éditorial


Face aux attaques antidémocratiques et antisociales
du patronat et des politiciens,
les travailleurs regroupent leurs forces

Lundi soir, Chirac a annoncé à la télévision, en accord avec Jospin, une réforme réduisant le mandat de Président de la République à 5 ans. Celle-ci, après avoir fait l’objet d’une discussion à l’Assemblée, dès la semaine prochaine, devrait être soumise à référendum à la rentrée.

Chirac a donc brusquement changé d’avis, alors qu’il avait encore affirmé, le 14 juillet dernier, son refus du quinquennat. Concurrence pour les présidentielles oblige, puisque Jospin étant déterminé à faire discuter et voter une loi dans ce sens, il était urgent pour lui de prendre les devants, faisant ainsi mine d’en avoir l’initiative.

La rivalité des deux candidats à la présidentielle les aura ainsi mis d’accord. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, Jospin et Chirac, comme la grande majorité des politiciens, qui approuvent ce projet, ne font qu’exprimer les besoins de la bourgeoisie qu’ils servent.

L’unité du pouvoir politique est en effet mise à mal par la cohabitation entre un Président élu pour 7 ans et une majorité à l’Assemblée élue pour 5 ans, appartenant à des équipes de politiciens concurrentes. Droite et gauche gouvernementale ont beau être autant l’une que l’autre parfaitement intégrées à la défense de l’ordre bourgeois et de l’économie libérale, le Parti socialiste, le Parti communiste qu’il satellise, les Verts, ont beau être des maîtres d’œuvre de la politique libérale aussi zélés que les partis de droite, leurs rivalités pour les postes, en période de cohabitation, peuvent être source de crises politiques, que patronat et gouvernement veulent à tout prix éviter.

Dernier exemple de ces désagréments de la cohabitation, le député Vert Mamère s’est fait rappeler à l’ordre par le Président de l’Assemblée, Forni, un des dirigeants du Parti socialiste, parce qu’il avait mis en cause Chirac dans l’affaire de la fraude électorale à Paris. Jospin couvre Chirac, et réciproquement. Silence dans les rangs !

Leur réforme du mandat présidentiel a pour objectif de mettre le régime politique à l’abri de ces perturbations, d’étouffer la démocratie encore plus qu’elle ne l’est, pour que rien ne vienne déranger leur petit commerce d’influence, le pourboire que leur laisse la grande bourgeoisie d’affaires. Elle vise à donner une plus grande stabilité au pouvoir politique, en tentant d’instaurer un régime présidentiel à l’américaine, fondé sur l’alternance au pouvoir des deux partis interchangeables que sont les partis démocrate et républicain.

Avec l’intégration du Parti communiste, converti comme le Parti socialiste au libéralisme, la bourgeoisie dispose d’équipes interchangeables comme aux Etats-Unis, mais avec un quinquennat, la mécanique de l’alternance serait mieux huilée, droite et gauche gouvernementale pourraient se succéder au pouvoir d’un seul bloc, sans les inconvénients de la cohabitation, pour mener la même politique au service de ses intérêts.

Il s’agit de faire en sorte que rien ne gêne l’offensive qu’ils mènent, conjointement avec le patronat, contre le monde du travail.

Une classe ouvrière en grande partie précarisée, une démocratie étouffée, tels sont leurs objectifs.

Au même moment, le Medef, l’organisation patronale, est en train de faire passer la plus grande partie de son plan d’attaques nommé " refondation sociale ". Dans le cadre de la négociation pour le renouvellement de la convention de l’UNEDIC, le patronat veut remplacer l’assurance-chômage, l’indemnisation de droit des chômeurs - toute théorique puisqu’actuellement 41 % seulement d’entre eux sont indemnisés - par un système encore plus défavorable aux travailleurs, qui a pour objectif de les contraindre à accepter n’importe quel travail à n’importe quel salaire.

Toutes les directions syndicales en ont déjà accepté le principe. Avec le " Care ", " contrat d’aide au retour à l’emploi ", qu’elles ont refusé ou le " Pare " - seul le premier mot, " plan " au lieu de " contrat ", change -, l’indemnisation des chômeurs sera individualisée et soumise à leurs " efforts " pour retrouver du travail : diminuée de 20 % en cas de refus d’une première offre d’emploi, elle serait suspendue au deuxième et supprimée au troisième. Autant dire l’assurance, pour le patronat, de disposer d’une main d’œuvre contrainte par la précarité, à accepter des salaires toujours plus bas, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis ou en Angleterre.

C’est au mépris de leurs militants et des travailleurs en général que les directions syndicales se sont complaisamment prêtées à ces pseudo-négociations, engagées au début de l’année à l’initiative du patronat, sous l’œil complice du gouvernement, et d’où ne peuvent sortir que de nouvelles mesures anti-ouvrières. En acceptant les grandes lignes des projets patronaux, elles offrent une victoire facile au Medef, mais c’est une victoire peut-être bien illusoire.

Car à travers les grèves qui se sont multipliées ces derniers mois, les travailleurs du privé, comme les salariés du public, prennent confiance en eux-mêmes. De l’offensive conjointe que patronat et gouvernement mènent contre leurs droits démocratiques et sociaux, avec la complicité des directions syndicales, beaucoup de travailleurs tirent la conclusion qu’ils ne peuvent compter que sur leurs forces, sur leur propre intervention, sur leur capacité à se regrouper et à contrôler leurs propres représentants.

Pour faire face au vide laissé par l’intégration du Parti communiste à la politique de défense de l’économie du profit, du libéralisme et par les capitulations des directions des organisations syndicales, les travailleurs prennent de plus en plus leurs affaires en main. De cette mobilisation, encore modeste, naîtra un nouveau parti représentant authentique et honnête du monde du travail.

C’est pour œuvrer dans ce sens, pour aider, à son niveau, au regroupement des forces, que Voix des Travailleurs a choisi d’intégrer les rangs de la Ligue communiste révolutionnaire, le mouvement d’Alain Krivine, ce que le congrès de cette dernière, réuni à Paris ce week-end a également voté, à la quasi-unanimité.

" Voix des Travailleurs " est désormais le mensuel d’une tendance de la LCR, et les militants qui l’éditent et le diffusent, des militants de la LCR. C’est un premier pas dans le sens du regroupement de l’extrême-gauche, et de la constitution du cadre démocratique qui permettra à tous les travailleurs et militants qui ont rompu avec les partis de la gauche gouvernementale, à tous les jeunes qui veulent se battre pour une autre société, de construire ensemble un parti des luttes, un parti démocratique et révolutionnaire des travailleurs.

Chacun peut prendre sa place dans ce combat, et nous appelons tous ceux qui veulent œuvrer comme nous au regroupement des forces du monde du travail, pour que ses luttes convergent dans une contre-offensive générale, à prendre, avec nous, leur place au sein de la Ligue communiste révolutionnaire.