la lutte des enseignants



Carte scolaire des luttes, suite et… extension

Comme ils l’avaient annoncé avant les congés et bien que la presse n’en dise rien, les instituteurs et les parents d’élèves du Gard et de l’Hérault continuent leurs actions pour obtenir les postes qu’ils jugent nécessaires. Durant les vacances, Allègre avait envoyé trois Inspecteurs généraux enquêter sur place. Leur rapport n’a pas été rendu public officiellement, mais on peut en trouver une copie sur le site Internet des grévistes du Gard. Il confirme, avec toutes les circonvolutions d’usage, l’ampleur des besoins exprimés par les enseignants, mais les solutions qu’il propose relèvent du " redéploiement des moyens ". Déshabiller Pierre pour habiller Paul, ça ne fait qu’augmenter la colère et la détermination des grévistes, qui attendent toujours que l’Administration propose aux grévistes d’ouvrir des négociations.

A Alès, une cinquantaine d’instituteurs ont occupé l’Inspection académique lundi après-midi, et en ont profité pour rédiger et tirer leurs tracts, envoyer des fax. Le lendemain, l’I.A. a été de nouveau occupée par des instituteurs et des parents de la région de Nîmes, avant d’être évacuée par les CRS. A Bagnols-sur-Cèze, une cérémonie qui regroupait quelque huiles locales a été " compromise " par l’intervention des manifestants, qui ont forcé le Préfet à faxer une lettre des grévistes à Jospin. De nouvelles manifestations sont programmées samedi 11 mars.

Le site Internet des grévistes du Gard ou celui de l’Hérault permet - ce que ne font ni la presse ni les syndicats - de se faire une idée des luttes en cours un peu partout. On y trouve, par exemple, le compte rendu de l’AG qui a réuni à Paris, lundi après midi, 900 enseignants de Lycées Professionnels représentant 221 établissements, en lutte contre la réforme de leur statut et des programmes. On y trouve également des messages d’instituteurs de plusieurs départements, exprimant leur solidarité, faisant l’état des luttes dans leur secteur. Un peu partout s’exprime la colère à l’égard du gouvernement de la " gauche plurielle " d’électeurs profondément déçus. Un des slogans en préparation pour la manif de samedi dans l’Académie de Montpellier sera " Lionel, 630 ou 2002, il faut choisir " et dans de nombreuses manifestations, des cartes d’électeurs, réelles ou symboliques, ont été brûlées.

Tous préparent la journée de grève du 16 mars, dont ils ont à cœur de faire une " journée sans précédent ". Mais si les syndicats avaient l’intention d’en faire une sorte de " bouquet final ", le moins explosif possible, d’une " lutte " qu’ils n’ont pas organisée contre le gel de l’emploi public et la précarité, ils vont se heurter à la détermination d’enseignants pour qui la journée du 16 n’est qu’une étape dans une véritable lutte qu’ils ont bien l’intention de mener jusqu’au bout.

Eric Lemel

Collège Fernand Léger de Petit-Quevilly (76) : parents et enseignants dans la lutte

Cela faisait plusieurs semaines que le mécontentement montait au collège. Au mois de décembre, les enseignants découvraient que les crédits d’enseignement (l’argent pour chaque matière pour l’année à venir) étaient en baisse de 15 %. Pourquoi une telle baisse ? Parce que le chef d’établissement avait décidé de prendre sur les crédits d’enseignement et de donner davantage à la sécurité des bâtiments, très délabrés. Aucun prof ne souhaitait évidemment que la sécurité soit négligée, mais pas au détriment des moyens d’enseignement… Au fil des assemblées générales, chacun a pu raconter l’état de la misère dans sa discipline. Chacun a pu constater la vétusté des locaux de sport, la vieillesse avancée de certains manuels (livre d’espagnol conforme aux textes officiels de… 1985, livre d’allemand daté d’avant la chute du mur de Berlin, etc.). L’ouvrier du collège a aussi expliqué que le système électrique n’était pas dans les normes de sécurité.

Ce qui a provoqué la colère générale, ce fut l’annonce de la baisse de la Dotation Horaire Globale (DHG) pour l’année scolaire prochaine : 40 heures d’enseignement seraient retirées, alors que les prévisions d’effectifs sont en hausse. Et tout cela dans un établissement classé ZEP.

Lors d’une AG, il fut décidé de rentrer en mouvement de grève reconductible avec, dans la mesure du possible, l’action conjointe des parents d’élèves. Contact fut alors pris avec les parents de la FCPE.

Les assemblées générales ont lieu tous les jours à 8 heures 30. Les actions de la journée sont discutées et préparées, il faut s’occuper de la presse, des coups de fil à passer pour prendre contact avec d’autres établissements en lutte, préparer les manifs…

Lors d’une première rencontre, le jeudi 2, avec l’Inspecteur d’académie, les représentants des parents et des enseignants eurent droit à une leçon de morale : l’Inspecteur déclara que les parents menaient une action " non citoyenne et irresponsable ". Il ajouta qu’il fallait apprendre maintenant à travailler " autrement ", avec moins de moyens. Lorsqu’il reçut de nouveau les élus, le mardi 7, il ne tint plus tout à fait le même discours, les " non-citoyens " ayant l’appui d’une pétition signée de 1000 personnes de Petit-Quevilly, ainsi que de l’appui écrit du maire de la ville et du député de la circonscription. Mais surtout, il déclara qu’à l’Inspection on était inquiet de la suite du mouvement des parents, qui montrent énormément de détermination.

De moyens supplémentaires, il n’en était pas question, en revanche, l’Inspecteur n’était pas avare d’idées pour répartir la misère.

Correspondance VDT

Grève de l’enseignement professionnel en Gironde : un mouvement qui prend ses marques

Lundi, en Gironde la mobilisation a été très variable selon les lycées. Pour beaucoup d’enseignants, la grève la plus connue était celle du 16 mars regroupant l’ensemble de l’Education nationale. Le mouvement a donc été principalement suivi dans les établissements où existent des équipes militantes qui s’étaient mobilisées sur la manif du 6, ce qui explique que le rassemblement devant le Rectorat lundi n’ait compté que quelques 80 enseignants, à la fois contents de se retrouver et un peu désappointés d’être si peu nombreux. Nous avions décidé, plutôt que de battre la semelle en attendant le retour d’une délégation qui, de toute façon, n’apporterait rien de nouveau, de faire une Assemblée générale à la Bourse du Travail. Nous nous y sommes retrouvés à une quarantaine représentant huit lycées différents. Chacun a évoqué l’état de la mobilisation dans son lycée, les doutes, les hésitations, la division que le ministère a réussi à instaurer quelquefois entre professeurs d’enseignement général et professeurs d’enseignement professionnel. Mais la discussion a fait son effet – l’ampleur du mouvement parisien, le recul partiel d’Aubry devant les hospitaliers, le grave recul que représenterait l’application de ces décrets ont été mis en avant – et nous nous sommes quittés collectivement plus déterminés qu’au début de la réunion en ayant pris la décision de convoquer des AG dans nos lycées dès le lendemain et de nous retrouver mercredi pour faire une nouvelle AG.

Mardi, les AG se sont tenues dans la plupart des lycées concernés. Les portables ont fonctionné et la nouvelle que le LP de Blanquefort avait voté la grève le matin s’est vite répandue et a encouragé d'autres lycées à rejoindre le mouvement. Si bien que mardi soir, quatre lycées avaient décidé de voter la grève reconductible et un cinquième avait décidé, en AG, de se mettre en grève à partir de jeudi. Les grèves sont rarement majoritaires mais, dans chacun des lycées concernés, des groupes de grévistes décidés, sans considération d’étiquette syndicale, sont en train de se former et d’établir le contact. Les numéros de portables, les adresses électroniques s’échangent de lycée à lycée, car il y a un gros besoin d’information et de discussion et nous sommes nombreux à éprouver le besoin de nouer des liens directs entre nous pour discuter et décider de notre mouvement ensemble et en direct !

Le Havre, Inspection académique occupée… ne quittez pas !

75 suppressions de postes sont prévues dans l’enseignement primaire en Seine-Maritime, dont la moitié au Havre. Pour une ville qui compte 17 % de chômeurs, un taux d’échec scolaire et de détresse sociale record, ça ne risque pas d’améliorer les choses. En plus, les suppressions de postes sont les plus nombreuses sur les quartiers populaires des plateaux Nord. C’est de là qu’est partie la mobilisation. Des parents d’élèves ont occupé l’Inspection académique jeudi 2. Vu le mépris avec lequel ils ont été reçus, ils ont décidé de prolonger. Ce n’est pas sans problème pour les mères de famille, mais des instits se mettent dans le coup de l’occupation, on s’organise et samedi 5, il y a eu barbecue et invitation pour tous ceux qui soutiennent le mouvement. De quoi faire saliver les RG qui plantonent en permanence. Les rassemblements, délégations auprès des élus de gauche se succèdent. Les parents ont été reçus par l’Inspecteur d’académie lundi 6. Pour ce monsieur " il n’y a pas de problèmes d’effectifs, mais de compétence des enseignants ". " De quoi mettre le feu aux poudres ", conclut l’article du Havre Presse. Une dizaine de lycées et Lycées professionnels est en mouvement, principalement sur le problème du statut des profs de L.P., mais aussi plus généralement sur la Réforme Allègre qui met les L.P. sous la coupe des patrons et surtout sur la baisse des contenus des disciplines, qui réduit les chances, pour les enfants des classes les plus modestes, d’accéder à la culture. Une dizaine de L.P. est entrée en mouvement. Jeudi 2, une AG de 120 personnes a appelé à la grève reconductible pour lundi 6. Une dizaine d’entre eux sont entrés en grève mardi 7.

Ce jour, 250 personnes en AG ont voté une motion appelant les syndicats à se prononcer pour une grève générale de l’Education nationale dès maintenant. Mais la situation du mouvement est contrastée. Une minorité conséquente de profs veut régler son compte à Allègre et à ses réformes, souhaite une grève dure et longue et dit " c’est maintenant ou jamais ". Une bonne partie des collègues partage le même point de vue sur les réformes et ne se fait plus aucune illusion sur le gouvernement, mais ne se sent pas le souffle pour une grève longue : des bahuts font grève tournante, font grève un jour et l’autre non. Et puis beaucoup de collègues sont encore à convaincre : mardi 7, 25 % d’instits sont en grève, 25 écoles sur 200 sont fermées, 48 sont touchées par le mouvement, en collège, le taux de grévistes doit être supérieur à 50 %, 60 % en L.P., beaucoup moins en lycée. Mais le mouvement ne faiblit pas, au contraire.

Le mouvement enseignant en Normandie

Jeudi 2 mars, s’est tenue une assemblée générale d’enseignants de Seine-maritime à l’initiative d’un groupe de profs d’un L.P. de l’agglo. Elle a réuni entre 150 à 200 personnes venant principalement des L.P.. Des enseignants du primaire, de collèges, de lycées et des parents d’élèves étaient là également.

Deux grévistes de l’Eure, mandatés par le Comité de grève inter établissements de ce département ont informé de la forte mobilisation enseignante dans ce département où la quasi-totalité des L.P. est en grève reconductible et où une dizaine de collèges sont aussi en grève. Ils ont raconté comment ils ont constitué le comité inter établissements formé de délégués élus par les grévistes par établissement et soutenu par les syndicats. Ils ont appelé à se mettre en grève contre la réforme des L.P. et le changement de statut, contre les suppressions de poste et les diminutions horaires. Ils ont bloqué les péages de l’A 13 jeudi. Ils ont ainsi récolté de quoi louer des cars et un train pour aller à la manifestation à Paris au ministère lundi 6 mars.

Puis il a été fait un tour très intéressant et vivant de ce qui se passait dans les différents établissements de l’agglomération rouennaise. En plus des L.P., trois collèges étaient aussi en grève, des écoles primaires occupées par des parents très remontés. Quelques représentants syndicaux ont surtout insisté sur la grève du 16 mars. Si tout le monde a convenu que cette journée de grève de toute l’Education était très importante, il apparaissait aussi qu’il fallait d’ici là s’organiser, se donner les moyens d’étendre le mouvement en rejoignant les établissements déjà en grève, et prévoir des actions dynamiques et mobilisatrices avant. C’était évidemment le point de vue des collègues déjà en grève.

Vendredi les collèges et L.P. en grève ont rejoint la manifestation des instituteurs et fait différentes actions dans la ville. Lundi les grévistes de l’Eure sont allés à la manifestation parisienne. Dans l’agglomération rouennaise le mouvement s’est étendu notamment dans les Lycées professionnels. Plusieurs se sont mis en grève et une manifestation essentiellement des personnels des lycées professionnels a réuni 500 personnes à Rouen, ce qui est une première. Des écoles du primaire se sont mises en grève avec occupation par les parents d’élèves surtout rive gauche, et dans la vallée du Cailly. Le soir une nouvelle assemblée générale des enseignants a réuni une centaine de personnes. L’assistance venait surtout des Lycées professionnels mais des collèges, des écoles et quelques lycées étaient également représentés. La décision a été prise de proposer aux différents établissements en lutte de reprendre l’appel de l’assemblée qui s’était tenue à Paris, après la manifestation, et se prononçait pour la grève reconductible dans tous les établissements du primaire et du secondaire pour aller vers la grève générale de toute l’Education nationale ; d’appeler à une nouvelle manifestation devant le rectorat jeudi 9 mars et de mobiliser pour la manifestation départementale de samedi 11 mars qui doit regrouper tous les secteurs de l’Education nationale avec les parents et les élèves. Rendez-vous a été pris pour jeudi soir.

Correspondant local