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Pinochet " libéré " par le gouvernement socialiste anglais, avec la complicité des autres gouvernements, beaux parleurs démocratiques

C’est donc libre, grâce au ministre socialiste anglais Jack Straw, que Pinochet a pu quitter, le 2 mars, sa luxueuse résidence des environs de Londres pour se rendre au Chili. Les autorités militaires et hommes d’affaires chiliens ont fait un accueil triomphal à l’aéroport de Santiago à un Pinochet qui avait retrouvé la santé ! Une provocation de l’armée vis-à-vis du gouvernement de coalition démocrate-chrétien qui lui avait interdit toute démonstration. Derrière la mascarade d’un " procès " qui n’inquiète guère Pinochet, il y a la provocation de cet homme de main de la bourgeoisie chilienne envers l’ensemble de la société, avec la complicité des hommes politiques dits démocrates de gauche comme de droite de tous les pays démocratiques.

Alors qu’ils pouvaient empêcher ce retour et permettre le jugement de Pinochet, arrêté lors d’un séjour médical en Angleterre en octobre 1998, par le juge espagnol Garzón, Jack Straw et Tony Blair, ont refusé, pour " raisons médicales ", son extradition. Les gouvernements français, belge, espagnol et suisse, qui avaient aussi fait des demandes d’extradition, poussés par l’opinion publique et la mobilisation acharnée des familles de victimes de la dictature, n’ont pas fait appel de cette décision.

Le socialiste Lagos, qui doit être investi Président du Chili le 11 mars, s’est fait élire en ne s’engageant à rien sur l’affaire Pinochet, mais ses discours étaient constamment interrompus aux cris de " Jugement pour Pinochet ! " Il a réagi à son arrivée en disant que " son gouvernement ferait tout pour montrer au monde entier que le Chili est un Etat démocratique où l’autorité élue par le peuple gouverne et où les forces armées sont disciplinées, obéissantes et ne s’ingèrent pas dans les affaires politiques " ! Il n’a pas répondu à la provocation de l’armée lors de son accueil démonstratif au dictateur. Par contre, en interdisant l’aéroport aux journalistes et en réprimant les manifestations contre Pinochet, le gouvernement a montré quelle était sa démocratie ! Lagos appréhende maintenant que Pinochet, le grand malade, ne se rende à son investiture, le compromettant avec lui !

Le gouvernement français n’a pas été en reste dans les déclarations hypocrites en affirmant qu’il " regrette la décision du ministre de l’intérieur britannique... Il partage l’émotion et la déception des familles des victimes. Il souhaite que le général Pinochet soit jugé au Chili "… Autant dire pas du tout jugé !

Loin d’être trompés par les expertises médicales auxquelles ils ont voulu faire dire que Pinochet était " un homme âgé qui doit être, à ce stade, considéré comme innocent ", dont l’extradition " serait oppressive ", selon l’expression de Straw, les gouvernements étaient complices du dictateur. Les nombreux allers et retours au Chili d’hommes d’affaires, en particulier espagnols, durant l’été montraient bien les intérêts économiques en jeu.

Et tous ceux qui aujourd’hui voudraient nous faire croire qu’ils sont des défenseurs de la démocratie illustrent à quel point ils n’agissent que par calculs politiciens et intérêt de carrière. C’est ce qu’ont affirmé les 5 000 manifestants de Santiago du Chili, le 4 mars, lors de violentes manifestations, par leurs slogans accusant le gouvernement de coalition d’avoir " pactisé " avec l’armée et les milieux patronaux les plus réactionnaires.

Sophie Candela

La droite allemande est-elle menacée du " syndrome Haider " ?

La question d'une éventuelle contamination de la situation autrichienne en Allemagne pouvait se poser ces derniers temps, non pas du fait d'un quelconque héritage " germanique ", mais parce que la droite conservatrice allemande était en pleine déconfiture, au bord de l'implosion. La démocratie-chrétienne (CDU), le parti de Kohl, au gouvernement de 1982 à 1998, a géré les licenciements massifs, les restructurations dans la métallurgie, la réunification allemande avec l'explosion du chômage, la braderie des industries et la destruction de toutes les structures sociales de l'ancienne Allemagne de l'est. Ce gouvernement a fait payer au monde du travail de l'Allemagne réunifiée le coût des formidables cadeaux au patronat allemand qui a pu récupérer des installations industrielles pour une bouchée de pain, et utiliser la concurrence avec les salaires de l'est pour faire baisser ceux de l'ouest. Le rejet de cette politique a permis au parti social-démocrate (SPD) de revenir au pouvoir en 1998 avec la formation du guvernement Schröder comprenant des ministres Verts. Tandis que les divisions entre les salariés et les chômeurs de l'est et de l'ouest entretenues et approfondies par la politique du gouvernement Kohl créaient un terreau pour une démagogie d'extrême-droite surtout dans les anciens Etats de la RDA.

Le gouvernement Schröder, la social-démocratie, ont montré immédiatement leur détermination à défendre les intérêts de la bourgeoisie dans le cadre de la concurrence mondialisée et à être plus efficaces que le parti de Kohl dans la libéralisation de la vie économique et sociale. Le gouvernement a imposé un programme d'économies budgétaires drastique, avec coupes franches dans les budgets sociaux, orchestrant parallèlement des campagnes contre le " parasitisme " des chômeurs indemnisés et l'excès de pouvoir des organisations syndicales dans les entreprises. Schröder s'affichait comme le " cama-rade des patrons " tandis que le vernis contestataire des Verts s'écaillait définitivement lors de la guerre du Kosovo où leur ministre Fischer, aux Affaires étrangères, était le plus va-t-en-guerre. Résultat, lors des élections de l'automne 1999, le parti social démocrate a enregistré une série de cuisantes défaites dans des élections locales avec des taux d'abstention record et une percée d'un parti d'extrême-droite dans un des anciens Etat de RDA. Ces revers en annonçaient d'autres pour les élections de ce printemps.

Par un heureux hasard auquel il n’est pas étranger, le parti social-démocrate a réussi à détourner le mécontentement grâce aux révélations sur les magouilles de financement du parti de Kohl. Les politiciens de la CDU ont été mouillés, obligés d'expliquer publiquement comment ils se sont allègrement assis sur les lois qu'ils avaient votées, et ont étalé leur mépris, à l'image de Kohl qui s'est refusé à donner les noms des " généreux " donateurs qui ont financé illégalement son parti. Ce secret de polichinelle opportunément mis sur la place publique, révèle les pratiques des politiciens suscitant la colère. Ce qui crée un espace politique pour des démagogues jouant sur le dégoût contre les " pourris ". D'autant qu'au sein de la droite allemande c'est la débandade, chacun des politiciens cherchant à se démarquer de ses anciens " amis " mis en cause pour tenter de jouer sa carte personnelle. A cela s'ajoute une crise politique de la démocratie-chrétienne. En Allemagne, comme en France, la droite n'a aucune politique à opposer aux gouvernements de " gauche " qui mènent une politique libérale contre le monde du travail, pour le moment avec plus de succès qu'eux ne pourraient le faire. Des élections locales qui ont eu lieu il y a 10 jours étaient attendues comme un test. En fait ces élections ont montré que la crainte de voir l'extrême-droite occuper un espace de contestation à la politique gouvernementale l'a emporté. Mais ne pouvant s'exprimer de manière positive pour une politique défendant les intérêts du monde du travail, cette crainte s'est exprimée dans l'abstention (30 %) et surtout a profité au parti social-démocrate qui, battu dans les sondages il y a trois mois, a remporté ces élections, tandis que la CDU a limité les dégâts. Autant dire que les problèmes restent entiers. En Allemagne comme ailleurs, s'opposer au danger de l'extrême-droite c'est préparer les luttes pour imposer les intérêts du monde du travail et de la collectivité.

Isabelle Cazaux

" Une évolution révolutionnaire du Parti communiste " vers… un parti de gouvernement comme un autre

A l’approche du 30ème congrès du Parti communiste, Robert Hue ne rate pas une occasion d’en affirmer sans ambiguïté l’objectif : liquider définitivement le parti ouvrier militant qu’a été le PC pour en faire un parti dont la politique est la gestion gouvernementale, avec le Parti socialiste. Dans un interview au journal Le Monde du 4 mars, il met à nouveau les points sur les i : " notre participation au gouvernement ne s’inscrit pas dans une démarche éphémère, conjoncturelle, visant seulement à écarter la droite du pouvoir. Nous voulons désormais, participer à tous les niveaux de pouvoir dans la société, pour contribuer à la fois à freiner la pression libérale et à ouvrir des, perspectives d’ancrage plus nettes et plus dynamiques à gauche ".

C’est ce qu’il appelle " une évolution révolutionnaire ", citant Jaurès, leader socialiste de la période d’avant la Première guerre mondiale, partisan de l’entrée pour la première fois du socialiste Millerrand dans un gouvernement, mais aussi ennemi irréductible de la bourgeoisie… ce qui n’est pas le cas de Hue. Dans son enthousiasme pour entériner le fait que le PC est devenu un parti parlementaire comme les autres, gestionnaire au niveau local comme national des affaires de la bourgeoisie, Hue n’a que les mots de " nouveau parti communiste ", " nouveau communisme " à la bouche. Mais cette évolution du PC n’a rien de nouveau, elle est au contraire l’achèvement d’un processus entamé depuis bien longtemps.

La nouveauté du prochain congrès du PC serait le renouvellement des organes de direction. Le Comité national actuel sera remplacé par un Conseil national où les moins de 35 ans et les femmes auront leurs places, thèmes chers à l’allié du Parti socialiste. Pour faire du Parti communiste un appareil entièrement tourné vers la politique gouvernementale, les acteurs directs de cette politique feront partie des " futurs dirigeants ". Des membres de l’entourage de la Ministre Marie-Georges Buffet, des attachés parlementaires, des candidats de la liste Bouge l’Europe ! aux élections européennes seront promus. La Ministre elle-même devrait être associée plus directement à la direction du PC. Un parti dirigé par des ministres, des députés, loin des préoccupations des salariés et des jeunes, telle est la réalité du PC.

La liquidation du PC en tant que parti ouvrier militant qu’il fut à l’origine est entérinée. Comme le dit Hue, il n’y aura pas besoin d’un " deuxième congrès " après celui de Martigues de mars pour prendre acte de la nouvelle orientation, comme pour le parti italien, elle est déjà acquise et la participation ministérielle est le véritable ciment de la direction. Une évolution à rebours n’est plus possible et les nostalgiques des positions passées staliniennes, comme la Fédération du Pas-de-Calais, ne peuvent offrir aucune perspective aux militants ouvriers désorientés par la politique de leur parti.

Donner la priorité à " l’être humain plutôt qu’à la rentabilité financière des capitaux ", telle est la tarte à la crème dont se réclame Hue pour tenter de masquer, sans conviction, le fait que le PC est devenu un satellite du Parti socialiste, gérant d’un ordre social injuste.

Pour tous ceux qui ne se résignent pas à une telle évolution et souhaitent renouer avec une politique de classe, redonner un contenu concret aux idées du communisme et du socialisme, aider aux évolutions des consciences pour préparer la contre offensive du monde du travail dont une fraction s’est libérée des illusions passées envers la gauche gouvernementale, il n’y a pas d’autre issue que de se retrouver au coude à coude avec les militants révolutionnaires. Cela suppose de rompre avec les raisonnements qui consistent à attendre un changement des appareils, des directions syndicales, des parlementaires ou des gouvernements, habitude héritée du passé, pour prendre son sort en main.

Le Parti communiste n’existe plus en tant que parti militant ouvrier. Cette nouvelle étape dans la liquidation du stalinisme met à l’ordre du jour la nécessité de regrouper les forces des salariés pour reconstruire un parti réellement nouveau, communiste et socialiste, ouvert largement vers les salariés et les jeunes qui n’acceptent pas les inégalités sociales de plus en plus profondes.

Valérie Héas

L’Université contre les étudiants étrangers

La semaine dernière, le journal Le Monde a constaté le nombre de plus en plus important ces dernières années de très jeunes immigrés arrivant en France des régions du globe les plus pauvres. Il est moins entré dans les détails en ce qui concerne la politique de la gauche plurielle, qui introduit peu à peu un racisme légal qui créé une impunité à l’arbitraire. C’est tout l’appareil d’Etat, toutes les administrations, qui tendent à faire des populations immigrées, des parias, exclus de tout droit démocratique.

Le président de l’Université de Rouen, Ernest Gilbert, a pris le 18 janvier dernier la décision d’exiger un titre de séjour en règle à chaque inscription à l’université d’étudiants étrangers. Ce qu’il présente comme une mesure administrative sans conséquence entraîne de graves problèmes.

Jusqu’ici, les étudiants étrangers ne devaient présenter un titre de séjour qu’à la première inscription à la fac. Nombre d’entre eux se retrouvant en situation irrégulière à cause d’une législation de plus en plus sévère, l’Université ne posait pas de problème pour les inscriptions suivantes. Maintenant, impossible pour eux de pouvoir continuer leurs études et d’améliorer leur situation précaire. Ils deviennent directement de la main d’œuvre pour le travail clandestin. L’Université fait le jeu de la Préfecture en excluant les immigrés de l’accès à toute qualification, sans se soucier des conséquences. Pour des jeunes débarqués de Sierra Leone ou de Congo Brazzaville, une expulsion peut entraîner de graves dangers pour leur vie.

Un rassemblement de protestation est prévu jeudi 9 mars devant la présidence de l’Université de Rouen à l’appel de l’Asti, des syndicats étudiants, de l’extrême gauche, des Verts...