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Quelle politique pour la classe ouvrière ?

Un débat nécessaire entre militants du mouvement ouvrier

En menant campagne, nous rencontrons des militants du Parti communiste avec qui nous discutons de ces élections et de bien des problèmes qui se posent aujourd’hui à nous. Beaucoup d’entre eux ne sont pas satisfaits de la politique de Hue et certains se disent même franchement en désaccord en ce qui concerne l’alliance avec les socialistes et la participation de ministres communistes au gouvernement.

Les sorties de Hue contre " l’hégémonisme " du PS ne les convainquent guère et sur la réalité de leurs futurs rapports avec le PS, ils accordent plus d’importance aux déclarations répétées de Jospin, leur enjoignant de marcher au pas une fois qu’ils seront dans le gouvernement. Ce désaccord avec les perspectives d’alliance avec le PS et de participation gouvernementale, s’exprime souvent chez bien des militants du Parti communiste par la reprise des arguments contre le " libéralisme " qui découlerait de l’application du traité de Maastricht et de la mise en place de l’Euro.

C’est sur ce problème de la politique que doit défendre la classe ouvrière, que la discussion doit se mener. La politique des patrons est claire : licencier, accentuer l’exploitation des salariés qui restent au travail, soumettre toujours plus les ressources de la collectivité à leur propres intérêts grâce à l’Etat. Face à cela, nous devons affirmer la nécessité pour la classe ouvrière d’une politique de classe se donnant pour objectif le contrôle sur l’économie, l’interdiction des licenciements, l’augmentation des salaires, l’embauche dans les services publics de centaines de milliers de salariés et posant le problème de la nécessité de nos luttes et de notre organisation pour les imposer. Cela veut dire rompre avec tous les écrans de fumée " maastrichtiens " ou " antieuro " car flatter les préjugés chauvins et électoralistes, c’est tourner le dos à une politique de classe opposée à la politique de classe du patronat.

Les militants du Parti communiste, et notamment des militants ouvriers, conscients des intérêts de leur classe, qui refusent les nouvelles capitulations de Hue, s’ils veulent que leur parti parle réellement d’une voix communiste, doivent y défendre ces idées en tournant le dos à toutes les formes de nationalisme comme aux illusions électoralistes. C’est de cela dont nous souhaitons discuter avec eux en faisant tomber les barrières qui ont trop souvent empêché toute véritable discussion entre militants, si nous savons les uns et les autres, en toute franchise et en toute camaraderie, échanger nos points de vue , confronter nos programmes, établir clairement nos accords et nos désaccords.

Ces élections en sont l’occasion et c’est bien là leur principal intérêt.

A propos de l'unité des révolutionnaires

A Rouen, "VOIX DES TRAVAILLEURS" a proposé à l’Association pour le Rassemblement des Travailleurs" (ART) une candidature commune dans la 3ème circonscription de Sotteville-les-Rouen. Cela nous semblait possible car les militants de l'ART militent publiquement depuis longtemps sur la nécessité pour la classe ouvrière de lutter pour un plan de défense anticapitaliste et pour la construction d'un parti des travailleurs pour l'imposer. La candidature de l'un d'entre eux, José Perez, cheminot à Sotteville avec à ses côtés un camarade cheminot de VDT, nous semblait bien refléter une réalité militante concrète dans les entreprises aujourd'hui qui s'était déjà manifestée au cours de la grève de novembre-décembre 1995.

Les camarades de l'ART ont souhaité examiner la possibilité d'une candidature commune incluant la Ligue Communiste Révolutionnaire. Mais si une candidature ART-VDT nous semblait plausible même si elle ne s'est pas concrétisée, ce n'était pas le cas d'une candidature commune avec la LCR dans l'état actuel des positions de cette organisation à l'échelle nationale. C'est ce qui est ressorti de l'échange de vues entre des militants de VDT, de l'ART et de la LCR.

Dans un tract diffusé le 1er mai intitulé "Candidatures unitaires : un espoir déçu...", la LCR de Rouen a voulu nous rendre responsable d'avoir "gâché" la possibilité de candidatures unitaires. Mais de quelle unité parle la LCR ? L'unité de la gauche, "vraiment à gauche", "à gauche à 100%" ? Cette unité-là est pour nous sans intérêt. La LCR se présente comme composante d'une "gauche radicale" qui se plaint que le PS et le PC soient trop mous, notamment contre le traité de Maastricht. Sur des bases aussi éloignées de tout contenu de classe, il est évident qu'une candidature unitaire avec nous était impossible. En effet un parti des travailleurs, des chômeurs et des exclus n'a aucune chance de voir le jour si les groupes qui se réclament des idées révolutionnaires y renoncent de fait par opportunisme pour rechercher des alliances sans principes avec les partis réformistes ou encore s'ils se réfugient dans leur tour d'ivoire.

Voilà ce que nous avons écrit en conclusion de la lettre que nous avons adressée le 8 mai aux camarades de la LCR de Rouen : "Pour notre part, à chaque fois qu'il sera possible de trouver un accord réel, sur des bases claires avec des militants et des organisations, nous le ferons. Et nous en prendrons même l'initiative, comme nous l'avons fait vis-à-vis des camarades de l'ART. Mais nous le ferons sincèrement, en n'esquivant aucune divergence. C'est la seule façon de trouver de réels points communs sur lesquels on peut agir ensemble.

Nous sommes convaincus que la situation va évoluer et que chaque composante de l'extrême gauche aura à reconsidérer bien des attitudes, bien des traditions stérilisantes reposant sur l'autosatisfaction organisationnelle, le bluff et le ridicule de croire que l'on peut forcer la main aux autres. Tous ceux qui veulent être des militants révolutionnaires devront rompre avec ces méthodes-là. C'est à ce prix que des militants révolutionnaires dignes de ce nom pourront jouer un rôle positif et qu'ils seront à la hauteur des exigences de la période qui s'ouvre. C'est à ce prix que dès maintenant, des discussions utiles, dans la transparence, peuvent s'engager entre militants. Chacun sera amené à faire des choix s'il ne veut pas rester prisonnier d'habitudes qui ne permettront jamais d'établir une collaboration sincère et fructueuse entre révolutionnaires. Pour notre part nous y sommes prêts. Nous voulons établir des relations permettant cette collaboration afin de contribuer dans la mesure de nos forces à la construction du parti dont la classe ouvrière a besoin."

Quand le Pen confond boîtes aux lettres et boîtes a ordures

Depuis quelques temps dans la région rouennaise, le Front National cible les postiers en déposant des tracts dans les boîtes à lettres jaunes pour que les facteurs les trouvent quand ils relèvent le courrier. Le dernier en date fait semblant de se préoccuper des sujets de mécontentements des postiers comme le ferait n'importe quel tract syndical : la vétusté du matériel, les conditions de travail, les promotions, les mutations, les filialisations, la privatisation, la titularisation des précaires, etc.

Jusqu'alors les patrons, les notables et les châtelains du Front National avaient l'habitude d'insulter les salariés de la fonction publique comme autant de fainéants dont le nombre serait excessif. Cette démagogie visait à attirer les voix d'agriculteurs, de petits commerçants ou de petits patrons. Aujourd'hui tous ces bourgeois d'extrême droite autour de Le Pen font mine de se pencher sur nos revendications et d'être pour la défense du service public ! Ils le font honteusement en prenant les boîtes aux lettres pour des boîtes pouvant recevoir leurs ordures. Ils espèrent exploiter à leur profit le mécontentement de travailleurs dégoûtés par les gouvernants de droite et de gauche qui ont porté des coups contre eux. Mais ces sirènes du FN sont un peu trop grossièrement maquillées pour faire illusion. Derrière leur grimage, il y a des politiciens ayant la haine des travailleurs et qui cherchent à les affaiblir en diffusant le poison du nationalisme et du racisme.

Les patrons routiers renient leurs engagements

Lundi 5 mai, les routiers salariés se sont remis en grève pour les revendications qu’ils avaient défendues lors de leur grève de novembre 96. Par leur mobilisation, leur organisation qui avaient permis malgré leur dispersion au sein de petites entreprises de se retrouver tous ensemble sur les barrages, ils avaient pesé sur leurs patrons et suscité la sympathie de la grande majorité des salariés. Ils avaient obtenu alors 3000 F d'augmentation sous forme de prime et un accord sur la mise en place de la retraite à 55 ans.

Mais une fois la mobilisation levée, les patrons routiers, avec la caution du gouvernement qui avait servi d'intermédiaire dans les négociations, sont revenus sur ce qu'ils avaient été obligés de céder. Les accords n'ont pas été appliqués et les routiers avaient décidé une nouvelle journée de grève pour le 5 mai.

C'est lors de cette journée qu’à Saint-Vincent de Paul, dans la région bordelaise, un militant de FO, a trouvé la mort, écrasé par un camion qui voulait passer outre au barrage. Ses camarades routiers ainsi que des syndicalistes de la CGT et de FO se sont retrouvés entre 200 et 300 lors de son enterrement le 9 mai. Ils ont voulu manifester leur solidarité, conscients que c'étaient les patrons et le gouvernement qui portaient l'entière responsabilité de la mort de ce militant. En ne voyant que la rentabilité, le profit, les patrons du transport imposent des conditions de travail très dures aux salariés au détriment de leur santé et de la sécurité sur les routes. Ils ne respectent pas les engagements pris quand la pression des salariés ne se fait plus sentir. Pour obtenir l'application de leurs revendications, les chauffeurs auront besoin de maintenir les liens tissés lors de la grève, l'organisation qui était née de leur mobilisation même.