Il y a 60 ans, Staline
faisait assassiner Trotsky,
symbole de la fidélité à la révolution
doctobre
Le 20 août 1940, Staline faisait assassiner Trotsky dans sa résidence dexil à Coyoacan au Mexique, par un agent de sa police politique, le Guépéou.
Cet assassinat marquait laboutissement de la longue période de lutte acharnée menée par la bureaucratie stalinienne contre la révolution, et contre celui qui, exilé, calomnié, interdit de séjour dans la plupart des prétendues démocraties occidentales, en restait aux yeux des travailleurs du monde entier le symbole. Sans doute Staline craignait-il que Trotsky puisse, au tout début de la guerre, représenter une éventuelle direction aux futurs mouvements révolutionnaires qui, en même temps que lordre bourgeois, auraient balayé son alliée, la bureaucratie. Mais plus simplement aussi, cest la fidélité même de Trotsky à la révolution qui constituait une menace pour Staline et la caste parasitaire qui, profitant du reflux de la vague révolutionnaire mondiale au début des années 20, avaient dépossédé les masses russes de leur pouvoir. Cest cette fidélité à la révolution qui faisait trembler Staline. Lexistence même de Trotsky révélait son imposture, était une accusation, et menaçait de ruiner la légitimité du régime des bureaucrates. La haine de Staline à légard de Trotsky a été utilisée par certains pour faire de ce combat un combat personnel, une rivalité pour le pouvoir, alors que cette haine était bien politique et sociale, la haine de limposteur pour la vérité, du dictateur pour les masses.
La liquidation par Staline de la génération des révolutionnaires dOctobre
Issue du Parti bolchevik et de lEtat, reflétant en son sein la lutte que livrèrent au lendemain de la révolution les forces bourgeoises de la société contre la révolution, la bureaucratie dont Staline incarnait les intérêts fut le produit du reflux de la vague révolutionnaire mondiale qui conduisit à lisolement le jeune Etat ouvrier. Alors quà lextérieur la bourgeoisie regagnait les positions perdues, profitant à lintérieur de la misère, de la lassitude et du découragement des masses, épuisées par la violence exercée par les forces bourgeoises internes et leurs alliés impérialistes dans la guerre civile, la bureaucratie, gangrenant le Parti et lEtat, réussit à simposer au pouvoir. Elle se renforçait dautant plus que les masses navaient plus la force dexercer leur contrôle, réduites à mener la lutte pour leur survie dans le pays ruiné. La bureaucratie, produit monstrueux de la révolution russe isolée, étranglée par les bourgeoisies impérialistes qui avaient rétabli leur domination en écrasant partout la révolution, mais qui navaient pas réussi à reprendre ce qui avait été conquis par les masses russes, organisa le détournement des richesses à son profit à lombre de lEtat, tournant le dos à la révolution, ramenant tout le " vieux fatras " bourgeois, la morale, lindividualisme et le nationalisme, devenant de plus en plus étrangère et hostile aux masses.
La lutte sengagea au sein du Parti bolchevik entre la clique stalinienne qui sappuyait, contre les masses, sur les forces sociales bourgeoises et sur les nouvelles couches dirigeantes, constituées darrivistes pour la plupart venus au Parti après la révolution, et les militants et dirigeants restés fidèles à la révolution. Autour de Trotsky, lopposition sorganisa, rencontrant une large sympathie notamment dans la jeunesse et un crédit dautant plus renforcé que la bureaucratie stalinienne, pour jouir tranquillement de ses privilèges, recherchait le statu quo avec la bourgeoisie impérialiste et menait une politique criminelle au sein de lInternationale communiste conduisant la classe ouvrière et les peuples qui engageaient la lutte révolutionnaire, comme en Chine, aux pires défaites.
Pour masquer son rôle contre-révolutionnaire, il lui fallait briser, liquider physiquement tous ceux qui avaient été les acteurs de la révolution et lui restaient fidèles. Lappareil policier stalinien déporta dans les camps, liquida des milliers de militants qui avaient participé à la révolution, témoins de ses reniements et de ses mensonges. Des dirigeants révolutionnaires connus et estimés disparurent, assassinés dans les geôles staliniennes, mais Staline navait pas encore la force de faire assassiner Trotsky lui-même. Zinoviev et Kamenev, ex-dirigeants de la révolution qui sétaient un temps alliés à Staline avant de rejoindre lOpposition de gauche, disaient à Trotsky en 1926 : " vous croyez que Staline na pas discuté la question de votre suppression physique ? Il la bel et bien examinée et discutée. Il a toujours été arrêté par une seule et même idée : que la jeunesse ferait retomber sur lui personnellement la responsabilité, et répliquerait par des actes terroristes. Cest pourquoi il tenait pour indispensable de disperser les cadres de la jeunesse dopposition.... "
Après que lappareil bureaucratique de lInternationale communiste eut conduit à lécrasement sanglant de la révolution chinoise, qui avait soulevé dans lopposition lespoir dun renouveau révolutionnaire et dune transformation des rapports de force en Union soviétique, Staline fit exclure Trotsky et lOpposition du Parti, en 1927, avant de le déporter, loin de tout, en Asie centrale. Son expulsion dUnion soviétique, deux ans plus tard, marqua une nouvelle étape dans la lutte de la bureaucratie stalinienne, au moment où son pouvoir était menacé de lintérieur par les forces bourgeoises sur lesquelles elle sétait appuyée contre les masses ouvrières, les koulaks (paysans aisés), quelle réprima avec la pire violence et déporta par dizaines de milliers.
Le combat de Trotsky et des siens pour perpétuer les idées et les traditions démocratiques et révolutionnaires du bolchevisme
Mais si lexpulsion de Trotsky dUnion soviétique marquait une nouvelle victoire de la bureaucratie, dont la dictature nétait pas encore suffisamment assise et stable pour quelle ait pu le faire assassiner, comme elle avait déjà liquidé la plupart des dirigeants de la Révolution, la victoire avait un revers, lexil permettant à Trotsky dentrer plus facilement en contact avec le mouvement ouvrier international.
Avec la poignée des militants de lOpposition de gauche internationale il sattacha à la construction en son sein dun courant marxiste révolutionnaire, pour réarmer le mouvement ouvrier des idées du bolchevisme dont il nétait plus quun des rares héritiers, qui en possédait la riche expérience pratique et organisationnelle.
De ce travail de construction, il écrivait en 1935 dans son " journal dexil " : " je crois que le travail que je fais en ce moment malgré tout ce quil a dextrêmement insuffisant et fragmentaire est le travail le plus important de ma vie, plus important que 1917, plus important que lépoque de la guerre civile... Si je navais pas été là en 1917 à Petersbourg, la Révolution dOctobre se serait produite, conditionnée par la présence à la direction de Lenine. Tandis que ce que je fais maintenant est irremplaçable. Il ny a pas dans cette affirmation la moindre vanité. Leffondrement de deux internationales a posé un problème quaucun des chefs de ces internationales nest le moins du monde apte à traiter. Les particularités de mon destin personnel mont placé face à ce problème armé de pied en cap dune sérieuse expérience. Munir dune méthode révolutionnaire la nouvelle génération, par dessus la tête des chefs de la IIième et IIIème internationale, cest une tâche qui na pas, hormis moi, dhomme pour la remplir. "
La tâche était difficile, les groupes révolutionnaires existants faibles, composés pour la plupart dintellectuels sans liens avec la classe ouvrière au sein de laquelle les staliniens faisaient la police, en employant la lutte physique et des murs de voyous. Mais Trotsky faisait confiance aux masses travailleuses, à leur capacité à retrouver la voie de la lutte révolutionnaire face à la montée du fascisme en Europe et aux nouvelles crises que préparait la lutte pour leurs intérêts concurrents des puissances impérialistes mondiales.
En 1935, il écrivait de Staline dans son " journal dexil " : " son besoin de vengeance contre moi nest absolument pas satisfait : il a porté des coups, en quelque sorte physiques, mais moralement il nest arrivé à rien : ni renonciation au travail, ni " repentir ", ni isolement ; au contraire, un nouvel élan historique est pris, quil nest plus possible darrêter. "
La faiblesse des groupes de lOpposition ne leur permit pas dinfluer sur les mouvements révolutionnaires des années 30, ni de renverser le cours des choses, face à la montée du fascisme en Europe. Dautant que la bureaucratie stalinienne traquait et assassinait les militants partout où, en France ou en Espagne, ils pouvaient être susceptibles dapporter une perspective révolutionnaire aux luttes en cours, comme elle le fit pour le dirigeant révolutionnaire espagnol Andres Nin, de nombreux membres de lentourage de Trotsky dont son propre fils, Léon Sedov, assassiné à Paris par les hommes de main de Staline le 16 février 1938 alors quil venait de subir une opération chirurgicale bénigne.
La IV° Internationale, notre lien avec la génération dOctobre 17
Staline comprenait-il limportance du travail de Trotsky pour le mouvement ouvrier révolutionnaire, limportance de la création en 1938 dune nouvelle internationale, la IVème Internationale, à la veille de la guerre ? La politique à courte vue de Staline, bornée, limitée à la défense des intérêts immédiats de la dictature stalinienne, étrangère aux plans densemble sappuyant sur lanalyse de lévolution des rapports de forces sociaux, lamenait à agir par réflexe, au coup par coup, quand il sentait son pouvoir menacé. Alors que les puissances impérialistes se préparaient à lancer les masses ouvrières défaites dans la deuxième grande boucherie mondiale, Staline, qui avait plus que jamais besoin davoir les mains libres pour mener sa politique dalliance avec les bourgeoisies impérialistes sur le dos des peuples et des travailleurs russes, devait achever son uvre de liquidation physique de la vieille génération révolutionnaire.
Trotsky mort, la IVème internationale, née " des plus grandes défaites du prolétariat dans lhistoire " comme lexpliquait son programme de fondation, bien quexistant dans de nombreux pays à léchelle internationale, navait pas réussi à gagner assez de force pour inverser le cours des choses lorsquà lissue de la guerre, les peuples opprimés par limpérialisme entrèrent en lutte pour leur émancipation. Le mouvement trotskyste ne réussit pas à surmonter ses faiblesses sociale, numérique. Souffrant de labsence dune direction qui aurait pu lui apporter lexpérience pratique du bolchevisme, son éclatement en de multiples groupes fut pour lessentiel le produit de la pression, de la violence que la bureaucratie stalinienne exerçait contre ceux qui contestaient son usurpation, pour les isoler de la classe ouvrière. Le programme de la IVème Internationale constitue le chaînon indispensable qui nous lie aux générations révolutionnaires qui nous ont précédés, à la tradition bolchevique et marxiste, avec laquelle les masses ouvrières révolutionnaires, poussées par leurs besoins à la lutte pour imposer leurs droits, renoueront.
Catherine Aulnay