens de s’opposer aux mauvais coups du gouvernement

Ce sera donc non ; les syndicats de la Fonction publique, à part la CFDT, ont annoncé le 28 janvier qu’ils ne signeraient pas l’accord-cadre sur les 35 heures.

Depuis des mois qu’ils discutaient avec le ministre Zuccarelli, il semblait pourtant que les syndicats, malgré quelques protestations, étaient prêts à accepter ses propositions, puisqu’ils avaient mis ensemble au point un avant-projet d’accord. Mais au moment des négociations finales, les 7, 8 et 9 février, c’était la colère dans les hôpitaux contre le manque de moyens, et parents et enseignants manifestaient ensemble dans le Sud pour réclamer des créations de postes dans l’Education nationale. Les syndicats s'étaient donné alors 15 jours pour consulter la base, disaient-ils, mais la base était en train de voter avec ses pieds et les directions syndicales, malgré tout leur désir de faire plaisir au gouvernement, ont été obligées d’emboîter le pas aux travailleurs en lutte.

A la grande indignation du Figaro de mardi 29 février, qui cite Michel Perrier de la CFDT : " Le gouvernement a pris la décision d’ouvrir des négociations, tout en sachant bien qu’il ne pouvait pas compter à 100 % sur tous les syndicats. C’était un risque connu dès le départ on ne peut pas nous l’opposer aujourd’hui ", et Le Figaro ajoute pour son propre compte : " Après avoir imposé aux entreprises privées une marche forcée vers les 35 heures, l’Etat employeur se défausse donc… Dans le secteur privé, Martine Aubry ne s’est pas embarrassée de telles préventions pour donner son feu vert à des accords de branche signés d’un seul syndicat, par exemple l’accord dans la chimie signé de la seule CFDT… "

La manœuvre du gouverne-ment était de s’appuyer sur les accords déjà passés dans le privé, pour le plus grand profit du patronat, pour imposer dans le public aussi flexibilité et annualisation sans créations d’emplois.

Et il est vrai que Jospin et ses ministres depuis des mois avaient bien préparé l’offensive contre les fonctionnaires. Ils ont accumulé rapports sur rapports, rapport Roché, rapport de la Cour des comptes, etc., leur reprochant d’être trop payés, de ne pas travailler assez…

La mobilisation des travailleurs du public a fait échouer leurs projets : le souvenir de novembre-décembre 95 et de la retraite honteuse de Juppé est trop fraîche dans leur mémoire. Mais ils sont déjà prêts à d’autres manœuvres.

L’attaque globale n’a pas marché ; le gouvernement s’apprête à mener la même tactique que dans le privé, diviser pour mieux régner, et laisser les négociations se faire séparément dans l’Education nationale, dans la Santé et ailleurs. Allègre s’est d’ailleurs déjà précipité proposant de recommencer à discuter avec les syndicats enseignants, prétendant mélanger réduction du temps de travail avec réformes pédagogiques, pour aboutir à un accord " gagnant-gagnant "…

Mettre ces manœuvres en échec dépend des travailleurs. Que ce soit dans les hôpitaux, la Poste, l’Education nationale, nous avons partout la même revendication : la création d’emplois dans les services publics. Et le chômage qui règne dans le pays, ne peut que mobiliser sur ces revendications l’ensemble de la population qui ne veut pas se laisser déposséder du droit à être bien soigné, à voir ses enfants correctement enseignés.

L’hôpital en grève le 14 mars, l’Education nationale le 16, d’autres travailleurs mobilisés encore à d’autres dates, les directions syndicales sont obligées de répondre à une forte attente de leur base, en faisant tout pour que le mouvement reste morcelé. Mais notre mobilisation, si elle continue à s’approfondir, amènera inéluctablement, par les liens qui se créeront entre nous, à la convergence de nos luttes.

Comme en 95, tous ensemble, pour des embauches dans les services publics !

Sarah Leroy

L’Etat patron exploite ses agents comme un patron privé

La revue Liaisons sociales a publié en février un dossier où il apparaît que les 5 millions d’agents du public subissent des attaques aussi importantes de la part de leur patron, l’Etat, que les 15 millions de salariés du privé.

D’abord, l’Etat a développé ces dernières années la précarité ; les administrations, collectivités locales et entreprises publiques font toutes sortes de contrats de contractuels, auxiliaires, vacataires. Aujourd’hui, 1 million sur les 5 millions d’agents du public, n’est pas fonctionnaire. Viennent s’ajouter 200 000 CES et plus de 211 000 emplois-jeunes, souvent employés au même travail que des fonctionnaires, avec toujours des salaires inférieurs et sans aucun statut. Dans les quinze dernières années, dans les musées de plus en plus nombreux de Paris, l’Etat n’a pas embauché mais fait appel à des non titulaires, d’abord pour des vacations les week-ends, puis à plein temps. Au début, le ministère renouvelait tous les 3 mois les contrats de ces surveillants. C’est par la grève qu’ils ont imposé en 1994 d’avoir des vacations annuelles et non plus trimestrielles mais cela ne fut possible que pour ceux qui avaient plus de 10 mois d’ancienneté. Le ministère a inventé à cette occasion le statut de " vacataire permanent " qui n’existait pas dans la Fonction publique. Selon un rapport de la Commission des finances du Sénat, si le nombre d’agents non titulaires a diminué de 7 % entre 1992 et 1996, il remonte de 4 % en 1997. Chaque fois que l’Etat " régularise " des précaires, il crée une nouvelle catégorie avec une encore plus mauvaise situation. C’est le cas, dans l’Education nationale, des maîtres auxiliaires qui ont été par endroits remplacés par des collègues au statut de " vacataire " pour 200 heures d’enseignement dans l’année, pas plus, avec des retards de salaire pouvant aller jusqu’à 3 mois ! Dans le privé, si les salariés mettent le patron aux Prud’hommes, il peut être condamné pour non renouvellement d’un CDD au-delà de 18 mois alors que dans le public, l’Etat peut les renouveler indéfiniment sans verser d’indemnité de précarité en fin de contrat. Une aide-soignante d’un centre hospitalier dans l’Essonne a ainsi accumulé en 3 ans plus de 30 CDD ; alors que le tribunal des Prud’hommes avait condamné l’hôpital à lui verser 40 000 francs de dommages et intérêts, le Tribunal administratif à qui l’affaire avait été confiée sur demande de l’hôpital, ne l’a condamné à verser à l’employée que 3 000 francs au titre des congés payés !

En ce qui concerne la santé des agents du public, elle n’est contrôlée que par peu de médecins : un médecin de prévention pour 17 000 salariés de l’Education nationale, par exemple. Les salaires de ceux-ci sont 50 % plus bas que dans le privé et ils ne sont ni fonctionnaires titulaires ni contractuels avec un CDI, ce sont de simples vacataires. Depuis 6 ans, des comités d’hygiène et de sécurité ont été instaurés dans les services publics déconcentrés avec… 200 personnes pour 2 millions d’agents de l’Etat !

Sophie Candela

Face au mouvement des hôpitaux, le gouvernement lâche un saupoudrage qui ne fait pas le compte

Mercredi matin, la presse nous apprend que le gouvernement accorde, comme rallonge budgétaire : 3,8 milliards de francs, c’est-à-dire 2 milliards de plus que ce qu’il annonçait, il y a une semaine, s’inscrivant dans une rallonge globale de 10 milliards sur trois ans. Cette rallonge révèle à la fois la crainte du gouvernement de notre mouvement, et combien nous avons eu raison de ne pas relâcher notre mobilisation, mais, en même temps, combien cette somme est dérisoire par rapport aux besoins. Aubry précise : " il y a plus de 12 000 emplois supplémentaires prévus dans ce protocole d’accord, à la fois par des remplacements d’absents, par des chantiers très lourds comme celui des urgences ". Mais pour les seuls remplacements, sur le plan national, les syndicats chiffrent les besoins à 75 000 postes à temps plein.

Que vont faire les syndicats ? Déjà, la CFDT déclare " avoir une approche plutôt positive du document ", ce qui semble annoncer, peut-être, une prochaine signature. D’autant que, pour les négociations sur les 35 heures, alors que le texte proposé par le gouvernement nous est tout à fait défavorable, ce syndicat s’est empressé de signer. Quant à la CGT, elle estime que : " le protocole contient des mesures, notamment sur la question des conditions de travail et des accords locaux, qui ont des potentialités " mais elle considère que le volet des moyens financiers " ne nous paraît pas en mesure de sortir l’hôpital des difficultés ".

Aubry a donné jusqu’au 13 mars, aux syndicats, pour donner leur réponse. Mais le 13 mars, c’est justement la veille de la date prévue pour la manifestation nationale. Il y a là une petite manœuvre pour jeter le trouble et donner des prétextes aux syndicats pour reculer sur cette manif du 14.

Mais, quoi que décident les directions syndicales, pour nous, c’est clair : face au saupoudrage du gouvernement qui ne renonce en rien à sa politique d’attaque contre les hôpitaux, notre mot d’ordre reste la préparation sérieuse de la journée du 14.

Serge Constant

Tri postal Angoulême : grève totale pour des emplois et les 35 heures sans aggravation des conditions de travail

Depuis mercredi 23 février, le centre de tri postal d’Angoulême est en grève. C’est la nouvelle organisation du travail imposée par la direction dans le cadre des 35 heures qui a provoqué le conflit. Au piquet de grève, les travailleurs expliquent qu’ils sont pour la " RTT ", mais pas d’accord avec " l’ARTT ", manière plaisante de dire qu’ils veulent bien les 35 heures, mais pas les " aménagements " du temps de travail voulus par la direction à cette occasion.

Les horaires de brigades sont en effet largement bousculés avec, dans certains cas, le travail obligé d’un samedi sur 4, alors que tous les samedis étaient libres avant, ou des repos en cours de semaine et travail de week-end. De plus, une brigade de jour serait supprimée… Tout le monde comprend bien que, comme dans le privé, le seul but de tout cela est de faire faire le même travail qu’avant, sans embaucher. Les syndicats SUD et CGT exigent l’embauche de 9 travailleurs contractuels mais la direction refuse.

Tout au contraire, elle essaie de briser la grève en installant des centres de tri clandestins que les grévistes repèrent vite et qu’ils arrivent à isoler par des piquets. Samedi dernier, à 5 heures du matin, ils sont ainsi allés devant une entreprise de transport routier près d’Angoulême qui louait un entrepôt à La Poste pour y faire un centre de tri parallèle. Peu après avoir commencé à bloquer les camions de La Poste transportant du courrier, les travailleurs ont vu sortir le patron de l’entreprise un fusil à la main. Il s’est mis à les insulter et à les menacer et a fini par tirer un coup de feu en l’air ! Le furieux a été calmé par les gendarmes et nos camarades postiers ont continué à filtrer les camions de La Poste, mais comme le faisait remarquer le responsable de la CGT : " les responsables de La Poste étaient là, mais ils n’ont pas condamné un tel acte " !

La grève se poursuit donc, votée à la quasi unanimité par les travailleurs. C’est l’extension aux autres centres de tri qui est discutée, mais cela ne semble pas évident à réaliser dans la mesure où l’application des 35 heures se fait centre par centre et que les directions prennent soin, pour diviser, de ne pas le faire en même temps.

Pourtant, c’est bien l’unité des luttes qui est à l’ordre du jour. Sur Angoulême, un autre conflit, celui de la COFPA (voir VDT N° 128) mobilise les travailleurs depuis 3 semaines. Spontanément, les grévistes de la COFPA sont venus voir ceux de La Poste et se tiennent en contact. C’est à partir d’initiatives à la base que la lutte des travailleurs du privé peut rejoindre celle du secteur public car nos problèmes sont les mêmes. Et les liens précieux qui se créent sont nécessaires pour préparer l’extension des luttes.

Deux échos du bulletin Ralston (piles) de l’agglomération d’Elbeuf

Protection pour tous

Depuis le début du mois de février, la direction a tout mis en œuvre pour protéger les biens des richissimes actionnaires Ralston-Purina : système anti-intrusion, caméras, contrôle des entrées et sorties...

A côté de ça, rien n’a été prévu pour garantir la protection du peu qu’on a. Nos voitures, nos deux roues et nos vestiaires, ils s’en moquent. Ralston va même jusqu’à laisser le libre accès des rebuts alcalins (contenant de la potasse) aux gosses du quartier. Quand ils parlent de sécurité c’est uniquement lorsqu’il s’agit de garantir les biens de ceux qui en ont tant qu’ils ne savent plus quoi en faire ?

Ils se servent les premiers

Depuis 16 mois il n’y a pas eu d’augmentation générale des salaires. Et selon le plan de la direction, la prochaine n’interviendra qu’en janvier 2001.

Ralston a prévu pour cette année un budget de 0,5 % de la masse salariale pour les réajustements et des augmentations à la tête du client. De ce peu, comme d’habitude, ils se sont servis les premiers. 0,25 % a déjà été utilisé pour couvrir le gratin, c’est à dire une trentaine de personnes. Pour nous autres, qui représentons 150 travailleurs, il ne reste plus que 0,25 % à distribuer.

Les miettes, ils peuvent se les garder. Nous voulons notre part du gâteau, 1 500 F pour tous.