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Et un, et deux, et trois Smic : les patrons veulent gagner la compétition économique en ruinant les travailleurs.
Par nos luttes, mettons-les hors jeu !

(Le gouvernement a annoncé l’augmentation de 3,2 % du taux horaire du SMIC, qui passe de 40,72 francs de l’heure à 42,02 francs, correspondant à la revalorisation légale obligatoire tous les ans au 1er juillet. Cette hausse est calculée suivant trois critères : la hausse des prix avec un seuil inchangé de 2 %, l’ajustement légal correspondant à la moitié du pouvoir d’achat du salaire horaire ouvrier de base et le " coup de pouce " du gouvernement… qui n’en a pas donné cette fois encore.

Mais il aurait été plus juste de dire : augmentation " des " SMIC car depuis l’entrée en vigueur de la loi des 35 heures de Aubry, il y en au moins deux, sinon trois.

Ainsi l’augmentation de 3,2 % ne concerne-t-elle que les salariés payés au SMIC travaillant encore 39 heures par semaine, soit 7 101, 38 F brut pour 169 heures par mois.

Ceux qui sont passés aux 35 heures hebdomadaires ne toucheront que 1,45 % de plus, soit 6 981,46 F brut par mois. C’est une conséquence de la reculade du gouvernement face aux patrons qui refusaient de voir augmenter le taux horaire du SMIC de 11,43 % pour garantir le maintien du pouvoir d’achat avec le passage de 39 à 35 heures. Aubry avait renoncé à augmenter le taux horaire pour créer un " complément différentiel " entre la 35ème et la 39ème heure. Et elle avait décrété une " garantie mensuelle " de rémunération évoluant seulement en fonction de l’inflation plus l’évolution du taux de salaire " mensuel " ouvrier.

Résultat concret de ces calculs alambiqués : les smicards passés aux 35 heures vont toucher 120 francs de moins par mois par rapport à ceux qui font toujours 39 heures !

Ajoutons que les patrons ne sont pas tenus de verser " l’indemnité compensatrice " aux travailleurs embauchés après le passage aux 35 heures. Seul petit frein à leur rapacité, la loi dit que si un travailleur occupe un emploi " équivalent " par sa nature et sa durée, à l’emploi d’un salarié de l’entreprise qui bénéficie de la dite indemnité, il doit la toucher aussi, l’interprétation de " l’équivalence " restant à la discrétion du patron...

Enfin, troisième SMIC, dans les entreprises créées après l’entrée en vigueur de la loi des 35 heures, les salariés pourront aussi être payés sur la base de 35 heures payées 35, soit 6373 F brut. Les patrons de ces boites sont seulement " incités " à verser le " complément différentiel " de salaire de 35 à 39 heures par… le versement d’aides de l’Etat !

Le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) avait été créé en 1950. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, 11 % de l’ensemble des salariés sont payés au SMIC et en 4 ans, entre 1994 et 1998, leur nombre a augmenté de 50 %.

Mais, avec le développement du travail à temps partiel, beaucoup de travailleurs touchent bien moins que les 7 101,38 F brut du SMIC et doivent souvent se contenter d’un salaire parfois guère plus élevé que le RMI. Ainsi, ceux qu’on appelle " les travailleurs pauvres " constituent 15 % de la globalité des salariés, principalement les femmes et les jeunes embauchés.

Une situation d’autant plus inadmissible qu’on nous rebat les oreilles avec " la croissance retrouvée " de l’économie, les " cagnottes " gouvernementales et autres magots boursiers. Ceux-ci sont gonflés de l’exploitation de millions de travailleurs, smicards ou touchant des paies guère plus importantes, qui permettent aux patrons, avec l’aide du gouvernement, de faire baisser le coût du travail.

Témoin de cet enrichissement des capitalistes, l’indice boursier CAC 40 bat tous ses records et a progressé au cours des 7 derniers mois autant que le SMIC en 10 ans !

Michel Meunier

 

Paritarisme = collaboration de classe : c’est aux travailleurs et à leurs organisations de gérer les budgets sociaux

Le paritarisme disparaîtra-t-il si l’accord sur l’assurance-chômage n’est pas ratifié par l’Etat ? C’est en tout cas la menace que fait planer le MEDEF et le moyen de chantage qu’il exerce depuis des mois pour faire pression et sur les directions syndicales et sur le gouvernement pour imposer sa politique libérale et ses attaques contre le monde du travail. Les sirènes du MEDEF ont trouvé au moins l’oreille de la plus empressée d’entre elles, la CFDT, qui se prétend d’autant plus attachée au paritarisme qu’elle défend les nombreuses positions qu’elle occupe dans les organismes de gestion paritaires, Sécurité sociale et UNEDIC.

Quant à l’Etat, s’il redoute la perspective du départ du MEDEF, c’est qu’il se trouverait bien embarrassé d’avoir à prendre seul la responsabilité d’une politique de gestion des budgets sociaux contraire aux intérêts des travailleurs. Aussi sont-ils tous apparus, à l’exception de la CGT, comme les fervents défenseurs du paritarisme, présenté comme un garant de la gestion démocratique de la protection sociale, alors qu’il n’est, depuis sa création au lendemain de la dernière guerre, qu’un organe de collaboration de classe, qui n’a rien à voir avec les intérêts des salariés. La Sécurité sociale fut créée en 1946 pour, dans la période de " reconstruction écono-mique ", améliorer l’accès à la santé pour les salariés, en créant un système d’assurance, entièrement financé par l’argent des travailleurs, sous la forme des cotisations salariales et aussi des cotisations patronales qui ne sont que du salaire différé. La Sécurité sociale fut considérée par la CGT comme un organisme démocratique tant qu’elle était gérée majoritairement, en fonction des rapports de force de l’époque, par les syndicats (les patrons n’y détenaient qu’un quart des sièges) ; la situation a changé en 67 avec les ordonnances de De Gaulle qui ont imposé l’intervention de l’Etat, et la parité patronat-syndicats. Ce sont le patronat et les syndicats qui ont en 1958, créé l’assurance-chômage, l’UNEDIC, qui a fonctionné comme organisme strictement " paritaire " jusqu’à ce que l’augmentation du chômage au début des années 80 la plonge dans un déficit dont elle n’a pu sortir qu’au prix de l’intervention et d’un contrôle accru de l’Etat. Les organismes " paritaires " que sont la Sécurité sociale et l’assurance-chômage, sont et ont toujours été d’énormes appareils de gestion des cotisations ouvrières, au sein desquels représentants patronaux et syndicaux se partagent des dizaines de milliers de postes, loin du contrôle de l’ensemble des salariés. Alors, si le patronat mettait à exécution sa menace de liquider le paritarisme, les travailleurs n’auraient rien à y perdre. Mais la reprise par l’Etat de la gestion des budgets sociaux, qui existe déjà en grande partie aujourd’hui, ne leur garantirait pas davantage une protection sociale au service de leurs intérêts. C’est aux travailleurs eux-mêmes et à leurs organisations d’assurer la gestion des budgets sociaux, c’est-à-dire de leurs salaires.

C. A.

 

Nouvelle convention UNEDIC " version MEDEF " : offensive libérale du patronat contre les chômeurs et contre l’ensemble du monde du travail et hypocrisie gouvernementale

Le MEDEF n’a réussi à obtenir la signature que de deux des cinq syndicats officiellement représentatifs, la CFDT et la CFTC, pour le nouvel accord sur l’assurance-chômage qui remplacera la convention UNEDIC à partir du 1er janvier 2001, après une période de transition de 6 mois. Le patronat remet en question l’ensemble du système d’indemnisation du chômage, c’est-à-dire le " droit automatique " pour un travailleur privé d’emploi qui a cotisé durant tout le temps où il travaillait, à une indemnité, tout limité que soit d’ailleurs ce droit aujourd’hui puisque seulement 4 chômeurs sur 10 en bénéficient.

Le MEDEF considère le droit pour un travailleur privé d’emploi à une indemnité comme un " archaïsme ", sous prétexte que la situation économique permettrait le retour à l’emploi. Il vise à en finir avec la loi et la garantie collective, au profit de contrats individuels qui enchaînent et soumettent les travailleurs et les chômeurs aux exigences libérales du patronat et du marché.

Il lui reste maintenant à faire accepter cet accord par l’Etat, qui a différé sa réponse au 22 juillet au plus tard.

Aubry a voulu se donner du temps, embarrassée pour donner son aval à un projet que seuls, deux syndicats ont signé. Mais si le gouvernement a fait entendre quelques critiques en paroles, sur le fond, il n’a jamais manifesté de réelle opposition. Sous prétexte que la discussion et les décisions sont du ressort des partenaires sociaux, il a laissé les mains libres au patronat, ne faisant que lui prodiguer de bons conseils. Aubry et Fabius, dans une lettre au patronat, lui demandaient de veiller " à ne pas mettre en place un système à double vitesse ". L’inquiétude du gouvernement repose uniquement sur la crainte de voir, avec le PARE (plan d’aide au retour à l’emploi) des dizaines de milliers de chômeurs rejetés, sans indemnités, à la charge de l’Etat. Mais il n’est pas question pour le gouvernement de s’opposer aux sanctions prévues pour les chômeurs, sanctions qui doivent rester, selon Aubry " sous la responsabilité de l’Etat ", pour être plus " impartiales ". Elle y est d’autant moins opposée qu’elle avait elle-même imposé de telles sanctions en 1992, pour les demandeurs d’emploi accusés de ne pas " faire l’effort de chercher un emploi ", et que le Code du travail permet depuis de radier un chômeur qui refuse des propositions d’emploi ou ne peut justifier la recherche active d’un emploi.

Le PARE : au nom de la lutte pour l’emploi, imposer des emplois précaires et sous-payés

Le PARE, qui constitue la base de tout le nouveau système d’assurance-chômage, est le contrat individuel que devra signer tout nouveau chômeur avec les ASSEDIC. Ce dernier ne pourra prétendre à une indemnisation qu’en échange de l’engagement de " recherche active d’un emploi ". Sous prétexte de reprise d’activité et de recul du chômage, le patronat mène sa propagande de culpabilisation des chômeurs et voudrait diviser les " bons " chômeurs qui se montreront " impliqués réellement dans la démarche de retour à l’emploi ", en effectuant des " recherches personnelles, actives et sérieuses ", et les " mauvais " chômeurs, les chômeurs " volontaires ", ceux qui refusent les emplois précaires et sous-payés, qui seront exclus du système et perdront leur droit à être indemnisés.

Six mois après être entré dans le PARE, le chômeur devra signer un Plan d’action personnalisé (le PAP) pour la recherche d’un emploi " adapté à ses compétences ", dans le cadre duquel on lui proposera d’éventuelles formations ou emplois, qu’il sera obligé d’accepter sous peine de voir diminuées ses indemnités de 20 % au 1er emploi refusé, ensuite suspendues puis carrément supprimées au 4ème refus.

Le PARE aggravera un chômage à deux vitesses en restreignant d’un côté le nombre des chômeurs " employables ", contraints d’accepter le travail précaire et sous-payé proposé par les patrons, de l’autre, en multipliant le nombre des exclus du système, pris en charge par l’Etat avec l’allocation spécifique de solidarité (2 522 F) ou le RMI.

La prétendue aide au retour à l’emploi sert aussi de prétexte au MEDEF pour tenter d’imposer de nouveaux contrats précaires, dont des " contrats de mission " sur le modèle de ceux qui existent dans le bâtiment où le salarié est jeté à la rue à la fin du chantier. Ces nouveaux contrats, non renouvelables, sont prévus pour une durée comprise entre les 18 mois des CDD actuels et 5 ans, comme les emplois-jeunes créés par l’Etat en ont ouvert la voie.

Quant aux milliards d’excédents de l’UNEDIC, il n’est pas question qu’ils servent à une meilleure indemnisation des chômeurs. C’est les cotisations que le patronat a prévu de diminuer. La baisse sera au total plus importante pour les patrons (- 0,47) que pour les salariés (- 0,43) et leur permettra d’empocher 42 milliards alors que le nombre de chômeurs indemnisés n’augmentera pas de façon significative.

Le patronat s’appuie sur la complicité des directions syndicales

Pour faire passer son nouveau plan d’attaques contre les travailleurs, le MEDEF savait par avance qu’il pouvait compter sur la signature de Notat, la plus empressée pour répondre à ses appels du pied, qui a même poussé le zèle jusqu’à protester contre " le hold-up du patronat " qui lui aurait volé ses propres idées. Mais la CGT, FO et la CGC, qui ont refusé de signer, s’ils dénoncent en paroles les attaques du MEDEF, ont accepté les règles du jeu de la négociation imposé par le MEDEF, dans le cadre que ce dernier leur imposait. Un préambule à un premier " protocole d’accord sur les voies et les moyens favorisant le retour à l’emploi " avait d’ailleurs été signé, au début des négociations, par toutes les directions syndicales sans exception. Aujourd’hui, ces directions, sensibles au profond mécontentement que suscite le plan du MEDEF chez nombre de militants et de travailleurs, en dénoncent les méfaits, mais sans offrir d’autre perspective aux travailleurs pour s’y opposer que, selon les déclarations du responsable de la CGT, Thibault, " intervenir auprès du gouvernement et des groupes parlementaires… ".

Catherine Aulnay