dossier " Ni quinquennat, ni septennat... "
Ni quinquennat ni
septennat,
Non au monarque républicain !
Non à la République des affaires et de la Bourse !
Boycott du référendum de Chirac-Jospin, diversion
politicienne !
Après lAssemblée nationale, le Sénat vient donc dadopter le projet de réforme constitutionnelle du quinquennat. Faut-il ratifier le projet par le Congrès (la réunion de lAssemblée et du Sénat) ou par un référendum, telle est la discussion qui semble avoir pendant quelques jours agité le petit monde politique avant dêtre tranchée par Chirac qui doit annoncer mercredi soir la date du référendum, sans doute le dimanche 8 octobre.
Toute cette agitation naura pas dépassé le cadre étroit du milieu des politiciens, ne suscitant quune indifférence ironique dans le monde du travail. En effet, il est clair que les enjeux du débat nont rien à voir avec les préoccupations de la grande majorité des salariés et de la population. Et nous navons pas à être partie prenante de ces faux débats qui divisent le monde des politiciens mais qui, fondamentalement, ne changent rien à labsence de démocratie réelle, et cela même quand les politiciens consultent la population par référendum. Si avec le Congrès, où ils auraient fait leur cuisine entre eux, leur crainte du désaveu populaire aurait été trop visible, il serait illusoire et ridicule de croire que le référendum est une solution plus démocratique. Par ce référendum, ils ne visent quà faire avaliser par la population une réforme qui fondamentalement est antidémocratique et à vouloir lui donner une légitimité populaire.
Pour les politiciens de droite comme de gauche qui défendent le quinquennat, le véritable enjeu nest pas de savoir sil vaut mieux un mandat présidentiel court ou long. Le but de la réforme est, en renforçant le pouvoir présidentiel, de garantir ou du moins dessayer de renforcer la stabilité des institutions bien mises à mal par plusieurs années de cohabitation. Et cest pour cela que Chirac et Jospin se retrouvent daccord, main dans la main, pour verrouiller le système institutionnel afin déviter que les guerres entre clans politiciens de droite et de gauche ne débouchent sur le déballage daffaires de ces derniers mois : les fraudes électorales à Paris qui impliquent la droite répondant à laffaire dElf-Total ou à celle de la MNEF qui mouillent la gauche !
Pour essayer de garantir la stabilité des institutions, ils veulent ramener la durée du mandat présidentiel à la durée du mandat des députés de lAssemblée nationale, ce qui revient à mettre lAssemblée nationale sous la tutelle du président de la République, et vise à éviter les situations de cohabitation où Président et gouvernement se retrouvent en rivalité.
En effet, le mandat présidentiel de 7 ans avec élection au suffrage universel était taillé sur mesure pour le général De Gaulle, qui avait été capable, pendant des années, dimposer sa volonté aux partis qui le soutenaient et lui donnaient une large majorité assurant la stabilité du régime. Cette Vème République taillée sur mesure par et pour De Gaulle a connu par la suite bien des vicissitudes, les textes de lois ne pouvant ni pallier linsuffisance des hommes de la bourgeoisie, ni maîtriser les ambitions des politiciens qui se bousculaient pour accéder à la mangeoire. Les présidents qui se sont succédés après De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et maintenant Chirac, ont eu bien du mal à obtenir et conserver une majorité stable. Avec Mitterrand puis Chirac, les situations de cohabitation se sont multipliées. Aussi, Chirac et Jospin redoutent-ils déventuelles difficultés pour simposer par eux-mêmes à droite ou à gauche et cherchent à mettre en place un cadre institutionnel obligeant les partis de leur bord, si ce nest à sunir, du moins à les soutenir. Ils voudraient stabiliser la situation en mettant en place un semblant de bipartisme à partir de la multitude des partis actuels et des ambitions de leurs rivaux. Mais il ne suffira certainement pas dune réforme institutionnelle pour réunifier la droite ou la gauche dans une majorité présidentielle.
Au-delà de ces calculs politiciens et des plans de carrière des uns et des autres, Chirac et Jospin uvrent dans le sens des intérêts de la bourgeoisie. En effet, pour que les politiciens à son service défendent ses intérêts contre lensemble de la population, il faut la plus grande stabilité possible des institutions et du régime politique. Les politiciens doivent pouvoir agir en toute indépendance de lopinion publique et des calculs de leurs rivaux. Dautant que loffensive libérale dans le cadre de la mondialisation et de la fuite en avant de la construction européenne, en aggravant les inégalités sociales prépare des situations de crises sociales et politiques face auxquelles la bourgeoisie a besoin dun pouvoir fort et stable.
Cest aussi pour cela que nous navons rien à attendre dun meilleur fonctionnement des institutions bourgeoises. Car cette stabilité que les politiciens cherchent cest pour pouvoir plus facilement mener loffensive au service de la finance contre nos intérêts !
Alors, les droits démocratiques quil nous faut défendre en tant que salariés, cest le droit pour nous dexercer notre contrôle sur la marche de toute la société, des entreprises, des banques et de lEtat. Ces droits qui sont la condition de la défense de nos intérêts sociaux, ce nest quà travers notre organisation et notre mobilisation que nous pourrons les imposer.
Une véritable démocratie citoyenne ne peut reposer que sur le principe dune Assemblée unique élue au suffrage universel et proportionnel, à la fois pouvoir législatif et exécutif. Une Assemblée reposant sur une démocratie directe et participative sappuyant à tous les niveaux sur lorganisation démocratique de la population, dans les entreprises, les quartiers, les villes et les régions.
Alors il ny a rien à attendre de ce référendum que nous ne pouvons que dénoncer comme une manuvre pour essayer de faire plébisciter par la population une réforme politicienne antidémocratique. Nous navons pas à choisir entre quinquennat ou septennat, quelle que soit la durée, le président comme le gouvernement mèneront une politique contre les intérêts de lensemble de la population. Pour nous, révolutionnaires, il ne pourra sagir que de boycotter ce référendum en dénonçant son caractère antidémocratique, pour réaffirmer la nécessité dune réelle démocratie cest à dire du contrôle de la population sur toute la vie sociale.
Charles Meno
Chirac, Jospin, main dans la main pour étouffer les affaires
A droite, laffaire des " faux électeurs " du Vème arrondissement de Paris vient de conduire à la mise en examen de Xavière Tiberi après celle de Nentien, secrétaire général de la Mairie pour " manuvres frauduleuses de nature à fausser la nature du scrutin ". Les juges ont recensé 7 228 " électeurs suspects " et des dizaines délecteurs affirment que leur inscription sur les listes électorales a favorisé leur embauche ou loctroi dun logement par la mairie. Ce système frauduleux existerait depuis la fin des années 70, impliquant Tiberi mais aussi le précédent maire Chirac.
Cette affaire sajoute à celle des emplois fictifs impliquant Juppé, à celle du " rapport sur la francophonie " plus que surfacturé à Xavière Tiberi, à celle de " trafic dinfluences " sur les marchés passés par lorganisme des HLM, lOpac présidé par Tiberi.
Beaucoup daffaires mais aucune condamnation contre les responsables de la droite. Les responsables de la gauche gouvernementale ne tiennent surtout pas à poursuivre ces affaires. Certains ont déclaré que la question des faux électeurs parisiens ne devait pas être un " sujet daffrontement ou de concurrence ". Déjà, en février 98, le Conseil constitutionnel présidé alors par Roland Dumas, avait validé lélection de Tiberi, malgré les accusations de fraude.
Bref, les uns et les autres se couvrent pour ne pas que le tout sétale : cest cela ce que Jospin appelle être " responsable ".
A gauche, Dumas, accusé de " complicité dabus de biens sociaux " (estimés à 8 millions de francs ) a invoqué des " raisons médicales " pour ne pas comparaître à son procès. Il a, pour sa défense, incriminé ses autres collègues ministres comme Cresson qui, alors Premier ministre, avait donné son feu vert à la vente de frégates à Taïwan alors que le président de France-Taiwan n'est autre que son mari.
Le PS est aussi englué dans laffaire de la MNEF. Strauss-Kahn est poursuivi pour " faux et usage de faux " pour son intervention (rémunérée grassement à 603 000 francs) dans les négociations entre la mutuelle et l'ex-CGE, rebaptisée Vivendi, entre 1994 et 1996. Cambadélis, député à Paris, vient dêtre mis en examen, pour " recel dabus de confiance " à cause dune indemnité de 200 000 F reçue comme administrateur entre 1993 et 1995, et dun salaire de 420 499 F comme " sociologue ", entre 1991 et 1993, au sein de la MIF, filiale de la MNEF. Au total, cest une quarantaine de personnes du PS et dorganisations proches comme SOS-Racisme et lUNEF-ID qui sont ainsi mises en examen.
Toutes ces affaires gênent tant Chirac que Jospin. Fidèles défenseurs des intérêts des riches, par leur politique contre le monde du travail ou par leur rôle pour lobtention de tel ou tel marché, ils sont tous subjugués par la bourgeoisie, son parasitisme, et les grasses commissions quelle procure.
Denis Seillat
Référendum : une démocratie de dupes pour tenter de faire plébisciter une réforme antidémocratique !
Quoi de plus démocratique que de faire voter toute la population sur un débat constitutionnel ? Cette apparente évidence masque le fait tout aussi évident que sommer la population de répondre par oui ou par non à une question choisie par le président ressemble plus à une mise en demeure quà un débat démocratique.
Dailleurs, tout a été fait pour quil ny ait pas de réelle discussion sur le caractère antidémocratique des institutions politiques. A lAssemblée, le projet a été voté sans amendement. Les défenseurs dune VIème Constitution ou dun non cumul des mandats, comme les Verts, ont dû se contenter dun " quinquennat sec ". " Le quinquennat, ce sera toujours ça de pris " se sont-ils consolés, en sapplatissant devant les exigences de Chirac.
Que le Président soit élu pour sept ou cinq ans ne change rien, toutes les décisions qui nous concernent sont prises dans les couloirs des ministères et dans les conseils dadministration des grandes entreprises et des banques. On nous demande, préférez-vous que le Président mène une politique anti-ouvrière pendant 5 ans ou 7 ans, avant dêtre réélu ou de laisser la place à un nouveau qui mènera la même politique !
" Le référendum est mythique pour la Vème république " a déclaré non sans ridicule Pierre Mauroy. Et effectivement tous les référendums passés nont été que des plébiscites institutionnalisés à travers lesquels De Gaulle et ses successeurs ont voulu obtenir la caution dun vote pour leur politique. Les politiciens qui se livrent, avec grand sérieux à des débats constitutionnels, en prenant la population à témoin, en appellent au peuple pour pouvoir mener, en son nom, une politique qui défend les intérêts dune minorité de privilégiés.
CM
Congrès ou référendum : calculs politiciens et fausse démocratie
Le petit monde des politiciens a été agité par le grand débat : Congrès ou référendum. Et les petits calculs ont tenté de se draper dans les grands principes : la démocratie, la modernité, le respect des institutions, voire la mémoire doutre-tombe de De Gaulle
Pour les partisans du Congrès, le problème est simple : " Laissons donc cette réforme aux techniciens ! " a déclaré Christian Poncelet le président RPR du Sénat, " les Français (...) sont de bon sens. Ils reprocheraient lorganisation dun référendum, en se disant quon y passe beaucoup de temps et quon dépense beaucoup dargent ". A gauche, François Hollande la soutenu : " Lorsquon peut faire simple et quon peut faire vite, pourquoi faire compliqué ? " En clair, les sondages disent quune majorité de Français est pour... alors pourquoi sembêter ? Mais les sondages précisent aussi quune majorité nira pas voter... et cest là leur problème. A cause dune abstention massive, et du fait que certains à droite, comme Pasqua et de Villiers, feront campagne pour le " non ", alors que le PCF, lui, appellera à une " abstention offensive ", le référendum risque dêtre un fiasco ! Aussi un sénateur RPR a avoué : " dans lintérêt même de Jacques Chirac ", il vaudrait mieux " quil choisisse la voie du Congrès. Ça me paraît plus prudent ".
" Que diraient les Français si le Président ne les consultait pas sur une telle réforme ? " sindignait un proche de Chirac. Il est aujourdhui rassuré, ouf, nous serons consultés et nous saurons quoi leur dire : ni oui ni non, mais M !
C. M.
Lélection présidentielle au suffrage universel : une fausse démocratie, un vrai plébiscite !
Le fait que le président de la République soit élu au suffrage universel est présenté par tous les partis politiques de gauche comme de droite, comme un garant de la démocratie. Oui, bien sûr, il apparaît plus normal quun homme qui dispose de tels pouvoirs soit désigné par lensemble des électeurs plutôt que par 81 500 " grands électeurs " comme le prévoyait la Constitution de 1958 dans la continuité de celle de la IVème République.
Mais cette démocratie ne vaut que dans la forme de désignation car la fonction elle-même est parfaitement anti-démocratique : elle consacre lexpropriation de la population du pouvoir politique et quelles quen soient les formes, cette expropriation ne peut être démocratique.
Les raisons mêmes qui sont à lorigine de lélection du président de la République au suffrage universel sous la Vème République nont rien de démocratique, pas plus que lorigine de la fonction présidentielle.
Créée par la Constitution de 1848, la présidence de la République avait pour but de laisser la porte ouverte à un retour de la monarchie. Elle servit de tremplin à la dictature de Napoléon III en lui conférant un pouvoir que Marx décrivait ainsi : " alors que chaque député ne représente que tel ou tel parti, telle ou telle ville.. ou même la simple nécessité délire un sept cent cinquantième individu quelconque, opération dans laquelle on ne se montre pas plus difficile pour lhomme que pour la chose, il est lui lélu de la nation et son élection est latout que le peuple souverain joue une fois tous les quatre ans. " En 1875, la fonction fut de nouveau introduite dans la Constitution en attendant que les prétendants royalistes se mettent daccord sur la forme de monarchie qui serait mise en place : le président étant considéré comme un " monarque républicain ", il était nommé pour sept ans et indéfiniment rééligible.
Sous la Vème République, la fonction présidentielle navait évidemment pas pour but de ménager le retour possible de la monarchie, mais elle nen était pas plus démocratique pour autant. La Constitution de la Vème République ne prévoyait dailleurs pas en 1958 lélection du président de la République au suffrage universel. Cest avant tout la volonté de De Gaulle de consolider son pouvoir personnel qui en est à lorigine. Car, si en 1958, De Gaulle apparaissait tant à droite quà gauche comme le seul homme politique capable de mettre fin à la guerre dAlgérie, les bases de son pouvoir saffaiblirent avec la signature des accords dEvian qui mettaient fin à la guerre. Il éprouva le besoin dinstitutionnaliser son pouvoir en faisant élire le Président de la République au suffrage universel. Rien de spécialement démocratique dans cette démarche. Dailleurs, lorsque les projets de De Gaulle furent connus, lopposition hurla à la " forfaiture ", renversa le gouvernement Pompidou et De Gaulle dut dissoudre lAssemblée avant de procéder à un référendum en octobre 62.
Lappel au suffrage universel nétait donc ni plus ni moins quune façon de se faire légitimer contre les partis et les assemblées, cantonnant la population à la seule fonction dacclamation de celui qui avait fait de son pouvoir présidentiel un plébiscite permanent au nom de sa menace : " cest moi ou le chaos ".
Ce renforcement du pouvoir présidentiel nobéissait pas seulement à la volonté de De Gaulle, il correspondait aussi à la volonté des possédants de faire en sorte que leur pouvoir soit le plus possible hors du contrôle direct de la population.
La concentration du pouvoir économique entre les mains dun nombre de plus en plus limité de capitalistes et de financiers sest accompagnée dun renforcement des pouvoirs de lexécutif et de la fonction présidentielle afin de mieux soumettre ceux-ci à leurs intérêts exclusifs.
Dans le pays où les pouvoirs du président sont le plus affirmés, les USA, cette démocratie apparaît comme une véritable mascarade : les électeurs ressentent tellement labsence dun choix véritable lors de lélection présidentielle, que plus de la moitié dentre eux ne se déplacent même pas pour élire " lhomme le plus puissant du monde " dans la " plus grande démocratie du monde ".
Tant que les salariés et lensemble de la population nauront aucun contrôle véritable sur le véritable pouvoir, le pouvoir économique, tant quils nauront aucun pouvoir de décision, aussi bien sur leur travail, leur salaire, leurs horaires et leurs conditions de travail que sur les choix économiques qui conditionnent lavenir de la société, la démocratie ne peut être quun théâtre dombres où les politiciens tentent de faire croire que leur élection peut changer quelque chose. Sil est une leçon politique qui paraît évidente depuis 20 ans, cest bien que le choix dun politicien dans le cadre de cette démocratie-là, nest quun jeu de dupes !
J K
La Constitution de 1958, fille dun coup dEtat
Tous les politiciens, de la droite à Hue, en passant par les Verts qui se réclament de la " Constitution démocratique de la Vème République " et discutent de comment la modifier en en respectant " lesprit ", réécrivent lhistoire en " oubliant " que la Constitution de 58 est le résultat dune tentative de coup dEtat visant à garantir lordre contre les travailleurs de France métropolitaine et le peuple algérien insurgé pour son émancipation.
Le 13 mai 1958, à Alger, les colons mobilisés par les militaires dextrême-droite envahissent le Gouvernement général. Un Comité de salut public est formé, dirigé par Massu, le général des parachutistes. Ils veulent la liquidation du Parlement, à majorité de gauche depuis 1956, et des gouvernements quil nomme, considérés comme incapables dassurer la défense de lAlgérie française. Salan, un autre général, sadressant aux manifestants lance le nom qui symbolise leurs espoirs : " Vive de Gaulle ". Il y a quiproquo. Le vieux général réactionnaire a compris que lempire colonial était fini et quil lui appartenait duser de son prestige pour simposer à larmée et à lextrême-droite pour faire valoir les intérêts de limpérialisme français. Il saisit loccasion pour faire son propre coup de force.
Quelques jours plus tard, le président de la République, qui navait alors aucun pouvoir, en appelle à de Gaulle et le 1er juin, lAssemblée lui vote les pleins pouvoirs pour régler la crise en Algérie et le mandate pour soumettre aux électeurs une nouvelle constitution en remplacement de celle de la IVème République. Guy Mollet, dirigeant du PS, président du Conseil à de nombreuses reprises entre 1946 et 1958, qui a envoyé les jeunes appelés faire la guerre en Algérie sous les ordres de Massu et Salan, explique que cest le seul moyen déchapper à un coup dEtat dextrême-droite.
La IVème République avait été mise en place en 1946 sur la base du rapport de force entre les partis à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Le MRP, constitué par danciens chefs de la Résistance gaulliste, avait tenté de fédérer la droite pour faire contrepoids au PS et surtout au PC. Mais sans réussir à simposer. De Gaulle ne voulant pas dépendre du jeux des partis, s'était mis en " réserve de la République " en 1946. La Constitution de 1946 représentait une tentative de compromis entre les trois principaux partis, MRP, PS et PC.
La IVème République devait assurer à la bourgeoisie les services dhommes " de gauche " du PS et surtout du PC à légard duquel la fraction la plus arriérée (et pas la moins importante) de la bourgeoisie française conservait une méfiance malgré toutes les preuves de loyauté données par celui-ci. En 1946, le PC est dautant plus incontournable quil sort renforcé de la Résistance, et que la bourgeoisie a besoin de lui pour remettre au travail la classe ouvrière et faire accepter à la population le maintien du même appareil dEtat qui avait collaboré avec les nazis. La Constitution de 1946 entérine cette situation : régime dassemblée qui assure au PS et surtout au PC de nombreux sièges au Parlement, mais en même temps régime instable, puisque les scrutins à la proportionnelle départementale ne permettaient à aucun parti dêtre majoritaire à lui seul dans le Parlement. Le gouvernement nommé par lAssemblée des députés était un gouvernement de compromis entre les trois partis dominants.
A partir de 1947, le PC se retrouve, contraint et forcé, dans lopposition du fait de la Guerre froide et de la mobilisation des travailleurs en grève dans les usines Renault, dans les Charbonnages entre autres, contre la politique du gouvernement qui leur impose des salaires de famine, des conditions de travail insupportables et le maintien du rationnement. Le PC choisit de ne pas sopposer de front aux salariés et quitte alors le gouvernement. Entre 1947 et 1958, les gouvernements sont des coalitions fluctuantes et fragiles entre le PS et ses diverses sensibilités et le MRP de droite.
En 12 ans dexistence, ce régime a connu 22 gouvernements différents ce qui fait une durée de vie dun peu plus de 6 mois par ministère. Cest la lutte des peuples colonisés pour conquérir leur indépendance, plus particulièrement la guerre dAlgérie, qui va faire éclater la crise politique latente
La bourgeoisie française refuse dabdiquer de son empire et préfère senliser, après sa défaite en Indochine, dans une nouvelle guerre coloniale que tout le monde sait perdue davance. LOAS, organisation dextrême-droite pratiquant le terrorisme, rêve de coup dEtat alors que les gouvernements se succèdent tous aussi impuissants les uns que les autres.
Politiciens de droite comme de gauche nosent affronter ni la bourgeoisie, ni larmée. Aucun na les moyens denrayer la crise qui éclate violemment le 13 mai 58.
De Gaulle simpose comme arbitre, " cest moi ou le chaos ". Posant au Bonaparte, vis-à-vis des syndicats et du PC, il brandit la menace dextrême-droite, vis-à-vis de la droite et de larmée, il invoque son prestige de chef de la Résistance.
Ayant pris en main la question algérienne quil faudra plus de quatre ans pour " régler " et de façon dramatique, il entend aussi régler la question de linstabilité parlementaire, liquider le règne des partis et se donner une constitution sur mesure. Il veut un " Etat fort " garanti par lindépendance du gouvernement par rapport à lAssemblée nationale. Le gouvernement sera désormais nommé par le président de la République. La réforme du mode de scrutin, majoritaire à deux tours, favorise les regroupements et marginalise le PC. De Gaulle diminue le poids du vote des circonscriptions urbaines par rapport aux rurales plus favorables à la droite. En 1958, avec 200 000 voix de plus que le parti de droite, le PC obtient dix-neuf fois moins de députés.
Cette nouvelle Constitution obtiendra 80 % des voix au référendum doctobre 58. Cela correspond à une logique, le ralliement du PS et de la droite à de Gaulle, pris entre la peur du coup dEtat militaire et leur haine anti-communiste. Le PC a appelé à voter " non " au référendum au nom de la défense de la IVème République qui ne représentait pas plus les intérêts des travailleurs que De Gaulle, sans offrir une véritable politique aux travailleurs.
Prisonnier de son soutien passé à De Gaulle dans la Résistance, privé de toute perspective, il fut isolé face à lanti-communisme déferlant, et condamné à rechercher lalliance avec le rival de De Gaulle tout aussi anticommuniste que lui, Mitterrand.
Isabelle Cazaux
Le PS, des fonts baptismaux de la Vème au quinquennat
Pour beaucoup de salariés aujourdhui, le Parti socialiste a toujours été opposé au gaullisme, au pouvoir des forces réactionnaires. Mitterrand, candidat unique de la gauche, ne déclarait-il pas au lendemain des élections présidentielles de 74 que le candidat de droite, Giscard dEstaing, avait remportées : " une formidable coalition du pouvoir en place et des forces de largent a contenu dextrême justesse le mouvement populaire. Notre combat continue ". En 1958, le PS parlait moins fort, il sétait rallié purement et simplement à De Gaulle tandis que Mitterrand, qui nétait pas encore " socialiste ", choisissait, lui, de sy opposer, postulant déjà à la présidence
En 58, le Parti socialiste va chercher De Gaulle :
Le 1er juin 58, la moitié des députés socialistes vote linvestiture à De Gaulle et Guy Mollet, chef de file de la SFIO, ancêtre du PS, devient lun de ses ministres. Le ralliement du PS à De Gaulle est dans la logique de toute sa politique passée où il a assumé dans les différents gouvernements de la IVème République la politique réactionnaire de la bourgeoisie et tout particulièrement, la répression colonialiste contre le peuple algérien.
Le PS, comme tous les partis bourgeois, se rallie à de De Gaulle et se fait même lartisan de sa venue au pouvoir. Après le 13 mai 58, Guy Mollet lui envoie un message pour lui demander de résoudre la crise. Lancien président de la République, le socialiste Vincent Auriol, le supplie de " rétablir lunité compromise ". Et la rencontre pour la passation des pouvoirs entre De Gaulle et le gouvernement Pflimlin est organisée par Guy Mollet. Le 3 juin, le PS vote les pleins pouvoir au général réactionnaire et Guy Mollet et Defferre appellent à voter " oui " au référendum pour faire adopter la Constitution gaulliste.
La manifestation qui est organisée le 28 mai, à Paris, par le PC et les syndicats contre De Gaulle, à laquelle le PS appelle, nest quun baroud dhonneur sans lendemain.
Le politicien Mitterrand, qui a été onze fois ministre sous la IVème République et qui nappartient pas au PS, se déclare opposant au pouvoir personnel de De Gaulle ; il appelle à voter " non " au référendum, comme le PCF, et compare le gaullisme au " système présidentiel en Amérique du Sud et au système parlementaire tel quil fonctionnait il y a un siècle sous Louis-Philippe et Louis-Napoléon ". Cette prise de position contre la Constitution de 58 va lui permettre de se rallier le PCF pour, grâce à la Constitution, simposer comme chef de file de la gauche.
LUnion de la gauche, fille naturelle du pouvoir gaulliste :
La Constitution de 58 oblige les partis politiques à nouer des alliances et des accords de désistement au 2ème tour pour avoir des élus. Mitterrand, qui na pas dappareil politique et encore moins de programme, sait que sans une alliance avec le PCF, il na aucune chance darriver au gouvernement. Après sêtre posé en opposant à De Gaulle, en ayant pris position contre le référendum de 58 et à nouveau en 62, contre lélection du président de la République au suffrage universel, il va se couler dans le moule de la Vème république et se servir du suffrage universel pour se faire légitimer. Pour cela, il a besoin du soutien du PCF qui va le cautionner en acceptant une première fois, aux Présidentielles de 65 puis en 74, de ne pas présenter de candidat et dappeler à voter pour lui, en en faisant le " candidat unique de la gauche ".
Aux élections présidentielles de 65, Mitterrand met De Gaulle en ballottage au 2ème tour, et ainsi se donne comme futur présidentiel potentiel. Dans son livre Ma part de vérité, il écrit : " dès 62 cest-à-dire dès quil a été décidé que lélection du président de la République aurait lieu au suffrage universel, jai su que je serais candidat ". En 61, lors dun débat à lAssemblée sur lélection du président de la République au suffrage universel, il déclarait : " la République na jamais reconnu lautorité dun homme ni lautorité dun seul pouvoir ". Lopposant au régime gaulliste a su se servir des possibilités offertes par la Constitution pour acquérir un poids personnel grâce à lélection au suffrage universel.
En même temps, il continue à jouer les opposants critiques du pouvoir personnel pour donner le change à lélectorat du PCF, avec la complicité de celui-ci. Il publie en 64 un livre intitulé Le Coup dEtat permanent où il se prétend le défenseur des libertés démocratiques et en faveur dun changement de société dont il se garde bien de préciser le contenu et sans prendre aucun engagement concret.
Pour pouvoir faire pièce à linfluence électorale du PCF, il lui faut un appareil politique pour simposer face à lappareil de celui-ci. Ce sera chose faite, en 71, au congrès dEpinay où il met la main sur le PS en perte de vitesse électorale ; il simpose comme celui qui peut domestiquer le PCF tout en ayant son soutien complet. Le " nouveau Parti socialiste " présidé par Mitterrand est lappareil électoral qui impose au PCF son ralliement sans aucune contre partie : aux présidentielles de 74, Mitterrand est le candidat unique de la gauche, qui na plus aucune critique à faire vis-à-vis de la Constitution et à cette occasion, il impose au PCF, de fait, de se rallier à la Constitution. Dans le " programme commun de gouvernement ", signé en 72 entre le PS et le PCF, ne subsiste que la demande de labrogation de larticle 16 de la Constitution.
Elu président de la République dans le cadre des institutions de la Vème république, Mitterrand déclare en 86, à propos de lalternance : " je ne connais quune réponse, la seule possible, la seule raisonnable, la seule conforme aux intérêts de la nation : la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution ".
Pour le PS aujourdhui, la réforme du quinquennat sinscrit dans la logique de cette même Constitution dont il sest fait le serviteur fidèle.
Valérie Héas
Le bipartisme ou la quête dune impossible stabilité politique mise à mal par les appétits des politiciens
Dans la Vème république les pouvoirs du Parlement ont été limités au profit du président de la République élu au suffrage universel. Un tel système ne pouvait trouver sa stabilité quautour dun homme politique comme De Gaulle capable de simposer à une large fraction des partis de droite qui lui apportaient leur soutien. Mais De Gaulle parti, le système est devenu de plus en plus instable, car aucun des présidents qui ont suivi na pu réunir autour de lui une majorité de droite ou de gauche stable. La droite sest morcelée et na jamais été capable de se regrouper durablement. A gauche, le recul du PC sest fait au profit du PS et des Verts. Et la position de force de la gauche plurielle est surtout due à léclatement de la droite.
Cest cette situation de morcellement des partis sous la pression des appétits politiciens et de leur usure de plus en plus rapide au gouvernement qui a créé les conditions de la cohabitation, avec un président dun bord et une Assemblée et un gouvernement de lautre. Ces cohabitations nont fait quaggraver la situation, car en période de cohabitation, gauche et droite, de fait, gouvernent ensemble, portant ensemble la responsabilité des attaques menées contre le monde du travail. Les uns cherchent à se démarquer des autres tout en étant bien obligés dafficher une certaine solidarité au gouvernement, ils encourent du coup le même discrédit. A cela sajoute linstabilité créée par la multiplication des affaires, droite et gauche ayant chacune accès parce quau pouvoir, aux dossiers.
Pour plus de stabilité, cest-à-dire plus dindépendance vis-à-vis des aléas électoraux, nombre de politiciens rêvent dune majorité stable qui reposerait sur le bipartisme : un grand parti de droite et un grand parti de gauche sur le modèle des républicains et des démocrates aux USA ou travaillistes et conservateurs en Angleterre. Un tel bipartisme permettrait que lalternance entre les partis de gauche et de droite se fasse dans lordre et la continuité, sans déstabiliser tout le système. Cela nest certainement pas plus démocratique et dailleurs aux USA le taux dabstention atteint des niveaux record mais cest du moins plus stable aux yeux de la bourgeoisie.
Mais il nest pas sûr du tout que les politiciens français y parviennent. Car derrière la multiplication des partis, il y a surtout bien des ambitions personnelles, des plans de carrière de politiciens qui ne sont pas prêts à seffacer pour laisser la place à dautres.
Du point de vue de la bourgeoisie, il ny certes pas aujourdhui péril en la demeure, mais son intérêt va dans le sens des calculs politiciens de Jospin-Chirac car elle sait quelle aura à gérer des conflits sociaux, des crises sociales et politiques graves.
Le quinquennat, en permettant que coïncident élections législatives et élection présidentielle, contribue à obliger les partis à sintégrer dans une majorité présidentielle. Cela revient à renforcer le pouvoir présidentiel par rapport à lAssemblée et neutralise les effets dangereux des cohabitations. De là à la stabilité
C.M.
Le PC pris au piège des institutions de la Vème République
Le débat sur le quinquennat a confronté une nouvelle fois les dirigeants du PCF au problème qui leur est désormais habituel depuis trois ans : comment se solidariser du gouvernement, tout en manifestant des réserves à légard dune réforme dont une des conséquences serait de marginaliser encore plus le PCF ?
Hue a usé de nouveau de ses talents de contorsionniste. Tandis que Bocquet, le président du groupe parlementaire, rappelait la position traditionnelle du PC, le septennat non renouvelable, Hue faisait part " à titre personnel " de son ralliement au quinquennat, position reprise le 30 mai par le Conseil national. Ce revirement avait évidemment pour but de saligner sur la politique de Jospin et du gouvernement.
Mais il fallait bien que le PC fasse entendre sa " différence ". Aussi, tout en saffirmant pour le quinquennat, Hue a-t-il dénoncé " lopération politicienne " que constituerait linstauration du " quinquennat sec ". Selon lui, le quinquennat devrait saccompagner de lintroduction dune dose de proportionnelle aux Législatives et de la réduction du mandat de député à quatre ans pour que les élections présidentielles et législatives ne coïncident pas. Quant au probable référendum, le PCF appellera à une " abstention active, critique et offensive ", soucieux de marquer son désaccord avec le projet du " quinquennat sec " et de ne pas se retrouver aux côtés de la " droite archaïque et conservatrice ", quil navait pourtant pas craint de côtoyer lors du référendum sur Maastricht.
Mais quelles que soient leurs contorsions, les dirigeants du PC sont bel et bien pris une nouvelle fois dans la nasse. Le quinquennat provoquera, selon Hue, " une accentuation de la bipolarisation de la vie politique autour des seuls partis en situation davoir un candidat élu président de la République ". La représentation parlementaire du PC déjà fortement amoindrie, deviendrait une vraie peau de chagrin. Hue se retrouve donc une nouvelle fois pris dans sa logique de soutien au gouvernement Jospin - au moment où se négocient avec les socialistes les accords pour les Municipales - et tenu de défendre ses intérêts dappareil politique, concurrencé par les Verts et laminé par le Parti socialiste.
Les députés communistes ont marqué leur petite différence en prenant bien garde de ne pas gêner le gouvernement. Lors du vote de la loi sur le quinquennat, les députés communistes se sont abstenus mais comme lavaient recommandé Jospin et Chirac, ils nont soumis au vote aucun amendement. " On gérera la réforme [du quinquennat] comme on a su gérer leuro " avait déclaré Bocquet à Jospin pour lassurer quune nouvelle fois, le PC ne ferait pas obstacle aux projets du gouvernement et de Chirac.
La satellisation du PC par le Parti socialiste que lépisode du quinquennat illustre une nouvelle fois, nest quune étape de plus dans une évolution marquée par les choix du PC dans le cadre des institutions de la Vème République.
Un des buts de la Constitution mise en place par De Gaulle en 58 avait été dinstaurer une loi électorale qui laminait la représentation parlementaire du PC. Partagé entre sa marginalisation forcée de la vie politique soucieux de ne pas déplaire aux dirigeants américains et aux bourgeois français, les dirigeants de gauche se refusaient à toute alliance avec le PC et sa volonté dêtre " un parti de gouvernement " comme les autres, le PC était un obstacle au fonctionnement institutionnel, sans représenter pour les travailleurs une alternative.
En instaurant le scrutin uninominal à deux tours, la Constitution gaulliste créa le cadre dune bipolarisation de la vie politique qui contraignait les partis de gauche comme de droite à des alliances. Et si dans un premier temps, le PC protesta contre cette Constitution qui " ouvrait la voie au fascisme ", il se plia bien vite à sa logique et se contenta den dénoncer les articles les plus ouvertement réactionnaires comme larticle 16 qui donne les pleins pouvoirs au président de la République en cas de crise.
Le PC rechercha lalliance avec le Parti socialiste car il nenvisageait pas dautre politique que de redevenir un " parti de gouvernement " dans le cadre de la société capitaliste et de ses institutions. Le pari de Mitterrand dont lanticommunisme avait été une des constantes - fut dutiliser le PC pour parvenir au pouvoir, tout en uvrant à son affaiblissement. Mitterrand vint au pouvoir grâce au PC, dont il avait publiquement dit quil lui ferait perdre trois millions de voix. En 81, il fut élu président de la République et le PC tomba à 15 % de lélectorat, chute que sa participation au gouvernement ne fit quaccentuer dans les années suivantes. Le Parti communiste français fut désormais réduit à constituer une force dappoint parlementaire et gouvernementale au Parti socialiste, lui-même de plus en plus intégré aux milieux patronaux et défenseur ouvert du libéralisme.
La nouvelle réforme envisagée ne fera quaccentuer cette évolution. Les contorsions de Hue ne sont que le signe de limpuissance du PC et de limpasse dans laquelle il se trouve. La réforme sur le quinquennat ne fera que réduire un peu plus le champ politique du PC, parti stalinien converti au social-libéralisme. Un parti qui ne peut offrir aucune alternative aux travailleurs, aux jeunes qui veulent lutter aujourdhui pour changer la société.
Jean Kersau
La Constitution de la Vème République : une machine antidémocratique
La Constitution de la Vème République à laquelle toutes les forces politiques de gauche et de droite se sont ralliées, a donné des pouvoirs exorbitants au président de la République. Ces pouvoirs étaient taillés sur mesure pour que De Gaulle puisse gouverner indépendamment des partis politiques et des assemblées aussi dociles quelles aient été. De Gaulle définissait ainsi la fonction de Président de la République : " un arbitre national répondant en cas dextrême péril, de lindépendance de lhonneur de lintégrité de la France et du salut de la République ".
Larticle 16 prévoit que lorsque le " fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ", le président peut prendre " les mesures exigées par les circonstances ", termes dont limprécision lui donne une large marge de manuvre jusquau droit constitutionnel au coup dEtat.
Cet article 16 a pendant longtemps été lobjet de déclarations indignées de " démocrates républicains ". Ils le dénonçaient dautant plus fort que cela leur permettait de faire passer la Constitution pour démocratique, à condition quelle soit débarrassée de cette verrue. Mais ce que valait cette indignation, on le vit lorsque Mitterrand arrivé au pouvoir se garda bien dy toucher.
La Constitution de la Vème République donne également la possibilité au président de passer par-dessus les assemblées et les partis : larticle 11 lui donne le droit dorganiser un référendum pour procéder à des modifications de la Constitution. Il peut aussi dissoudre lAssemblée, à plusieurs reprises durant son mandat, la seule limite étant quil respecte un délai dun an entre chaque dissolution.
Le renforcement du pouvoir du président de la République avait pour but de lui faire prendre le pas sur les partis et lAssemblée nationale, reflets déformés de lopinion publique. La Constitution prévoit aussi que dautres organismes puissent jouer ce rôle, à commencer par le Sénat dont le mode de désignation par des " grands électeurs " (des électeurs eux-mêmes élus par des élus, députés, conseillers généraux, maires et conseillers municipaux) et le renouvellement par tiers tous les trois ans (afin quil soit à labri des mouvements changeants de lopinion publique !) garantissait une majorité délus conservateurs, le plus souvent notables locaux.
Mais il est aussi des organismes qui échappent à toute sorte délections : ainsi le Conseil constitutionnel formé de neuf membres désignés par le président de la République et les présidents des deux Chambres (chacun en nomme 3) et qui se prononce sur la validité des lois : il a eu à sa tête pendant plusieurs années Roland Dumas !
Ces organismes-là, sils échappent au contrôle direct du suffrage universel sont au moins connus, mais il est dautres officines et des services spéciaux de tous ordres dont lexistence nest même pas connue, qui agissent sous le couvert de la présidence de la République ou des différents ministères, couverts par le secret dEtat, et qui détiennent une partie du véritable pouvoir dans lopacité la plus complète.
Cest cette démocratie-là quacceptent tous les partis gouvernementaux. Cest dire que leurs références à la démocratie ne sont que mensonges et quun gouvernement au service des travailleurs aurait beaucoup de ménage à faire pour que la véritable démocratie, produit des luttes et de lintervention directe dans tous les domaines de la vie sociale des salariés et de lensemble de la population, devienne une réalité !
J.K.
Les droits démocratiques, conquêtes des masses dans la lutte contre la propriété privée bourgeoise
Les politiciens rivalisent dans leurs promesses sur la réforme institutionnelle, cest à celui qui sera le plus démocratique. En réalité, tous les droits démocratiques, le droit de vote, le suffrage universel, le droit dassociation, léligibilité, la protection sociale ont été gagnés par des luttes des opprimés. Le régime démocratique est lui-même le résultat des luttes du petit peuple en soutien à la bourgeoisie, cette même bourgeoisie dont les représentants politiques les plus avancés ont affirmé dans la Constitution de 1793 : " Quand le gouvernement viole les droits du peuple, linsurrection est, pour le peuple ( ) le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ". Cette classe alors révolutionnaire sétait dressée sur les épaules du peuple pour balayer la noblesse et ses représentants politiques. Pour entraîner derrière elle la grande masse des exploités, la bourgeoisie sétait faite le champion de la " souveraineté populaire ", de la " démocratie directe " contre la Monarchie de droit divin ; au bout de 3 ans de révolution, elle concéda le suffrage universel. Mais la Constitution de 1793 ne fut jamais appliquée. Pourtant, aujourdhui, la bourgeoisie voudrait lenterrer comme un mauvais souvenir. Car pendant la Révolution, le peu-ple sétait soulevé et, se mêlant de tout au travers des sections et des comités révolutionnaires, envahissant les assemblées pour exiger ses droits, il voulait prendre tout le pouvoir pour imposer des mesures révolutionnaires dans le sens des intérêts de la majorité. La bourgeoisie, inquiète pour sa propriété, fit mettre immédiatement un coup darrêt. Dès 1791, la loi Le Chapelier interdit tout rassemblement ou corporation ouvrière. Non seulement le peuple ne devait pas exercer le pouvoir, mais il ne pouvait même pas le déléguer ; à la faveur du recul de la Révolution, le personnel politique de la bourgeoisie instaura le suffrage censitaire : pour participer aux élections, il fallait disposer de revenus suffisants pour payer le cens ; les opprimés en furent écartés. En 1848, les exploités se soulevèrent, en dévoilant la mascarade de ces institutions, la Monarchie constitutionnelle puis la République, en exigeant alors " la République sociale ". La bourgeoisie répondit en accordant au socialiste Blanc et à louvrier Albert une Commission du travail sans pouvoir, pour laisser réprimer ensuite la révolution par larmée. A chaque insurrection populaire, la bourgeoisie a fait des concessions démocratiques en donnant lillusion au peuple que sa révolte était entendue, puis les a reprises dans les périodes de reflux révolutionnaire.
En 1871, le petit peuple de Paris remplaça le pouvoir politique de la bourgeoisie, avec son armée et ses institutions au service des privilèges matériels et sociaux dune minorité de parasites, par sa propre démocratie directe. Il prit les armes et instaura léligibilité pour tous, la révocabilité des élus payés à un salaire douvrier et il se donna un organe de pouvoir central, la Commune, exécutif et législatif à la fois, assemblée réellement agissante sous contrôle populaire. Il supprima le Parlement en se donnant une représentation politique faite pour défendre et réaliser rapidement les mesures indispensables à la collectivité. Cétait " la démocratie, un Etat qui reconnaît la soumission de la minorité à la majorité " selon lexpression de Lénine. Pendant la révolution russe, les travailleurs organisés en parlements ouvriers, les Soviets, prirent en main le contrôle des entreprises et de tout ce qui servait à la marche de la société. Ils imposèrent dans les faits les mesures les plus radicales dans lintérêt des exploités, en particulier des plus opprimés, des femmes et des enfants, à travers leurs propres organes armés et de représentation politique. En ce sens, ils détruisirent lEtat et les institutions, Douma et autres, vidées de tout contenu démocratique par leur appropriation par un personnel politique au service des possédants.
Leurs droits sociaux et les libertés politiques, les travailleurs les ont gagnés par une lutte acharnée contre les détenteurs de la propriété privée défendus par les institutions politiques de la bourgeoisie. Pour que ces droits ne se retournent pas contre eux, pour quils ne soient pas source dillusions mais un instrument démancipation, les travailleurs doivent sen servir pour remettre en cause la mainmise des capitalistes sur lensemble de léconomie. La défense des droits fondamentaux des salariés, des chômeurs, des exclus, des jeunes et plus généralement de tous ceux qui ne peuvent vivre que de leur travail implique une rupture avec les intérêts, la politique de la bourgeoisie et de ses défenseurs.
S.C.
Pour un pouvoir démocratique et révolutionnaire des travailleurs
Soucieux de se différencier du PS, le PC ne cesse dinvoquer la " citoyenneté ", mais une citoyenneté respectueuse des institutions en place, des intérêts nationaux comme de la propriété privée Pour faire plus radicaux, les Verts ont parlé de la nécessité dune 6ème République accompagnée dune Chambre sociale Tout cela, ce ne sont que des mots creux : aucun changement réel ou possible des institutions ne cachera quelles sont faites pour donner lillusion au peuple quil intervient au plus haut niveau dans la vie politique alors que toutes les décisions importantes sont prises dans son dos, même pas au Parlement, mais dans les Conseils dadministration des grandes entreprises et des grandes banques, dans les couloirs des ministères En plus, cette démocratie, déjà limitée pour les masses, sest restreinte aussi pour les bourgeois eux-mê-mes du fait de la concentration de plus en plus grande du pouvoir économique dans les mains de quelques grands groupes financiers.
Dans cette démocratie-là, les travailleurs nont le droit que de choisir " quel membre de la classe dirigeante les foulera aux pieds " selon lexpression de Marx, tous les 5 ou 7 ans ! Aujourdhui, vouloir démocratiser les institutions de lintérieur ou mettre en place des institutions sociales dotées de réel pouvoir est un leurre. De telles transformations ne peuvent être que luvre des travailleurs eux-mêmes, de leur mobilisation et de leurs luttes, par en bas.
La citoyenneté du monde du travail, de ceux qui font déjà tourner partout la production et la vie sociale par leur travail collectif, cest de sorganiser pour imposer directement leurs droits sociaux et démocratiques contre la mainmise des capitalistes sur lensemble de la société. Ils ne peuvent le faire que sils exercent eux-mêmes leur contrôle sur lappareil de production. Employés dentreprises de production, de comptabilité, de transports ou de communication, ils ont déjà en main les outils nécessaires pour le contrôle des richesses qui sont la propriété des capitalistes. Le seul contrôle efficace contre leur incurie envers la population et la nature, cest celui de la population organisée, sinformant, recensant les besoins, demandant des comptes sur le montant des profits, réclamant, chiffres à lappui, sa part des richesses, de réelles augmentations de salaires, des conditions de travail et des allocations correspondant à ses besoins. Elle seule peut proposer et préparer des projets dans lintérêt de tous pour lutilisation de largent public, pour maîtriser les effets de lactivité humaine sur lenvironnement. Le monde du travail ne peut vivre, travailler, se nourrir, se loger, séduquer, profiter pleinement des progrès, sans sorganiser lui-même, sans aucune illusion dans les institutions bourgeoises, en éveillant toutes les capacités et énergies des exploités pour leur émancipation sociale.
Pour cela, il a besoin de se donner des organes représentatifs, agissants, de choisir ses représentants, éligibles et révocables, de créer ses propres institutions démocratiques et révolutionnaires. Démocratique parce quassociant le plus largement possible tous les acteurs de la vie sociale dans le contrôle et la gestion de ce qui est nécessaire à la majorité pour vivre, et révolutionnaire car indépendant, cherchant à chaque instant à sémanciper des pressions de la bourgeoisie et de son appareil dEtat, de sa politique et de son idéologie. Le but étant pour les masses organisées de parvenir à renverser la bourgeoisie et sa propriété privée, à détruire son Etat et son armée pour que les hommes passent dun travail aliéné, de méthodes de commandement, à des tâches de simple " surveillance et compta-bilité " et puissent se consacrer à leur épanouissement dans la société.
Sophie Candela