" Réformes " de Jospin : les libéraux anglais applaudissent, les députés du PC senthousiasment, Chirac et la droite simpatientent
" L'image de la France réticente au capitalisme moderne est démentie par le pragmatisme démontré par Lionel Jospin, lequel, à l'instar de François Mitterrand, parle comme un homme de gauche tout en agissant, en douce, pour stimuler le monde de l'entreprise ". La duplicité au service du libéralisme : pour le Financial Times, journal de la finance anglaise et supporter enthousiaste du pragmatisme de Tony Blair, il ny a pas plus bel éloge.
Cest que Jospin projette de sattaquer à la fois aux salaires et à la protection sociale par le biais dun véritable " chantier de réformes ". Lépargne salariale permettra en effet au patronat de payer moins de salaire, et ce à double titre : en salaires directs puisque les salariés recevront une participation sous forme dactions ; en salaires indirects - ce que les patrons appellent leurs charges sociales - puisque cette participation ne sera pas soumise à cotisations. Cest une façon également de faire passer, " en douce ", les retraites par capitalisation, alors que Jospin jure ses grands dieux quil préservera le système de répartition. Le gouvernement prévoit des plans dépargne à long terme, sur 12 ou 15 ans, qui pourraient ainsi jouer le rôle de fonds de pension. Le tout fournissant aux entreprises dénormes quantités de capitaux.
Mais pour les ministres et les députés du PS, ce nest rien de tel : il sagirait au contraire " daccroître le pouvoir de contrôle des salariés " sur lentreprise.
Une perspective qui a enthousiasmé les deux députés communistes chargés par leur président de groupe, Bocquet, de réfléchir à lépargne salariale. " Il faut que lon soit un peu plus imaginatif sur le sujet ! ", leur avait-il recommandé. Résultat, après avoir été dénicher des références chez les précurseurs du véritable socialisme comme Fourier, ils se sont rabattus sur les vieilles lunes de la " participation " de De Gaulle, pour conclure : " étendre aux salariés les possibilités d'intervention dans la gestion directe, dans les choix stratégiques des entreprises, c'est permettre un peu plus, un peu mieux, au monde du travail de remplir sa vocation civique et citoyenne au sein de la société, c'est étendre le champ de vision et de créativité de l'entreprise, pour mieux garantir son développement et son futur. Il est des investissements humains qui n'apparaissent pas immédiatement rentables mais dont les retombées sont porteuses d'avenir ". Que de grands mots pour saplatir toute honte bue devant Jospin !
Mais tout cela nest pas aussi simple, et Jospin qui prévoyait de mettre en discussion lépargne salariale et la réforme des retraites fin février, a reporté sa décision. Cest que les efforts dimagination des députés socialistes et communistes ont peu de chance de faire prendre des vessies pour des lanternes. Alors, au moment où dautres réformes du gouvernement, comme les 35 heures dans la Fonction publique, provoquent partout grèves et manifestations, il valait mieux ne pas en rajouter.
Une aubaine pour Chirac qui ne savait plus quoi invoquer pour se différencier dun gouvernement qui applique lintégralité du programme de la droite. Il a pu sen prendre à " limmobilisme " du gouvernement et dire bien fort ce que Jospin veut faire passer sans bruit : " réformer le modèle administratif quil faut cesser de considérer comme intangible ", " créer les bases dun capitalisme français puissant ", " donner à tous ceux qui le souhaitent la possibilité dêtre actionnaires de leur entreprise ".
Mais que le patronat se rassure, Jospin sest dit, en réponse à Chirac, déterminé à " avancer sur ce sujet ".
Galia Trépère
Les Verts veulent attacher durablement leur wagon au train du Parti socialiste pour faire un(e) TGV
Samedi 26 et dimanche 27 février, les Verts ont organisé dans la banlieue parisienne leur première réunion des " Etats généraux de lécologie politique " pour lancer une campagne qui durera jusquaux Présidentielles de 2002. Des forums locaux se dérouleront dans tout le pays suivis dune nouvelle rencontre nationale, avant un congrès fin 2001 où un nouveau programme pour les élections législatives et présidentielles sera adopté. Cest ce quils appellent " faire la politique autrement ".
Comme il ne faut pas dire quils sont rentrés en campagne électorale, ce qui serait reconnaître quils sont un parti politicien comme les autres, Denis Baupin, leur porte-parole, discute de " bâtir ensemble un véritable projet politique alternatif au libéralisme et à la social-démocratie ", et d" inventer le parti politique du 21ème siècle ". Mais une fois ces déclarations faites, les responsables Verts ont visiblement du mal à avancer un tant soi peu dans cette direction tellement ils ont tous le regard tourné vers les prochaines échéances électorales. Aussi, ils ont préféré laisser largement la parole à leurs invités, responsables dassociations ou vice-ministre et ministre des Transports belge venus encourager leurs efforts pour jouer dans la cour des grands.
Il a bien fallu tout de même que les responsables Verts fassent une apparition à la réunion pour encourager leurs troupes. Daniel Cohn-Bendit, tête de liste des Verts aux élections européennes et Dominique Voynet, ministre de lAménagement du territoire et de lEnvironnement, se sont croisés juste le temps de la photo, ne pouvant sempêcher dafficher leurs rivalités. Le premier sest déclaré " mécanicien de la TGV ", la Troisième Gauche Verte dont il a présenté le contenu aux 1 000 participants. Voynet, toujours bonne élève de la majorité plurielle gouvernementale ne ratant pas une occasion dafficher son respect des pouvoirs en place, a tenu à se démarquer de José Bové, le président de la Confédération paysanne, lun des invités, en déclarant quelle lavait " trouvé un peu lapidaire sur les pouvoirs et les contre-pouvoirs ".
Mais Cohn-Bendit et Voynet sont daccord sur lessentiel : la participation gouvernementale est la seule politique des Verts et ils en redemandent. Pour Voynet, " ce qui va se jouer dans les semaines qui viennent cest de savoir si lécologie politique nest que la compagne de route des temps difficiles ou si elle sera la partenaire durable inscrite vraiment dans le projet de transformation sociale dune majorité réellement plurielle ". Une façon de faire des appels doffre au Parti socialiste pour quil récompense par de nouveaux postes ministériels les bons et loyaux services de la ministre Verte. Cohn-Bendit en fait la théorie, salignant servilement sur les déclarations de Jospin à propos des licenciements chez Michelin que le gouvernement était impuissant à empêcher et sur la nécessaire régulation du marché. Pour linitiateur de la Troisième Gauche Verte, " il faut trouver les moyens de contrôle du politique sur léconomie, mais il faut aussi avoir le courage daccepter le fait que lEtat ne peut pas tout et surtout ne doit pas tout ".
Pour que les choses soient définitivement claires, il précise les alliances que les Verts doivent nouer : " nous devons assumer en tant que troisième gauche verte avec les centristes résolument européens la responsabilités dinitiatives politiques ". Ainsi, les Verts rêvent dun parti centriste réformiste quils ressuscitent après beaucoup dautres politiciens. Perspective partagée par Guy Hascoët, député Vert du Nord, répondant à Georges Sarre, du Mouvement des Citoyens qui ironisait sur lalliance Bayrou-Cohn-Bendit, " et alors, pourquoi pas ? Il voudrait que lon travaille avec lextrême-gauche ? "
Travailler avec lextrême-gauche, oui, cest la seule possibilité que laisse la politique des Verts à ceux de leurs militants qui refusent cette société et ceux qui la justifient.
Valérie Héas
Démission de Dumas et affaire Elf, les appétits des politiciens se nourrissent de la corruption
Le 11 février dernier, Dumas, ex-ministre des Affaires étrangères et ami de Mitterrand, président du Conseil Constitutionnel que tous les politiciens de droite comme de gauche pressaient de démissionner - ce à quoi il a dû se résoudre -, a été renvoyé devant un tribunal correctionnel par des juges qui avaient pesé chaque mot. Motif : " sêtre rendu complice des abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés dElf-Aquitaine concernant les salaires et avantages injustifiés consentis à Christine Deviers-Joncour par les sociétés Snea, Elf-Impex et Elf-Aquitaine ( ) par fourniture dinstructions ". Autrement dit Dumas alors ministre a fait embaucher par Elf son amie en tant que " chargée de mission auprès du ministère des affaires étrangères " avec rémunérations conséquentes. Car entre 1989 et 1993 cest la rondelette somme de 66 millions de francs que cette " salariée " a touché des sociétés dépendantes du trust nationalisé Elf. De quoi soffrir un appartement à 17 millions, des bottes à 11 000 F la paire ou un collage à 60 000 F et autres petits plaisirs payés directement par la carte bancaire dElf mise à leur disposition.
Mais cette affaire Deviers-Joncour / Dumas nest que la partie immergée de liceberg. Ainsi, au début des années 90, lEtat français, privilégiant les relations commerciales avec la Chine avait dans un premier temps refusé la vente par Thomson-CSF, autre groupe nationalisé, de 6 frégates à Taïwan, ennemie de lEtat chinois. Au bout de deux ans de tractations, dont lintervention de Deviers-Joncour auprès de Dumas qui lui a ramené 45 millions de francs de commissions, lEtat français a accepté ce marché qui a rapporté 15 milliards à Thomson-CSF et ses partenaires. Dumas a déclaré au Figaro en mars 98 que, sur ordre de Mitterrand, 2,5 milliards de francs ont été débloqués par Elf pour payer des commissions dans cette affaire. Justice et politiciens trouvent normal quElf, entreprise fonctionnant avec des fonds publics, dépense des milliards en pots de vin ou pour financer la campagne électorale dHelmut Kohl, autre bon ami de Mitterrand, comme lont montré récemment les ennuis de financement du Parti conservateur allemand.
Autre cas : un ex-dirigeant dElf, Tarallo, mis en examen dans une autre affaire, explique tranquillement à la presse quil a versé environ 600 millions de francs entre 1990 et 1997 aux différents dirigeants des Etats où Elf exploitait des gisements. Il sagit, selon lui de " bonus parallèles destinés aux chefs dEtats " en plus des " bonus officiels " versés " normalement " par les compagnies pétrolières sous la forme de construction décoles, dhôpitaux, etc Elf est ainsi à lorigine de la fortune dOmar Bongo dictateur du Gabon, et de sa famille qui na pas été oubliée. Tarallo lui sest fait construire en Corse une maison à plus de 200 millions aux frais dElf.
La corruption de membres de la haute administration ou des services secrets est une vieille méthode. Ainsi, le 1er PDG dElf en 1960, Guillaumat était un ex-ministre de la défense de De Gaulle qui avait fait ses armes en créant la DGSS (les services despionnages de lEtat). Elf-Aquitaine semble avoir été depuis le lieu de retraite privilégié et de recyclage des agents des services secrets plus ou moins hors service, particulièrement ceux spécialisés dans les affaires africaines (deux dentre eux sont mis en examen pour transferts de fonds suspects et dissimulation de preuves). Enfin le numéro deux du groupe au début des années 1990, Sirven, est sous mandat darrêt international depuis des années et, paraît-il, introuvable. Cest lui qui a embauché Deviers-Joncour et de nombreux autres pour des tâches indéfinissables. Ce qui est clair, cest que Sirven a arrosé tout le panel politique sans la moindre discrimination.
Isabelle Cazaux
A voir au cinéma : CHARBONS ARDENTS, un documentaire de Jean-Michel CARRE
En 1994, les mineurs de Tower Colliery au pays de Galles, réinvestissent chacun leurs indemnités de licenciements et rachètent la mine. Ils montent leur coopérative alors que Margaret Thatcher venait de mener la guerre à tous les mineurs du pays et de faire fermer lensemble des puits. Les mineurs actionnaires sont employés et dirigeants de leur entreprise, cest eux qui élisent leur direction et décident de lutilisation des bénéfices. Résultats : 350 mineurs ont conservé leur emploi, la mine leur accorde un salaire de 21 000F et la sécurité a considérablement progressé
Un très beau documentaire qui met en scène la démocratie au quotidien et ce qui a changé pour ces mineurs au travers de cette expérience qui se poursuit, la mine est encore exploitable pour 15 à 20 ans.
Une réussite qui montre bien que la gestion des travailleurs imposerait dautres critères que la sacro-sainte productivité. En plus de la sauvegarde des emplois et des salaires, la mine participe au financement des activités culturelles : rugby, fêtes, construction dun musée