Un euro faible parce quorphelin dun Etat : un atout pour les travailleurs
A près de 0,9 dollar pour un euro, la valeur de la monnaie unique européenne na cessé de baisser ces dernières semaines, et ce, même après que la Banque centrale européenne ait relevé le 27 avril son taux directeur dun quart de point, pour tenter denrayer sa chute. Leuro a perdu plus de 25 % de sa valeur depuis son lancement en janvier 99, et 12 % depuis le début de lannée 2000. Le refrain des dirigeants de la Banque centrale européenne - " leuro a un fort potentiel dappréciation " - semble tenir de la méthode Coué tant il est inefficace. Quant à la hausse de ses taux par la BCE, la quatrième depuis novembre 99, elle na pas plus deffet, les investisseurs continuent à vendre de leuro, parce quils en anticipent une baisse plus importante.
Au point que certains commencent à parler dune faiblesse " structurelle " de leuro et envisagent même lhypothèse que larrivée de leuro en billets et en pièces prévue pour 2002 soit reportée, voire carrément compromise.
Un euro fort serait une monnaie forte contre les travailleurs
Depuis son lancement, la baisse de leuro sest faite par paliers successifs qui ont à chaque fois coïncidé avec des crises ou des soubresauts politiques dans lun ou lautre des pays de la zone : démission du ministre allemand de lEconomie Lafontaine, démission de la Commission européenne suite aux scandales révélant la corruption de ses membres, démission de Strauss-Kahn mis en examen, arrivée de lextrême-droite autrichienne au gouvernement, et tout récemment remaniement gouvernemental en France, démission du chef du gouvernement italien et mise en examen du gouverneur de la Banque de France, Trichet.
Ces crises sont toutes, à un degré ou à un autre, lexpression des difficultés des gouvernements européens à imposer au monde du travail la politique libérale exigée par les trusts et la finance, les " réformes " style Jospin qui sont nécessaires à la " croissance ", croissance des profits reposant sur lextorsion aux travailleurs dune part toujours plus importante des richesses quils produisent.
Tous les gouvernements européens, quelle que soit leur couleur politi cienne sont tout dévoués à ces exigences libérales, mais de là à pouvoir les mettre en uvre, il y a une marge, celle de la résistance des populations. Les partis au pouvoir se discréditent très rapidement, lalternance ne fonctionne plus parce quil ny a plus quune seule politique pour des gouvernements de la bourgeoisie, le libéralisme, et cette situation mine leur stabilité, quelle se traduise par la remontée de la contestation sociale et politique comme en France, ou à lopposé, comme en Italie, par la menace dune extrême-droite renforcée par la démoralisation qua entraînée dans les rangs du monde du travail la politique dun gouvernement dirigé par lancien Parti communiste.
Cest pourquoi les chefs de gouvernements et ministres, qui parlent dune seule voix dans les sommets européens pour y défendre des projets de réformes sattaquant aux droits des travailleurs ou la nécessité de la réduction des dépenses publiques, sont beaucoup moins sûrs deux dans leur pays, où ils risquent de susciter les réactions des travailleurs ou dencourir une impopularité nuisible à leur carrière.
Et cela ninspire guère confiance aux investisseurs.
Or une monnaie forte, cest une monnaie qui inspire confiance aux financiers, celle dune économie " saine " du point de vue capitaliste, cest-à-dire la plus compétitive, où les travailleurs sont exploités de la façon la plus efficace. Que leuro ne le soit pas, cest le signe que les projets libéraux des dirigeants européens nont pas encore pu être mis complètement en uvre, et cest tant mieux, il ny a vraiment pas à le regretter.
Une monnaie unique sans Etat : des contradictions porteuses de crises dont les travailleurs peuvent profiter
Les trusts pourraient arriver plus facilement à leurs fins sils avaient à leur disposition un Etat dont les dirigeants, à limage de ceux de lEtat américain, parlent et agissent dune même voix contre les travailleurs, tout en ayant une assise réelle dans les masses, du fait de son histoire. Ce nest pas le cas, et, pour quun Etat européen puisse voir le jour, il faudrait que loligarchie financière qui y a intérêt dispose dune légitimité aux yeux dune fraction assez importante de la population. Elle en est tellement loin, les seuls organes de pouvoir européen, comme la BCE, sont de façon si visible les instruments dune politique opposée aux intérêts des populations, que la construction européenne se fait dans le dos des peuples, abritée derrière cette caricature de démocratie parlementaire quest le Parlement européen, qui ne peut même pas donner le change comme parviennent encore à le faire, et de plus en plus difficilement les parlements nationaux.
Dans la crise politique italienne actuelle, se profile une menace, celle dune extrême-droite populiste, tenante dune Europe des régions riches, alliant le financier Berlusconi aux populistes de la Ligue du Nord et aux voyous de groupes néo-fascistes, une solution politique que pourrait utiliser la bourgeoisie contre les droits des travailleurs, et tous les droits démocratiques.
On a pu voir également comment la guerre dans lex-Yougoslavie a relancé les projets dune armée européenne, et lui a donné un début de réalisation.
Mais à lopposé, les travailleurs aussi font entrevoir leurs propres solutions, que ce soit en France où une fraction dentre eux a envoyé ses représentants révolutionnaires au Parlement européen, dans le même temps quelle saffirme sur le terrain des luttes, ou à travers des mobilisations à léchelle européenne, comme dernièrement les manifestations contre le chômage au sommet de Lisbonne ou des Alstom à Bruxelles.
Aussi faibles encore que soient ces signaux, il y a là le commencement dune Europe des luttes ouvrières, des droits de la collectivité et une Europe démocratique qui ne peut que saffirmer face à loffensive de lEurope de la réaction libérale.
Galia Trépère
Sans papiers : les difficultés dune lutte qui continue !
Depuis la rentrée 1999, la lutte des sans-papiers a connu une période difficile. Avec la circulaire du 11 octobre 1999, Chevènement demande explicitement aux préfets de respecter les quotas dexpulsion, donc de faire du chiffre. Les préfets ne se sont pas fait prier, de véritables rafles sont organisées dans les quartiers immigrés. Les arrêtés dexpulsion sont envoyés à la pelle, et la presse a rapporté plusieurs fois les conditions inhumaines dexpulsion, les violences, les insultes, lutilisation de la " technique du coussin ", qui a déjà plusieurs fois entraîné le décès de sans-papiers expulsés, en Belgique et en Autriche. Il y a quelques semaines, la préfecture de Lyon a même été condamnée par le Tribunal administratif pour " non respect des procédures ", pour navoir pas mis les formes nécessaires à la barbarie dEtat. Face à cette politique répressive, les mobilisations sont beaucoup plus difficiles. Les risques sont de plus en plus importants, et de nombreux sans-papiers hésitent à venir aux réunions ou aux manifestations. Les collectifs rencontrent des difficultés importantes à se structurer.
Le gouvernement a fait le choix de ne pas procéder à une régularisation sauf au cas par cas pour désamorcer des mouvements. Avec la circulaire du 11 octobre, il a tiré un trait sur la série de régularisations accordées après larrivée au pouvoir de la gauche plurielle. Cest dans une logique répressive que le gouvernement sest engagé ce qui explique les conditions daccueil dégradées dans les préfectures, où ont lieu notamment de véritables trafics de revente des tickets daccès aux guichets. LEtat veut évacuer le problème, rayer les sans-papiers de la réalité.
De nombreuses associations de soutien aux immigrés avaient protesté dans une lettre à Chevènement. La réponse qui leur a été renvoyée est un concentré dhumour " républicain " : " il nappartient pas aux forces de lordre dapporter leur aide aux sergents-recruteurs de larmée de réserve du capital que la mondialisation a créée à nos portes. " ! Bref, si on vous expulse, cest pour votre bien, pour que vous ne vous fassiez pas exploiter par les patrons français...
Néanmoins, les luttes se reconstruisent, malgré tous les obstacles. Dabord, parce que de nombreux sans-papiers qui ont été régularisés pendant les derniers mouvements navaient obtenu quune carte de séjour dun an, et quils se retrouvent de plus en plus nombreux à retomber dans la situation infernale dêtre privés de tout droit.
La mobilisation a dailleurs cette année repris sur plusieurs universités. Généralement, linscription dans les universités ne nécessitait pas de titre de séjour, mais les difficultés se sont multipliées, et les préfets multiplient les pressions pour contrôler la situation des étudiants qui sinscrivent. A Lille, une centaine de sans-papiers a occupé lécole de Sciences-Po. A Rouen, un collectif de sans-papiers et un comité de soutien aux étudiants étrangers essaient de se construire. A Dijon, des étudiants mobilisés ont réussi à empêcher plusieurs expulsions. A Toulouse, une quarantaine détudiants du collectif des étrangers ont séquestré trois inspecteurs de lEducation nationale. A Saint-Denis, le Collectif des sans-papiers a occupé un amphithéâtre pendant plusieurs mois. Le renouveau des mobilisations sur les universités nest pas un hasard, puisquelles représentent des lieux où " légalement ", la police ne peut pas intervenir. Cest uniquement sur lappel du président de la fac de Saint-Denis que les sans-papiers et les étudiants qui les soutenaient ont été violemment expulsés, en procédant au passage à 70 interpellations.
Cest bien parce que le gouvernement veut empêcher la formation de nouveaux foyers de mobilisations qui pourraient relancer un mouvement national, quil a fait procéder à des évacuations successives fin mars, à Lille et à Saint-Denis. La gauche plurielle mène une politique raciste en pleine logique avec le libéralisme moderne qui veut " réguler " les individus, comme les entreprises régulent les flux économiques. Chevènement nest pas seulement le pitbull officiel de la gauche plurielle qui va même jusquà proposer comme modèle dintégration pour jeunes immigrés, lembauche massive dans la police de proximité, il est un des éléments indispensable de la politique libérale de Jospin, qui doit créer les conditions dune exploitation accrue du monde du travail.
Benoît Franca
Sans-papiers : des politiques répressives menées à léchelle européenne
Pour répondre aux exigences du capitalisme européen, les gouvernements veulent une régulation du marché du travail adapté aux besoins économiques. LAllemagne veut " importer " 20 000 informaticiens indiens, pour répondre aux besoins de la nouvelle économie. Ce qui ne lempêche pas dinstaurer avec les autres gouvernements les législations de leur Europe forteresse. Les politiques dimmigration, qui se durcissent de plus en plus développent une concurrence plus dure sur le marché du travail.
En Angleterre, le gouvernement de Tony Blair a fait adopter une loi qui permet de condamner tous les avocats ou magistrats qui feraient appel " sans motif légitime " au nom dun immigré dont la demande de régularisation a été rejetée. En Italie, le politicien de droite Berlusconi allié au populiste Bossi a défendu un projet de loi, qui autoriserait les forces de lordre à faire usage de leurs armes sur les bateaux chargés de clandestins qui ne se laisseraient pas contrôler. Ce projet " basé sur le christianisme ", selon les auteurs a été salué par Le Pen...
B.F.