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La hausse du prix du pétrole fait craindre aux dirigeants des pays riches un ralentissement de la croissance des profits. Derrière les spéculations sur les nouvelles technologies se profile le krach

Le cours du baril de pétrole brut est monté à plus de 30 $ à la mi-février, alors qu’il y a un an, en décembre 1998, il était tombé aux environs de 10 $.

Cette hausse fait suite à la décision des pays de l’OPEP en avril 1999 de réduire leur production de 2,1 millions de barils par jour, pour enrayer la baisse qui plongeait certains d’entre eux vers la récession (90 % de l’économie algérienne, 70 % pour les pays du Golfe, reposent sur la vente des produits pétroliers). La hausse du cours est pour eux la seule façon de faire face à cette crise.

Si le cours du pétrole restait à ce niveau toute l’année, cela entraînerait, paraît-il, une dépense supplémentaire d’une trentaine de milliards de francs, uniquement pour la consommation des particuliers en France… A l’échelle du monde ce sont donc des centaines de milliards qui n’iraient pas à la consommation d’autres produits et notamment des fameux produits " technologiques " sur lesquels repose en partie la croissance actuelle des profits.

Aussi, la dernière semaine de février a été agitée autour de ce problème dans les pays riches. Les Etats-Unis ont exercé leur pression, Clinton et Greenspan multipliant les déclarations sur le thème " toute l’économie est menacée ". Et le secrétaire d’Etat américain à l’Energie a fait une tournée express de tous les gouvernements des pays producteurs qui participent à la hausse du cours.

Face à cette pression de l’impérialisme, les pays producteurs (l’OPEP et quelques autres) ont décidé de se réunir fin mars pour décider de leur politique. Mais déjà, les " partenaires " les plus dépendants des Etats-Unis (Mexique, Koweït, Venezuela, Arabie Saoudite) ont fait savoir qu’ils étaient pour une hausse de la production et la stabilisation du cours entre 20 et 25 $.

La pression et la propagande des dirigeants impérialistes contre la hausse du pétrole sont du même ordre que celles qu’ils mènent contre une menace de hausse des salaires : la " croissance " serait trop fragile pour y faire face. Ce que craignent les dirigeants des pays riches, c’est que la hausse des prix de l’énergie se répercute sur d’autre produits, et entraîne une inflation qui rognerait les profits, de même qu’une hausse des salaires réduirait la marge bénéficiaire des patrons.

La seule croissance qui les intéresse réellement et dont ils se préoccupent, c’est celle des profits. Ils savent très bien qu’une hausse des cours du pétrole enrichirait les pays producteurs, ce qui reviendrait aux pays riches sous forme de commandes pour des produits industriels, de la même façon qu’une hausse des salaires permettrait une augmentation de la consommation. Mais la Bourse n’attend pas que de vertueux cycles de production-consommation se remettent en place. La croissance des profits actuelle exige des plus-values nouvelles immédiates, sans attendre. Elle exige une attaque de tous les instants contre le revenu des producteurs. Elle condamne les travailleurs et les peuples à être privés de la jouissance des produits qu’ils fabriquent, que ce soit de la nouvelle technologie ou de l’ancienne, et pour la plus grande part de l’humanité, des produits de première nécessité.

Elle prépare une catastrophe économique et sociale.

La seule façon d’arriver à une vraie croissance, celle du niveau de vie des travailleurs et des peuples, c’est d’attaquer le revenu des financiers et des industriels, en imposant le contrôle de la population sur l’économie et l’Etat, pour organiser la juste répartition des richesses, c’est-à-dire la mise en commun des richesses naturelles et des moyens de les transformer.

Franck Coleman

La grève aux Impôts s’étend malgré la démagogie du gouvernement sur la baisse des impôts

Depuis plus d'une semaine, le mouvement de grève aux Impôts se développe, contre le projet de réforme de Strauss Kahn et Sautter visant à fusionner la Direction générale des impôts qui calcule l'impôt et la comptabilité publique qui le perçoit. Le gouvernement, qui présente le projet comme un moyen d'accroître " l'efficacité du service public ", et compte sur les départs massifs en retraite pour faire passer ses mauvais coups, prépare des suppressions de postes (15 000 d’après les syndicats) et des fermetures de centres et de trésoreries.

Les salariés des impôts, qui préparent une manifestation nationale le 16 mars, ont commencé à bloquer des centres. Ils empêchent - une première ! - l’encaissement des chèques et des TIP provenant du Tiers provisionnel : ils les enregistrent pour ne pas qu’il y ait de pénalité de retard pour les contribuables, mais ils ne les débitent pas au Trésor. Dans les centres des impôts, le mot d’ordre est de ne pas traiter les déclarations fiscales, en paralysant les centres de traitement informatique. A Marseille, les grévistes bloquent les rentrées d’argent dans les caisses publiques, mais pas les dépenses comme les bourses d’étudiants, les salaires des fonctionnaires, les dépenses de secours…

Devant ce mécontentement, le gouvernement fait sa campagne, relayée par la presse, contre les services des impôts, martelant que l’administration fiscale en France serait soi-disant " une des plus coûteuses au monde ". Autre leitmotiv, le 3 mars le gouvernement annonçait le " record " atteint par les prélèvements obligatoires qui atteignent 45,7 % du PIB en 1999. Autrement dit, il y aurait trop d’impôts. C’est surtout le patronat qui se plaint. Lui qui bénéficie déjà de 100 milliards d’allégements de charges avec la loi Aubry, et de 300 à 400 milliards de subventions, en voudrait encore plus, et en particulier obtenir la baisse de l’impôt sur les sociétés.

Le gouvernement lui emboîte le pas, et entonne le refrain de " trop d’impôts ". C’est sa propagande pour refuser, malgré la fameuse " cagnotte ", d’augmenter les crédits des services publics. Son objectif est la diminution du déficit, comme le réclame Trichet le gouverneur de la Banque de France, ou Seillière le dirigeant du Medef.

Et quand il parle, comme Aubry, de baisser les impôts, il s’agit de ceux des plus riches et des patrons. Par contre, il n’y a pas de baisse prévue des impôts les plus injustes comme la TVA, la taxation des produits pétroliers, la CSG etc.

En fait, le gouvernement veut, par ses annonces démagogiques sur la baisse des impôts, faire pression sur les salariés des services publics, qui réclament des effectifs ou luttent contre les restrictions budgétaires comme dans les hôpitaux, aux impôts, dans l’Education Nationale. Aux Impôts, ce chantage de Sautter n’a pas entamé la détermination des grévistes. Lundi, une trentaine de piquets de grève bloquaient des centres d’impôts. Mercredi, ce sont 250 centres dans 60 départements qui étaient concernés par la grève.

Denis Seillat

295 milliards en un jour, France Télécom fait flamber la Bourse : une folie qui rapproche du krach pour ramasser les mises

Jeudi 2 mars, en une seule journée, la valeur du titre France Télécom a grimpé de 25,5 %, augmentant la valeur en Bourse de l’entreprise de 295 milliards de francs, soit l’équivalent du cinquième du budget de l’Etat. A l’origine de cette hausse, un simple effet d’annonce par le PDG de l’introduction prochaine à la Bourse de deux filiales de France Télécom : Itinéris (téléphones mobiles) et Wanadoo (internet).

Les spéculateurs se frottent les mains, et l’Etat aussi. Avec 63 % des titres de France Télécom, l’Etat a gagné virtuellement 200 milliards en une journée. Depuis, le titre a un peu baissé, mais le gouvernement pourrait envisager de poursuivre la revente de ses parts pour grossir sa " cagnotte ". Le seul problème, c’est que de futures actions Wanadoo peuvent bien faire frémir les spéculateurs, en réalité, Wanadoo ne représente que 3 % des rentrées de France Télécom (780 millions sur 27 milliards d’euros !)… pas de quoi assurer des dividendes extraordinaires, même en rêvant des croissances les plus folles.

Tout le monde parle du boom de la " nouvelle économie "… mais c’est bien ce boom qui pourrait accélérer l’approche des réajustements à la Bourse, c’est-à-dire des krachs.

Dans le CAC 40, les valeurs à la hausse sont celles de la " nouvelle économie " (médias, télécoms, haute technologie), tandis que les titres des activités traditionnelles (banque, industrie, grand commerce) sont en recul. Des entreprises traditionnelles qui font en ce moment des records de profits voient dans le même temps leurs valeurs boursières reculer (Ford aux USA : record absolu de profits et… moins 15 % à la Bourse) en faveur des entreprises hi-tech qui ont des valeurs boursières le plus souvent sans rapport avec leurs valeurs réelles et leurs perspectives de bénéfices.

Tous ont conscience de l’aberration de la situation, mais en la matière, la sagesse et les conseils ne sont pas de mise. La Bourse tranquille n’a jamais existé. Les rentiers conservant leurs titres des années pour toucher leurs dividendes n’existent que pour donner leur argent aux gros actionnaires et groupes financiers. Moutonniers, ils se ruent aujourd’hui sur les nouvelles technologies, qui seront bien incapables de payer les dividendes. Quand il ne sera plus possible de payer, les gros, devenus leurs débiteurs ruineront les petits. Pour eux, le krach fait partie intégrante de leur stratégie. Il n’est pas un accident, mais une politique pour ruiner les concurrents, spolier les actionnaires, concentrer les richesses entre leurs mains. Qu’importe le prix payé par la société.

F. C.

ABB Alstom Power : les travailleurs contre la suppression de 10 000 emplois

ABB Alstom Power, numéro un mondial de la production de centrales électriques et filiale à 50 % du groupe franco-britannique Alstom et du groupe helvético-suédois ABB vient d’annoncer 10 000 suppressions d’emploi sur les 54 000 existants dans le monde, qui s’ajoutent aux 4 000 déjà effectuées dans les six mois passés. Son président, spécialiste des plans de licenciement au sein du groupe GEC-Alstom, l’a justifié par une " nécessaire restructuration ". Vendredi dernier, après l’annonce, l’action Alstom augmentait de 14,5 %…

Sur ces 10 000 suppressions d’emplois, 5 400 concernent l’Europe dont 1 500 la France : 855 emplois sur 2 300 sont supprimés à l’usine de Belfort, 270 à la Courneuve sur 1100 et les 330 salariés de Lys-lez-Lannoy, dans le Nord, viennent d’apprendre la fermeture probable de leur usine.

Chevènement, maire de Belfort, s’est alors insurgé : " L'opinion publique nationale doit savoir qu'il s'agit d'un dossier exemplaire de ce que signifie la mondialisation financière, point d'aboutissement du démantèlement des prérogatives de l'Etat en matière industrielle "… N’est-il pas ministre ?

Les travailleurs d’ABB Alstom ont débrayé à 1 500 jeudi dernier à Belfort et une manifestation nationale de tous les sites est prévue mercredi prochain 15 mars à Paris, entre le siège de l’entreprise et Matignon.

C.L.

 

Coca-Cola licencie 6 000 travailleurs pour " rassurer ses actionnaires " et offrir des milliards de dollars pour une retraite de luxe à son PDG

Le 26 janvier, la multinationale a annoncé le plus grand plan de licenciements de son histoire, la suppression de 21 % de ses effectifs à travers le monde. Coca-Cola avait déjà licencié 200 personnes en 1988 et ses profits augmentaient sans cesse. L’ex-PDG, Doug Ivester, a quitté son poste avec 17 millions de dollars : 66 300 dollars par mois jusqu’en 2002 puis une retraite de 56 000 dollars par mois jusqu'à la fin de ses jours auxquels viennent s’ajouter 675 000 dollars par an entre 2002 et 2007 en tant que " consultant ", c’est-à-dire pour qu’il ne divulgue pas le fameux secret de la composition de base de la boisson. Il disposera aussi de stock-options à hauteur de 100 millions de dollars !

Le nouveau patron, Doug Daft, s’est empressé d’expliquer à ses actionnaires inquiets de la croissance ralentie du groupe depuis un an que l’objectif était désormais une croissance annuelle moins forte. Conséquence : Coca-Cola n’a plus besoin d’autant d’ouvriers ; c’est, selon un analyste, " la fin de la croissance à tout prix ".

Sophie Candela

Unilever : la suppression de 25 000 emplois dans le monde fait s’envoler les actions à la Bourse

La direction de cette multinationale de l’alimentaire a annoncé le 22 février une réduction de 25 % de ses effectifs mondiaux avec la fermeture d’une centaine de ses 250 sites de production, surtout en Europe et en Amérique. Depuis 1991, Unilever a fermé une soixantaine d’usines en Europe, supprimé 20 000 emplois en recentrant ses activités pour se consacrer uniquement aux produits de grande consommation ; il fabrique en France des produits aussi variés que ceux qui sont vendus sous les marques Astra, Bénédicta, Boursin, Lipton, Miko, Magnum, Igloo, Rexona, Dove, Skip, Omo… Dans son usine du Nord, à Haubourdin, il y a eu 220 licenciements entre 1994 et 1996 et les salaires ont baissé de 8 %.

Le groupe veut faire diminuer encore le coût du travail par ces licenciements pour " dégager d’ici 2004 des marges bénéficiaires de 15 % contre 11,1 % en 1999 et arriver à une croissance annuelle de 5 % du chiffre d’affaires ". Cette politique a parfaitement convenu aux actionnaires qui, le jour même de l’annonce du plan de licenciements, l’ont salué par une hausse du titre Unilever de + 4,58 % à la Bourse de Paris et de + 6,28 % à celle d’Amsterdam, alors que le titre venait de perdre plus de 40 % de sa valeur en 6 mois !

S.C