éditorial



Tout est clair

L’usine de Vilvorde sera donc fermée. De toute évidence pour Jospin tout autant que pour la direction de Renault, ne pas céder ni accepter la moindre concession est un geste politique, une façon d’annoncer la couleur, sans ambiguïté. Le message est clair, le camp de Jospin et de son gouvernement, c’est celui du patronat, de la bourgeoisie, pas le nôtre, pas celui des travailleurs.

Le même Jospin, il y a peu, était venu manifester à Bruxelles avec les travailleurs de Vilvorde. Le temps de se montrer, de laisser croire qu’il était du côté des travailleurs pour avoir leurs voix, le temps d’une élection. C’était, consciemment, pour nous tromper. Au gouvernement, il est comme une carpette devant le patronat.

Et on laisse le PC comme les syndicats protester, ce qu’il faut, pour laisser le mécontentement s’exprimer afin de mieux l’étouffer, pour que la colère cède la place à la déception. D’une main le PC proteste, de l’autre il vote la confiance au gouvernement. Tout aussi hypocrite et menteur que Jospin. Lui aussi utilise l’influence, le crédit de ses militants ouvriers pour gagner des places dans les rouages de l’Etat qui sert les classes possédantes.

Demain, si notre mécontentement ne se calme pas, si notre colère s’exprime, si les illusions cèdent la place à la volonté de s’organiser et de lutter, les ministres communistes demanderont aux militants du PC d’être du côté du gouvernement contre les travailleurs. On leur dira de ne pas céder aux "provocateurs qui font le jeu du Front National ", qu’il faut face à la droite et à l’extrême droite, être solidaires du PS et du PC au gouvernement.

Céder à ce chantage serait la pire des erreurs.

C’est la politique de la gauche au gouvernement qui fait le lit de l’extrême-droite, pas ceux qui s’y opposent. N’oublions pas que le Front National a pris un brusque essor après que la gauche, PS et PC ensemble au gouvernement, ont été au pouvoir en 81, démoralisant en reniant leurs promesses ceux qui leur avaient fait confiance, paralysant le mouvement ouvrier qui prit les coups sans réagir et laissa le Front National exprimer démagogiquement le mécontentement populaire. Aujourd’hui comme hier, ils ne seront capables que de susciter le mécontentement de toute la population, contribuant une fois de plus à discréditer les idées dont ils se revendiquent, préparant le terrain aux démagogues d’extrême droite. Aujourd’hui, Jospin nous refait 81 en pire.

Vilvorde, après la provocation de l’augmentation du SMIC de 4% ou les propos du ministre de l’éducation nationale, singeant Juppé en déclarant "il faut dégraisser le mammouth", ne laisse plus la place à la moindre illusion, ni au moindre espoir. D’autant que dans le même temps Jospin n’a pas tardé à tenir ses promesses à l’égard du patronat. Il a confirmé les commandes d’avions Rafale à Dassault et s’est engagé à aider les trusts de l’aéronautique à faire face à la concurrence internationale, c’est à dire à faire un maximum de profits. On comprend qu’il se soit fermement déclaré pour la plus grande rigueur budgétaire, une rigueur contre les fonctionnaires, une rigueur pour économiser sur tout ce qui est utile à la collectivité, une rigueur visant à limiter les grands travaux d’utilité publique, une rigueur pour financer les profits.

Et c’est pour renflouer les caisses de l’Etat que le gouvernement de gauche maintiendrait le projet de privatisation de France-Télécom. Pour se financer, l’Etat s’apprête à revendre une entreprise d’Etat qui rapportera bien plus au futurs actionnaires qu’elle ne leur aura coûté.

Ce n’est pas la mesure démagogique de la suppression des allocations familiales aux foyers ayant deux enfants et gagnant plus de 25 000F qui peut donner le change. Certes, le système des allocations familiales reproduit les inégalités, mais cette mesure ne vise qu’à montrer du doigt des salariés un peu à l’aise ou une frange de la petite bourgeoisie pour détourner l’attention des travailleurs des vrais responsables de la misère dans laquelle s’enfonce une partie croissante de la population, ceux qui jouissent de toutes les faveurs des gouvernements, les détenteurs des grandes fortunes, les patrons, les banquiers, les gros actionnaires.

La gauche au pouvoir, cette gauche qui se voulait rajeunie et moderne, qui se dit plurielle, parce qu’elle a rassemblé tous les clans du PS, les Verts ou Chevènement et le PC, n’est qu’un rassemblement d’ambitions de politiciens arrivistes toujours prêts à faire des courbettes devant les puissances de l’argent et à succomber devant les lustres du pouvoir au mépris de ceux qu’ils prétendaient représenter et défendre.

Les patrons peuvent se réjouir. Comme l’écrit l’éditorialiste du Figaro, " même s’il se garde bien de le claironner, le gouvernement Jospin a, semble-t-il, décidé de s’adapter sans attendre aux réalités. Le recul stratégique sur Vilvorde et les lettres de cadrage du premier ministre pour le budget pour 1998 sont, de ce point de vue, de très heureux présages. "

De très heureux présages pour la bourgeoisie, certes. Pour les travailleurs, les ministres n’ont que couplets de morale, il faut attendre, toujours attendre pendant que les bourgeois se servent eux sans compter, au mépris des intérêts collectifs. Ils nous prêchent la résignation pendant que la Bourse bat de nouveaux records.

Ces gens et leur politique ne peuvent apporter que déception, belles paroles par devant, mauvais coups par derrière et si nous n’y étions pas préparés, la démoralisation, comme dans les années 80. Mais la page est tournée. Nombreux sont ceux qui ont bien l’intention de se préparer à rendre les coups.

Une tâche immense nous attend si nous ne voulons pas abandonner notre sort et celui de toute la société entre les mains de cette gauche qui ouvre la route aux pires aventuriers. C’est l’avenir de toute la société qui dépend de nous.

On nous parle beaucoup de citoyenneté pour nous faire oublier que nous sommes d’abord des travailleurs qui ont leurs propres intérêts à défendre. Mais nous sommes aussi des citoyens conscients que seul le monde du travail est capable de s’opposer à la catastrophe sociale dans laquelle les capitalistes et les politiciens qui les servent entraînent toute la société.

Oui, il faut " aider au changement ", par en bas, avec nos propres armes, celles de la lutte de classe. Mais pour ça, il nous faut avoir les mains libres, être lucides et agir en toute conscience en fonction de nos propres intérêts sans écouter les discours de ceux qui ne savent que prêcher la résignation et la patience alors que le chômage et la misère ne cessent de faire de nouveaux ravages. Une force nouvelle est en train de prendre conscience de la nécessité de s’organiser pour agir collectivement en toute indépendance des partis au gouvernement, fidèle aux seuls intérêts des travailleurs, pour que ceux-ci se donnent les moyens d’agir et d’influencer le cours des choses.

Les dirigeants du PCF en bon ordre derrière Jospin

Les militants du PCF et les travailleurs qui ont voté pour les candidats de ce parti ne peuvent éprouver qu'une profonde amertume, voire un sentiment de colère. Car les mauvais coups contre la classe ouvrière portés par le gouvernement Jospin n'ont pas tardé et vont se multiplier avec la caution des dirigeants du PCF.

Face à la fermeture de l'usine de Vilvorde, ils font tous semblant d'être navrés. Un éditorialiste de "l'Humanité" entérine le fait en concluant son article : "Renault Vilvorde doit être le dernier drame d'un passé révolu". Quant à Robert Hue, il a déclaré que la fermeture de Vilvorde n'était pas "une bonne chose". On l'a vu à la télévision garder imperturbablement le sourire et glisser qu'il y aura d'"autres dossiers difficiles" à affronter. Bref, les dirigeants du PCF à l'unanimité, y compris Gremetz qui n'était pas pour la participation gouvernementale, ils sont tous en bon ordre derrière Jospin.

Ils cherchent à endormir les militants et les travailleurs avec des regrets, des lamentations et des discours anodins sur "l'intervention citoyenne" et "la nécessité de répondre aux attentes des Français". Mais ils se gardent bien de critiquer même mollement le gouvernement. Ils ne veulent pas, par des protestations imprudentes, donner le moindre encoura-gement aux militants et aux travailleurs à s'engager dans des luttes sérieuses contre le patronat et le gouvernement.

De leur côté, les trois ministres "communistes" jouent les bons élèves, effacés et besogneux.

"L'immense gâchis" d'hier et celui d'aujourd'hui

Les dirigeants du PCF montrent ostensiblement à la bourgeoisie que leur parti sera un instrument d'une fiabilité parfaite à tous les niveaux où il pourra lui rendre service. C'est pour conforter cette image-là que Robert Hue est revenu publiquement sur certaines exclusions de membres du PCF intervenues dans le passé pour les condamner.

Evoquant l'exclusion de responsables comme Kriegel-Valrimont, Casanova, Servin ou Tillon, Robert Hue a parlé d'un "immense gâchis". Mais le gâchis ne se situe pas au niveau des règlements de compte entre les dirigeants staliniens. Il réside dans le fait que plusieurs générations de militants ouvriers venus au PC avec un idéal communiste ont été trompés et utilisés pour saboter bien des luttes et pour empêcher une fraction de la classe ouvrière de renouer avec les idées communistes authentiques. Cela s'est traduit entre autres par des assassinats de militants révolutionnaires jusqu’en 1945. Cela s'est traduit par des calomnies, des agressions physiques contre des militants révolutionnaires jusqu'au début des années 70 et par bien des exclusions dans la CGT jusqu'au début des années 80.

De tout cela, Robert Hue n'a pas à s'excuser auprès de la bourgeoisie car ces méthodes accompagnaient une politique anti-ouvrière. Cette politique a permis à la bourgeoisie de sauver au mieux ses profits et ses intérêts généraux. Hue veut simplement que son parti apparaisse le plus social démocrate possible pour accroître ses chances de garder des bonnes places dans les rouages de l'Etat et de la société.

Alors même si les exclusions formelles disparaissent de l'arsenal des dirigeants du PC, cela ne veut pas dire qu'ils laisseront démocratiquement des militants les critiquer sur leur gauche et s'organiser en conséquence.

La direction relayée par l'appareil garde les moyens de marginaliser et de rendre la vie impossible à tous les militants qui s'insurgeraient contre sa politique.

Jospin et Hue sont de mèche. Les militants communistes n'ont pas à en être solidaires

Les militants communistes qui sont troublés ou indignés par la politique de leur parti sont placés devant un choix. Ils peuvent se taire, ronger leur frein, ou s'épuiser en protestations qui ne changeront rien à l'orientation de leur parti. Eventuellement, on les écoutera avec un air faussement compréhensif pour les faire patienter. A terme, cela les conduirait à la démoralisation et réellement à un nouveau gâchis. Mais ils ont un autre choix. Avant qu'il ne soit trop tard, ils doivent rompre avec leurs dirigeants qui sont de mèche avec Jospin pour imposer de nouvelles mesures d'austérité aux travailleurs. Ils n'ont pas à prendre la moindre responsabilité dans cette politique que, bien sûr, dans 5 ans ou dans 10 ans, Robert Hue condamnera comme ayant été "une erreur"!

Par contre, ils peuvent consacrer tout leur dévouement, toute leur énergie, à faire surgir une nouvelle force politique réellement communiste. C'est dès maintenant que les militants communistes et les militants révolutionnaires doivent discuter entre eux, car dans un avenir proche, ils devront conjuguer leurs efforts pour jeter les bases d'un véritable parti communiste au service exclusif des travailleurs.

Retour de Hong Kong à la Chine : l'impérialisme anglais sauvegarde ses intérêts et la bourgeoisie chinoise prend la relève

Mardi 1er juillet, Hong Kong est devenu chinois. Ce sont plus de 150 ans de présence coloniale britannique qui s'achèvent.

Au milieu du 19ème siècle, c'est par le trafic en contrebande de l'opium que la Grande Bretagne s'impose en Chine. En 1839, un fonctionnaire chinois fait détruire 20 000 caisses d'opium. Les Anglais en profitent pour déclarer la guerre à la Chine. Les canonnières anglaises bombardent les ports chinois, des troupes débarquent en masse : c'est la première guerre de l'opium. La Chine vaincue cède l'île de Hong Kong à la Grande Bretagne.

Mis à part l'intermède de l'occupation japonaise de 1941 à 1945, Hong Kong restera une des têtes de pont du capitalisme occidental en Asie. Le groupe anglais Jardine-Matheson, aujourd'hui premier employeur de Hong Kong (60 000 personnes) et premier propriétaire immobilier du territoire, a bâti sa fortune sur l'opium. L'île n'a jamais perdu son statut de colonie : les habitants de Hong Kong n'ont jamais obtenu la citoyenneté britannique, il n'y a jamais eu d'élections au suffrage universel à Hong Kong (le territoire était dirigé par un gouverneur nommé par l'impérialisme anglais). Les manifestations ont été longtemps interdites. En 1967, l'occupant anglais réprimait brutalement une manifestation de la population réclamant des droits démocratiques. La seule liberté était celle du commerce et des affaires. Les Vietnamiens fuyant leur pays dans les boat-people n'ont connu de Hong Kong que l'enfermement dans des camps de transit encerclés de barbelés et de miradors. Alors, il faut toute l'hypocrisie des journalistes pour plaindre les habitants de Hong Kong qui vont, selon eux, de nouveau connaître la dictature avec le retour à la Chine

Deuxième place financière asiatique, premier port du monde pour les conteneurs, Hong Kong est une tête de pont pour le commerce international et pour exploiter en Chine et dans tout le sud-est asiatique des dizaines, voire des centaines de millions de travailleurs. Personne n'a envie de tuer la poule aux œufs d'or. Ni les Anglais, ni les dirigeants chinois pas plus que les financiers et les investisseurs américains, japonais, australiens ou européens.

Il n'y a eu ni fuite de capitaux ni krach boursier à Hong Kong la veille de l'arrivée des troupes chinoise, la bourse y a même battu son record. L'immense majorité des capitalistes qui font des affaires à Hong Kong compte bien continuer, en exploitant entre autre la classe ouvrière à Hong Kong et dans les usines délocalisées en Chine continentale. Les entreprises y profitent des facilités offertes par Pékin. Ces travailleurs chinois jeunes, issus des provinces pauvres travaillent pendant 6 jours sur 7, dormant dans des chambres collectives au dessus des ateliers, licenciés au premier arrêt maladie pour un salaire de 350 francs par mois. Les bénéfices reviennent sur la bourse de Hong Kong.

Il y a face aux milliardaires des compagnies, une force sociale jeune et combative : des travailleurs souvent issus de l'immigration viennent à Hong Kong dans des conditions de pauvreté proches de celles des ouvriers chinois. Ce territoire peuplé de 6,3 millions d'habitants n'est pas l'îlot de prospérité que certains commentateurs décrivent avec complaisance : 10% de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, et 25% des habitants ne survivent qu'avec de maigres pensions parce qu'en quelques années, du fait des délocalisations des usines sur le continents, le nombres des ouvriers est passé de 1 million à 430 000. Le chômage et les bas salaires sont le lot quotidien d'une partie importante de la classe ouvrière. Dans la restauration, un employé gagne 10 F de l'heure. De nombreux travailleurs, avec un salaire de 3000 F mensuel, n'ont pas de quoi se loger vu le prix exorbitant des loyers. Des marchands de sommeil louent pour 350 francs par mois des cages grillagées de 2 m² dans des dortoirs ou s'entassent des dizaines de personnes. 285 000 personnes, en particulier des retraités, vivent dans des bidonvilles juchés sur le toit des immeubles.

Mais cette classe ouvrière qui a fait la prospérité de Hong Kong n'est pas soumise. Les 15 000 "amah" (domestiques) originaires des Philippines qui travaillent à Hong Kong, ont monté un syndicat et tous les dimanches se retrouvent par milliers dans le quartier des affaires pour un "pique-nique politique". Des militants chinois, comme le syndicaliste Han Donfang, ont dû trouver refuge à Hong Kong après avoir été expulsés de Chine.

Autant de lien qui se créent entre les travailleurs de Chine, de Hong Kong et des Philippines...