dossier " Ni quinquennat, ni septennat... "



Ni quinquennat ni septennat,
Non au monarque républicain !
Non à la République des affaires et de la Bourse !
Boycott du référendum de Chirac-Jospin, diversion politicienne !

Après l’Assemblée nationale, le Sénat vient donc d’adopter le projet de réforme constitutionnelle du quinquennat. Faut-il ratifier le projet par le Congrès (la réunion de l’Assemblée et du Sénat) ou par un référendum, telle est la discussion qui semble avoir pendant quelques jours agité le petit monde politique avant d’être tranchée par Chirac qui doit annoncer mercredi soir la date du référendum, sans doute le dimanche 8 octobre.

Toute cette agitation n’aura pas dépassé le cadre étroit du milieu des politiciens, ne suscitant qu’une indifférence ironique dans le monde du travail. En effet, il est clair que les enjeux du débat n’ont rien à voir avec les préoccupations de la grande majorité des salariés et de la population. Et nous n’avons pas à être partie prenante de ces faux débats qui divisent le monde des politiciens mais qui, fondamentalement, ne changent rien à l’absence de démocratie réelle, et cela même quand les politiciens consultent la population par référendum. Si avec le Congrès, où ils auraient fait leur cuisine entre eux, leur crainte du désaveu populaire aurait été trop visible, il serait illusoire et ridicule de croire que le référendum est une solution plus démocratique. Par ce référendum, ils ne visent qu’à faire avaliser par la population une réforme qui fondamentalement est antidémocratique et à vouloir lui donner une légitimité populaire.

Pour les politiciens de droite comme de gauche qui défendent le quinquennat, le véritable enjeu n’est pas de savoir s’il vaut mieux un mandat présidentiel court ou long. Le but de la réforme est, en renforçant le pouvoir présidentiel, de garantir ou du moins d’essayer de renforcer la stabilité des institutions bien mises à mal par plusieurs années de cohabitation. Et c’est pour cela que Chirac et Jospin se retrouvent d’accord, main dans la main, pour verrouiller le système institutionnel afin d’éviter que les guerres entre clans politiciens de droite et de gauche ne débouchent sur le déballage d’affaires de ces derniers mois : les fraudes électorales à Paris qui impliquent la droite répondant à l’affaire d’Elf-Total ou à celle de la MNEF qui mouillent la gauche !

Pour essayer de garantir la stabilité des institutions, ils veulent ramener la durée du mandat présidentiel à la durée du mandat des députés de l’Assemblée nationale, ce qui revient à mettre l’Assemblée nationale sous la tutelle du président de la République, et vise à éviter les situations de cohabitation où Président et gouvernement se retrouvent en rivalité.

En effet, le mandat présidentiel de 7 ans avec élection au suffrage universel était taillé sur mesure pour le général De Gaulle, qui avait été capable, pendant des années, d’imposer sa volonté aux partis qui le soutenaient et lui donnaient une large majorité assurant la stabilité du régime. Cette Vème République taillée sur mesure par et pour De Gaulle a connu par la suite bien des vicissitudes, les textes de lois ne pouvant ni pallier l’insuffisance des hommes de la bourgeoisie, ni maîtriser les ambitions des politiciens qui se bousculaient pour accéder à la mangeoire. Les présidents qui se sont succédés après De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et maintenant Chirac, ont eu bien du mal à obtenir et conserver une majorité stable. Avec Mitterrand puis Chirac, les situations de cohabitation se sont multipliées. Aussi, Chirac et Jospin redoutent-ils d’éventuelles difficultés pour s’imposer par eux-mêmes à droite ou à gauche et cherchent à mettre en place un cadre institutionnel obligeant les partis de leur bord, si ce n’est à s’unir, du moins à les soutenir. Ils voudraient stabiliser la situation en mettant en place un semblant de bipartisme à partir de la multitude des partis actuels et des ambitions de leurs rivaux. Mais il ne suffira certainement pas d’une réforme institutionnelle pour réunifier la droite ou la gauche dans une majorité présidentielle.

Au-delà de ces calculs politiciens et des plans de carrière des uns et des autres, Chirac et Jospin œuvrent dans le sens des intérêts de la bourgeoisie. En effet, pour que les politiciens à son service défendent ses intérêts contre l’ensemble de la population, il faut la plus grande stabilité possible des institutions et du régime politique. Les politiciens doivent pouvoir agir en toute indépendance de l’opinion publique et des calculs de leurs rivaux. D’autant que l’offensive libérale dans le cadre de la mondialisation et de la fuite en avant de la construction européenne, en aggravant les inégalités sociales prépare des situations de crises sociales et politiques face auxquelles la bourgeoisie a besoin d’un pouvoir fort et stable.

C’est aussi pour cela que nous n’avons rien à attendre d’un meilleur fonctionnement des institutions bourgeoises. Car cette stabilité que les politiciens cherchent c’est pour pouvoir plus facilement mener l’offensive au service de la finance contre nos intérêts !

Alors, les droits démocratiques qu’il nous faut défendre en tant que salariés, c’est le droit pour nous d’exercer notre contrôle sur la marche de toute la société, des entreprises, des banques et de l’Etat. Ces droits qui sont la condition de la défense de nos intérêts sociaux, ce n’est qu’à travers notre organisation et notre mobilisation que nous pourrons les imposer.

Une véritable démocratie citoyenne ne peut reposer que sur le principe d’une Assemblée unique élue au suffrage universel et proportionnel, à la fois pouvoir législatif et exécutif. Une Assemblée reposant sur une démocratie directe et participative s’appuyant à tous les niveaux sur l’organisation démocratique de la population, dans les entreprises, les quartiers, les villes et les régions.

Alors il n’y a rien à attendre de ce référendum que nous ne pouvons que dénoncer comme une manœuvre pour essayer de faire plébisciter par la population une réforme politicienne antidémocratique. Nous n’avons pas à choisir entre quinquennat ou septennat, quelle que soit la durée, le président comme le gouvernement mèneront une politique contre les intérêts de l’ensemble de la population. Pour nous, révolutionnaires, il ne pourra s’agir que de boycotter ce référendum en dénonçant son caractère antidémocratique, pour réaffirmer la nécessité d’une réelle démocratie c’est à dire du contrôle de la population sur toute la vie sociale.

Charles Meno

 

Chirac, Jospin, main dans la main pour étouffer les affaires

A droite, l’affaire des " faux électeurs " du Vème arrondissement de Paris vient de conduire à la mise en examen de Xavière Tiberi après celle de Nentien, secrétaire général de la Mairie pour " manœuvres frauduleuses de nature à fausser la nature du scrutin ". Les juges ont recensé 7 228 " électeurs suspects " et des dizaines d’électeurs affirment que leur inscription sur les listes électorales a favorisé leur embauche ou l’octroi d’un logement par la mairie. Ce système frauduleux existerait depuis la fin des années 70, impliquant Tiberi mais aussi le précédent maire… Chirac.

Cette affaire s’ajoute à celle des emplois fictifs impliquant Juppé, à celle du " rapport sur la francophonie " plus que surfacturé à Xavière Tiberi, à celle de " trafic d’influences " sur les marchés passés par l’organisme des HLM, l’Opac présidé par Tiberi.

Beaucoup d’affaires mais aucune condamnation contre les responsables de la droite. Les responsables de la gauche gouvernementale ne tiennent surtout pas à poursuivre ces affaires. Certains ont déclaré que la question des faux électeurs parisiens ne devait pas être un " sujet d’affrontement ou de concurrence ". Déjà, en février 98, le Conseil constitutionnel présidé alors par… Roland Dumas, avait validé l’élection de Tiberi, malgré les accusations de fraude.

Bref, les uns et les autres se couvrent pour ne pas que le tout s’étale : c’est cela ce que Jospin appelle être " responsable ".

A gauche, Dumas, accusé de " complicité d’abus de biens sociaux " (estimés à 8 millions de francs ) a invoqué des " raisons médicales " pour ne pas comparaître à son procès. Il a, pour sa défense, incriminé ses autres collègues ministres comme Cresson qui, alors Premier ministre, avait donné son feu vert à la vente de frégates à Taïwan alors que le président de France-Taiwan n'est autre que son mari.

Le PS est aussi englué dans l’affaire de la MNEF. Strauss-Kahn est poursuivi pour " faux et usage de faux " pour son intervention (rémunérée grassement à 603 000 francs) dans les négociations entre la mutuelle et l'ex-CGE, rebaptisée Vivendi, entre 1994 et 1996. Cambadélis, député à Paris, vient d’être mis en examen, pour " recel d’abus de confiance " à cause d’une indemnité de 200 000 F reçue comme administrateur entre 1993 et 1995, et d’un salaire de 420 499 F comme " sociologue ", entre 1991 et 1993, au sein de la MIF, filiale de la MNEF. Au total, c’est une quarantaine de personnes du PS et d’organisations proches comme SOS-Racisme et l’UNEF-ID qui sont ainsi mises en examen.

Toutes ces affaires gênent tant Chirac que Jospin. Fidèles défenseurs des intérêts des riches, par leur politique contre le monde du travail ou par leur rôle pour l’obtention de tel ou tel marché, ils sont tous subjugués par la bourgeoisie, son parasitisme, et les grasses commissions qu’elle procure.

Denis Seillat

Référendum : une démocratie de dupes pour tenter de faire plébisciter une réforme antidémocratique !

Quoi de plus démocratique que de faire voter toute la population sur un débat constitutionnel ? Cette apparente évidence masque le fait tout aussi évident que sommer la population de répondre par oui ou par non à une question choisie par le président ressemble plus à une mise en demeure qu’à un débat démocratique.

D’ailleurs, tout a été fait pour qu’il n’y ait pas de réelle discussion sur le caractère antidémocratique des institutions politiques. A l’Assemblée, le projet a été voté sans amendement. Les défenseurs d’une VIème Constitution ou d’un non cumul des mandats, comme les Verts, ont dû se contenter d’un " quinquennat sec ". " Le quinquennat, ce sera toujours ça de pris " se sont-ils consolés, en s’applatissant devant les exigences de Chirac.

Que le Président soit élu pour sept ou cinq ans ne change rien, toutes les décisions qui nous concernent sont prises dans les couloirs des ministères et dans les conseils d’administration des grandes entreprises et des banques. On nous demande, préférez-vous que le Président mène une politique anti-ouvrière pendant 5 ans ou 7 ans, avant d’être réélu ou de laisser la place à un nouveau qui mènera la même politique !

Le référendum est mythique pour la Vème république " a déclaré non sans ridicule Pierre Mauroy. Et effectivement tous les référendums passés n’ont été que des plébiscites institutionnalisés à travers lesquels De Gaulle et ses successeurs ont voulu obtenir la caution d’un vote pour leur politique. Les politiciens qui se livrent, avec grand sérieux à des débats constitutionnels, en prenant la population à témoin, en appellent au peuple pour pouvoir mener, en son nom, une politique qui défend les intérêts d’une minorité de privilégiés.

CM

Congrès ou référendum : calculs politiciens et fausse démocratie

Le petit monde des politiciens a été agité par le grand débat : Congrès ou référendum. Et les petits calculs ont tenté de se draper dans les grands principes : la démocratie, la modernité, le respect des institutions, voire la mémoire d’outre-tombe de De Gaulle…

Pour les partisans du Congrès, le problème est simple : " Laissons donc cette réforme aux techniciens ! " a déclaré Christian Poncelet le président RPR du Sénat, " les Français (...) sont de bon sens. Ils reprocheraient l’organisation d’un référendum, en se disant qu’on y passe beaucoup de temps et qu’on dépense beaucoup d’argent ". A gauche, François Hollande l’a soutenu : " Lorsqu’on peut faire simple et qu’on peut faire vite, pourquoi faire compliqué ? " En clair, les sondages disent qu’une majorité de Français est pour... alors pourquoi s’embêter ? Mais les sondages précisent aussi qu’une majorité n’ira pas voter... et c’est là leur problème. A cause d’une abstention massive, et du fait que certains à droite, comme Pasqua et de Villiers, feront campagne pour le " non ", alors que le PCF, lui, appellera à une " abstention offensive ", le référendum risque d’être un fiasco ! Aussi un sénateur RPR a avoué : " dans l’intérêt même de Jacques Chirac ", il vaudrait mieux " qu’il choisisse la voie du Congrès. Ça me paraît plus prudent ".

Que diraient les Français si le Président ne les consultait pas sur une telle réforme ? " s’indignait un proche de Chirac. Il est aujourd’hui rassuré, ouf, nous serons consultés et nous saurons quoi leur dire : ni oui ni non, mais…M… !

C. M.

L’élection présidentielle au suffrage universel : une fausse démocratie, un vrai plébiscite !

Le fait que le président de la République soit élu au suffrage universel est présenté par tous les partis politiques de gauche comme de droite, comme un garant de la démocratie. Oui, bien sûr, il apparaît plus normal qu’un homme qui dispose de tels pouvoirs soit désigné par l’ensemble des électeurs plutôt que par 81 500 " grands électeurs " comme le prévoyait la Constitution de 1958 dans la continuité de celle de la IVème République.

Mais cette démocratie ne vaut que dans la forme de désignation car la fonction elle-même est parfaitement anti-démocratique : elle consacre l’expropriation de la population du pouvoir politique et quelles qu’en soient les formes, cette expropriation ne peut être démocratique.

Les raisons mêmes qui sont à l’origine de l’élection du président de la République au suffrage universel sous la Vème République n’ont rien de démocratique, pas plus que l’origine de la fonction présidentielle.

Créée par la Constitution de 1848, la présidence de la République avait pour but de laisser la porte ouverte à un retour de la monarchie. Elle servit de tremplin à la dictature de Napoléon III en lui conférant un pouvoir que Marx décrivait ainsi : " alors que chaque député ne représente que tel ou tel parti, telle ou telle ville.. ou même la simple nécessité d’élire un sept cent cinquantième individu quelconque, opération dans laquelle on ne se montre pas plus difficile pour l’homme que pour la chose, il est lui l’élu de la nation et son élection est l’atout que le peuple souverain joue une fois tous les quatre ans. " En 1875, la fonction fut de nouveau introduite dans la Constitution en attendant que les prétendants royalistes se mettent d’accord sur la forme de monarchie qui serait mise en place : le président étant considéré comme un " monarque républicain ", il était nommé pour sept ans et indéfiniment rééligible.

Sous la Vème République, la fonction présidentielle n’avait évidemment pas pour but de ménager le retour possible de la monarchie, mais elle n’en était pas plus démocratique pour autant. La Constitution de la Vème République ne prévoyait d’ailleurs pas en 1958 l’élection du président de la République au suffrage universel. C’est avant tout la volonté de De Gaulle de consolider son pouvoir personnel qui en est à l’origine. Car, si en 1958, De Gaulle apparaissait tant à droite qu’à gauche comme le seul homme politique capable de mettre fin à la guerre d’Algérie, les bases de son pouvoir s’affaiblirent avec la signature des accords d’Evian qui mettaient fin à la guerre. Il éprouva le besoin d’institutionnaliser son pouvoir en faisant élire le Président de la République au suffrage universel. Rien de spécialement démocratique dans cette démarche. D’ailleurs, lorsque les projets de De Gaulle furent connus, l’opposition hurla à la " forfaiture ", renversa le gouvernement Pompidou et De Gaulle dut dissoudre l’Assemblée avant de procéder à un référendum en octobre 62.

L’appel au suffrage universel n’était donc ni plus ni moins qu’une façon de se faire légitimer contre les partis et les assemblées, cantonnant la population à la seule fonction d’acclamation de celui qui avait fait de son pouvoir présidentiel un plébiscite permanent au nom de sa menace : " c’est moi ou le chaos ".

Ce renforcement du pouvoir présidentiel n’obéissait pas seulement à la volonté de De Gaulle, il correspondait aussi à la volonté des possédants de faire en sorte que leur pouvoir soit le plus possible hors du contrôle direct de la population.

La concentration du pouvoir économique entre les mains d’un nombre de plus en plus limité de capitalistes et de financiers s’est accompagnée d’un renforcement des pouvoirs de l’exécutif et de la fonction présidentielle afin de mieux soumettre ceux-ci à leurs intérêts exclusifs.

Dans le pays où les pouvoirs du président sont le plus affirmés, les USA, cette démocratie apparaît comme une véritable mascarade : les électeurs ressentent tellement l’absence d’un choix véritable lors de l’élection présidentielle, que plus de la moitié d’entre eux ne se déplacent même pas pour élire " l’homme le plus puissant du monde " dans la " plus grande démocratie du monde ".

Tant que les salariés et l’ensemble de la population n’auront aucun contrôle véritable sur le véritable pouvoir, le pouvoir économique, tant qu’ils n’auront aucun pouvoir de décision, aussi bien sur leur travail, leur salaire, leurs horaires et leurs conditions de travail que sur les choix économiques qui conditionnent l’avenir de la société, la démocratie ne peut être qu’un théâtre d’ombres où les politiciens tentent de faire croire que leur élection peut changer quelque chose. S’il est une leçon politique qui paraît évidente depuis 20 ans, c’est bien que le choix d’un politicien dans le cadre de cette démocratie-là, n’est qu’un jeu de dupes !

J K

La Constitution de 1958, fille d’un coup d’Etat

Tous les politiciens, de la droite à Hue, en passant par les Verts qui se réclament de la " Constitution démocratique de la Vème République " et discutent de comment la modifier en en respectant " l’esprit ", réécrivent l’histoire en " oubliant " que la Constitution de 58 est le résultat d’une tentative de coup d’Etat visant à garantir l’ordre contre les travailleurs de France métropolitaine et le peuple algérien insurgé pour son émancipation.

Le 13 mai 1958, à Alger, les colons mobilisés par les militaires d’extrême-droite envahissent le Gouvernement général. Un Comité de salut public est formé, dirigé par Massu, le général des parachutistes. Ils veulent la liquidation du Parlement, à majorité de gauche depuis 1956, et des gouvernements qu’il nomme, considérés comme incapables d’assurer la défense de l’Algérie française. Salan, un autre général, s’adressant aux manifestants lance le nom qui symbolise leurs espoirs : " Vive de Gaulle ". Il y a quiproquo. Le vieux général réactionnaire a compris que l’empire colonial était fini et qu’il lui appartenait d’user de son prestige pour s’imposer à l’armée et à l’extrême-droite pour faire valoir les intérêts de l’impérialisme français. Il saisit l’occasion pour faire son propre coup de force.

Quelques jours plus tard, le président de la République, qui n’avait alors aucun pouvoir, en appelle à de Gaulle et le 1er juin, l’Assemblée lui vote les pleins pouvoirs pour régler la crise en Algérie et le mandate pour soumettre aux électeurs une nouvelle constitution en remplacement de celle de la IVème République. Guy Mollet, dirigeant du PS, président du Conseil à de nombreuses reprises entre 1946 et 1958, qui a envoyé les jeunes appelés faire la guerre en Algérie sous les ordres de Massu et Salan, explique que c’est le seul moyen d’échapper à un coup d’Etat d’extrême-droite.

La IVème République avait été mise en place en 1946 sur la base du rapport de force entre les partis à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Le MRP, constitué par d’anciens chefs de la Résistance gaulliste, avait tenté de fédérer la droite pour faire contrepoids au PS et surtout au PC. Mais sans réussir à s’imposer. De Gaulle ne voulant pas dépendre du jeux des partis, s'était mis en " réserve de la République " en 1946. La Constitution de 1946 représentait une tentative de compromis entre les trois principaux partis, MRP, PS et PC.

La IVème République devait assurer à la bourgeoisie les services d’hommes " de gauche " du PS et surtout du PC à l’égard duquel la fraction la plus arriérée (et pas la moins importante) de la bourgeoisie française conservait une méfiance malgré toutes les preuves de loyauté données par celui-ci. En 1946, le PC est d’autant plus incontournable qu’il sort renforcé de la Résistance, et que la bourgeoisie a besoin de lui pour remettre au travail la classe ouvrière et faire accepter à la population le maintien du même appareil d’Etat qui avait collaboré avec les nazis. La Constitution de 1946 entérine cette situation : régime d’assemblée qui assure au PS et surtout au PC de nombreux sièges au Parlement, mais en même temps régime instable, puisque les scrutins à la proportionnelle départementale ne permettaient à aucun parti d’être majoritaire à lui seul dans le Parlement. Le gouvernement nommé par l’Assemblée des députés était un gouvernement de compromis entre les trois partis dominants.

A partir de 1947, le PC se retrouve, contraint et forcé, dans l’opposition du fait de la Guerre froide et de la mobilisation des travailleurs en grève dans les usines Renault, dans les Charbonnages entre autres, contre la politique du gouvernement qui leur impose des salaires de famine, des conditions de travail insupportables et le maintien du rationnement. Le PC choisit de ne pas s’opposer de front aux salariés et quitte alors le gouvernement. Entre 1947 et 1958, les gouvernements sont des coalitions fluctuantes et fragiles entre le PS et ses diverses sensibilités et le MRP de droite.

En 12 ans d’existence, ce régime a connu 22 gouvernements différents ce qui fait une durée de vie d’un peu plus de 6 mois par ministère. C’est la lutte des peuples colonisés pour conquérir leur indépendance, plus particulièrement la guerre d’Algérie, qui va faire éclater la crise politique latente

La bourgeoisie française refuse d’abdiquer de son empire et préfère s’enliser, après sa défaite en Indochine, dans une nouvelle guerre coloniale que tout le monde sait perdue d’avance. L’OAS, organisation d’extrême-droite pratiquant le terrorisme, rêve de coup d’Etat alors que les gouvernements se succèdent tous aussi impuissants les uns que les autres.

Politiciens de droite comme de gauche n’osent affronter ni la bourgeoisie, ni l’armée. Aucun n’a les moyens d’enrayer la crise qui éclate violemment le 13 mai 58.

De Gaulle s’impose comme arbitre, " c’est moi ou le chaos ". Posant au Bonaparte, vis-à-vis des syndicats et du PC, il brandit la menace d’extrême-droite, vis-à-vis de la droite et de l’armée, il invoque son prestige de chef de la Résistance.

Ayant pris en main la question algérienne qu’il faudra plus de quatre ans pour " régler " et de façon dramatique, il entend aussi régler la question de l’instabilité parlementaire, liquider le règne des partis et se donner une constitution sur mesure. Il veut un " Etat fort " garanti par l’indépendance du gouvernement par rapport à l’Assemblée nationale. Le gouvernement sera désormais nommé par le président de la République. La réforme du mode de scrutin, majoritaire à deux tours, favorise les regroupements et marginalise le PC. De Gaulle diminue le poids du vote des circonscriptions urbaines par rapport aux rurales plus favorables à la droite. En 1958, avec 200 000 voix de plus que le parti de droite, le PC obtient dix-neuf fois moins de députés.

Cette nouvelle Constitution obtiendra 80 % des voix au référendum d’octobre 58. Cela correspond à une logique, le ralliement du PS et de la droite à de Gaulle, pris entre la peur du coup d’Etat militaire et leur haine anti-communiste. Le PC a appelé à voter " non " au référendum au nom de la défense de la IVème République qui ne représentait pas plus les intérêts des travailleurs que De Gaulle, sans offrir une véritable politique aux travailleurs.

Prisonnier de son soutien passé à De Gaulle dans la Résistance, privé de toute perspective, il fut isolé face à l’anti-communisme déferlant, et condamné à rechercher l’alliance avec le rival de De Gaulle tout aussi anticommuniste que lui, Mitterrand.

Isabelle Cazaux

 

Le PS, des fonts baptismaux de la Vème au quinquennat…

Pour beaucoup de salariés aujourd’hui, le Parti socialiste a toujours été opposé au gaullisme, au pouvoir des forces réactionnaires. Mitterrand, candidat unique de la gauche, ne déclarait-il pas au lendemain des élections présidentielles de 74 que le candidat de droite, Giscard d’Estaing, avait remportées : " une formidable coalition du pouvoir en place et des forces de l’argent a contenu d’extrême justesse le mouvement populaire. Notre combat continue ". En 1958, le PS parlait moins fort, il s’était rallié purement et simplement à De Gaulle tandis que Mitterrand, qui n’était pas encore " socialiste ", choisissait, lui, de s’y opposer, postulant déjà à la présidence…

En 58, le Parti socialiste va chercher De Gaulle :

Le 1er juin 58, la moitié des députés socialistes vote l’investiture à De Gaulle et Guy Mollet, chef de file de la SFIO, ancêtre du PS, devient l’un de ses ministres. Le ralliement du PS à De Gaulle est dans la logique de toute sa politique passée où il a assumé dans les différents gouvernements de la IVème République la politique réactionnaire de la bourgeoisie et tout particulièrement, la répression colonialiste contre le peuple algérien.

Le PS, comme tous les partis bourgeois, se rallie à de De Gaulle et se fait même l’artisan de sa venue au pouvoir. Après le 13 mai 58, Guy Mollet lui envoie un message pour lui demander de résoudre la crise. L’ancien président de la République, le socialiste Vincent Auriol, le supplie de " rétablir l’unité compromise ". Et la rencontre pour la passation des pouvoirs entre De Gaulle et le gouvernement Pflimlin est organisée par Guy Mollet. Le 3 juin, le PS vote les pleins pouvoir au général réactionnaire et Guy Mollet et Defferre appellent à voter " oui " au référendum pour faire adopter la Constitution gaulliste.

La manifestation qui est organisée le 28 mai, à Paris, par le PC et les syndicats contre De Gaulle, à laquelle le PS appelle, n’est qu’un baroud d’honneur sans lendemain.

Le politicien Mitterrand, qui a été onze fois ministre sous la IVème République et qui n’appartient pas au PS, se déclare opposant au pouvoir personnel de De Gaulle ; il appelle à voter " non " au référendum, comme le PCF, et compare le gaullisme au " système présidentiel en Amérique du Sud et au système parlementaire tel qu’il fonctionnait il y a un siècle sous Louis-Philippe et Louis-Napoléon ". Cette prise de position contre la Constitution de 58 va lui permettre de se rallier le PCF pour, grâce à la Constitution, s’imposer comme chef de file de la gauche.

L’Union de la gauche, fille naturelle du pouvoir gaulliste :

La Constitution de 58 oblige les partis politiques à nouer des alliances et des accords de désistement au 2ème tour pour avoir des élus. Mitterrand, qui n’a pas d’appareil politique et encore moins de programme, sait que sans une alliance avec le PCF, il n’a aucune chance d’arriver au gouvernement. Après s’être posé en opposant à De Gaulle, en ayant pris position contre le référendum de 58 et à nouveau en 62, contre l’élection du président de la République au suffrage universel, il va se couler dans le moule de la Vème république et se servir du suffrage universel pour se faire légitimer. Pour cela, il a besoin du soutien du PCF qui va le cautionner en acceptant une première fois, aux Présidentielles de 65 puis en 74, de ne pas présenter de candidat et d’appeler à voter pour lui, en en faisant le " candidat unique de la gauche ".

Aux élections présidentielles de 65, Mitterrand met De Gaulle en ballottage au 2ème tour, et ainsi se donne comme futur présidentiel potentiel. Dans son livre Ma part de vérité, il écrit : " dès 62 c’est-à-dire dès qu’il a été décidé que l’élection du président de la République aurait lieu au suffrage universel, j’ai su que je serais candidat ". En 61, lors d’un débat à l’Assemblée sur l’élection du président de la République au suffrage universel, il déclarait : " la République n’a jamais reconnu l’autorité d’un homme ni l’autorité d’un seul pouvoir ". L’opposant au régime gaulliste a su se servir des possibilités offertes par la Constitution pour acquérir un poids personnel grâce à l’élection au suffrage universel.

En même temps, il continue à jouer les opposants critiques du pouvoir personnel pour donner le change à l’électorat du PCF, avec la complicité de celui-ci. Il publie en 64 un livre intitulé Le Coup d’Etat permanent où il se prétend le défenseur des libertés démocratiques et en faveur d’un changement de société dont il se garde bien de préciser le contenu et sans prendre aucun engagement concret.

Pour pouvoir faire pièce à l’influence électorale du PCF, il lui faut un appareil politique pour s’imposer face à l’appareil de celui-ci. Ce sera chose faite, en 71, au congrès d’Epinay où il met la main sur le PS en perte de vitesse électorale ; il s’impose comme celui qui peut domestiquer le PCF tout en ayant son soutien complet. Le " nouveau Parti socialiste " présidé par Mitterrand est l’appareil électoral qui impose au PCF son ralliement sans aucune contre partie : aux présidentielles de 74, Mitterrand est le candidat unique de la gauche, qui n’a plus aucune critique à faire vis-à-vis de la Constitution et à cette occasion, il impose au PCF, de fait, de se rallier à la Constitution. Dans le " programme commun de gouvernement ", signé en 72 entre le PS et le PCF, ne subsiste que la demande de l’abrogation de l’article 16 de la Constitution.

Elu président de la République dans le cadre des institutions de la Vème république, Mitterrand déclare en 86, à propos de l’alternance : " je ne connais qu’une réponse, la seule possible, la seule raisonnable, la seule conforme aux intérêts de la nation : la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution ".

Pour le PS aujourd’hui, la réforme du quinquennat s’inscrit dans la logique de cette même Constitution dont il s’est fait le serviteur fidèle.

Valérie Héas

Le bipartisme ou la quête d’une impossible stabilité politique mise à mal par les appétits des politiciens

Dans la Vème république les pouvoirs du Parlement ont été limités au profit du président de la République élu au suffrage universel. Un tel système ne pouvait trouver sa stabilité qu’autour d’un homme politique comme De Gaulle capable de s’imposer à une large fraction des partis de droite qui lui apportaient leur soutien. Mais De Gaulle parti, le système est devenu de plus en plus instable, car aucun des présidents qui ont suivi n’a pu réunir autour de lui une majorité de droite ou de gauche stable. La droite s’est morcelée et n’a jamais été capable de se regrouper durablement. A gauche, le recul du PC s’est fait au profit du PS et des Verts. Et la position de force de la gauche plurielle est surtout due à l’éclatement de la droite.

C’est cette situation de morcellement des partis sous la pression des appétits politiciens et de leur usure de plus en plus rapide au gouvernement qui a créé les conditions de la cohabitation, avec un président d’un bord et une Assemblée et un gouvernement de l’autre. Ces cohabitations n’ont fait qu’aggraver la situation, car en période de cohabitation, gauche et droite, de fait, gouvernent ensemble, portant ensemble la responsabilité des attaques menées contre le monde du travail. Les uns cherchent à se démarquer des autres tout en étant bien obligés d’afficher une certaine solidarité au gouvernement, ils encourent du coup le même discrédit. A cela s’ajoute l’instabilité créée par la multiplication des affaires, droite et gauche ayant chacune accès parce qu’au pouvoir, aux dossiers.

Pour plus de stabilité, c’est-à-dire plus d’indépendance vis-à-vis des aléas électoraux, nombre de politiciens rêvent d’une majorité stable qui reposerait sur le bipartisme : un grand parti de droite et un grand parti de gauche sur le modèle des républicains et des démocrates aux USA ou travaillistes et conservateurs en Angleterre. Un tel bipartisme permettrait que l’alternance entre les partis de gauche et de droite se fasse dans l’ordre et la continuité, sans déstabiliser tout le système. Cela n’est certainement pas plus démocratique et d’ailleurs aux USA le taux d’abstention atteint des niveaux record mais c’est du moins plus stable aux yeux de la bourgeoisie.

Mais il n’est pas sûr du tout que les politiciens français y parviennent. Car derrière la multiplication des partis, il y a surtout bien des ambitions personnelles, des plans de carrière de politiciens qui ne sont pas prêts à s’effacer pour laisser la place à d’autres.

Du point de vue de la bourgeoisie, il n’y certes pas aujourd’hui péril en la demeure, mais son intérêt va dans le sens des calculs politiciens de Jospin-Chirac car elle sait qu’elle aura à gérer des conflits sociaux, des crises sociales et politiques graves.

Le quinquennat, en permettant que coïncident élections législatives et élection présidentielle, contribue à obliger les partis à s’intégrer dans une majorité présidentielle. Cela revient à renforcer le pouvoir présidentiel par rapport à l’Assemblée et neutralise les effets dangereux des cohabitations. De là à la stabilité…

C.M.

Le PC pris au piège des institutions de la Vème République

Le débat sur le quinquennat a confronté une nouvelle fois les dirigeants du PCF au problème qui leur est désormais habituel depuis trois ans : comment se solidariser du gouvernement, tout en manifestant des réserves à l’égard d’une réforme dont une des conséquences serait de marginaliser encore plus le PCF ?

Hue a usé de nouveau de ses talents de contorsionniste. Tandis que Bocquet, le président du groupe parlementaire, rappelait la position traditionnelle du PC, le septennat non renouvelable, Hue faisait part " à titre personnel " de son ralliement au quinquennat, position reprise le 30 mai par le Conseil national. Ce revirement avait évidemment pour but de s’aligner sur la politique de Jospin et du gouvernement.

Mais il fallait bien que le PC fasse entendre sa " différence ". Aussi, tout en s’affirmant pour le quinquennat, Hue a-t-il dénoncé " l’opération politicienne " que constituerait l’instauration du " quinquennat sec ". Selon lui, le quinquennat devrait s’accompagner de l’introduction d’une dose de proportionnelle aux Législatives et de la réduction du mandat de député à quatre ans pour que les élections présidentielles et législatives ne coïncident pas. Quant au probable référendum, le PCF appellera à une " abstention active, critique et offensive ", soucieux de marquer son désaccord avec le projet du " quinquennat sec " et de ne pas se retrouver aux côtés de la " droite archaïque et conservatrice ", qu’il n’avait pourtant pas craint de côtoyer lors du référendum sur Maastricht.

Mais quelles que soient leurs contorsions, les dirigeants du PC sont bel et bien pris une nouvelle fois dans la nasse. Le quinquennat provoquera, selon Hue, " une accentuation de la bipolarisation de la vie politique autour des seuls partis en situation d’avoir un candidat élu président de la République ". La représentation parlementaire du PC déjà fortement amoindrie, deviendrait une vraie peau de chagrin. Hue se retrouve donc une nouvelle fois pris dans sa logique de soutien au gouvernement Jospin - au moment où se négocient avec les socialistes les accords pour les Municipales - et tenu de défendre ses intérêts d’appareil politique, concurrencé par les Verts et laminé par le Parti socialiste.

Les députés communistes ont marqué leur petite différence en prenant bien garde de ne pas gêner le gouvernement. Lors du vote de la loi sur le quinquennat, les députés communistes se sont abstenus mais comme l’avaient recommandé Jospin et Chirac, ils n’ont soumis au vote aucun amendement. " On gérera la réforme [du quinquennat] comme on a su gérer l’euro " avait déclaré Bocquet à Jospin pour l’assurer qu’une nouvelle fois, le PC ne ferait pas obstacle aux projets du gouvernement et de Chirac.

La satellisation du PC par le Parti socialiste que l’épisode du quinquennat illustre une nouvelle fois, n’est qu’une étape de plus dans une évolution marquée par les choix du PC dans le cadre des institutions de la Vème République.

Un des buts de la Constitution mise en place par De Gaulle en 58 avait été d’instaurer une loi électorale qui laminait la représentation parlementaire du PC. Partagé entre sa marginalisation forcée de la vie politique – soucieux de ne pas déplaire aux dirigeants américains et aux bourgeois français, les dirigeants de gauche se refusaient à toute alliance avec le PC – et sa volonté d’être " un parti de gouvernement " comme les autres, le PC était un obstacle au fonctionnement institutionnel, sans représenter pour les travailleurs une alternative.

En instaurant le scrutin uninominal à deux tours, la Constitution gaulliste créa le cadre d’une bipolarisation de la vie politique qui contraignait les partis de gauche comme de droite à des alliances. Et si dans un premier temps, le PC protesta contre cette Constitution qui " ouvrait la voie au fascisme ", il se plia bien vite à sa logique et se contenta d’en dénoncer les articles les plus ouvertement réactionnaires comme l’article 16 qui donne les pleins pouvoirs au président de la République en cas de crise.

Le PC rechercha l’alliance avec le Parti socialiste car il n’envisageait pas d’autre politique que de redevenir un " parti de gouvernement " dans le cadre de la société capitaliste et de ses institutions. Le pari de Mitterrand – dont l’anticommunisme avait été une des constantes - fut d’utiliser le PC pour parvenir au pouvoir, tout en œuvrant à son affaiblissement. Mitterrand vint au pouvoir grâce au PC, dont il avait publiquement dit qu’il lui ferait perdre trois millions de voix. En 81, il fut élu président de la République et le PC tomba à 15 % de l’électorat, chute que sa participation au gouvernement ne fit qu’accentuer dans les années suivantes. Le Parti communiste français fut désormais réduit à constituer une force d’appoint parlementaire et gouvernementale au Parti socialiste, lui-même de plus en plus intégré aux milieux patronaux et défenseur ouvert du libéralisme.

La nouvelle réforme envisagée ne fera qu’accentuer cette évolution. Les contorsions de Hue ne sont que le signe de l’impuissance du PC et de l’impasse dans laquelle il se trouve. La réforme sur le quinquennat ne fera que réduire un peu plus le champ politique du PC, parti stalinien converti au social-libéralisme. Un parti qui ne peut offrir aucune alternative aux travailleurs, aux jeunes qui veulent lutter aujourd’hui pour changer la société.

Jean Kersau

 

La Constitution de la Vème République : une machine antidémocratique

La Constitution de la Vème République à laquelle toutes les forces politiques de gauche et de droite se sont ralliées, a donné des pouvoirs exorbitants au président de la République. Ces pouvoirs étaient taillés sur mesure pour que De Gaulle puisse gouverner indépendamment des partis politiques et des assemblées aussi dociles qu’elles aient été. De Gaulle définissait ainsi la fonction de Président de la République : " un arbitre national…répondant en cas d’extrême péril, de l’indépendance de l’honneur de l’intégrité de la France et du salut de la République ".

L’article 16 prévoit que lorsque le " fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ", le président peut prendre " les mesures exigées par les circonstances ", termes dont l’imprécision lui donne une large marge de manœuvre jusqu’au droit constitutionnel au coup d’Etat.

Cet article 16 a pendant longtemps été l’objet de déclarations indignées de " démocrates républicains ". Ils le dénonçaient d’autant plus fort que cela leur permettait de faire passer la Constitution pour démocratique, à condition qu’elle soit débarrassée de cette verrue. Mais ce que valait cette indignation, on le vit lorsque Mitterrand arrivé au pouvoir se garda bien d’y toucher.

La Constitution de la Vème République donne également la possibilité au président de passer par-dessus les assemblées et les partis : l’article 11 lui donne le droit d’organiser un référendum pour procéder à des modifications de la Constitution. Il peut aussi dissoudre l’Assemblée, à plusieurs reprises durant son mandat, la seule limite étant qu’il respecte un délai d’un an entre chaque dissolution.

Le renforcement du pouvoir du président de la République avait pour but de lui faire prendre le pas sur les partis et l’Assemblée nationale, reflets déformés de l’opinion publique. La Constitution prévoit aussi que d’autres organismes puissent jouer ce rôle, à commencer par le Sénat dont le mode de désignation par des " grands électeurs " (des électeurs eux-mêmes élus par des élus, députés, conseillers généraux, maires et conseillers municipaux) et le renouvellement par tiers tous les trois ans (afin qu’il soit à l’abri des mouvements changeants de l’opinion publique !) garantissait une majorité d’élus conservateurs, le plus souvent notables locaux.

Mais il est aussi des organismes qui échappent à toute sorte d’élections : ainsi le Conseil constitutionnel formé de neuf membres désignés par le président de la République et les présidents des deux Chambres (chacun en nomme 3) et qui se prononce sur la validité des lois : il a eu à sa tête pendant plusieurs années Roland Dumas !

Ces organismes-là, s’ils échappent au contrôle direct du suffrage universel sont au moins connus, mais il est d’autres officines et des services spéciaux de tous ordres dont l’existence n’est même pas connue, qui agissent sous le couvert de la présidence de la République ou des différents ministères, couverts par le secret d’Etat, et qui détiennent une partie du véritable pouvoir dans l’opacité la plus complète.

C’est cette démocratie-là qu’acceptent tous les partis gouvernementaux. C’est dire que leurs références à la démocratie ne sont que mensonges et qu’un gouvernement au service des travailleurs aurait beaucoup de ménage à faire pour que la véritable démocratie, produit des luttes et de l’intervention directe dans tous les domaines de la vie sociale des salariés et de l’ensemble de la population, devienne une réalité !

J.K.

 

Les droits démocratiques, conquêtes des masses dans la lutte contre la propriété privée bourgeoise

Les politiciens rivalisent dans leurs promesses sur la réforme institutionnelle, c’est à celui qui sera le plus démocratique. En réalité, tous les droits démocratiques, le droit de vote, le suffrage universel, le droit d’association, l’éligibilité, la protection sociale… ont été gagnés par des luttes des opprimés. Le régime démocratique est lui-même le résultat des luttes du petit peuple en soutien à la bourgeoisie, cette même bourgeoisie dont les représentants politiques les plus avancés ont affirmé dans la Constitution de 1793 : " Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple (…) le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ". Cette classe alors révolutionnaire s’était dressée sur les épaules du peuple pour balayer la noblesse et ses représentants politiques. Pour entraîner derrière elle la grande masse des exploités, la bourgeoisie s’était faite le champion de la " souveraineté populaire ", de la " démocratie directe " contre la Monarchie de droit divin ; au bout de 3 ans de révolution, elle concéda le suffrage universel. Mais la Constitution de 1793 ne fut jamais appliquée. Pourtant, aujourd’hui, la bourgeoisie voudrait l’enterrer comme un mauvais souvenir. Car pendant la Révolution, le peu-ple s’était soulevé et, se mêlant de tout au travers des sections et des comités révolutionnaires, envahissant les assemblées pour exiger ses droits, il voulait prendre tout le pouvoir pour imposer des mesures révolutionnaires dans le sens des intérêts de la majorité. La bourgeoisie, inquiète pour sa propriété, fit mettre immédiatement un coup d’arrêt. Dès 1791, la loi Le Chapelier interdit tout rassemblement ou corporation ouvrière. Non seulement le peuple ne devait pas exercer le pouvoir, mais il ne pouvait même pas le déléguer ; à la faveur du recul de la Révolution, le personnel politique de la bourgeoisie instaura le suffrage censitaire : pour participer aux élections, il fallait disposer de revenus suffisants pour payer le cens ; les opprimés en furent écartés. En 1848, les exploités se soulevèrent, en dévoilant la mascarade de ces institutions, la Monarchie constitutionnelle puis la République, en exigeant alors " la République sociale ". La bourgeoisie répondit en accordant au socialiste Blanc et à l’ouvrier Albert une Commission du travail … sans pouvoir, pour laisser réprimer ensuite la révolution par l’armée. A chaque insurrection populaire, la bourgeoisie a fait des concessions démocratiques en donnant l’illusion au peuple que sa révolte était entendue, puis les a reprises dans les périodes de reflux révolutionnaire.

En 1871, le petit peuple de Paris remplaça le pouvoir politique de la bourgeoisie, avec son armée et ses institutions au service des privilèges matériels et sociaux d’une minorité de parasites, par sa propre démocratie directe. Il prit les armes et instaura l’éligibilité pour tous, la révocabilité des élus payés à un salaire d’ouvrier et il se donna un organe de pouvoir central, la Commune, exécutif et législatif à la fois, assemblée réellement agissante sous contrôle populaire. Il supprima le Parlement en se donnant une représentation politique faite pour défendre et réaliser rapidement les mesures indispensables à la collectivité. C’était " la démocratie, un Etat qui reconnaît la soumission de la minorité à la majorité " selon l’expression de Lénine. Pendant la révolution russe, les travailleurs organisés en parlements ouvriers, les Soviets, prirent en main le contrôle des entreprises et de tout ce qui servait à la marche de la société. Ils imposèrent dans les faits les mesures les plus radicales dans l’intérêt des exploités, en particulier des plus opprimés, des femmes et des enfants, à travers leurs propres organes armés et de représentation politique. En ce sens, ils détruisirent l’Etat et les institutions, Douma et autres, vidées de tout contenu démocratique par leur appropriation par un personnel politique au service des possédants.

Leurs droits sociaux et les libertés politiques, les travailleurs les ont gagnés par une lutte acharnée contre les détenteurs de la propriété privée défendus par les institutions politiques de la bourgeoisie. Pour que ces droits ne se retournent pas contre eux, pour qu’ils ne soient pas source d’illusions mais un instrument d’émancipation, les travailleurs doivent s’en servir pour remettre en cause la mainmise des capitalistes sur l’ensemble de l’économie. La défense des droits fondamentaux des salariés, des chômeurs, des exclus, des jeunes et plus généralement de tous ceux qui ne peuvent vivre que de leur travail implique une rupture avec les intérêts, la politique de la bourgeoisie et de ses défenseurs.

S.C.

 

Pour un pouvoir démocratique et révolutionnaire des travailleurs

Soucieux de se différencier du PS, le PC ne cesse d’invoquer la " citoyenneté ", mais une citoyenneté respectueuse des institutions en place, des intérêts nationaux comme de la propriété privée… Pour faire plus radicaux, les Verts ont parlé de la nécessité d’une 6ème République accompagnée d’une Chambre sociale… Tout cela, ce ne sont que des mots creux : aucun changement réel ou possible des institutions ne cachera qu’elles sont faites pour donner l’illusion au peuple qu’il intervient au plus haut niveau dans la vie politique alors que toutes les décisions importantes sont prises dans son dos, même pas au Parlement, mais dans les Conseils d’administration des grandes entreprises et des grandes banques, dans les couloirs des ministères… En plus, cette démocratie, déjà limitée pour les masses, s’est restreinte aussi pour les bourgeois eux-mê-mes du fait de la concentration de plus en plus grande du pouvoir économique dans les mains de quelques grands groupes financiers.

Dans cette démocratie-là, les travailleurs n’ont le droit que de choisir " quel membre de la classe dirigeante les foulera aux pieds " selon l’expression de Marx, tous les 5 ou 7 ans ! Aujourd’hui, vouloir démocratiser les institutions de l’intérieur ou mettre en place des institutions sociales dotées de réel pouvoir est un leurre. De telles transformations ne peuvent être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, de leur mobilisation et de leurs luttes, par en bas.

La citoyenneté du monde du travail, de ceux qui font déjà tourner partout la production et la vie sociale par leur travail collectif, c’est de s’organiser pour imposer directement leurs droits sociaux et démocratiques contre la mainmise des capitalistes sur l’ensemble de la société. Ils ne peuvent le faire que s’ils exercent eux-mêmes leur contrôle sur l’appareil de production. Employés d’entreprises de production, de comptabilité, de transports ou de communication, ils ont déjà en main les outils nécessaires pour le contrôle des richesses qui sont la propriété des capitalistes. Le seul contrôle efficace contre leur incurie envers la population et la nature, c’est celui de la population organisée, s’informant, recensant les besoins, demandant des comptes sur le montant des profits, réclamant, chiffres à l’appui, sa part des richesses, de réelles augmentations de salaires, des conditions de travail et des allocations correspondant à ses besoins. Elle seule peut proposer et préparer des projets dans l’intérêt de tous pour l’utilisation de l’argent public, pour maîtriser les effets de l’activité humaine sur l’environnement. Le monde du travail ne peut vivre, travailler, se nourrir, se loger, s’éduquer, profiter pleinement des progrès, sans s’organiser lui-même, sans aucune illusion dans les institutions bourgeoises, en éveillant toutes les capacités et énergies des exploités pour leur émancipation sociale.

Pour cela, il a besoin de se donner des organes représentatifs, agissants, de choisir ses représentants, éligibles et révocables, de créer ses propres institutions démocratiques et révolutionnaires. Démocratique parce qu’associant le plus largement possible tous les acteurs de la vie sociale dans le contrôle et la gestion de ce qui est nécessaire à la majorité pour vivre, et révolutionnaire car indépendant, cherchant à chaque instant à s’émanciper des pressions de la bourgeoisie et de son appareil d’Etat, de sa politique et de son idéologie. Le but étant pour les masses organisées de parvenir à renverser la bourgeoisie et sa propriété privée, à détruire son Etat et son armée pour que les hommes passent d’un travail aliéné, de méthodes de commandement, à des tâches de simple " surveillance et compta-bilité " et puissent se consacrer à leur épanouissement dans la société.

Sophie Candela