Voix des travailleurs, courant associé à la Ligue Communiste Révolutionnaire Voix des travailleurs, à partir de ce numéro 131, est mensuel. Il est lexpression de notre tendance devenue courant associé à la LCR pour la période qui nous sépare de son congrès qui devra statuer sur la fusion-intégration de nos deux organisations. Cette nouvelle transformation sinscrit dans lévolution de notre tendance et de nos relations avec les camarades de la LCR. Voix des travailleurs est née de lexclusion de militants de Lutte ouvrière en mars 97, sest constituée en tendance en fusionnant avec le courant Cours Nouveau dans la perspective duvrer à lunité des marxistes révolutionnaires dans lobjectif de contribuer à créer le cadre démocratique nécessaire au regroupement de toutes les forces qui au sein du monde du travail et de la jeunesse contestent la politique du gouvernement entièrement soumise aux intérêts du patronat et de la finance, et plus largement la société capitaliste. Nous pensons quaujourdhui la fondation dun nouveau parti démocratique et révolutionnaire est à lordre du jour. La fusion-intégration de notre courant avec la LCR constituera à nos yeux un pas non négligeable quoique modeste dans ce sens. Le mensuel Voix des travailleurs entend participer au débat nécessaire entre toutes les tendances qui agissent pour que le mouvement ouvrier sémancipe du réformisme social-démocrate ou ex-stalinien et renoue avec les idées de la lutte de classe. |
Derrière la frénésie spéculative
sur la " nouvelle économie "
et les menaces de krach, des investissements massifs
pour les profits, contre les travailleurs
Yo-Yo : toute la presse reprend ce mot pour parler des tribulations boursières des valeurs de la nouvelle économie (télécoms, internet, médias ), le fait le plus frappant étant la chute de 15 %, pour la seule journée du 3 avril, du cours de Microsoft, suite à ses déboires avec la justice américaine, faisant perdre dun seul coup 12 milliards de dollars à son patron-actionnaire, Bill Gates.
Cela fait plusieurs semaines que lensemble de ces valeurs sont en recul, à tel point que la peur du " e-krach " se répand dans tous les milieux financiers.
Alors, début dun vrai krach boursier ? Réajustement en douceur ? Quand la décrue commence, personne ne sait réellement où elle va sarrêter, mais tous savaient que la surchauffe des derniers mois sur les titres hi-tech ne pouvait quentraîner une forte baisse.
Les boursicoteurs, espèce moutonnière sil en est, ont acheté depuis des mois de la " technologie ". Au point quaux Etats-Unis, le Nasdaq (la Bourse de la " nouvelle économie "), a eu une progression supérieure à celle de sa concurrente de New York et son fameux Dow Jones : + 85 % en 1999 !
La frénésie spéculative sur ces entreprises a débouché sur des valeurs en Bourse 100 fois, 1 000 fois supérieures aux bénéfices réels ou aux chiffres daffaires de ces entreprises.
La logique de cette frénésie boursière, cest la concurrence des capitaux qui vont là où les perspectives de profit immédiat sont les plus sûres. Les financiers qui orchestrent cette folle sarabande investissent sur des actions dont les valeurs senvolent grâce à largent des gogos subjugués par la propagande jusquau krach inévitable, qui permet au plus gros de ramasser la mise.
Derrière le théâtre fou de la Bourse se joue une lutte bien réelle pour le contrôle des transformations économiques en cours, le contrôle des énormes profits quelle permettront à une poignée de financiers de sapproprier.
Les investissements massifs pour le développement de la nouvelle économie nont rien à voir avec les exaltations sur commande des médias autour des merveilles technologiques actuelles, sources dune nouvelle croissance qui amènerait au plein emploi en 2010. Cette euphorie nest quune vaste mascarade destinée à séduire lépargne des bourgeois. En réalité, les investissements massifs actuels dans ces progrès techniques sont une nouvelle phase de loffensive de la bourgeoisie contre les travailleurs pour dégager de nouvelles marges, augmenter les profits.
Dans cette course aux profits, les trusts européens sont à la traîne. Les entreprises qui dégageront les plus fortes marges saccapareront le marché en baissant leurs prix, les autres tomberont sous leur domination. Et dans cette concurrence, ce sont les trusts américains qui mènent le bal, avec des progressions qui font saliver la bourgeoisie européenne : le chiffre daffaires des entreprises américaines liées de près ou de loin à Internet sélevait à 4 milliards de dollars en 94, pour passer à 331 en 98. Il devrait atteindre les 1300 cette année, tandis que 1,2 million demplois ont été créés dans ce secteur en 99, la moitié de toutes les créations demplois du pays.
Pour rattraper ce retard, les trusts européens en appellent à leurs Etats, pour assurer les investissements énormes exigés par lintégration des nouvelles technologies et pour offrir au marché intérieur européen les mêmes " libertés " dexploitation que le vaste marché américain. Cest pour répondre à ces exigences que le Conseil européen sest réuni à Lisbonne les 23 et 24 mars.
La juridiction européenne devra garantir dès cette année la légalité des actes du commerce électronique et la sécurité des transactions financières. Les constructions de réseaux daccès rapide devront être accélérées, et les réseaux locaux de téléphonie mis en concurrence. Lécole, elle, devra former à lutilisation dInternet les jeunes, qui à leur tour formeront leurs parents. Elle assurera aussi la formation des dizaines de milliers dinformaticiens dont les entreprises ont besoin.
Pour financer ces mesures, le Conseil européen prendra les économies dégagées par la politique systématique de démantèlement des services publics, dappauvrissement de la population par la casse des systèmes de protection sociale, de déréglementation du travail.
LEurope que les gouvernements construisent, cest tous les moyens des Etats, les ressources de la collectivité, mis au service des intérêts privés des seuls actionnaires des trusts européens dans leur concurrence contre les trusts américains.
Les capitaux que ces trusts sont prêts à investir aujourdhui sont ceux qui ont été dégagés pendant les 25 années de crise, cest-à-dire de durcissement des attaques contre le monde du travail.
Ces profits énormes, les capitalistes les réinvestissent aujourdhui sur les nouvelles technologies qui datent quand même de la fin des années 60 ! non parce quelles sont à la mode, mais bien parce quelles permettent à leur tour de renforcer lexploitation du travail, en dégageant des économies dans les coûts de production, et de développer le commerce, daccélérer la circulation des capitaux.
Moins de magasins, de vendeurs, de représentants, de catalogues : le commerce électronique permet de réduire les frais de commercialisation des produits, et donc de gagner des parts de marché. Les grands groupes industriels et commerciaux sy engouffrent, passent des accords et tissent leur toile. Ainsi Ford est en train de mettre en réseau 40 000 concessionnaires et fournisseurs pour gagner du temps, et de largent, à tous les bouts de la chaîne de production, de la prise de commande aux approvisionnements : cest loptimisation des flux tendus.
Ces transformations profondes sont masquées par la propagande autour des " start-up " et de leur idole, Bill Gates. Dupes du mythe du " génie qui réussit ", les milliers de jeunes informaticiens qui veulent développer leurs projets font le bonheur des investisseurs de capital-risque, les " incubateurs de start-up ", souvent liés aux grands groupes industriels, qui fournissent, sans grand risque, les faibles capitaux nécessaires au démarrage de ces entreprises (contre 50 % des titres de propriétés ) et qui ramassent le jack pot si laffaire réussit.
" Cest comme si de petits capitaux étaient périodiquement fauchés pour sempresser de repousser afin dêtre fauchés à nouveau par la grande industrie ", écrivait Rosa Luxembourg en 1898 (Réforme sociale ou révolution).
Il est clair que ces investissements massifs dans les progrès techniques vont à lencontre du progrès social qui nest jamais venu que de la lutte des exploités.
Sous le contrôle des travailleurs, ces progrès rendraient immédiatement possible la rationalisation de léconomie pour répondre aux besoins réels de la population. Au service des intérêts privés, ils ne visent quà diminuer la part qui revient aux salariés dans les richesses produites, pour dégager toujours plus de profits à distribuer aux actionnaires. Ils participent à laggravation de lanarchie du marché, et excluent de leur jouissance ceux qui les produisent.
La révolution technologique actuelle met plus que jamais à lordre du jour la révolution sociale, " lexpropriation des expropriateurs ".