éditorial



Ni dieu, ni césar, ni tribun ; sauvons-nous nous-mêmes

 Sur le marché que constituent les jeunes, la concurrence est rude en ce mois d'août entre les marchands de spectacles en tout genre. 500 000 jeunes se sont réunis à Zürich pour pratiquer leur culte de la "musique" techno. Des manifestations énormes doivent avoir lieu cette semaine aux Etats-Unis pour commémorer le vingtième anniversaire de la mort d'Elvis Presley. L'Eglise catholique fera-t-elle mieux cette semaine à Paris ? Face à la dévotion à l'égard d'un rocker défunt, le petit Jésus va-t-il se retrouver en culotte courte et ne gagner la course à la notoriété mystique que d'une courte tête sur l'hippodrome de Longchamp ? C'est ce qui inquiète le Vatican et l'épiscopat français depuis plusieurs jours. Pour masquer la désaffection des jeunes en France à l'égard du catholicisme, l'Eglise a mis les bouchées doubles en mobilisant massivement des pèlerins dans des pays où elle garde des positions fortes.

Pour assurer le succès de l'entreprise, l'Eglise ne compte pas sur la foi qui déplacerait les montagnes mais de façon bien terre à terre sur les services de l'Etat mettant à sa disposition des milliers de gendarmes et de CRS mais aussi des transports en commun à prix réduits et des centaines de lits dans les foyers des PTT. A quoi il faut ajouter une vingtaine d'heures de diffusion en direct sur les chaînes télévisées publiques pour faciliter la diffusion des idées réactionnaires de l'Eglise. L'Etat fait des cadeaux à l'Eglise sur le dos des contribuables, tandis que soixante entreprises se ruent sur ce pactole. A défaut de multiplier les pains, Sodexho, un des plus gros groupes de la restauration collective, devrait récupérer une bonne galette de profit en servant 4 millions de repas. Ceux qui fabriquent des produits dérivés de même que Publicis ou le groupe Axa-UAP devraient également réaliser de bonnes affaires.

Les liens intimes entre l'Etat, les groupes capitalistes et l'Eglise vont s'étaler au grand jour devant nos yeux pendant toute cette semaine. Ce sont les piliers de l'ordre établi, un ordre inhumain qui tire toute la société en arrière. Dans le concert des nantis qui nous prêchent la patience, la résignation et le renoncement au bonheur sur cette terre, l'Eglise catholique joue sa partition. Elle n'entend pas mettre de l'eau dans son vin de messe pour maintenir son ordre moral dans les rangs de ceux qui lui font confiance. Et dans les pays où elle en a la force, elle l'impose à toute la société au travers des lois et des pressions de toutes sortes. Les positions du pape contre le droit à l'avortement et contre l'utilisation des préservatifs sont tellement révoltantes et contraires à la dignité des hommes et des femmes que bien des jeunes catholiques ont du mal à les assumer. Mais pour que nul n'ignore que sa position reste inchangée, le pape doit aller se recueillir sur la tombe de Jérôme Lejeune, un professur de médecine créateur du mouvement Laissez-les-vivre et inspirateur des commandos qui prétendent interdire aux femmes, par la force, d'avoir recours à l'I.V.G. Comme toutes les autres sectes religieuses, petites ou grandes, l'Eglise catholique prétend dicter à tout un chacun comment il doit penser et comment il doit vivre selon des normes rétrogrades et mutilantes. Il y a quelque chose d'assez pathétique dans le fait que parmi ces milliers de jeunes, s'il y a un certain nombre de dévots hypocrites, défenseurs zélés des conformismes les plus réactionnaires, il y a aussi des jeunes qui cherchent dans ce type de rassemblements des raisons de se tourner vers les autres et d'aspirer à un monde meilleur. Ces sentiments qui pourraient être facteurs de progrès sont dévoyés par les prêtres.

Mais n'en est-il pas de même dans toutes les églises, sectes, associations et partis qui détournent à leur profit des aspirations qui permettraient de transformer la société en faisant disparaître toutes les formes d'exploitation et d'oppression ?

Dans un des couplets de "l'Internationale" il est dit : "Ni dieu, ni césar, ni tribun ; Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !". Cela garde toute son actualité. Les jeunes et les travailleurs n'ont nul besoin des illusions et des faux espoirs que leurs fournissent en abondance ceux qui se présentent comme des prophètes, des gourous, ou des stars pensant et agissant à leur place.

Nous devons nous dégager de l'emprise de tous les endormeurs professionnels qui veulent que l'on s'incline devant leur autorité factice, qu'on se mette à genoux devant des abstractions ; et tout cela pour nous détourner de la vie concrète et des possibilités qu'elle nous offre. Car il n'y a pas que les curés et les imams qui prêchent la résignation aux exploités. Il y a aussi tous les politiciens qui servent les intérêts de la bourgeoisie. Ceux qui sont actuellement au gouvernement nous prêchent la patience et le renoncement à nos armes de classe. On vient même de voir un Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur mais aussi des cultes, vanter les mérites de "l'héritage du judéo-christianisme" qui serait d'après lui un des fondements de la république et se réjouir de la tenue des "Journées mondiales de la jeunesse" en France ce qui flatte sa fibre nationaliste. Dans cette affaire les dirigeants du Parti Communiste n'ont pas fait preuve de beaucoup moins de complaisance à l'égard de l'Eglise catholique que ce soit dans leur presse ou en participant à une rencontre avec des pèlerins à Ivry au stade Lénine (qu'il aurait bien fallu débaptiser pour la circonstance). Comment pourrions-nous faire confiance à ces politiciens de gauche qui se mettent à genoux aussi bien devant le patronat que devant l'Eglise ?

L'espoir pour les travailleurs repose sur la vérité et non sur les mensonges des prêtres et des politiciens. La vérité, c'est qu'il n'est pas possible, par aucune mesure et par aucune prière, de rendre plus supportable et moins aberrant le système capitaliste. L'espoir pour nous consiste à nous donner les moyens de le faire disparaître pour construire une société réellement humaine. Le bonheur sur terre pour les hommes exige d'en finir avec lui. Cela nous le ferons de nos mains et par nos luttes pour bâtir une société réellement humaine, une société communiste.

Ils ne voient pas plus loin que le bout de leurs profits...

Le bel optimisme affiché il y a une dizaine de jours par la presse a fait place à des prévisions plus sombres : la hausse du dollar devait, paraît-il, donner de l’air à l’économie en stimulant les exportations de l’industrie française et européenne. Mais voilà que la Bourse, sous le choc de la crise survenue dans les pays du sud-est asiatique, a subi une des plus fortes baisses de ces dernières années, et que le dollar commençait à baisser à nouveau.

Les prévisions des économistes, à l’image des fluctuations du dollar et des cours de la Bourse, alternent " bonnes " et " mauvaises " nouvelles, tant les capitalistes, guidés seulement par leur soif de profit immédiat, sont incapables de contrôler leur système qui n’obéit qu’aux lois aveugles du marché et de la concurrence.

La hausse du dollar était bon signe, nous disait-on.

Pour les industriels français à coup sûr, parce que, avec un dollar fort, ils exportent davantage, les produits fabriqués en France étant moins chers sur les marchés où le dollar fait la loi. Ils grignotent ainsi quelques parts de marché.

Mais si nos capitalistes peuvent profiter momentanément de cette aubaine en vendant moins cher, il faut bien que quelqu’un paye la différence, nous. La hausse de 10 centimes du prix de l’essence en a été la démonstration. Les capitalistes gagnent en exportant, la population paye la note du fait de la hausse des prix des importations.

D’autant plus que cette augmentation des exportations tient aussi au bon marché des produits fabriqués ici, avec toujours moins de travailleurs, de moins en moins payés. Les exportations augmentent, mais la consommation intérieure diminue, de 2,8 % au premier semestre, a annoncé la presse. Résultat du chômage et de l’appauvrissement du monde du travail.

Les parts de marché que les capitalistes peuvent gagner aux exportations, c’est nous qui en payons les frais. Les profits nouveaux qui s’en dégagent, loin d’assurer le développement de la croissance, contribuent à restreindre la consommation de la population, et alimentent la crise.

La hausse du dollar elle-même n’est que l’expression de l’aggravation de la crise : les capitaux cherchent refuge dans la monnaie et les emprunts d’Etat censés être les plus sûrs, aux Etats-Unis, dont la bourgeoisie est la plus riche et la plus puissante.

La fragilité de l’économie, qui repose sur un échafaudage gigantesque de dettes, se révèle actuellement dans ces pays d’Asie du Sud-Est, ces " dragons " qu’on nous présentait il y a peu comme une preuve de la vitalité et du dynamisme du capitalisme. La crise qui secoue les places financières de Thaïlande, Corée du Sud, Singapour ou Taïwan, due à l’engorgement des marchés soumis à une concurrence exacerbée, conduit ces pays à la faillite, et leur population à subir comme celle de bien des pays " nouvellement industrialisés " il y a quelques années, les plans draconiens du FMI. La crise monétaire qui rend toutes les places boursières nerveuses et fébriles n’est que le résultat de cette guerre économique sur des marchés saturés. Début d’un enchaînement qui pourrait amener l’économie mondiale au bord de l’effondrement, et nous préparer le pire.

Quoi qu’il en soit, cette course effrénée au profit à court terme, cette concurrence féroce à laquelle se livrent les capitalistes sur les marchés mondiaux, c’est le monde du travail, ici, et partout dans le monde, qui en paye l’addition par un appauvrissement constant. Des marchés engorgés de marchandises non vendues alors que la misère, les besoins non satisfaits augmentent : c’est l’aberration révoltante à laquelle conduit la domination et la politique de la bourgeoisie dont la seule fin est l’appropriation par quelques-uns du travail collectif de centaines de millions d’hommes.

Vive les fêtes !

Le 20 septembre à Rouen aura lieu la fête organisée à notre initiative en commun avec la LCR, l’ART et la Gauche Révolutionnaire. Les 27 et 28 septembre à Bordeaux, c’est avec la LCR que nous organiserons une fête commune. En prenant l’initiative de proposer l’organisation de telles fêtes unitaires là où nous le pouvions, nous avons voulu faire un geste qui affirme la nécessité mais aussi la possibilité pour les révolutionnaires d’agir ensemble, de regrouper leurs forces, chaque fois que cela est possible, sans nuire à l’identité de chacun. Bien au contraire, ces fêtes seront l’occasion pour chacun tout en affirmant les buts et objectifs communs de dire les divergences qui font qu’aujourd’hui des tendances existent de façon indépendante.

Cet émiettement de l’extrême-gauche est de toute évidence un lourd handicap sur le chemin de la construction d’un parti révolutionnaire réellement lié par toutes ses fibres à la classe ouvrière. Nous avons longtemps milité à Lutte Ouvrière parce que cette organisation a pendant longtemps lutté contre le sectarisme et l’opportunisme qui conduisent l’un et l’autre au repli sur soi et au refus de la discussion, de la confrontation. Nous voulons dans la mesure de nos moyens continuer d’agir dans le même sens.

Nous espérons que ces fêtes rencontreront un écho qui leur donnera une signification qui ne sera pas purement locale, qui s’imposera à tous, qui affirmera le besoin du plus grand nombre des militants et des sympathisants d’extrême-gauche de sortir de cet émiettement que le passé peut-être justifie. Mais l’avenir exige que nous soyons capables de le dépasser sans que quiconque soit obligé de sacrifier sa personnalité politique et ses idées dans la mesure où chacun veut se battre dans le camp de la classe ouvrière en toute fidélité avec les intérêts et les traditions du mouvement ouvrier révolutionnaire, c’est-à-dire sans faire la moindre concession au gouvernement qui est à la tête de l’Etat de la bourgeoisie. " Tous ensemble, préparons les luttes et un autre avenir " est le slogan qui préside les fêtes communes. Parions que ces fêtes augurent bien de cet avenir.

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