éditorial


Contre le monde du travail, le patronat " refonde "
et le gouvernement " réforme "
Pour une autre répartition de la richesse,
la lutte pour les salaires est à l’ordre du jour

Alors que commencent les négociations sur le renouvellement de la convention pour l’assurance-chômage, l’Unedic, le patronat a déjà fait connaître les grandes lignes de l’offensive qu’il veut mener contre les travailleurs, à travers ce qu’il appelle la " refondation sociale ". Concernant l’indemnisation du chômage, il propose ni plus ni moins de la diminuer, voire de la supprimer pour les chômeurs qui refuseraient deux ou trois des offres d’emplois qui leur seraient proposées. Et c’est pour soi-disant " lutter contre la précarité " qu’il voudrait également introduire deux nouveaux types de contrats de travail, l’un d’une durée de cinq ans, l’autre d’une durée déterminée par la " mission " à accomplir.

Les objectifs du patronat sont clairs, il s’agit pour lui de remettre en cause le contrat de travail à durée indéterminée, et plus généralement l’ensemble de la législation sociale, pour réduire tous les travailleurs à la précarité, les soumettre au bon vouloir des patrons, de même que les chômeurs, qui devraient faire la preuve qu’ils sont " méritants " pour garder le droit aux indemnités déjà misérables qu’ils touchent.

Droits des travailleurs, protections sociales, tout ce qui constitue encore un obstacle à sa rapacité, doit disparaître. C’est le seul sens de la prétendue " modernisation ", du " chantier de la refondation sociale " auquel il a convié des directions syndicales, qui en se précipitant à sa table de négociations, apportent une caution à la nécessité de " réformes " dont il est clair qu’elles ont le but de faire régresser la condition des travailleurs à l’exploitation du XIXème siècle.

Jospin n’a pas une politique différente de celle de Seillière, quelles que soient les récriminations contre lui d’un patronat qui sait bien qu’il vaut toujours mieux taper du poing sur la table pour obtenir davantage. Contraint à une certaine prudence par les mouvements sociaux qui l’ont obligé à remanier son gouvernement, Jospin a lancé sa " deuxième étape " - vers son élection à la Présidence, espère-t-il - en annonçant qu’il comptait bien " continuer les réformes ", y compris celles que les salariés des Impôts ou de l’Education nationale ont mises en échec par leur mobilisation.

Réforme des retraites commençant par l’allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires à 40 ans, réforme de l’impôt sur le revenu, qui profitera aux privilégiés aux yeux desquels cet impôt, le moins injuste parce que le seul qui soit progressif, constitue une charge insupportable, libéralisation de l’Ecole et de la Santé  : les réformes de Jospin II - Fabius sont bien de la même eau que celles du Medef, même si, soucieux de son image électorale, il ne les présente pas tout à fait avec les mêmes mots.

C’est ainsi que les députés ont voté en ce début de mois, la loi sur les nouvelles " régulations économiques ", que le gouvernement avait annoncée à grand renfort de publicité pour tenter de faire oublier qu’au moment de l’affaire Michelin, Jospin s’était empressé de déclarer que l’Etat n’y pouvait rien. Mais le volet essentiel de cette loi, au milieu d’une série de mesures poudre aux yeux, légitime les stocks-options, à travers lesquelles les actionnaires des grands groupes industriels et financiers distribuent des millions de francs aux PDG qui ont assuré la hausse des profits et du cours des actions de leur société en taillant dans les effectifs, en bloquant les salaires de ceux qui n’ont pas été licenciés, en faisant baisser le " coût du travail ".

L’annonce, en septembre dernier, que Jaffré, le PDG d’Elf, quitterait son poste avec 200 millions de francs de ces stocks-options avait suscité un tel scandale parmi les travailleurs que quelques députés socialistes, dont Emmanuelli, s’étaient faits les champions de la hausse de leur fiscalité. Comble de l’audace, ils réclamaient que les plus-values sur stock-options supérieures à 500 000 F soient taxées à 50 %… moins que l’impôt sur le revenu. C’était encore trop pour Jospin, Fabius et la majorité des députés socialistes qui ont voté que ce taux d’imposition ne soit appliqué que dans le cas où les gains dépasseraient un million de francs, qu’il soit maintenu dans d’autres cas à 40 % et… abaissé pour une bonne partie à 26 %.

Mais d’autres mesures, visant à réduire la part des travailleurs au profit des actionnaires des grands groupes industriels et financiers, sont en préparation, dont celle sur l’épargne salariale. Sous ce nom, le gouvernement reprend l’idée défendue par le patronat, comme quoi les salariés aussi devraient pouvoir bénéficier de stocks-options ou comme le dit Jospin des " fruits de la croissance ".

En réalité, outre le fait que derrière des plans d’épargne à long terme se profilent les fonds de pension, l’épargne salariale, nouveau nom donné à la " participation " aux bénéfices, permettra au patronat de justifier la disparition des augmentations générales de salaires, qui est déjà engagée au profit d’augmentations individuelles et de primes au mérite dans bien des entreprises.

Alors que l’inflation, la hausse des prix a tendance à s’accélérer, alors que l’ensemble de la masse salariale a considérablement baissé ces dernières années du fait du chômage, le patronat veut encore la réduire en s'attaquant directement aux salaires. Le gouvernement lui en a déjà donné l’occasion avec la loi Aubry qui prône ouvertement la " modération salariale ", il s’agira très prochainement de lui permettre de faire dépendre les revenus des salariés des " bons résultats " de l’entreprise et des cours de la Bourse, à travers l’épargne salariale.

L’évolution de ces dernières années le montre, chacun de nos reculs est mis à profit pour préparer d’autres attaques, menées de front par le patronat et le gouvernement. C’est le secret de la " croissance " actuelle, qui n’est que la croissance des profits, assurée par la baisse du coût du travail, à savoir la baisse du salaire.

Sauf que… le rapport de forces, qui est la seule question décisive en la matière, pourrait bien s’inverser.

De plus en plus nombreux sont les travailleurs qui rentrent en lutte pour exiger des augmentations de salaires. C’est bien souvent une de leurs revendications dans les conflits qui éclatent à propos des 35 heures, c’est la revendication essentielle dans les grèves qui ont éclaté ces dernières semaines à Péchiney, Sextant Avionique, et dans les usines du groupe Dassault dont les salariés revendiquent 1500 F pour tous.

Oui, il faut une autre répartition des richesses, il faut faire prévaloir l’intérêt collectif sur l’intérêt de la minorité parasitaire que sert le gouvernement.

Cette question met à l’ordre du jour la lutte pour les salaires.