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"Intervention citoyenne" ou lutte de classes ?

Le terme " citoyen " est à la mode : il est un des mots les plus répétés par Robert Hue, qui le met à toutes les sauces et qualifie "d’intervention citoyenne" tout ce qui bouge, mélangeant allègrement des mouvements d’importance et surtout de caractère social différent.

A ses militants, la direction du PC explique qu’il ne s’agit pas de passer sous silence la lutte des travailleurs mais de prendre en compte toutes les formes de luttes en dehors du lieu de travail, sur le logement, la santé, les transports, etc. C’est une hypocrisie : l’utilisation du mot citoyen n’a pour but que de masquer les antagonismes sociaux et donc d’étouffer le caractère de classe des luttes des travailleurs. Bien des militants l’ont compris, qui voient avec méfiance l’abandon du mot "travailleur" ou "ouvrier" et qui avaient aussi fort peu apprécié la disparition au dernier congrès du PC de la faucille et du marteau - "les outils" comme ils les appellent, par référence au camp social qu’ils symbolisent.

Mettre en avant cette "intervention citoyenne", abandonner toute référence à la lutte de classe et se placer exclusivement sur le terrain de la démocratie parlementaire - cette démocratie formelle qui veut nous faire croire que nous sommes tous égaux - c’est un signe de plus de la volonté des dirigeants du PC de rompre avec une partie de leur passé et de ressembler de plus en plus au parti socialiste.

Les travailleurs n’ont pas à se réclamer de ces "droits des citoyens" qui, même lorsqu’ils ont eu une signification révolutionnaire, ont toujours été un droit réservé aux privilégiés. Ainsi sous l’Antiquité, si la démocratie a été un progrès considérable, le terme citoyen n’en était pas moins réservé aux propriétaires d’esclaves et ce n’est pas en tant que citoyen que Spartacus et ses compagnons ont lutté, mais en tant qu’esclaves se révoltant pour leur émancipation. Pendant la Révolution française, la "Déclaration des droits de l’homme et du citoyen", si elle rompait avec les injustices de l’Ancien régime, était aussi l’affirmation des droits des propriétaires. La constitution de 91, dont elle était le préambule, distinguait entre les "citoyens actifs" et les "citoyens passifs" à qui elle ne donnait ni le droit de vote ni le droit d’être élus - pas plus qu’aux femmes - et elle ne remettait pas en cause l’esclavage.

Alors aujourd’hui, ce n’est pas en tant que "citoyens" que nous avons à lutter mais en tant que travailleurs. La véritable démocratie nous l’imposerons par nos luttes, en prenant le contrôle de l’économie et en défendant nos intérêts de classe qui sont en fait ceux de la collectivité et de la grande majorité de la population.

Des "petits boulots" pour un grand travail

C'est, dans la région d’Elbeuf, près de Rouen, un établissement hospitalier comme il en existe beaucoup d'autres qui accueille les personnes âgées nécessitant des soins. Bien souvent, il s'agit de retraités coupés de leur famille qui ne sont plus capables de vivre seuls. On les appelle des "résidents en hébergement".

Les gens riches, quand ils sont vieux, peuvent aussi se retrouver isolés, mais ils restent riches. Certains sont même assez riches pour payer une "dame de compagnie", voire une infirmière à domicile quand ce n'est pas tout une équipe de domestiques.

Mais l'établissement dont il s'agit n'est pas de cet ordre. C'est un établissement banal, pour des gens qui ne sont et n'ont jamais été riches. Il est situé dans une agglomération ouvrière.

Il y a du personnel pour s'occuper des gens mais en nombre insuffisant. Alors pour remplacer les employés, on utilise des CES ou des stagiaires de l'ANPE. Quelquefois, ce sont les mêmes, il suffit de leur faire changer de casquette. Bien sûr, ces remplacements sont "à titre exceptionnel". Des exceptions qui se répètent de semaine en semaine. Et tant pis pour la formation. CES ou stagiaire exceptionnellement détachée pour boucher les trous, il faut expédier les soins et les toilettes. Et surveiller la montre car on ne paie pas les heures supplémentaires. Il n'y a pas de tenue spéciale, il faut faire comme à la maison. C'est surtout plus économique pour l'hôpital.

Tout est conçu pour fonctionner à l'économie. Il ne faut rien gâcher et chaque dépense est comptée. Cela ne change pas les pensionnaires, ils ont vécu toute leur vie de cette façon.

Aujourd'hui, on ne les laisse pas mourir seuls dans un coin mais tout leur indique qu'ils coûtent encore trop cher, qu'ils sont trop nombreux, qu'ils mettent trop longtemps à libérer la place.

Heureusement, il y a le personnel qui les soigne, les aide à marcher, fait leur lit et leur toilette, leur parle, les console ou les encourage. Malgré la presse, le manque de moyens, les employés de l'établissement se donnent totalement à ce travail. Elles ne sont pas cher payées. Beaucoup sont temporaires, en CES. Des "petits boulots" comme on dit. Mais un grand travail. Un travail fait avec cœur parce qu'elles se sentent proches des personnes dont elles s'occupent.

La société capitaliste méprise autant l'ouvrier usé et impotent que l'employée qu'elle paie à s'occuper de lui . Mais l'un et l'autre se reconnaissent. Entre eux, rien ne s'achète ou se vend, c'est seulement la solidarité qu'ils échangent. C'est sur cette solidarité-là, qu'un jour les femmes et les hommes de la classe ouvrière bâtiront une société enfin humaine.

Le gouffre de Padirac...

L'ancien gérant et actionnaire majoritaire de l'usine de chaudronnerie Egée de Saint-Aubin-les Elbeuf (Seine Maritime) a été mis en prison le vendredi 3 Mai pour banqueroute et abus de biens sociaux, à la suite d'une succession de malversations financières dont voici quelques aperçus.

En 1992, le dénommé Philippe Fouilhac de Padirac a créé la société Egée en reprenant pour trois millions de francs l'ancien atelier de tôlerie de la Sagem (entreprise d'électronique civile et militaire de Saint Etienne du Rouvray). Il empochait au passage des fonds publics pour déménager à trente kilomètres à peine. Avec le tacite accord de la Sagem il a revendu les machines à une société basée à Monte Carlo pour finalement mettre la société Egée en liquidation judiciaire à la fin septembre 1995. Deux mois après, en une nuit, il déménage l'outillage, le matériel informatique, les commandes en cours. Puis il ferme l'entreprise et laisse une note de service sur la porte à la vingtaine de salariés : "vous êtes en congés à compter de ce jour jusqu'à nouvel ordre".

Mais les travailleurs ne se sont pas laissés faire. Déterminés et organisés, ils n'ont pas cessé depuis d'enquêter, de faire connaître l'affaire publiquement et n'ont pas lâché jusqu'à ce qu'enfin, De Padirac soit pris. Maintenant ils demandent des comptes à la Sagem et exigent d'elle la réintégration dans leur emploi, ce qui est la moindre des choses !

On réhabilite les logements... Et les loyers

Lormont est une ville HLM de la banlieue de Bordeaux. Depuis la mi-juillet 95, le quartier de Génicart III est en réhabilitation, une partie pour les appartements, le reste pour les aménagements extérieurs tels que façades, locaux poubelles, ascenseur et entrées.

Mais, comme aucune étude préalable n'a été effectuée avant le commencement des travaux par la société Aquitanis, gérante d'une partie du parc HLM, ceux-ci n'en finissent pas de finir.

D'une tour à l'autre, la taille des fenêtres n'était pas la même. Il a donc fallu les remplacer trois fois avant de placer les bonnes. Il y en a même une qui est tombée dans le vide. Les ouvriers ont dû courir dans tous les sens, chaque fenêtre devant être posée dans un temps record. Après les travaux, l'isolation n'a pas été faite, et aux premières pluies de l'hiver, l'eau s'est infiltrée par les coffrages des stores pour venir s'écouler sur la moquette. Idem pour les toits où le vieux revêtement d’étanchéité a été enlevé ... mais pas remplacé. Résultat : l'eau s'est écoulée le long des murs provoquant l'apparition de moisissures et le décollement des papiers.

Dernièrement, dans l'entrée des immeubles, le lambris des plafonds a été retiré, laissant apparaître ce que tout le monde a cru être de l'amiante. Sans autre preuve que les déclarations de l'organisme, il nous a été dit que ce n'était que de la ouate. C'est sans doute la raison pour laquelle nous avons pu respirer cette inoffensive poussière pendant plusieurs mois, pendant lesquels le plafond est resté à découvert.

Finalement, la seule chose vraiment sûre, c'est que le coût de la "réhabilitation" se traduira par une augmentation des loyers d'environ 10 %, bien que ces frais soient normalement intégrés dans les charges que nous payons tous et que les locataires successifs ont payé depuis trente ans.

Le retour des dames patronnesses

A Philadelphie, aux Etats-Unis, il y a eu le mois dernier, un "sommet du volontariat" : Clinton, avec à ses côtés, les 2 ex-présidents Bush et Ford, un général, Colin Powels, et des dirigeants de trusts comme Shell, a appelé des millions d'Américains à se mobiliser en faveur des plus démunis.

Une hypocrisie mais pas seulement.

Hypocrisie de ces capitalistes qui ont jeté à la rue des centaines de milliers de travailleurs, fabriquant autant de pauvres, et de ces politiciens comme Clinton qui a entériné et justifié en août 96 une "réforme sur la pauvreté" qui réduit tellement le montant et la durée des allocations et aides (jusqu'aux coupons de nourriture) versées par l'Etat aux chômeurs et aux pauvres, qu’aujourd’hui les travailleurs américains sont obligés d’accepter sous peine de mourir de faim n’importe quel travail à n’importe quel salaire : 38 % des Américains dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté officiel, travaillent. C’est pourquoi aussi, soit dit en passant, le chômage a reculé aux Etats-Unis comme en Angleterre.

Mais c’est aussi un moyen pour les patrons et les politiciens de déverser une morale réactionnaire digne des dames patronnesses du XIXème siècle. Ce ne sont pas eux qui seraient responsables de la misère, mais la concurrence, les lois économiques et leur fatalité, ...et aussi les pauvres eux-mêmes que l’assistance de l’Etat encouragerait, comme l’a dit presque textuellement Clinton, à la " passivité voire à la paresse ". Ne font-ils pas eux, tout ce qu’ils peuvent ? S’érigeant en modèle de vertu, ils prêchent la générosité et l’altruisme. " Nous devons susciter un nouveau sentiment d'obligation, un nouveau sens du devoir, une nouvelle vision du service", a déclaré Clinton à ce même sommet.

La bourgeoisie voudrait faire en sorte que la population, le monde du travail se sentent responsables et coupables d’une misère qu’engendre avec toujours plus de violence son propre système, le système capitaliste. Elle cherche à dévoyer les sentiments altruistes, réels et sincères, ceux-là, qui existent chez les travailleurs et les jeunes, en une charité bien incapable de pallier à sa propre incurie, mais qui aurait l’avantage pour elle d’éviter la révolte et l’explosion sociale.