La " mutation " du PC, une tentative déchapper à la faillite du réformisme
Le 30ème Congrès du Parti communiste a entériné une nouvelle étape de sa " mutation ", Robert Hue sest félicité de ce congrès " fondateur du nouveau Parti communiste des années 2000 ".
Une direction renouvelée qui comprend, à limage de la liste pour les élections européennes, des personnalités du mouvement social qui viennent dadhérer au PC, des projets de refonte des statuts, de subtiles jongleries autour des mots " capitalisme " et son " dépassement " progressif Les dirigeants du PC tentent par ces nouveautés de stopper lérosion de la base militante et de linfluence électorale du PC, voire de les reconquérir ou les renouveler, mais cest une gageure, leur tentative est vouée à léchec. Car ces innovations ont peu de chance de masquer ce qui reste lessentiel pour ce " nouveau " Parti communiste, la confirmation de sa participation au gouvernement, renforcée dès le lendemain du Congrès par la présence dun ministre supplémentaire, au moment où la politique libérale de Jospin est rejetée par une fraction croissante des salariés et des militants eux-mêmes du Parti communiste.
Certes, ce nest pas la première fois que le PC est au gouvernement, mais aujourdhui, il nest pas question - et ses dirigeants sy engagent - quil le quitte de lui-même.
Cest que les dirigeants du PC nont guère dautre choix. Leffondrement du stalinisme en 1989 nest pas étranger à cette évolution, mais non pas pour les raisons idéologiques souvent avancées : alors que son influence électorale na cessé de décroître depuis 1981 et sa participation au gouvernement de lépoque Mitterrand, la disparition de lURSS a privé le PC de ressources financières qui lui permettaient une indépendance relative, lui donnant la possibilité, comme en 1984, de quitter le gouvernement pour tenter denrayer leffondrement de ses scores électoraux. Aujourdhui, il est condamné à saccrocher au Parti socialiste, au gouvernement, ne serait-ce même que pour préserver des accords aux élections municipales.
La crise des années 1970 qui a marqué la fin de la période dexpansion capitaliste daprès-guerre a ouvert une offensive de loligarchie financière contre les peuples et les travailleurs. Les profits des trusts et de la finance exigent le démantèlement de tous les droits des travailleurs. Comment, dans ces conditions, participer à un gouvernement qui met en uvre cette politique libérale et être ancré, comme le dit Robert Hue, dans le mouvement populaire ?
Bien que ses dirigeants les aient trahies depuis très longtemps, ce sont ses origines, sa naissance dans le feu de la vague révolutionnaire des années 1917-20 qui avaient fait du PC un parti de masse de la classe ouvrière. Sa dégénérescence en parti stalinien, puis sa transformation en parti aspirant à gérer les affaires de la bourgeoisie ont été le résultat dun rapport de forces, dune série de défaites de la classe ouvrière dans lesquelles les partis sociaux-démocrates ont eu une part active, avant que lui-même nen devienne le principal responsable.
Malgré tout, le Parti communiste était resté le seul parti organisant de façon massive des travailleurs, parce que cétait le seul cadre militant qui leur permettait de mener leur lutte, même si celle-ci était trahie périodiquement par leurs dirigeants. Cela nétait possible, après la Deuxième guerre mondiale, que parce que les travailleurs eux-mêmes avaient des illusions, nourries par la relative prospérité des années dexpansion, sur la possibilité de faire progresser leurs conditions dexistence dans le cadre du capitalisme.
Cette période est révolue.
Aujourdhui, bien des militants du Parti communiste, quils y soient encore organisés ou non, se rendent compte quil nest pas possible de mener le combat contre la politique libérale du patronat et de Jospin et de garder une solidarité avec le gouvernement et les dirigeants des partis qui le composent.
Alors que Robert Hue est en passe de liquider le Parti communiste, se pose la question de la construction dune nouvelle force politique, un parti des luttes, démocratique, révolutionnaire. Lextrême-gauche, que Robert Hue rêve de satelliser, y a un rôle essentiel à jouer.
Ce congrès du Parti communiste sinscrit dans la fin dune période historique du mouvement ouvrier. Une nouvelle période souvre, celle de la renaissance dun mouvement ouvrier, dont le seul objectif soit lémancipation des travailleurs par eux-mêmes.
Galia Trépère
Le 30ème Congrès : un théâtre dombres pour mieux entériner la participation gouvernementale
Avec une préparation qui aura duré 9 mois, la consultation des adhérents dans chaque section, le renouvellement des instances dirigeantes, le 30ème Congrès se voulait celui de la nouveauté et de la transparence.
A lexception de la Fédération du Pas de Calais, fief des opposants à Hue, nostalgiques du stalinisme, les thèses proposées par la direction auraient reçu lapprobation de près de 80 % des militants.
Un succès pour Robert Hue, qui, lui-même réélu secrétaire national, a fait promouvoir la nouvelle direction, un Conseil national de 250 membres. 150 sont des responsables du parti, secrétaires fédéraux, élus et ministres, et les 100 autres des militants politiques et du mouvement social, lancien dirigeant de la FSU Michel Deschamps, des responsables de SOS Racisme et du mouvement des sans-papiers déjà sur la liste des Européennes, larchitecte Roland Castro Une direction " rajeunie, féminisée, métissée ", sest réjoui Robert Hue, mais qui a fait dire à Charles Hoareau, le responsable des comités de chômeurs CGT de Marseille quil voyait " beaucoup darchitectes et peu de maçons ".
Si les rénovateurs, partisans de la première heure de la social-démocratisation du PC se sont vu offrir 12 postes au Comité national et 3 sur les 40 du Collège exécutif, les adversaires de la participation gouvernementale, que ce soit les néo-staliniens de la Coordination communiste ou la Gauche communiste, ont été, eux, marginalisés, nayant droit quà deux postes sur 250 dans le Comité national, juste de quoi permettre à Robert Hue de parler de démocratie.
Car pour ce qui est dun débat véritable sur le problème essentiel que se posent les militants du Parti communiste aujourdhui, la participation au gouvernement Jospin, il ny en a pas eu. Les thèses du Congrès se contentent daffirmer que ce " choix stratégique " sinscrit dans la durée, sans soumettre à la discussion le moindre bilan de ce gouvernement.
Faire entériner par un congrès fabriqué et acquis davance la part prise par les ministres communistes à la politique anti-ouvrière de Jospin, tel était bien le but de lopération. Cest sans doute ainsi que lont perçue la plupart des militants ou anciens militants du PC : sur les 200 000 adhérents recensés officiellement par le PC, les trois quarts nont pas jugé bon de participer aux consultations de pré-congrès. Pour la plupart dentre eux, comme ils lavaient déjà signifié en refusant de faire campagne pour la liste " Bouge lEurope " aux élections européennes, la rupture est consommée. Cela ne signifie pas pour autant, bien entendu, que ceux qui restent au PC se retrouvent dans la politique de sa direction, mais cest une preuve supplémentaire du besoin que saffirme une autre perspective politique et le cadre militant permettant de la mettre en uvre.
G.T.
Si Robert Hue se défend dentraîner le PC dans une dérive social-démocrate, ce nest pas pour combattre la politique de Jospin, mais pour défendre son propre appareil
Le 30ème Congrès, un " congrès de Tours à lenvers " ? Robert Hue sen est vigoureusement défendu.
En 1920, au Congrès de Tours, congrès de la SFIO, ancêtre du Parti socialiste, une majorité écrasante des militants avaient, en choisissant la voie révolutionnaire, en rupture avec les dirigeants du Parti socialiste qui avaient rallié la bourgeoisie depuis 1914, donné naissance au Parti communiste.
Il est vrai, Robert Hue a raison, que refaire lhistoire, même à lenvers, 80 ans après, na pas grand sens. Le Parti socialiste de lépoque, même après son reniement en 1914 des idées révolutionnaires et internationalistes, navait rien à voir avec le Parti socialiste actuel, devenu depuis longtemps un parti de gouvernement, entièrement dévoué aux intérêts de la bourgeoisie.
Est-ce à dire pour autant, comme le prétend Robert Hue pour répondre à ses opposants, quil ny a pas de " dérive social-démocrate " du PC ? Loin de là, le PC nen est plus au stade de la " dérive ", cest toute sa politique qui est depuis longtemps entièrement social-démocratisée.
Si Robert Hue sen défend avec vigueur et tient tant à létiquette de " communiste ", ce nest certes pas pour combattre la politique de Jospin, cest parce que les dirigeants du PC veulent préserver leurs intérêts dappareil, concurrents de ceux du Parti socialiste.
En Italie, cest lancien Parti communiste qui occupe la place dun parti social-démocrate, dont il a adopté le nom, et qui dirige le gouvernement actuel. En France, cette place est déjà prise par le PS, grâce dailleurs au PC, qui a remis celui-ci en selle au moment de lUnion de la gauche, alors quil était complètement discrédité auprès des travailleurs après avoir conduit les sales guerres coloniales des années 50.
Quant au mot de " communiste ", autant il a pu représenter le lien avec la révolution russe, même défigurée par le stalinisme, pendant une période de lhistoire du mouvement ouvrier, autant aujourdhui, après la disparition de lURSS, qui marque la fin de cette période, il appartient à un passé révolu.
La ligne de démarcation entre révolutionnaires et réformistes, cétait à lépoque du Congrès de Tours, le soutien à la révolution russe, contre laquelle sétaient liguées les grandes puissances impérialistes, avec le soutien des partis sociaux-démocrates. Cétait cela quexprimait le mot communiste.
Aujourdhui, cette ligne de démarcation, cest, dans un contexte où les événements sont plus modestes, lindépendance complète par rapport au gouvernement dont les travailleurs ne peuvent que combattre la politique sils veulent défendre leurs droits.
Que le PC se dise encore " communiste " ou non ne change rien à laffaire.
G.T.
Sans regrets ni remords, ni tartuferie
Que Robert Hue croie bon aujourdhui de se dédouaner du stalinisme, en plaidant pour un " communisme nouveau ", qui le regretterait ? De là à se réjouir, comme la fait Arlette Laguiller, lors du 30ème Congrès, de ce quil garde le nom de " communiste ", cest jouer les dupes.
Adopté en 1920 pour signifier la rupture avec la social-démocratie, ralliée à la bourgeoisie, le nom de " communiste " a gardé un sens tant quil se rattachait à quelque chose détranger à la bourgeoisie, à lURSS, tant quil exprimait lidéal de la révolution doctobre 17 dont elle était issue, la contestation ouvrière.
Que Robert Hue maintienne le nom, quand il se débarrasse complètement de la chose, parce quil veut garder une influence dans la classe ouvrière, prouve quune fraction significative des travailleurs continue à se dire communiste pour affirmer son opposition aux politiciens bourgeois et cest tant mieux. Mais dans quel objectif le fait-il, sinon celui de monnayer cette influence auprès de la bourgeoisie ? Maintenu par Robert Hue, le nom de " communiste " na pas plus de signification que celui de " socialiste ", conservé par Jospin : lun comme lautre ne sont que les masques destinés à tromper les travailleurs pour mieux servir les intérêts bourgeois.
Sil sagit des filiations dont nous nous revendiquons, lun et lautre correspondent à deux étapes de lhistoire du mouvement ouvrier, qui sont révolues.
Alors, si les idées socialistes et communistes gardent toute leur actualité, cest sans regrets quil nous faut choisir un nouveau nom qui, en rompant avec les caricatures passées, exprime les besoins dune période nouvelle, ceux dune démocratie révolutionnaire.
G.T.
En plein essor révolutionnaire,
la naissance du PC :
un tournant dans lhistoire du mouvement ouvrier
La naissance du PC, en France comme dans les autres pays, dans le feu de la vague révolutionnaire qui a déferlé en Russie et en Europe à la suite de la guerre, a représenté une nouvelle étape dans lhistoire du mouvement ouvrier. Elle correspondait à une rupture totale avec les anciens partis sociaux-démocrates qui avaient trahi les intérêts des travailleurs en 1914 en salignant sur la politique impérialiste de leur propre bourgeoisie. Mais elle était aussi une continuité avec le meilleur de ce quétait la IIème Internationale, qui était représentée par un parti, comme le parti bolchevik ou par des dirigeants comme Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. Cette nouvelle étape se faisait à un niveau supérieur. Elle fut lapogée du mouvement ouvrier, avec la prise du pouvoir par les travailleurs en Russie en 1917, et la constitution de la IIIème Internationale (communiste), véritable parti mondial, outil pour la révolution.
En décembre 1920, au Congrès de la SFIO (section française de lInternationale ouvrière, ancêtre du Parti socialiste) qui se tenait à Tours, les ¾ des délégués votèrent les 21 conditions dadmission à la IIIème Internationale qui avait été créée lannée précédente à linitiative des Bolcheviks, donnant ainsi naissance au PC, plus exactement SFIC (section française de lInternationale Communiste). Ils dénoncent le nationalisme et le réformisme, et défendent lindépendance politique de la classe ouvrière face à la bourgeoisie. Les militants communistes font le seul choix qui existe pour défendre jusquau bout les intérêts de la classe ouvrière, cest le soutien à la révolution russe et le combat révolutionnaire pour le renversement de la bourgeoisie à léchelle internationale. Ils ont compris la nécessité dun parti pour vaincre la bourgeoisie. Ils se battent pour la dictature du prolétariat, organisé dans des soviets, qui impose lintérêt général à la minorité exploiteuse. Ils combattent la démocratie bourgeoise, qui nest que le voile de la dictature des trusts.
Les difficultés qui se posent au PC et à lInternationale, cest que beaucoup des ouvriers qui lont rejoint après la guerre sont des jeunes, sans tradition, et que beaucoup des anciens, et surtout les dirigeants, sont marqués par le parlementarisme et lopportunisme. Malgré cela, le PC va gagner la confiance des travailleurs en menant des grèves dures, comme au Havre en 1922. Rosmer, Monatte et beaucoup dautres anarchistes le rejoindront. Cest de cette époque que date limplantation du PC dans la classe ouvrière.
Le PC allait montrer, malgré ces difficultés, quil rompait avec ladaptation à la société bourgeoise que représentait la social-démocratie, et quil combattait son propre impérialisme. En 1923, face à loccupation de la Ruhr par larmée française, en collaboration avec le PC allemand, il mènera une politique antimilitariste dans larmée et de fraternisation entre soldats français et travailleurs allemands. Il aura aussi, en 1925, une politique internationaliste et antimilitariste en organisant des grèves pour soutenir le nationaliste Abd-El-Krim qui, au Maroc, se battait contre limpérialisme français. Pour les élections législatives de mai 1924, il se présenta pour dénoncer le système capitaliste et populariser les perspectives socialistes et défendait lidée dun gouvernement ouvrier et paysan. Il combattait les illusions réformistes que propageait le Bloc des gauches (Parti radical et SFIO). Puis il dénonça leur politique anti-ouvrière au gouvernement.
Cest de son origine et de sa naissance dans leffervescence de la vague révolutionnaire daprès-guerre, ainsi que du combat de ces militants au sein de la classe ouvrière, que le PC doit son implantation ouvrière.
François Laner
La
" lucidité " des dirigeants du PC sur leur
passé :
un nouveau mensonge pour accuser les idées de la révolution
et des bolcheviks des crimes des staliniens dont ils furent eux-mêmes
complices
" Un effort de lucidité critique ", disent les thèses du Congrès à propos du passé stalinien du PC, et dajouter : " en fait les évolutions négatives ont été facilitées, non par la révolution elle-même, mais par une conception historique qui la réduite à la prise du pouvoir dEtat, à la dictature du prolétariat et à létatisation de léconomie ".
Bien sûr quil est besoin de revenir sur ce passé, pour expliquer comment un parti né des besoins révolutionnaires et des espoirs démancipation des travailleurs, de leur révolte et de leurs initiatives, est devenu un appareil doù toute démocratie était bannie, utilisant le dévouement et la confiance de ses militants ouvriers pour des intérêts qui leur étaient étrangers, employant des méthodes dignes de la police pour imposer sa ligne et faire taire la contestation.
Mais sans le dire explicitement, les dirigeants du PC puisent dans larsenal des mensonges de lanticommunisme qui assimile stalinisme et bolchevisme, dictature du prolétariat et dictature tout court. Minimisant la part prise par les dirigeants du PC de cette époque aux crimes du stalinisme, ils font de ce dernier le résultat " derreurs ", ou dun " aveuglement ".
Certes, la dégénérescence des partis communistes en partis staliniens nest pas le produit dune fatalité, mais il nest pas non plus le produit du choix volontaire de quelques individus, pas même de ceux qui ont fait plus que simplement taire ou couvrir ses crimes. Cest le résultat dun rapport de forces, dune défaite des forces révolutionnaires et de la classe ouvrière dans le combat sans merci qui les a opposées, dans le cours des années 20, aux forces de la réaction bourgeoise.
Le stalinisme est le produit de cette réaction bourgeoise, de sa contre-offensive, avec la complicité des partis sociaux-démocrates, et du recul devant elle du mouvement ouvrier à partir de 1920. Lécrasement des révolutions ouvrières en Europe a laissé la Russie révolutionnaire isolée. Les masses épuisées, exsangues après 4 ans de guerre civile, y ont laissé le pouvoir à une bureaucratie devenue linstrument indispensable à lorganisation du jeune Etat soviétique. Bientôt cette bureaucratie, devenue une couche privilégiée, prenant conscience delle-même, na comme seul but que de renforcer ses positions.
Ladoption officielle en 1924 de la théorie de la construction du " socialisme dans un seul pays " par Staline et lInternationale communiste est un reniement des idées qui avaient animé le combat des révolutionnaires en octobre 17. Mais cest en usurpant le prestige de Lénine et des bolcheviks que Staline et la bureaucratie font de lInternationale Communiste et des partis qui la composent des agents de leur politique extérieure, déterminée par les impératifs de leur survie en tant que caste privilégiée en URSS-même. Le PCF, comme tous les autres PC, se soumet à tous les zigzags politiques que cette bureaucratie lui ordonne, sans se soucier des particularités politiques et sociales ni des problèmes concrets des militants de ce pays, zigzags qui correspondent aux virages politiques quelle opère en URSS.
La bureaucratisation du PC a été possible parce que la bureaucratie, profitant du fait que la vague révolutionnaire avait reculé, que les camps sociaux nétaient plus aussi tranchés que durant la période de lessor révolutionnaire, a mis au pas des dirigeants sélectionnés parmi les plus serviles du parti, les plus aptes à défendre la " ligne " du moment imposée par Moscou ; des dirigeants qui, dès 1924, nhésitent pas à exclure les militants, comme Monatte et Rosmer, qui contestaient labandon des idées révolutionnaires ; le parti se transforme en un véritable appareil de carriéristes appointés par Moscou, attachés à leurs privilèges, prêts à utiliser les méthodes les plus brutales, la calomnie, lintimidation, la violence physique jusquà lassassinat contre leurs adversaires, contre les trostkystes. Cette violence, cest ce que Hue appelle les " erreurs " du PC !
Au sein même du Parti communiste, lappareil impose sa politique en pratiquant un chantage permanent à la solidarité avec lURSS, la patrie de la révolution. Cette violence, létouffement de toute démocratie, étaient avant tout lexpression de la contradiction dintérêts entre les membres de lappareil et les militants ouvriers. Cest pourquoi, lorsque lappareil sest intégré à la société bourgeoise, sest social-démocratisé, les murs antidémocratiques, même si elles étaient moins brutales que dans les années 30 à 60, nont pas cessé.
Pendant des années, le stalinisme a gangrené le mouvement ouvrier, étouffant toute démocratie. Aujourdhui, la démocratie ouvrière est une condition qui nous est indispensable pour nous permettre de construire un parti qui ait pour perspective lémancipation des travailleurs par eux-mêmes.
Elle balayera tous les mensonges, dont ceux des ex-staliniens pour se dédouaner de leurs propres crimes.
Léa Robles
Lappareil du PCF a liquidé lorganisation en cellule pour échapper au contrôle de sa base ouvrière
Parmi les mutations prévues au Congrès du PCF, il y a la remise en cause de lorganisation en cellules. Celle-ci est présentée comme un progrès, reposant sur un souci de plus grande démocratie, et de " la primauté de ladhérent ". Ainsi dorénavant, on pourra adhérer au PCF sans être forcément membre dune cellule. A côté des cellules seront mis en place des " lieux d'activité et de proximité ", baptisés " espaces-citoyens ", ouverts aux non-communistes. Comme lont rappelé les opposants à Hue, ce nest que la première étape de la liquidation des cellules, dans quelques mois un Congrès exceptionnel devrait entériner cette réorganisation par une modification des statuts du PCF, le transformant en un parti social-démocrate, dont les militants ne seront sollicités, comme cest le cas dans les autres partis, que pour assurer lélection de notables.
La direction met en avant la disparition naturelle ou le mauvais fonctionnement de cellules. Mais si les cellules fonctionnent mal, cest surtout parce quil y a un énorme décalage entre les aspirations des militants et la politique défendue par la direction et relayée par lappareil. Ainsi, nombre de secrétaires de cellules ne sont certainement pas très motivés pour réunir des cellules et y défendre la politique des camarades ministres face à des militants qui, dans les entreprises, la combattent !
En réalité, Robert Hue veut surtout se débarrasser de la pression quexerçait la base militante ouvrière, dont le seul moyen de peser est précisément lorganisation en cellules, de quartiers et plus encore dentreprises. Lorganisation en cellule était la traduction organisationnelle de la volonté du jeune Parti communiste de rompre avec ladaptation passive de la social démocratie à la société bourgeoise, en donnant aux militants ouvriers un cadre démocratique dans lequel se réunir pour discuter, à partir de leur activité quotidienne, de la politique de leur organisation. Il y a bien sûr longtemps que la politique du PCF nest plus élaborée par ses militants ouvriers, et que les cellules ont pour beaucoup dépéri.
Dans un parti qui combat, à la différence du PC, pour lémancipation des travailleurs par eux-mêmes, lorganisation de militants autour de leur lieu de travail, dans les entreprises, est une condition indispensable pour que la politique de ce parti soit lémanation des préoccupations et de lactivité des travailleurs.
C.M.
En affirmant sa volonté de devenir un parti de gouvernement comme les autres, le PCF va jusquau bout du reniement de ses origines révolutionnaires
Le PCF est au gouvernement depuis 1997. Ce nest pas la première fois, il a déjà eu des ministres en 1945 et en 1981. Les dirigeants du PCF mettent en avant les progrès sociaux quaurait permis la participation de leurs ministres au gouvernement, en particulier, dans laprès-guerre, pour la justifier. Mais cette participation de ministres " communistes " à des gouvernement de la bourgeoisie est un reniement de tout ce que le PC avait défendu à sa naissance. Formé en rupture avec ladaptation des vieux partis socialistes à la société bourgeoise, le PCF, devenu stalinien, sest à son tour intégré au jeu des institutions bourgeoises, tournant le dos à la défense des intérêts du monde du travail. Les ministres communistes ont toujours servi à faire accepter au monde du travail la politique anti-ouvrière des gouvernements dont ils faisaient partie, même si le PC a mis du temps, de par ses origines, à devenir un parti gouvernemental comme les autres.
Issu du mouvement ouvrier révolutionnaire, le PC défendait à lorigine lidée quun parti ouvrier ne peut pas participer à un gouvernement au service de la bourgeoisie sans renier son camp. Bien sûr, il doit utiliser toutes les possibilités offertes par la démocratie parlementaire, et se saisir de toutes les occasions davoir des élus. Mais il sagit davoir des élus pour se servir des parlements comme dune tribune, pour dénoncer du point de vue des travailleurs la politique de la bourgeoisie, des représentants des travailleurs ne se soumettant quà leur contrôle, et non des ministres pour gérer au gouvernement les affaires de la bourgeoisie en devenant les otages dune politique tournant le dos aux intérêts de la classe ouvrière. Cest ce que toute lexpérience du mouvement ouvrier a montré et cest ce que le PC défendait du moins jusquen 1934.
En soutenant la défense nationale le PCF se fait le défenseur des intérêts de la bourgeoise française
Face au danger de lAllemagne nazie, Staline cherche à partir de 1934 des alliés du côté des démocraties bourgeoises comme la France et lAngleterre. En 1935, cest le pacte Laval-Staline, un pacte dassistance mutuelle signé entre la France et lURSS. Désormais pour le PCF, il ny a plus dun côté lURSS, lEtat des ouvriers et de lautre les Etats défenseurs des classes dominantes, mais des pays démocratiques et des pays fascistes. Le PCF qui jusque là avait toujours combattu au nom de linternationalisme, le nationalisme, la politique coloniale et le militarisme de lEtat français, se fait désormais le champion de la défense nationale. Il ne se place plus sur le terrain de la défense des intérêts des travailleurs, mais sur celui des intérêts de la France, donc de la bourgeoisie ! La Marseillaise et le drapeau tricolore côtoient désormais lInternationale et le drapeau rouge !
Quant à partir de 1934, la classe ouvrière se mobilise ouvrant la perspective dune nouvelle crise sociale profonde, le PCF devient pour la première fois un véritable parti de masse, vers lequel se tournent toutes celles et tous ceux qui, dans les plus larges fractions de la classe ouvrière, séveillent à la politique. Mais cette influence nouvelle, le PCF ne lui donne pas dautre perspective quun accord électoral : le Front Populaire quil constitue en1935 avec la SFIO et le parti radical.
Les élections de 1936 sont un succès mais le PCF nentre pas au gouvernement pour ne pas effrayer le patronat. Face à la vague de grèves qui éclate en juin 36, le patronat doit reculer en lâchant les congés payés et la semaine de 40 heures. Cest largement insuffisant aux yeux des 3 millions de grévistes qui continuent à occuper les usines, mais le PCF met tout son poids pour faire reprendre le travail, Thorez déclarant alors : " il faut savoir terminer une grève ".
En 36, le PCF a fait ses preuves aux yeux de la bourgeoisie, pour la première fois il sest ouvertement rangé de son côté contre la classe ouvrière, la désarmant au moment où elle entrait en lutte ouverte contre lordre social, dernier espoir de mettre fin à la marche à la guerre.
En 45, le PC au gouvernement pour faire retrousser les manches aux travailleurs
Aujourdhui le PCF présente sa première participation dans un gouvernement en 1945, à la Libération, comme un grand progrès qui aurait permis la mise en place de la Sécurité sociale et des nationalisations. Mais si la bourgeoisie remet aujourdhui en cause les deux, ce nétait à lépoque que des concessions faites à la classe ouvrière pour lui faire accepter lessentiel, la remise en place, après la guerre et loccupation allemande, du même Etat et ordre social bourgeois. Et cest pour jouer le rôle du contremaître que le PCF a été appelé par De Gaulle au gouvernement daprès-guerre.
En 1945 à Yalta, les grandes puissances et lURSS se sont partagé le monde en zones dinfluence pour y garantir lordre contre les peuples au moment de leffondrement de lAllemagne et de ses alliés. Cest dans ce cadre que le PCF entre au gouvernement. Il sagit pour De Gaulle de sassurer lappui du PCF qui est alors le premier parti de France avec 25 % de lélectorat, pour imposer à la population tous les sacrifices de la remise en route de léconomie au profit des patrons.
Au nom de " la bataille de la production ", le PCF combat les grèves, " larme des trusts ", appelle à faire toujours plus defforts, à travailler toujours plus alors que règne encore le rationnement.
La colère monte parmi les travailleurs et des grèves éclatent dès 1947. Craignant dêtre débordé sur sa gauche, le PCF choisit de quitter le gouvernement. La bourgeoisie sent alors que son pouvoir sest stabilisé, elle na plus besoin du PCF. Alors que commence la guerre froide, à linitiative de limpérialisme qui veut reprendre le terrain conquis par lURSS, le PCF se retrouve renvoyé dans lopposition pour longtemps
1981-1984, le PC de retour au gouvernement pour cautionner la politique daustérité de la gauche
Le PCF a attendu 35 ans avant de pouvoir revenir dans un gouvernement en 81. Pendant toutes ces années, il na cessé de faire des gestes pour montrer quil était prêt à y reprendre toute sa place. Il a apporté son soutien, le plus souvent en vain, à tous les politiciens qui pourraient lui ouvrir la porte dun ministère. En 1954, le PCF soutient Mendès France qui mène la guerre en Indochine puis, en 1956, à Guy Mollet qui intensifiera la guerre en Algérie. En 1965, le PCF soutient François Mitterrand, ce vieux politicien passé par tous les ministères. En 1971, Mitterand, qui a réalisé une OPA sur le PS, accepte le soutien du PC. Cest, à partir de 1972, lUnion de la gauche, nouvelle alliance électorale entre le PCF, le PS et les Radicaux de gauche. Cest ouvertement que Mitterrand explique quil fait le pari de se servir du PCF comme dun tremplin, tout en laffaiblissant au détriment du PS. Et cest bien ce soutien du PCF, faisant de Mitterrand le champion de la gauche, qui lui permet dêtre élu en 1981, alors que le PC ne fait plus que 15 % des voix. Fort de la majorité absolue qua le PS, Mitterrand fait appel à 4 ministres communistes, qui ont pour rôle à ses yeux de faire accepter la politique daustérité du gouvernement dUnion de la gauche. Cest la multiplication des plans sociaux dans les mines, lautomobile ou la sidérurgie, qui entraîne lexplosion du chômage, cest le blocage des salaires en 1982, le forfait hospitalier. En 84, le gouvernement peut se vanter davoir réconcilié la Bourse avec le socialisme. Face à ces attaques, le PCF fait pression par lintermédiaire des appareils syndicaux pour quaucune réaction ouvrière ne soit possible, contribuant à démoraliser nombre de ses militants. Finalement, en 84, affaibli électoralement, il quitte le gouvernement, sous la pression de son appareil, de ses élus qui craignent de perdre leur postes !
1997, le PCF achève sa mutation en un parti gouvernemental
Malgré tous les gestes politiques quil a pu faire, le PCF ne pouvait pas être, pour la bourgeoisie, un parti gouvernemental comme les autres, à cause de ses liens avec lURSS, mais surtout de son influence militante dans les secteurs les plus combatifs du monde du travail. Ses liens avec lURSS se sont peu à peu distendus depuis la mort de Staline en 1953, même s'il les a réaffirmés en soutenant lintervention soviétique en 1956 en Hongrie et en 1979 en Afghanistan. Cest leffondrement de lURSS en 1989 qui a définitivement réglé la question.
Mais ce qui fait aussi du PCF un parti à part pour la bourgeoisie, ce sont les centaines de milliers de travailleurs qui sont organisés autour de lui. Cette implantation ouvrière a longtemps exercé une pression sur sa direction. Car le PCF a besoin de cette influence pour pouvoir prouver à la bourgeoisie quil est capable de contrôler et de maintenir les mouvements sociaux dans un cadre qui ne remette pas en cause lordre établi. Cest dailleurs la crainte de perdre cette influence qui a conduit le PCF à quitter le gouvernement en 1947 mais aussi en 1984. Cette fois-ci, il ne lui était plus possible denrayer le recul, et cest pour survivre, prêt à abdiquer de tout, quen 1997, il devint, pour trois postes de ministres, la cheville ouvrière du gouvernement Jospin !
Cest donc la troisième fois que le PCF est au gouvernement. Comme après 81, il a tourné le dos à tout ce quil défendait. Ainsi, il appuie les privatisations quil avait toujours dénoncées. Il sest rallié à lEurope alors quil avait fait de Maastricht son cheval de bataille. Bien sûr, la présence du PCF au gouvernement, cest pour Jospin la possibilité dutiliser linfluence quil conserve dans les milieux militants pour maintenir un certain calme social. Ainsi, le PCF peut appeler à manifester le 16 octobre " pour lemploi ", tout en participant au gouvernement dont la politique contribue à laugmentation de la précarité ! Mais Robert Hue peut expliquer quil faut avoir un pied dans le gouvernement et un pied dans le mouvement social, les choses sont claires, le PCF participe sans réserve à la politique ouvertement libérale du gouvernement Jospin.
Après trois ans de gouvernement, le recul électoral nen finit pas. Et ne laisse dautre issue que de saccrocher à Jospin. La mutation, la modernisation du PCF, nont dautre but que de faire accepter aux militants et sympathisants du Parti communiste lintégration de leur parti à la gauche plurielle gouvernementale. Une opération de mystification bien difficile, car nombre de ses militants, écurés, ne se reconnaissent plus dans la politique de leur direction.
Ce qui est nouveau, cest que la direction du PCF na plus dautre choix possible que de tourner le dos à sa base militante, pour aller jusquau bout dune évolution qui fait du PCF un parti social-démocrate comme le PS dont lappareil, indépendant et insensible aux pressions des militants, ne sert que de tremplin pour des carrières de politiciens.
Charles Meno
Sous sa forme social-démocrate ou stalinienne, le réformisme est failli !
Les dirigeants du Parti communiste nous disent aujourdhui quil nest possible de peser sur les événements quen participant au gouvernement. Ils opposent cette attitude " responsable " à une attitude passée, celle dun parti " protestataire " dénonçant les méfaits de la société capitaliste mais qui, en refusant de participer au gouvernement, se serait privé de toute possibilité de mettre ses idées en pratique.
Mais il est de plus en plus difficile aux dirigeants du PCF dexpliquer à leurs militants et à lensemble des travailleurs en quoi leur participation au gouvernement peut avoir quelque chose de positif pour le monde du travail. Il ne leur est plus possible aujourdhui de dire que " le gouvernement doit faire plus ", quil doit " faire mieux " en isolant telle ou telle mesure censée être favorable aux travailleurs. Car cest lensemble des mesures prises par le gouvernement actuel ou par ses prédécesseurs qui sont des attaques en règle : attaques sur les salaires, sur les retraites, privatisations, toutes les mesures gouvernementales sinscrivent dans la guerre que mène le patronat au monde du travail pour diminuer " les coûts de production " et " moderniser la vie économique ", cest-à-dire remettre en cause toutes les protections statutaires ou les avantages quavaient pu acquérir les travailleurs au cours des décennies passées.
Il ny a plus aujourdhui " de grain à moudre " comme le disaient les syndicalistes de la période des " Trente glorieuses ", pendant lesquelles lexpansion économique, régulée autant quelle peut lêtre en système capitaliste par lintervention de lEtat, offrait une marge de manuvre aux gouvernements en place. Lépoque où il était possible de faire croire à un capitalisme capable doffrir une perspective davenir à lensemble de la société est révolue. Contrairement à ces décennies daprès-guerre, il nest plus possible aujourdhui de laisser penser que les enfants auront une meilleure vie que leurs parents. Cest bien le contraire : chacun mesure aujourdhui le décalage qui existe entre les déclarations de bonne santé de léconomie et la dégradation de la situation sociale. Car dans la période de libéralisme impérialiste que nous vivons depuis la fin des années 80, lexpansion économique se nourrit de la paupérisation croissante dune large fraction du monde du travail et dune détérioration des conditions de travail et de rémunération du plus grand nombre. Les capitalistes font pression sur lEtat pour quil réduise les dépenses étatiques concernant le fonctionnement des services collectifs indispensables à la vie sociale. Ils exigent de lEtat quil diminue les effectifs de la Fonction publique. Et les gouvernements, quils soient de droite ou de gauche, se plient à cette politique.
Il ny a plus de base matérielle qui permette dentretenir lespoir dune amélioration de la situation. La loi Aubry a été le symbole de cette politique : masquer derrière une revendication qui fut pendant des années celle des travailleurs les 35 heures une attaque en règle contre les conditions de vie et de travail, contre les salaires. Si le tour de passe-passe du gouvernement avec laide des syndicats et des partis de la gauche plurielle , a pu entretenir quelque temps des illusions, aujourdhui, la multiplicité des conflits portant sur lapplication de la loi Aubry montre que les travailleurs ne se laissent plus abuser par des discours et quils nacceptent plus cette réalité.
Le conflit des enseignants a montré quau cur même de lélectorat de gauche, les partis socialiste et communiste ne parvenaient plus à faire taire le mécontentement, quils ne parvenaient plus avec la même efficacité que par le passé à paralyser les luttes en jouant de réflexes de solidarité avec les partis au pouvoir, en cultivant lillusion que leur action au gouvernement pourrait améliorer la situation.
Trois ans de gouvernement de gauche plurielle sajoutant aux expériences des années 80 et 90 convainquent de larges fractions du monde du travail que ce nest pas en soutenant le gouvernement quils pourront améliorer leur sort ou échapper aux attaques du patronat. Lentrée en lutte de fractions importantes des salariés montre que ces illusions volent en éclats. Si le monde du travail reprend confiance en lui, pèse sur les événements, contraint partis et gouvernement à se déterminer par rapport à ses exigences et à ses luttes, les masques tombent et les illusions senvolent. Les partis réformistes, quils soient dorigine social-démocrate ou stalinienne apparaissent pour ce quils sont : les défenseurs dun système social injuste qui ne peut se survivre quen écrasant le monde du travail et les instruments gouvernementaux de la lutte du patronat contre les salariés, les chômeurs et les jeunes.
Jean Kersau
La création dun Parti démocratique et révolutionnaire des travailleurs est à lordre du jour
Au Congrès de Martigues, les dirigeants du Parti communiste ont affirmé que leur parti est un parti de gouvernement comme les autres, même sil maintient dune manière symbolique son étiquette communiste, vidée de tout sens contestataire. Hue tourne ainsi la page de toute une période de lhistoire du mouvement ouvrier. Il nest plus désormais quun supplétif du Parti socialiste, marchandant auprès de lui linfluence quil garde sur une fraction de lélectorat populaire.
Pendant des décennies en effet, le Parti communiste a exercé son hégémonie sur le monde ouvrier. Toute forme dopposition à sa politique, tant sur le plan politique que syndical, était brutalement dénoncée et les militants révolutionnaires étaient calomniés et privés de toute possibilité de débattre et de discuter avec les militants et le milieu du Parti communiste.
La venue du Parti communiste au pouvoir en 81, la brutalité des attaques antiouvrières de la période libérale, ont remis en cause bien des illusions que les travailleurs pouvaient avoir sur le PC et sa politique, comme sur le capitalisme. La chape de plomb quil faisait peser sur la classe ouvrière sest soulevée. Les révolutionnaires ont pu affirmer leurs idées plus largement, le fossé sciemment creusé par les dirigeants du PC entre leurs militants et toutes les forces dextrême-gauche sest en grande partie comblé. Il nest plus possible aujourdhui de maintenir les exclusives, dempêcher toute discussion, de discréditer les révolutionnaires par lusage systématique de la calomnie. Ce nest pas que Hue et les dirigeants du PC soient plus démocratiques que leurs prédécesseurs il savent à loccasion recourir aux bonnes vieilles méthodes dantan , mais il ne leur est politiquement plus possible dagir ainsi de façon systématique : ils nen ont plus la force.
Durant cette période, les révolutionnaires, divisés, ont été marginalisés dans la classe ouvrière, dont une partie éprouvait de la sympathie pour leurs idées et leurs militants, mais faisait largement confiance aux partis de gauche et notamment au PC, et se reconnaissait dans les perspectives tracées par lUnion de la gauche.
Etablir des liens de solidarité militante avec les militants du PC, entamer avec eux débats et discussions, a toujours été la préoccupation des révolutionnaires et notamment du courant trotskiste, mais faute davoir par eux-mêmes la force de mener la politique quils jugeaient indispensable pour la classe ouvrière, cette préoccupation les a souvent conduits à se situer par rapport au PC et à lui prodiguer critiques ou conseils.
Aujourdhui, cette préoccupation demeure dans une situation qui a profondément changé. Le PC nest plus hégémonique dans la classe ouvrière. Et cest tant mieux, dautant que son affaiblissement saccompagne dun renforcement du courant révolutionnaire. Il est significatif que les succès électoraux de lextrême-gauche essentiellement dus à Lutte ouvrière aient coïncidé aux Présidentielles de 95 avec un renouveau des luttes marqué notamment par le mouvement de décembre 95. Cette affirmation de lextrême-gauche sest dabord faite sur le plan électoral. Aux Européennes, dans beaucoup de villes ouvrières, la liste LO-LCR a dépassé celle du PC. Mais la présence de lextrême-gauche se traduit aussi par lintervention de ses militants dans les luttes, souvent au coude à coude avec les militants ou danciens militants du PC. A travers ces luttes comme à travers lintervention quotidienne dans les entreprises, se tissent des liens militants de confiance et de discussion, se créent les bases matérielles et humaines de la création dun parti des travailleurs révolutionnaires.
Très longtemps, lextrême-gauche sest donné comme perspective de recruter des militants du PC, de les gagner au combat et aux idées des révolutionnaires. Elle sest adressée de façon spécifique à ces militants, et souvent même à certains de leurs dirigeants, pensant les gagner au combat et aux perspectives des révolutionnaires. Cette démarche était le reflet dun sentiment dimpuissance des révolutionnaires à assumer par eux-mêmes les tâches de construction dun parti capable de défendre les intérêts du monde du travail. Cette perspective, affirmée par Arlette Laguiller au soir des élections présidentielles de 95, a été vite abandonnée. Malgré de nouveaux résultats électoraux traduisant lexistence stable et significative dun courant électoral qui se reconnaît dans lextrême-gauche, les révolutionnaires hésitent encore à affirmer leur politique et leurs perspectives, à se donner, en unifiant leurs forces dans un cadre large et démocratique, les moyens organisationnels de créer un parti révolutionnaire.
Ce parti ne peut évidemment exister sans quune partie des militants, des anciens militants, du milieu influencé par le Parti communiste, le construise aux côtés des révolutionnaires. Mais nous ne pouvons les convaincre de partager cette perspective que si nous sommes capables de montrer que nous avons une politique, des perspectives pour lensemble de la classe ouvrière, que si nous nous plaçons dores et déjà dans la perspective de créer ce parti qui lui fait défaut. La ligne de clivage pour sa construction est évidente : cest la lutte contre la politique du gouvernement, contre les attaques du patronat, ce sont les perspectives tracées par le plan durgence défendu par Arlette Laguiller et Alain Krivine aux élections européennes.
Les luttes que mènent aujourdhui les salariés pour reconquérir les positions perdues et auxquelles les militants dextrême-gauche sont intimement mêlés, auront raison des hésitations dun passé où lextrême-gauche devait sans cesse affronter la violence stalinienne. Celle-ci na pas eu raison de nous et aujourdhui le renouveau du mouvement ouvrier qui sopère rejettera les scories du stalinisme pour semparer des idées qua maintenues envers et contre tout la minorité dextrême-gauche, redonnant au socialisme et au communisme leur contenu, celui de la lutte pour lémancipation des travailleurs par eux-mêmes, celui dune démocratie révolutionnaire.
J.K.