La faillite du PS et du PC et la nécessaire renaissance du marxisme révolutionnaire



Pour une renaissance du marxisme révolutionnaire

Mettre à la disposition de la fraction du monde du travail et de la jeunesse qui se radicalise le capital politique de l’extrême-gauche, constitué par les idées marxistes et les acquis des luttes passées, est aujourd’hui une de nos tâches essentielles.

L’extrême-gauche est aujourd’hui la seule force politique qui se situe clairement dans le camp des travailleurs et de la fraction la plus révoltée de la jeunesse. Elle est restée fidèle à ses convictions politiques et à son camp social, elle a échappé à l’attraction exercée par le Parti socialiste au gouvernement, parce qu’elle est armée d’un capital d’idées inestimable, celui des idées marxistes, des expériences passées du mouvement ouvrier.

C’est grâce à cet héritage, transmis grâce au combat de Trotsky et de ses camarades, que l’extrême-gauche a pu préserver, dans le passé, une perspective politique indépendante des partis sociaux-démocrates et staliniens. Cette perspective ne pouvait prendre corps alors que la période d’expansion du capitalisme nourrissait des illusions sur la possibilité d’un progrès social dans le cadre du capitalisme, qui faisaient la force de ces partis malgré leur reniement des idées socialistes et communistes. Mais que, dans ces conditions, les idées marxistes révolutionnaires aient pu trouver l’oreille d’une fraction même minime de la classe ouvrière, est déjà une preuve de leur validité, de leur capacité à décrire et dénoncer une réalité sociale perceptible par les travailleurs.

Une nouvelle période qui met fin à l’isolement des révolutionnaires

Cependant du fait de leur isolement, du fait qu’elles n’étaient pas soumises assez largement à la vérification de la lutte pratique, ces idées ont souvent pris l’allure de proclamations ou de convictions appuyées davantage sur un volontarisme moral que sur le développement d’une situation concrète.

Il en va tout autrement aujourd’hui, l’extrême-gauche n’est plus isolée. Pour une large fraction du monde du travail, il est clair que non seulement tous les droits acquis dans la période passée sont remis en cause, mais que ce sont les partis de gauche qui mènent cette offensive pour le compte de la bourgeoisie, montrant ainsi qu’ils ne se situent pas dans le même camp. Une bonne partie d’entre eux est convaincue que seule une large mobilisation peut permettre d’empêcher que la situation ne se dégrade encore, et cherche des moyens d’agir malgré l’absence de perspectives et d’une direction pour ces luttes. Cette radicalisation va de pair avec l’affranchissement des solidarités envers les partis de la gauche plurielle, le sentiment que les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes, et une sympathie croissante pour les idées de l’extrême-gauche.

Redonner vie aux idées marxistes

Cela ne signifie pas pour autant que les travailleurs, et même cette fraction d’entre eux, la plus radicale, ont suffisamment confiance dans leurs propres forces pour penser qu’ils sont capables de diriger eux-mêmes la société. Cette conscience suppose une compréhension de l’évolution des sociétés, du rôle parasitaire de la bourgeoisie, de la force que les travailleurs tirent de leur place dans l’économie, de la contradiction résidant dans l’appropriation privée du travail collectif. Elle suppose également de comprendre les avancées qui ont été faites dans le passé par le mouvement ouvrier, jusqu’à la révolution d’octobre 1917 et la naissance des partis communistes, et les raisons de son recul politique, de la trahison des partis sociaux-démocrates, et du stalinisme.

C’est là que l’extrême-gauche a un rôle essentiel à jouer, parce que ce capital politique, elle est la seule, par sa filiation, à en disposer.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de tenir, de préserver le drapeau des idées marxistes malgré un environnement défavorable, mais de mettre ce capital d’idées, les acquis des luttes passées, à la disposition des travailleurs et des jeunes qui cherchent des armes pour leur lutte, afin qu’ils y trouvent la légitimité de leur révolte et de leurs aspirations à défendre l’intérêt de la collectivité, en même temps qu’ils défendent leurs droits et leur dignité.

C’est ainsi que nous redonnerons vie à ces idées et que nous nous les réapproprierons nous-mêmes, en vérifiant leur validité à notre capacité à organiser autour d’elles des travailleurs.

Un capital inestimable à diffuser le plus largement possible

C’est une de nos tâches essentielles, et cet objectif militant ne peut se réaliser que par un effort volontariste, non pas dans le sens qu’il nous en coûterait, mais parce que ces idées ne peuvent venir au jour spontanément.

Outre le fait que les idées marxistes ont été défigurées et caricaturées aussi bien par les sociaux-démocrates que par les staliniens, la bourgeoisie dispose, avec le pouvoir, sa mainmise sur l’éducation et les moyens d’information, avec la force d’inertie des habitudes sociales, d’instruments autrement plus puissants que les nôtres pour diffuser son idéologie.

Les travailleurs sont d’autant mieux armés pour mener leur lutte qu’ils sont affranchis de cette idéologie, qu’ils ont les armes intellectuelles qui leur permettent de se fier à leurs réflexes, sans subir la pression morale de la bourgeoisie. Mais cela exige de comprendre comment celle-ci raisonne, dirige, est organisée…

Comment raisonnent et agissent nos adversaires, quels arguments ils emploient pour nous tromper, sur qui ils s’appuient, nous pouvons le mettre en évidence dans notre presse, nos feuilles d’entreprises ou de quartiers, qui s’adressent largement aux travailleurs et aux jeunes.

Mais comme n’importe quelle science, la théorie marxiste a aussi besoin d’être étudiée. Le socialisme scientifique est né, à l’époque de Marx, de la rencontre du mouvement ouvrier en lutte pour son émancipation et de ce que les sciences humaines, philosophie, histoire, économie, avaient de plus avancé. Il s’est enrichi des réponses que la classe ouvrière a apportées aux problèmes qui se sont posés à elle dans sa lutte, de la Commune de Paris en 1871 à la révolution d’octobre 1917 : de la forme du pouvoir des opprimés, de leur Etat et des conditions de sa disparition, à l’instrument nécessaire pour remporter la victoire face à la bourgeoisie, le parti, l’internationale. Plus tard, le combat de Trotsky et de ses camarades dans la continuité de celui du parti bolchevik, a permis de comprendre les causes de la dégénérescence stalinienne.

C’est pourquoi nous devons mettre sur pied nos propres " écoles ", nos propres cercles d’étude, afin de faciliter l’acquisition des bases du marxisme, à travers des exposés le plus vivants possibles qui suscitent une large discussion et l’envie de lire les ouvrages de nos ancêtres, Marx et Engels, Lénine, Trotsky, Rosa Luxembourg…

Afin de comprendre le meilleur du passé du mouvement ouvrier pour en écrire nous-mêmes la nouvelle page qui s’ouvre.

Gallia Trépère

 

 

La faillite, les reniements et les trahisons du Parti socialiste
n’ont pas entièrement réussi à effacer le fait qu’il fut
le premier parti ouvrier révolutionnaire moderne

Aujourd’hui, le Parti socialiste au gouvernement mène une politique au service de la finance et des trusts. La jeune génération qui connaît les emplois-jeunes, la précarité, les petits boulots, dont les parents sont licenciés pour que les profits des entreprises continuent à grimper, le voit comme un parti qui ne se différencie en rien des autres. On ne peut que se poser la question : est-il encore différent des partis de la droite alors que lui-même ne se dit même plus pour une transformation de la société ?

Pourtant, il garde une influence importante dans les milieux populaires, à travers les syndicats, les associations ; dans les municipalités, les élus de gauche ont souvent des préoccupations plus proches de celles de la population.

Cette assise dans les milieux militants, le fait que ceux qui aspirent à plus de justice sociale, alors que le fric regorge et que la misère progresse, se réclament toujours des idées de gauche, c’est ce qui le différencie des partis de la droite.

Actuellement, parti de gouvernement gérant les affaires de la bourgeoisie, le choix de se rallier à la bourgeoisie remonte à la période de la Première guerre mondiale alors qu’il était encore un authentique parti ouvrier, et que, passant dans le camp ennemi, il a trahi les espoirs que des millions de travailleurs avaient placé en lui.

A l’origine de ce Parti socialiste intégré à la société capitaliste, la faillite de la social-démocratie lors de la Première guerre mondiale

Au moment de la Première guerre mondiale, déclenchée par le besoin, pour les bourgeoisies concurrentes, de conquérir de nouveaux territoires pour satisfaire leur insatiable soif de profits, les partis socialistes de l’époque, les partis sociaux-démocrates, s’effondraient en quelques jours. Justifiant au nom de " l’Union sacrée " leur soutien à leur propre bourgeoisie, ils se ralliaient à la guerre, les députés socialistes votaient les crédits de guerre - à l’exception de minorités restées fidèles aux idées révolutionnaires en Russie et en Allemagne -, les dirigeants rentraient dans les gouvernements, comme Guesde et Sembat en France. Vaillant, un des responsables socialistes, déclarait, deux jours après l’assassinat de Jaurès, le principal dirigeant socialiste : " en présence de l’agression, les socialistes accompliront tout leur devoir pour la Patrie, pour la République et pour la Révolution. "

Appelant à la défense de la patrie, sombrant dans le chauvinisme, reniant les principes affirmés pendant des décennies, le programme socialiste qui se revendiquait de la nécessité de " mettre un terme à l’exploitation de l’homme par l’homme au moyen de la conquête du pouvoir politique par le prolétariat ", la capitulation des partis ouvriers de la IIème Internationale laissait la classe ouvrière sans organisation, sans direction, coupée de tout lien international, livrée pieds et poings liés à la bourgeoisie qui l’envoya mourir, pour la défense de ses profits, sur les champs de bataille.

Au moment décisif où l’action politique nécessitait de sortir du cadre légal de la société de classe, où le combat exigeait de mettre en pratique une politique inconciliable avec les intérêts de la classe dominante, le Parti socialiste se reniait en tant que parti ouvrier révolutionnaire et faisait un choix qui en faisait un serviteur fidèle des intérêts de la bourgeoisie, lui apportant un soutien qui désarmait le mouvement ouvrier.

La guerre a été le révélateur brutal du décalage entre les discours, les résolutions votées dans les Congrès, les principes théoriques qui étaient ceux de la social-démocratie et la réalité de sa politique, son renoncement dans les faits à faire des luttes de la classe ouvrière une lutte politique d’ensemble pour donner confiance aux opprimés dans leurs propres forces à transformer la société et dans leurs capacités à la diriger.

Pourtant, si le Parti socialiste était devenu ce parti de classe moderne, le premier dans l’histoire du mouvement ouvrier, c’était sur la base d’une critique radicale de la société bourgeoise et de la nécessité de substituer à la propriété privée capitaliste, la propriété sociale.

Avant sa faillite, il a été le premier parti ouvrier révolutionnaire moderne

La constitution des partis socialistes s’était faite sur la base d’un développement important de la classe ouvrière dans la période 1875-1914, grâce tout d’abord à la révolution industrielle et, à partir des années 1890, à l’élargissement de la production avec la révolution technologique basée sur le pétrole, l’électricité, la chimie, l’automobile. Cette longue période d’essor de la production signifiait des profits faramineux pour la bourgeoisie sur la base de la surexploitation des peuples des pays coloniaux et des conditions de vie et de travail très dures imposées à toute la classe ouvrière. Les progrès de la technologie aux mains de la classe dominante se retournaient contre le monde du travail auquel tout droit était nié, comme le droit de s’organiser jusqu’à la suppression de la loi Le Chapelier en 1884.

Le mouvement ouvrier s’était pourtant de suite organisé sur le plan politique, bénéficiant de l’expérience et du dévouement des militants de la génération précédente qui avait participé à la Commune de Paris en 1871. Les besoins du mouvement ouvrier étaient immenses, besoin de prendre conscience de sa situation de classe exploitée, privée de tout, et en même temps de la nécessité de donner une perspective d’ensemble aux luttes menées pour améliorer son sort et conquérir sa dignité. Les groupes socialistes s’étaient formés pour répondre à ses aspirations en lui apportant une théorie de la lutte des classes, le marxisme, qui se fixait pour objectif de contribuer à l’émancipation des opprimés par eux-mêmes. Le travail d’éducation mené par les militants socialistes, regroupés à partir de 1905 dans un même parti dont Jaurès était l’un des principaux dirigeants, lui avait permis de s’organiser dans ses associations, ses Maisons du peuple, d’avoir ses journaux, et de prendre conscience que la classe ouvrière avait un rôle spécifique à jouer dans la transformation de la société. Les droits qu’elle avait conquis, droits démocratiques, suffrage universel, législation sociale, avancées par rapport à la situation des femmes, ont été imposés, par en bas, par des luttes souvent durement réprimées, avec des morts. La bourgeoisie n’avait rien concédé par elle-même.

Les positions gagnées par la classe ouvrière dans son combat contre la société de classe lui avaient permis d’imposer ses représentants au Parlement.

Si la bourgeoisie, craignant le mouvement ouvrier en plein développement, continuait à s’y opposer par la violence, elle avait aussi cherché à l’affaiblir en domestiquant certains de ses représentants.

Ce fut en France que, pour la première fois, un socialiste, Millerand, entra dans un gouvernement, en 1898. Certains, au sein de la IIème Internationale, comme Rosa Luxembourg et Lénine, avaient combattu, avec toute leur énergie, ce reniement, mais d’autres, comme Jaurès, l’avaient justifié. En Allemagne, à la même période, un autre socialiste, Bernstein, était le chef de file d’un courant ouvertement réformiste défendant l’idée que le capitalisme pouvait surmonter ses crises, que l’expansion était facteur de progrès, que la lutte révolutionnaire n’avait plus lieu d’être. Des points de vue qui resurgissent chez tous ceux qui sont admiratifs de la bourgeoisie dès que se manifestent des symptômes de reprise économique… qui prépare la prochaine crise.

La participation d’un socialiste à un gouvernement ennemi, comme la théorisation que faisait Bernstein du renoncement à la nécessité de la transformation révolutionnaire de la société, étaient le produit de cette longue période d’expansion économique qui avait nourri des illusions parmi les dirigeants politiques et syndicaux, mais aussi au sein d’une partie de la classe ouvrière. Et même si les congrès de l’Internationale condamnèrent ces germes de réformisme, en fait, les partis socialistes se laissèrent apprivoiser par leur bourgeoisie et leurs propres succès électoraux, comptant de plus en plus sur l’action parlementaire et syndicale, de moins en moins sur l’intervention indépendante des opprimés pour briser leurs chaînes.

La guerre que les bourgeoisies déclarèrent tout d’abord à leur propre classe ouvrière, fut fatale aux partis socialistes. Mais au moment même où la IIème Internationale faisait faillite, des militants éduqués à son école, relevaient le drapeau de l’internationalisme et, s’opposant à la guerre, devenaient les points d’ancrage pour que le mouvement ouvrier puisse redémarrer dès qu’il en aurait la force.

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Aujourd’hui rallié à l’économie de marché, le Parti socialiste n’a plus rien à voir avec le parti ouvrier de ses origines. S’il existe encore comme un parti différent, s’il y a encore des militants et plus largement des milieux qui se réclament des idées socialistes en faisant référence, confusément, à l’époque des jeunes partis socialistes, malgré tous les reniements qui ont suivi, c’est bien que l’effort militant pour implanter et défendre les idées de la lutte a été si profond qu’il a laissé des traces.

Les Partis socialistes de l’époque se sont brisés lorsqu’il y a eu un changement de période économique, qu’à l’expansion économique - dont profitait la seule bourgeoisie - a succédé la crise, allant jusqu’à l’affrontement dans la guerre. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation de changement de période, économique parce la crise devient de plus en plus destructrice pour les salariés et aussi politique : la participation gouvernementale du Parti socialiste contribue largement à faire perdre leurs illusions à beaucoup de ceux qui, hier encore, s’en réclamaient.

Les idées défendues par le parti de Jaurès, avant sa faillite, gardent toute leur actualité, c’est elles qui ont permis que se forme un mouvement ouvrier politique. Redonner vie à ces idées, c’est donner aux idées de la lutte des classes leur contenu moderne, actuel, et aider tous ceux qui deviennent lucides sur la politique du gouvernement à rompre toute solidarité avec la politique, hier réformiste, aujourd’hui libérale, du Parti socialiste, c’est une tâche qui revient aux militants d’extrême-gauche.

Valérie Héas

Programme du Parti ouvrier français de 1882 :
La classe productive, sans distinction de sexe ni de race, ne sera libre c’est-à-dire maîtresse d’elle-même et de tout ce qui existe et est né de ses œuvres, que lorsqu’elle aura détruit l’appropriation individuelle des moyens de production et lui aura substitué l’appropriation collective ou sociale.
Cette socialisation ou collectivisation des moyens de production déjà devenus d’un usage collectif, ne pourra s’accomplir que par l’EXPROPRIATION DE LA CLASSE CAPITALISTE… "

La théorie socialiste n’est nullement un jeu oiseux de savants de cabinet, mais au contraire, une affaire très pratique pour le prolétariat en lutte.
Son arme principale, c’est le groupement de la masse en organisations puissantes, autonomes et libres de toute influence bourgeoise. On ne peut arriver à ce résultat sans une théorie socialiste, qui seule est à même de discerner l’intérêt prolétarien commun aux diverses couches prolétariennes et de séparer celles-ci du monde bourgeois.
Un mouvement ouvrier, spontané et dépourvu de toute théorie se dressant dans les classes travailleuses contre le capitalisme croissant, est incapable d’accomplir ce travail.
 "
Karl Kautsky, Les trois sources du marxisme, 1908

  

La fondation de la IIIème Internationale :
la rupture pour affirmer la continuité révolutionnaire et la fidélité aux combats des masses

Lors du 30ème Congrès du PCF, la presse a évoqué la possibilité d’un " Congrès de Tours à l’envers ". Sur le plan politique, cela est déjà fait depuis longtemps mais le PC n’a aucune raison d’aller plus loin. Ne serait-ce que pour défendre ses intérêts d’appareil concurrent de celui du PS, il doit préserver sa propre indépendance, c’est-à-dire une part de ce qui lui reste de son influence ouvrière. D’où son double langage, d’un côté ses ministres font la politique du gouvernement, de l’autre le parti se voit autoriser une certaine marge de critique.

Le PC a tout intérêt à ne pas lever les ambiguïtés pour continuer à tirer profit de la rupture qui s’est opérée il y a maintenant 80 ans.

Le PC est né d’une scission au sein du Parti socialiste sous les effets de la vague révolutionnaire du lendemain de la première guerre mondiale et de la révolution d’Octobre. Les réformistes qui géraient la faillite du PS, et avaient participé au gouvernement de guerre, calomniant la Révolution russe, rompirent avec ceux qui, fidèles aux intérêts des masses ou sous leur pression, continuèrent le combat révolutionnaire.

C’est à cette rupture en 1920 que le Parti Communiste doit son influence auprès des catégories de salariés les plus exploités. Des milliers d’ouvriers socialistes, de paysans politisés au contact des ouvriers, avaient perdu confiance à travers les souffrances de la guerre dans la " démocratie " bourgeoise et ses défenseurs réformistes. Vieux socialistes ou jeunes recrues, ces révolutionnaires dirigèrent des mouvements quasi-insurrectionnels comme la grève des cheminots de 1920, la grève générale du Havre en 1922.

Au Congrès de Tours, ils rompirent avec la SFIO et le réformisme ; encouragés par les révolutionnaires russes, ils s’appelèrent communistes. Leur internationalisme était bien concret, pratique. Ils se revendiquaient de la Troisième Internationale, le parti mondial de la révolution et se battaient pour l’indépendance la plus complète de leur parti vis-à-vis de la bourgeoisie et de ses agents dans le mouvement ouvrier, les réformistes, apeurés devant les initiatives révolutionnaires des masses.

La IIIème Internationale a été l’œuvre de ces milliers de militants qui se sont fait l’instrument des luttes révolutionnaires des travailleurs, sur la base du capital politique et organisationnel de la IIème Internationale renforcé par l’expérience de la guerre, du bolchevisme et de la révolution russe. Ils ont assuré la continuité, la fidélité à leur camp social comme aux idées du socialisme et du communisme.

C’est ce passé qu’effacent les dirigeants du PCF en associant dans une même condamnation hypocrite et Staline et Lénine pour mieux s’allier avec la social-démocratie pour servir la bourgeoisie.

Sophie Candela

  

Malgré la politique contre-révolutionnaire de Staline, les travailleurs ont utilisé le PC pour leur propre combat

Les ex-staliniens comme Hue, pour mieux être reconnus de la démocratie parlementaire qui sert à masquer la dictature économique et sociale du capital, prétendent que Lénine et Staline menaient le même combat antidémocratique. En fait, ils renient l’époque où le PC était un parti révolutionnaire comme les décennies durant lesquelles les masses les plus exploitées s’en sont servies pour leur combat, même après sa dégénérescence contre-révolutionnaire et stalinienne.

Ce fut à la faveur du recul de la vague révolutionnaire en Europe et de la nouvelle offensive de la bourgeoisie que des dirigeants réformistes comme Cachin ou Frossard purent laisser libre cours à leurs réflexes d’adaptation politique, sans contrôle des travailleurs. Ils acceptèrent inconditionnellement de mener la politique dictée par Staline, qui avait mis sous sa coupe la IIIème Internationale, en usurpant les idées et les méthodes du bolchévisme pour les détourner au service des seuls intérêts de la dictature stalinienne. Mais même lorsqu’ils propagèrent les pires calomnies contre les trotskystes, servant la terreur stalinienne et ses procès de Moscou, même dans leur adaptation totale aux zigzags de la politique internationale stalinienne, ils ne purent empêcher le PC d’être l’instrument de luttes ouvrières.

Lorsque, après des années de recul de la révolution, à partir de 1928, il aurait fallu que le parti prenne des forces, que les travailleurs se regroupent pour la défense des intérêts ouvriers, le PC, suivant la directive stalinienne " classe contre classe ", s’isola des plus larges masses par son sectarisme. A coups de manifestations à contretemps, il mena une politique aventuriste qui exposa les militants à la répression. Lorsque les luttes reprirent dans les années 1935 et que la bureaucratie stalinienne, voulant les étouffer, dicta à l’Internationale de soutenir les démocraties bourgeoises, les PC abandonnèrent sans difficulté l’internationalisme pour se faire les chantres de la défense nationale. Ils se rallièrent sans une critique au Front populaire des socialistes que, la veille encore, ils traitaient de " social-fascistes " !

Pourtant, même lorsque les rangs du PC se sont clairsemés dans les années 30, ou renforcés dans les années de Front populaire, il n’a pas perdu ses militants les plus déterminés, dans les couches les plus exploitées. Ils se sont servis de lui pour se battre, pour résister de façon radicale aux campagnes anticommunistes féroces de la bourgeoisie, se sentant partie prenante de l’Internationale des travailleurs. La direction stalinienne a effectué tous ces virages sous la pression de sa base ouvrière. Elle lui devait des comptes pour garder son influence, elle ne pouvait pas se permettre d’être complètement en décalage avec elle sous peine d’être rejetée et de ne plus avoir de base sociale distincte de celle du PS.

Ce qui a changé aujourd’hui, c’est qu’avec la période qui s’est ouverte avec la fin des régimes prétendument communistes et le rétablissement de la propriété privée en ex-URSS, le PC s’est totalement adapté au libéralisme. Mais il est obligé de continuer à avoir un double langage, qui apparaît de plus en plus clairement au fur et à mesure qu’il apparaît comme un serviteur du libéralisme. C’est la raison pour laquelle ses militants, son électorat populaire, fidèles à leurs propres intérêts de classe, même sans être révolutionnaires, s’en détournent.

S.C.