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La justice, seules nos luttes l’imposeront

Editorial des bulletins d’entreprise du 14 avril 1997

Une mère de famille qui avait dérobé quelques kilos de viande dans des supermarchés a été finalement condamnée à 3000 F d’amende avec sursis par la cour d’appel de Poitiers. Dans un premier temps des juges l’avaient acquittée en invoquant l’ " état de nécessité " dans lequel se trouvait cette mère pour nourrir ses enfants. Mais l’appareil judiciaire n’a pas voulu lâcher sa proie. C’est une question de principe pour ces messieurs. Quel principe ? En fait celui de la défense de la propriété privée des riches. Au nom de ce principe, une mère ayant de faibles revenus doit se contenter de servir jour après jour des pâtes et de la purée à ses enfants. Au nom de la loi, des enfants sont privés de viande et les profits des supermarchés sont florissants. Non contents de condamner cette mère, ces juges lui ont fait la leçon parce que ses enfants , contrairement à d’autres, n’étaient pas en " état d’urgence " c’est-à-dire avec la faim au ventre. Le cynisme des nantis est décidément sans limites.

Dans cette société la justice se donne parfois l’air d’être du côté des plus faibles. Mais cela est rare, cela ne dure pas et vise plus à les tromper qu’à leur rendre réellement justice. Récemment par exemple le tribunal de Nanterre a condamné la direction de Renault pour ne pas avoir respecté les procédures européennes légales en décidant de fermer l’usine de Vilvorde. Il est bien possible que dans ce cas aussi le jugement soit cassé en appel. Mais de toute façon il y a une certitude : il n’existe pas de loi pour interdire à un patron comme Schweitzer de licencier 3000 personnes. Un patron peut décider de fermer une usine aussi facilement que lorsqu’il " clique " sur l’écran d’un ordinateur pour l’éteindre.

Contre les injustices sociales, nous ne pouvons pas compter sur les juges et sur les lois qui sont là pour nous duper ou pour tenter de nous briser pour défendre la propriété privée.

Ce qui serait juste, c’est que tout le monde puisse avoir au minimum un emploi et un pouvoir d’achat suffisant pour satisfaire ses besoins et ceux de ses proches. Ces exigences simples, vitales, nous devrons les imposer nous-mêmes en nous en prenant à cette propriété privée que la loi protège.

Les travailleurs de Vilvorde l’ont compris dès qu’ils ont appris que la direction de Renault voulait les jeter tous à la rue. Ce ne sont pas les juges, les gouvernants ou les politiciens d’aucune sorte qui pouvaient faire quoi que ce soit pour eux, car ils sont tous au service de la bourgeoisie. Les travailleurs de Vilvorde ont choisi la seule méthode qui puisse être efficace, celle de la lutte collective. Ils se sont mis en grève. Ils ont passé les frontières pour s’adresser à leurs camarades des autres usines Renault en Europe et faire appel à leur solidarité. Ils ont multiplié les actions pour faire revenir Schweitzer sur sa décision. Après six semaines de grève, ils ont repris le travail ce qui ne veut pas dire qu’ils ont renoncé à obtenir gain de cause.

Mais créer un rapport de force suffisamment puissant pour faire annuler un plan de licenciement n’est pas facile. Les patrons se serrent les coudes entre eux et il faut que les salariés en fassent autant. Il faut réussir à entraîner toujours plus de travailleurs dans la lutte. Il faut déjouer les pièges de tous ceux qui ont peur de notre colère et de notre détermination et qui ne veulent pas remettre en cause les intérêts des patrons. Il faut surtout surmonter ce sentiment d’impuissance face aux mauvais coups qui frappent le monde du travail.

Car nous sommes des millions à nous débattre avec les mêmes difficultés. La peur de perdre son emploi ou de ne jamais en retrouver un, l’insuffisance de nos revenus, l’avenir bouché pour les jeunes, voilà notre lot commun dans cette société organisée pour une minorité de riches et qui sanctionne impitoyablement les plus faibles. Nous nous croyons seuls alors que nous sommes des millions qui pourraient mettre en commun leur volonté de changer cette société pour vivre autrement, dignement, humainement, alors que nous sommes une force pouvant transformer la société dans le sens du progrès social.

Pour cela nous devons construire un instrument politique qui soit au service exclusif des exploités, un parti démocratique, puissant, composé d’hommes et de femmes qui combattent pour faire disparaître toutes les injustices sociales en redonnant vie aux idées authentiques du socialisme et du communisme.

Est-ce si difficile de jeter les bases d’un tel parti ? Certainement beaucoup moins que de continuer à subir les coups du patronat et de l’Etat à son service. Et construire un tel parti c’est préparer un avenir meilleur pour nous, pour la jeune génération et pour toute la société.

 

Les trusts pharmaceutiques contre les droits des femmes

Grands princes, à les entendre, les dirigeants de Roussel-Uclaf : ils cèdent gratuitement tous leurs droits sur la pilule RU 486 au docteur Sakiz, un des chercheurs de leurs laboratoires qui avait contribué à son élaboration.

En fait, ils se débarrassent hypocritement de cette pilule, une des méthodes d’avortement les plus efficaces, qui évite le recours à une intervention, et a déjà été utilisée par des millions de femmes. A la grande joie sans doute, des évêques qui avaient demandé en vain son interdiction lorsqu’elle avait été commercialisée en France.

Le trust pharmaceutique allemand Hoescht, à qui appartient Roussel-Uclaf et dont le président est connu pour être un chrétien bigot, ne l’avait pas commercialisée en Allemagne, et vient de renoncer à la mettre sur le marché américain comme cela devait être fait cette année.

Les commandos anti-avortement aux Etats-Unis menaçaient de boycotter des produits du trust si celui-ci commercialisait la pilule, et cela aurait sans doute nui à ses bénéfices. Mais pas une seule des grandes sociétés pharmaceutiques n’a voulu en reprendre la fabrication, et le directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé n’a "jamais osé, selon les dires du docteur Sakiz, s’engager sur ce dossier ", alors que la molécule à la base du RU 486 a d’autres propriétés qui pourraient aussi être utilisées dans le contrôle de la fertilité. Au point que le docteur Sakiz et le professeur Beaulieu, qui en est l’inventeur, en sont réduits à se débrouiller pour en assurer la fabrication et la commercialisation.

Qu’est-ce qui l’emporte dans les raisons qui ont donné lieu à cette décision ? Le souci du profit ou l’obscurantisme et le mépris des droits des femmes ? En toute logique, si l’on peut dire, les deux.

Renonçant au marché américain, les dirigeants de Hoescht jugent à coup sûr l’affaire non rentable.

Mais ce qu’il y a de certain, c’est que ces dirigeants de trusts qui capitulent devant les menaces de boycott des bigots anti avortement, ne déparent pas parmi les autres autorités de la société bourgeoise qui n’ont jamais brillé par leur esprit progressiste, et que c’est par leur propre combat que les femmes ont toujours dû imposer leurs droits les plus élémentaires.

 

Une aide-soignante raconte une nuit de travail

Nous travaillons dans un service de médecine divisé en deux unités de 3O et 2O malades. Nous sommes deux infirmières et trois aides-soignantes mais nous nous retrouvons souvent à deux.

La prise de service se fait à 20H30. La nuit est de 10 heures. L’équipe de jour fait ses transmissions à celle de nuit ; moment important qui dure plus ou moins 20 minutes. Puis, direction la cuisine pour la préparation du tilleul et le nettoyage de la vaisselle restante que l'équipe de jour n’a pas eu le temps de terminer.

Nous commençons vers 21H30 la première tournée qui consiste à prodiguer des soins infirmiers tels que perfusions, distribution de médicaments, prise de pouls, tension, température et des soins de confort (nursing, changement de position) sans oublier la petite conversation qui réconforte avant la nuit. La première étape passée, la pause café avec les collègues de l’autre unité s’impose. Mais on ne peut pas toujours se le permettre car il y a les sonnettes, les entrées (il y a plus d’entrées la nuit que le jour), les malades perturbés, agités qui nécessitent une surveillance plus "rapprochée".

Visite de la surveillante de nuit ; j’en profite pour lui demander une nuit qu’elle ne peut m’accorder faute de personnel. Nous risquons même d’être déplacées dans un autre service (principe de déshabiller Paul pour habiller Jacques).

Discussion avec les collègues pour les vacances : il n’y aura qu’une infirmière de nuit au lieu de deux pour le mois d’août ce qui évitera aux collègues de jour de passer de nuit pour les remplacer. C’est un vrai retour en arrière. Depuis cinq ans, les infirmières qui s’étaient battues pour être deux seront seules pour assurer la nuit pour les deux unités au mois d’août !

2h : seconde tournée identique à la première avec en plus le ramassage des carafes d’eau des malades. Pendant que le lave-vaisselle tourne, on mange... D’après les accords Durieux nous devions avoir un plateau repas par personnel. Nous n’en avons jamais vu la couleur. Notre estomac se contentera de ce qui reste dans le réfrigérateur.

4h : bâillements, c’est l’heure du coup de barre. On lutte contre le sommeil en lisant, en s’occupant du mieux que l’on peut.

Dernière ligne droite avant de retrouver son lit, troisième tournée, la plus dure ; la fatigue se fait sentir ; passage en revue de tous les malades et on recommence.

Rangement de la salle de soins, nettoyage du matériel utilisé, descente au sous-sol du linge sale et des poubelles (encore une charge qui nous incombe depuis la suppression du poste d’un agent d’entretien). La relève arrive avec de petits yeux. C’est dur de commencer à 6h15 surtout quand il faut porter les enfants chez la nourrice avant, l’établissement n’ayant pas de crèche.

Transmissions à l’équipe de jour avant de quitter l’hôpital.