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 Zimbabwe : une situation explosive dont le colonialisme et l’impérialisme sont responsables

Depuis le mois de février, des dizaines de milliers de Noirs occupent les terres des riches fermiers blancs du Zimbabwe. Cela a provoqué l’indignation d’une partie de la presse et des gouvernements des pays riches. Pas parce que ces occupations ont fait une dizaine de morts, ni parce que le dictateur en place, Mugabe les encourage en espérant sauver son régime de plus en plus contesté, mais bien plutôt parce que des pauvres osent s’en prendre à la sacro-sainte propriété privée de quelques riches privilégiés.

Les " squatters " expli-quent : " ces terres appartenaient à nos ancêtres avant la colonisation, aujourd’hui elles nous reviennent de droit ". Et rien n’est plus vrai.

Toute l’histoire de cette région est celle du pillage des terres arables et des ressources minières par une minorité de blancs réduisant à la misère la population africaine.

Au temps du colonialisme, le pays s’appelait la Rhodésie du nom de Cécile Rhodes qui s’était, à titre privé, accaparé toute la région avec l’accord de l’Angleterre. Sa compagnie privée avait alors tous les pouvoirs, confisquant les meilleures terres aux populations noires pour les distribuer à la centaine de milliers de colons blancs venus d’Europe.

Quand, face à la révolte des peuples, la plupart des empires coloniaux se sont effondrés, les colons blancs se sont autoproclamés " République indépendante de Rhodésie " en 1965 et ont mis en place un régime d’apartheid renforçant la ségrégation raciale. Cette dictature raciste a mené pendant 15 ans une véritable guerre contre la population noire et les partis nationalistes dont celui de Mugabe qui a fait 20 000 morts et 230 000 réfugiés dans les pays voisins.

Finalement en 1980, face à la révolte de la population qui ne désarmait pas et sous la pression des grandes puissances qui craignaient de voir la révolte s’étendre, ce régime d’apartheid a pris fin, donnant naissance au Zimbabwe, où des élections ont porté le parti de Mugabe au pouvoir.

En 1980, 6 000 colons d’origine européenne possédaient autant de terres que 600 000 familles africaines. Vingt ans plus tard, 4 500 fermiers blancs possèdent encore les deux tiers des terres arables locales et emploient 350 000 travailleurs agricoles noirs. Bref rien n’a changé, car le régime sorti de cette indépendance, avec l’aval des grandes puissances, était le résultat de laborieuses négociations qui visaient à garantir aux 100 000 blancs restés au Zimbabwe leurs privilèges et aux trusts européens et américains exploitant les richesses minières et agricoles leurs profits.

Aujourd’hui, le Zimbabwe est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, mais il y a en réalité deux Zimbabwe : pour la population noire la situation n’a cessé de s’aggraver, surtout qu’à cause de sa dette le pays est soumis au FMI et à la Banque Mondiale qui imposent des mesures drastiques contre la population. L’inflation atteint 60 % par an, le chômage dépasse les 50 % et 25 % de la population adulte est atteinte du SIDA. La minorité blanche, elle, a préservé tous ses privilèges, vivant dans un monde à part, dominant les principaux secteurs de l’activité écono-mique : tabac, mines, banques, agriculture. Et la petite minorité de dignitaires du régime qui ont rejoint cette minorité blanche n’a en rien changé la situation de la population !

Aussi ces dernières années, les manifestations de colère et les mouvements de grève se sont multipliés contre la misère et la dictature de Mugabe. En reposant le problème de la réforme agraire, celui-ci essaie de sauver son pouvoir et d’obtenir l’aide de l’Angleterre qui craint la déstabilisation de la région. Car il n’y a pas qu’au Zimbabwe que la répartition des terres héritée du colonialisme crée une situation explosive. Dans toute la région, les populations noires restent dans la misère alors que les terres restent entre les mains d’une minorité et le Zimbabwe pourrait faire exemple.

Charles Meno

 

La démission de d’Alema : quand les travailleurs se détournent d’un ex-communiste italien qui menait la politique… de Jospin

Massimo d’Alema a démissionné de son poste de Premier ministre après l’échec de la coalition gouvernementale aux élections régionales battue par la droite de Berlusconi et ses alliés d’extrême-droite. D’Alema a perdu les élections parce que le crédit qu’il avait auprès de l’électorat populaire et des salariés s’est effrité en 18 mois. Beaucoup de travailleurs ne sont pas allés voter pour lui et lui ont fait payer sa politique antiouvrière.

D’Alema a été le principal artisan de la " mutation " du PCI. Le plus grand parti d’Italie (jusqu’à 34,4 % des voix aux Régionales de 76 et de très nombreux postes au niveau des communes et des régions) se proclamait au Congrès de 86 l’équivalent du Labour britannique et du Parti social-démocrate allemand, adhérait dans la foulée à l’Internationale Socialiste. En 91, le PCI éclatait en une forte majorité, le PDS (de la Gauche Démocratique) et une minorité, le PRC (de la Refondation Communiste) qui voulait continuer à se dire communiste.

Il a fallu pour que d’Alema parvienne au pouvoir qu’il fasse ses preuves. Après la débâcle du Centre gauche en 93, puis le discrédit de Berlusconi qui n’a pu rester que quelques mois au pouvoir, c’est autour du PDS que s’est faite une nouvelle majorité de centre-gauche avec notamment les politiciens socialistes qu’il remettait en selle et même des transfuges de la droite comme Romano Prodi. Le PC maintenu (PRC) soutenant cette coalition. Le PDS avait même la délicatesse de ne pas demander pour lui, malgré son poids, la Présidence du Conseil, se contentant de soutenir, avec ses ministres, Romano Prodi dans sa politique résolument anti-ouvrière.

C’est le retour dans l’opposition du petit PRC qui faisait tomber Prodi et permettait à D’Alema d’arriver au pouvoir… pour continuer de plus belle la politique de Prodi !

Le successeur de d’Alema est d’Amato, prévenu de sa nomination alors qu’il représentait l’Italie en tant que ministre des Finances à la réunion de Washington du FMI et de la Banque mondiale. Tout un symbole. Dans les années 80, il a participé au gouvernement qui remit en cause l’échelle mobile des salaires, puis, devenu chef du gouvernement, il a opéré des coupes sombres dans les dépenses publiques, engageant un programme de privatisations et remettant en cause le système de retraites des travailleurs italiens.

C’est dire que le gouvernement de d’Alema cède la place à un gouvernement qui va poursuivre et accentuer les attaques menées contre les travailleurs italiens, ouvrant ainsi la voie à Berlusconi et à ses alliés qui attendent avec impatience que leur heure vienne. Une évolution que seuls les travailleurs italiens peuvent entraver en s’opposant aux attaques menées contre eux.

Sarah Leroy

 

Tunisie : " notre ami Ben Ali ", les hommes de main de l’impérialisme français à l’œuvre

Avec la grève de la faim du journaliste Taoufik Ben Brik, la presse laisse filtrer quelques informations sur la dictature imposée par le régime tunisien. La lutte de ce journaliste pour obtenir le passeport qui lui a été retiré afin de l’empêcher de voyager ainsi que le droit d’écrire, met sur la place publique les méthodes dictatoriales du régime tunisien et dévoile la solidarité des dirigeants politiques de l’Etat français à l’égard de son ancienne colonie.

Le parcours de Ben Ali, " président " tunisien, parle de lui-même : entré dans l’armée tunisienne constituée après l’indépendance - pour laquelle il n’a pas lutté - Ben Ali fait partie de la première promotion de sous-officiers formés par l’armée française pour aider le jeune Etat tunisien à construire son appareil d’Etat. Il sait se placer et " bénéficie " d’une formation au " renseignement " aux Etats-Unis. Ce flic fait alors carrière : flicage des universités, mise en place de camps " disciplinaires " dans le désert pour étudiants contestataires, puis diplomate, avant de devenir le premier flic du pays en faisant tirer sur une manifestation organisée par les syndicats le 26 janvier 1978, répression qui fait une centaine de morts et une foule de blessés. En 1984 éclatent les " émeutes de la faim " contre la misère et le chômage dont une partie de la population et notamment la jeunesse rendent responsable le parti de Bourguiba, au pouvoir depuis l’indépendance. Les islamistes, seule force politique qui apparaît comme indépendante du régime, alors que les autres partis forment une opposition d’opérette, commencent à tenter de récupérer la révolte de la jeunesse. Ben Ali est toujours là pour organiser la répression : au nom de la lutte contre l’intégrisme, il met en place un régime de plus en plus policier, transformant la Tunisie en caserne. Dernière étape, en novembre 1987, il fait déclarer le vieux Bourguiba médicalement " dans l’incapacité absolue d’exercer les charges de président de la République ", et prend le pouvoir " avec l’aide du Tout-Puissant ".

La " révolution de jasmin ", comme la qualifient dans des livres à sa gloire ses larbins appointés, c’est la généralisation de la corruption, le clientélisme qui profite des privatisations, la systématisation de la torture contre les militants, les jeunes soupçonnés de sympathie envers les islamistes ou l’extrême-gauche, la mise au pas des syndicats. Avec ces méthodes, Ben Ali se fait élire avec plus de 99 % des votes exprimés. Ben Ali fait ovationner Mitterrand et les dirigeants socialistes venus féliciter la " démocratie " tunisienne en 1989 et en 1991. En 1995, c’est au tour de Chirac, chaperonné par Séguin, ami de Ben Ali, de couvrir de louanges " l’homme d’Etat qui incarne la Tunisie nouvelle", et d’annoncer le doublement de l’aide financière à la Tunisie.

L’impérialisme français s’accroche à cette ancienne colonie, la donnant comme l’exemple d’une voie de développement démocratique en lien avec l’ancienne puissance coloniale. Les politiciens mettent en avant un développement économique supérieur à celui de ses voisins du Magreb malgré l’absence de pétrole, une situation juridique des femmes un peu améliorée, la répression policière contre l’intégrisme servant de caution au caractère soi-disant démocratique du régime. La Tunisie représente moins de 1 % des exportations de l’Union européenne, mais en dépend pour les trois-quarts de ses importations et de ses exportations. La croissance a été relativement élevée entre 1988 et 1998 avec environ 4 % annuels avec un taux de chômage officiellement de 15,6 % de la population, plus vraisemblablement autour de 20 % et pour les jeunes, entre 25 et 30 %. Pour une population de 9 millions d’habitants, la Tunisie reçoit environ 4,5 millions de touristes, vu les prix pratiqués, et ce secteur qui représente l’essentiel des rentrées du pays, emploie 20 % des travailleurs. L’industrie la plus développée, celle du textile, souvent suite aux délocalisations est de plus en plus concurrencée par le plus faible coût de la main d’œuvre des pays d’Europe centrale ou des pays asiatiques, surtout dans la production des produits manufacturés pour les nouvelles technologies. Quant à la situation des femmes, si elles ont conquis, par leur place dans la lutte anti-coloniale en 1957 un statut juridique incomparable avec celui des pays voisins, elles restent discriminées dans certains domaines, mais surtout la situation est intenable pour les mères célibataires et les femmes, parentes des militants poursuivis par le régime sont les premières victimes des violences policières et des instruments de chantage sur leurs proches.

Seguin, politicien de droite, symbolise bien le cynisme des différents politiciens lorsqu’il déclare : " parler de démocratie et vouloir les mêmes systèmes, y compris dans les endroits où vous avez des majorités d’analphabètes et de gens qui crèvent la faim, c’est faire fi de ce que la citoyenneté est la condition de la démocratie ", en conséquence de quoi il faut " laisser le temps " à la Tunisie " de construire son propre modèle ".

Isabelle Cazaux