échos d’entreprises et de luttes



Sextant Le Haillan : La grève sur les salaires a fait reculer la direction. Un premier succès

A Sextant Le Haillan, la grève pour des augmentations de salaire avait commencé le jeudi 24 février. Au bout de 7 jours de blocage total de l'usine par un piquet de grève, la Direction a fait de nouvelles propositions : 250 F de plancher d'augmentations générales pour les non-cadres, toujours aucune augmentation générale pour les techniciens forfaitaires alors que la revendication était de 800 F pour tous. Et nouvelle provocation : la Direction faisait passer de 2,7 à 3 % les augmentations individuelles des 300 plus hauts cadres de Sextant touchant le BSO (prime sur objectif). Cette proposition s'accompagnait d'une tentative de chantage : la Direction disait qu'elle reviendrait à ses premières propositions salariales (1 % sans plancher pour les non-cadres) si nous ne reprenions pas le travail dès le vendredi 3 mars.

Du coup, le jeudi matin, la grève s'étendait aux 6 autres sites de Sextant.

Les organisations syndicales avaient demandé de nouvelles négociations sur la base d'une revendication nouvelle : 410 F de plancher. Elles proposaient à la Direction d'ajouter la somme de 160 F par salarié, prévue pour une mutuelle obligatoire dont personne ne veut, aux 250 F de plancher. Cela semblait aux grévistes une proposition reflétant le rapport de force après 8 jours de grève au Haillan (avec occupation jour et nuit au piquet).

Le vendredi, la Direction a annoncé qu'elle augmentait le plancher à 350 F pour les non-cadres et qu'elle cédait 300 F d'augmentations générales pour les techniciens qui n'avaient droit qu'à des augmentations individuelles jusque-là.

Le sentiment largement partagé c'est que notre grève a imposé un recul significatif à la Direction. La reprise du travail pouvait se faire la tête haute. En même temps, on se dit que 350 F c'est loin du compte vu les bénéfices de Sextant et nos besoins. Mais on mesure que pour obtenir des augmentations plus importantes c'est un rapport de forces au delà de Sextant qu'il faudra construire et que c'est l'affaire du monde du travail dans son ensemble.

Un gréviste disait : " aujourd'hui la plupart des luttes qui se mènent c'est par rapport aux 35 H, le patronat craint de devoir lâcher pour les salaires à cause de la croissance, on peut être fiers d'avoir mis le problème des salaires en avant ". Et de fait, nous nous sentons plus forts pour faire face aux attaques que la Direction nous prépare (sur l'application de la loi Aubry II par exemple) grâce aux liens de discussions et de solidarité qui se sont construits autour du feu au piquet.

Lutte à l’ONIC

C’est le 1er mars que devait entrer en application le décret du 30 août 1999 modifiant les conditions d’indemnisation des frais de déplacement des fonctionnaires. Alors que le ministère s’était franchement moqué de nous en octroyant, après 5 ans et demi de blocage, une misérable augmentation de 5% des indemnités kilométriques, aussitôt gommée par la hausse du prix des carburants, il remettait en cause le caractère forfaitaire des indemnités de repas et de nuitées.

Pour les contrôleurs de l’Office des céréales, dont certains effectuent jusqu’à 20 000 km par an dans l’exercice de leur profession, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Avec des taux kilométriques bien en deçà du barème fiscal, nous y sommes de notre poche, et en cas d’accident l’agent est son propre assureur : les dépenses non couvertes sont pour lui, ainsi que le malus éventuel.

La Direction qui faisait la sourde oreille à nos pétitions et interventions syndicales, comptant sur notre conscience professionnelle et notre sens du service public pour continuer à nous faire travailler au rabais, a rapidement déchanté lorsque nous avons mis à exécution la menace que nous lui avions faite de ne plus utiliser nos voitures personnelles pour les besoins du service. Le 1er mars, à l’appel de l’intersyndicale, la très grande majorité des contrôleurs est restée au bureau en attendant que l’administration fournisse les moyens de travailler, voitures de location ou autre. En trois jours, l’activité des services régionaux s’est trouvée entièrement paralysée, sans que nous ayons à supporter le coût d’une grève. Cela faisait du bien de se retrouver un peu tranquilles entre collègues, de prendre le temps de discuter de nos problèmes, d’élaborer nos revendications. Dans chaque région, les contrôleurs adoptaient des résolutions, envoyées par fax à l’ensemble des services, et préparaient la réunion nationale appelée le 7 mars par l’intersyndicale.

Une réunion de concertation, convoquée à la hâte pour le 3 mars, n’avait rien donné de probant. Le Directeur général, qui y a participé en personne, ce qui n’était pas prévu, a d’abord tenté d’expliquer que notre mouvement n’avait plus de raison d’être puisque l’application du décret contesté était reportée au 1er septembre. Puis, les représentants syndicaux lui ayant rappelé les revendications spécifiques à l’ONIC, il a mis en avant la possibilité d’avoir des voitures de service. Au sortir de 5 heures de réunion, nous n’avions pas le sentiment que les choses bougeaient beaucoup.

Le personnel ne s’est donc pas démobilisé, et les réunions de service du lundi 6 mars ont été l’occasion de réaffirmer nos exigences et notre détermination. La Direction l’a bien senti, puisque dans la matinée elle adressait un fax de 4 pages aux syndicats, désignant un cadre comme responsable du suivi de ce dossier et convoquant une nouvelle réunion pour le 14 mars. Les contrôleurs y ont vu la preuve que notre action commençait à l’ébranler, et au cours de la journée le nombre de ceux qui s’inscrivaient pour monter à Paris a sensiblement augmenté.

Nous nous sommes retrouvés à plus de 60, près du tiers des contrôleurs, dans une ambiance plutôt chouette où les anciens côtoyaient des jeunes issus des concours de l’été dernier, bien déterminés à nous faire entendre et à obtenir des concessions. Le Directeur, qui avait prévu de recevoir une délégation, s’est senti obligé de venir s’adresser à tout le monde, et pendant près de deux heures, nous avons répondu à ses proclamations de bonne volonté par la demande de mesures concrètes.

Après son départ, nous avons poursuivi la discussion et adopté une plate-forme revendicative, puis débattu de la suite. Une partie des collègues aurait souhaité maintenir la pression jusqu’à la réunion du 14, en continuant de refuser de sortir, mais beaucoup jugeaient préférable de rester sur une démonstration de force plutôt que de risquer de voir le mouvement s’effilocher. Nous avons donc décidé majoritairement de suspendre l’action et de reprendre nos voitures, en indiquant clairement que nous bloquerions de nouveau les missions si nous n’obtenons pas rapidement satisfaction sur nos principales revendications.

COFPA (Angoulême) : les travailleurs déterminés à aller jusqu’au bout

Les travailleurs de la COFPA sont entrés dans leur quatrième semaine de grève avec occupation contre la fermeture de leur usine. Et toujours aussi déterminés à faire payer le plus cher possible son mauvais coup au patron.

Le décor est maintenant bien planté : un piquet de grève entretient un grand feu devant les portes et en interdit l’entrée, les mannequins des patrons sont toujours pendus devant les portes et, dans la pelouse à l’intérieur de la boîte, trois fosses sont ouvertes avec le nom des dirigeants sur des croix à un bout et deux godasses qui dépassent à l’autre. Si ces messieurs d’Albany-Cofpa avaient un doute sur leur popularité, les voilà fixés !

Des négociations ont bien lieu avec les syndicats, mais c’est surtout l’occasion pour la direction de réaffirmer sa volonté inébranlable de fermer boutique. Devant tant de cynisme, les travailleurs ont séquestré le directeur dans une salle de réunion pendant 5 heures le lundi 28 février et, pour faire bonne mesure, avaient mis le matin sa voiture sur cale !

Rien dans tout ce que propose la Direction ne peut satisfaire les travailleurs. Les indemnités complémentaires de licenciement proposées par la Cofpa sont plafonnées à 50 000 francs pour les plus de 15 ans d’ancienneté et majorées en fonction de l’âge de 20 000 à 40 000 francs. Dans le meilleur des cas, les travailleurs toucheraient 90 000 francs. Une misère !

Les grévistes saisissent toutes les occasions pour montrer leur détermination. Le jeudi 2 mars, ils ont manifesté devant l’ANPE avec AC (Agir contre le Chômage). Dans la boîte, après un temps d’hésitation face à la grève dure et longue qui s’annonçait, de plus en plus nombreux sont ceux qui participent à l’occupation, aux tours de garde et à la préparation des actions. Le mercredi 8 mars, va se tenir une réunion du comité central d’entreprise (CCE). Alors que le groupe ALBANY COFPA avoue avoir fait 30 millions de dollars de bénéfices en 1999 et que les collectivités locales lui ont versé 10 millions de francs de subventions en quelques années, il n’en veut pas moins annoncer la fermeture et le licenciement de tous les travailleurs. Il a même chiffré cette fermeture à 40 millions de francs… en se plaignant que ça va lui coûter cher !

Forts de la popularité de leur mouvement et des gestes de soutien venant de nombreux travailleurs qui s’arrêtent devant la porte de l’usine pour donner un billet de 50 ou 100 F ou dire un mot d’encouragement, les travailleurs sont déterminés à lutter jusqu’au bout.

Pas question d’arrêter la grève pour finir la production du patron et lui permettre de nous jeter encore plus vite dehors ", disent les travailleurs. Après un dimanche passé ensemble à déguster les cochons de lait grillés et à danser, le moral est bon et les idées pour montrer qu’on est toujours là sont nombreuses. Dernière en date : une manifestation prévue jeudi matin à l’Hôtel de Ville d’Angoulême pour " rendre nos bleus de travail lavés et propres puisque le patron ne veut plus qu’on les utilise ". Une corde à linge sera tendue entre la mairie et le marché pour les étendre à sécher…

Ces messieurs les patrons n’ont pas fini de voir et d’entendre parler de ceux de la COFPA !

Rouen : défense du service public avec les personnels du Belvédère

L’hôpital du Belvédère est une maternité publique très connue dans la région rouennaise. C’est la plus grande, une moyenne de 3300 naissances y a lieu chaque année (20 % des femmes viennent de tout le département, 37 % de l’agglomération) et on doit y refuser du monde (300 en 1999). Un important centre d’IVG y fonctionne.

Début février, l’ARH décidait de réduire son budget de 2 millions. C’est un coup très dur pour cette maternité qui la contraindrait à réduire ses activités. La raison en est sans doute la future construction d’une maternité PRIVEE rive gauche qui verrait d’un bon œil la diminution des activités d’une concurrente PUBLIQUE. Du coup on peut mesurer toute l’hypocrisie politique des raisons avancées pour justifier la fermeture des petites maternités de proximité. En fait il s’agit pour les responsables des ARH (auxquelles participent les responsables de la Sécurité Sociale par l’intermédiaire des CRAM), de tenter de réduire l’activité des services publics pour favoriser les cliniques privées. La carte hospitalière n’est qu’un prétexte à la défense des intérêts privés.

Lors de la réunion du Comité de Défense de la Santé, le 29 février , en présence de médecins et d’employés du Belvédère, de militants syndicaux et politiques, du Planning familial, il a été décidé de mener une campagne active auprès de la population, dans les entreprises, pour soutenir le personnel et faire reculer l’ARH. Des représentantes du comité de défense de la maternité de Verneuil dans l’Eure, menacée de fermeture, étaient présentes. L’idée de coordonner ces luttes a été discutée.

Le personnel du Belvédère au grand complet, employés comme médecins, a fait une journée de grève massive le 1er mars avec un important piquet de près de 200 personnes devant la porte distribuant des tracts, arrêtant les voitures et les bus pour expliquer leur action. Des délégations du CHU, de l’hôpital psychiatrique, de la CRAM, des médecins, des militantes du Planning Familial, des mères de familles, etc. étaient là pour les soutenir. Une conférence de presse qui réunissait tous les médias de la région avait lieu. Il y a été annoncé une pétition et la création d’une " Association des usagers du Belvédère ".

Ces attaques contre le service public sont très mal prises par la population. L’action entreprise par les employés, les médecins du Belvédère et les militants du Comité de Défense de la Santé reçoit un important soutien. La pétition commence à circuler dans des entreprises et dans des quartiers.

Tout ce début d’action militante et publique semble gêner les autorités sanitaires dont une responsable déclarait que " l’affaire du Belvédère n’est que trop médiatisée ".

Chiffres : la " croissance " des profits se nourrit de l’aggravation de l’exploitation des travailleurs

+ 3,2 % : c’est l’augmentation du nombre des accidents du travail en 1998 par rapport à l'année précédente, due pour l’essentiel à l’accélération des cadences et surtout au développement du travail en statut précaire. Ce sont les intérimaires ou les CDD qui en sont le plus souvent les victimes.

+ 17 % : c’est l’augmentation du nombre d’intérimaires en un an, dont plus de 52 % sont employés dans l'industrie. Le nombre des travailleurs en statut précaire a explosé parallèlement aux annonces gouvernementales sur la baisse du chômage. Cette baisse du chômage ne signifie pas qu’il y a moins de licenciements, mais que les patrons embauchent davantage de travailleurs sous-payés, en CDD, en intérim, qu’ils n’ont même plus besoin de licencier. Conjuguée au blocage des salaires, l’intensification de l’exploitation, de la rentabilité de chaque travailleur, fait baisser considérablement le coût du travail et augmenter les profits dans la proportion inverse.

Augmentation des bénéfices de quelques trusts français sur l’année 1999 :

                    Société générale : + 85 %                             Crédit Commercial de France : + 40 %

                    Danone : + 14 %                                          L'Oréal : + 15 %.

                    Alcatel : + 28 %                                           Elf : près de + 400 %

                    PSA: + 51 %